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« … Les « petits gestes » et autres « initiatives individuelles » sont certainement bienvenus. Mais ce n’est plus la question de fond. Un problème systémique ne peut avoir de solution que systémique. Il faut une révolution politique, poétique et philosophique. Dans un jeu où nous sommes sûrs de perdre, il n’est pas utile de faire un bon coup, il faut changer les règles. Le reste relève du détail ou du cache-misère…
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… Il ne faut pas renoncer à la croissance, il faut la redéfinir. Je pense sincèrement qu’il y a quelque chose de profondément débile – je n’ai pas de mot plus poli – à nommer croissance une éradication systématique de la vie sur terre. La croissance vraie ne pose aucun problème : l’amour, la créativité, l’entraide, la connaissance, les explorations artistiques et scientifiques peuvent évidemment croître. Elles le doivent ! Mais la production délirante d’objets inutiles, devenue une fin et non plus un moyen, doit être nommée pour ce qu’elle est : une maladie. S’il faut la nommer croissance, alors voyons-la comme une croissance tumorale.
Que les délinquants en costume osent qualifier de « progrès » le délire techno-nihiliste qui consiste à attendre le bus en parcourant son mur Facebook et sa galerie Instagram, bercé par les notifications Snap et Twitch, à proximité d’une poubelle connectée – alors même que les chants d’oiseaux ont presque disparu et que lire devient une quasi-anomalie – relève de l’aliénation.
Ne nous faisons pas d’illusions : il n’y aura aucune retenue de la part des chercheurs et des acteurs industriels. Ils demeurent, pour la plupart, prisonniers des carcans de leurs corporations et englués dans leurs pointilleuses convictions ratant la vision globale. Mais l’enjeu n’est pas de se restreindre : il consiste à s’interroger sur ce qui est désirable et à s’enivrer, sans réserve, de nouveaux enchantements.
L’avènement d’une société gestionnaire, étriquée dans ses desseins et sale dans ses rêves, montre qu’avec quelques décennies d’avance, Gébé avait raison. Il est temps de crier : « On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste. » Les bouffons ne sont pas ceux qu’on croit…
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… Je ne suis pas convaincu par les arguments évolutionnistes. L’échec auquel nous faisons face n’est pas l’échec de l’humanité mais d’une petite partie de l’humanité qui emporte beaucoup d’autres vivants dans sa chute. D’innombrables autres cultures humaines ont développé des rapports au(x) monde(s) très différents de celui de la modernité occidentale… »
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À la manière du Professeur Keating dans « Le cercle des poètes disparus » qui demande à ses élèves de monter sur son bureau pour prendre de la hauteur et observer d’un autre point de vue, Aurélien Barrau, astrophysicien, philosophe et poète, nous propose une réflexion visant à élargir notre vision et nos perspectives. Il insiste sur l’urgence de créer et de produire du réel, d’avoir de l’imagination pour enfanter un monde respectant la vie sous toutes ses formes.
Nos mots devraient être précis, choisis, avoir un sens réel et non être les coquilles vides employées par la société de spectacle que certains cherchent à nous imposer…
Là est un riche petit opuscule dont le propos est fort intéressant, à lire vite et sans modération.
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Extraits de : « Il faut une révolution politique, poétique et philosophique » Aurélien Barrau et Carole Guilbaud – 2022 – Éditions Zulma.
Illustrations : 1/ « Planisphère étoiles australes » 2/ « Planisphère étoiles boréales » John Flamsteed 1646-1719.
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Élargir notre vision du monde…
BVJ – Plumes d’Anges.