Archive pour septembre 2021

Guide radieux…

lundi 27 septembre 2021

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« … Pourquoi la vue d’une lampe allumée en plein jour glace-t-elle le cœur ? Pourquoi suis-je toujours fasciné par le partage des ombres et des lumières ?…

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Débarcadère blanc de givre, ciel empli d’étoiles. Au bout d’un long filin je jette un seau à la mer. Il faut mettre à tremper du poisson pour demain. Les sabots cloutés glissent sur les pierres. Quelques étincelles jaillissent. Le courant miroite…

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Midi. Le bruit de la vague et le silence, l’ombre épaulant la lumière, j’ai soudain l’impression que le phare est fondé sur leur équilibre. Et chaque geste le dresse un peu plus.

C’est fragile comme une rencontre d’oiseaux. Il faut être soi-même invisible là-dedans. Et présent pour lancer la ronde.

Toutes les lueurs du jour, qui tournent et volent dans l’air léger de l’escalier, est-ce qu’elles ne se retrouvent pas au soir, dans la couronne de flammes secrètes du foyer ? 

À la lucarne près de laquelle je travaille aujourd’hui, on voit l’horizon partager exactement le ciel et la mer.

Le soir. Tout notre travail est pour l’horizon. Cette lente avalanche de la lumière vers le haut, les prismes la cassent durement, la renvoient au large.

Moi j’ai besoin de lumière, je suis affamé de lumière. Les murs, les cuivres. Par quelle roue d’un moulin secret devrai-je moi-aussi passer ?… »

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La construction du phare d’ArMen – situé à l’extrémité de l’île de Sein –

prit 14 années, un travail titanesque !

La vision de cette « torche » par Jean-Pierre Abraham fut un éblouissement,

l’auteur se sentit attiré par cette vie particulière

comme un papillon l’est par la lumière.

Il demande alors une formation pour en devenir le gardien…

Ce texte – un journal de bord – semble né des brumes,

de l’écume et des vagues qui l’habitent.

Tout est métaphore.

C’est un temps de rites et de taches répétitives, indispensables,

c’est aussi un temps de luttes : les éléments souvent se déchainent,

l’humidité est permanente, pénétrante.

Il faut entretenir l’édifice, le réparer pour ne pas mourir.

C’est une véritable école de la vie dans laquelle l’homme

apprend à se connaître, à explorer son intériorité.

Il fait équipe avec Martin,

ils semblent éprouver un grand respect l’un pour l’autre,

être solidaires dans l’épreuve et dans les joies.

Trois livres l’accompagnent, lus et relus,

scrutés dans leurs moindres détails :

un album sur Vermeer, un autre sur un monastère cistercien

et un dernier de poèmes de Pierre Reverdy.

Les ombres et les lumières omniprésentes

font de ce texte une lecture forte et précieuse,

elle laisse une belle trace.

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Extrait de : « ArMen » Jean-Pierre Abraham 1936-2003.

Illustrations : 1/« La mer »  Wladyslaw Slewinski  1856-1918  2/« Phare sur la côte bretonne »  Théodore Gudin 1802-1880.

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Découvrir sa destinée…

BVJ – Plumes d’Anges.

Musique des paysages…

lundi 20 septembre 2021

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Brocéliande, étoiles tournoyantes à la surface des eaux,

sont-ce les fées qui dansent leur lente sarabande ?

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Rochers du fond des âges, ils sont les mémoires du monde,

mais de quel monde en particulier ont-ils envie de nous entretenir ?

Chacun voit, chacun entend l’Histoire dans son cœur…

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Espaces lointains, respirations de l’océan,

les hautes eaux se font miroirs,

les basses eaux sculptent sur le sable coquilles et coquillages…

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Temps passé et présent, le futur sera semblable :

ici la beauté est cultivée, protégée,

l’harmonie règne en maître, la contemplation est sans fin,

merci la vie…

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Ame des lieux, tout semble habité, vivant,

même au repos, c’est l’aube d’une expérience nouvelle…

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Gardien des rêves ancestraux ? Granits omniprésents,

bruts ou sculptés par la main de l’Homme,

roses ou gris, leur floraison se fait éternelle…

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 Nuées qui obéissent aux vents, herbes folles et fougères

bougent élégamment, tout semble calme aujourd’hui,

demain sera un autre jour…

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Etendue de lumière, le ciel qui s’assombrit,

mer étale, doux instant de repos,

l’oiseau le sent et apprécie…

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Bretagne paisible ou balayée par Éole,

combats d’ombres et de lumières,

l’océan et le ciel travaillent sans cesse

pour polir les paysages de roses bruyères et de bruns ajoncs, 

pour lustrer l’âme d’un pays enchanté et enchanteur…

Ah, le beau voyage !

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 « … Il y a une musique du paysage. On l’a rarement écoutée. Avant la civilisation, oui, peut-être – et encore. Peut-être les hommes primitifs guettaient-ils uniquement les bruits, les sons qui concernaient leur survie : le craquement d’une branche signalant l’approche d’un animal, le vent qui annonce la tempête… Loin d’entrer dans le grand rapport, ils rapportaient tout à eux. Il est possible que j’exagère. Peut-être qu’ici et là il y avait des oreilles pour écouter la musique pure du paysage qui n’annonce rien. Ce qui est sûr, c’est qu’avec l’arrivée de la civilisation et surtout son développement, on n’écoute plus rien de tel. Le civilisé écoute les harangues politiques, il écoute les homélies religieuses, il écoute toutes sortes de musiques préfabriquées, il s’écoute. Ce n’est que maintenant (la fin de la civilisation ?) que certains, ces solitaires, des isolés, se remettent à écouter le paysage… »

Kenneth White – extrait de « La maison des marais »

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Photos BVJ – Septembre 2021.

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Longer les côtes de nos rêves, pénétrer les vastes paysages…

BVJ – Plumes d’Anges.