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« … Ce qu’il me faut avant tout en ce moment, c’est de l’espace, un grand espace de vie pour la méditation ultime…
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… Le sens du monde tout grand ouvert. Le sens de la matière brute. Le sens de l’espace américain. Les sens. On ne les approfondit jamais assez. Mais auparavant, il faut les ouvrir, tous. Peut-être, à la fin, un seul sens, immense. Cependant il ne faut pas non plus trop se hâter de créer des unités. Mieux vaut garder tout pluriel et en mouvement. Une cohérence ouverte… Nous ne voulons pas que Dieu, ou l’Un, s’immisce à nouveau en nous. Même si nous retournons à l’Un, ce ne sera pas le même…
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… La chose à faire aujourd’hui serait-elle de construire une bibliothèque atlantique, quelque part à la lisière du monde, un foyer d’énergie qui transcenderait tous les bavardages ? Ou bien, au-delà de toutes les bibliothèques devrions-nous essayer de mettre le doigt sur le pouls de notre terre vivante et laisser parler, même de façon fragmentaire, le monde primordial ?
Les deux, sans doute…
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… Ce n’est qu’une fois sortis du système que nous commençons à voir les choses dans une claire lumière. Le monde brille d’un éclat qui semble surnaturel simplement parce que, pour une fois, il est entièrement naturel, c’est à dire non sophistiqué, non corrompu par les notions scientifiques, philosophiques et utilitaires à l’aide desquelles nous recréons habituellement le monde à notre triste image…
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… Chaque fois qu’un espace vide se présente quelque part dans notre civilisation, au lieu d’y voir une occasion d’approfondir notre sens de la vie, nous nous empressons de le remplir de bruit, de jouets et de « culture ».
C’est pourquoi nous avons besoin de lieux comme le lac des Huttes Sauvages.
Des lieux où nous pouvons écouter le monde…
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… Peut-être pouvons-nous apprendre à écouter le monde à nouveau. Qui sait quel secret se révèlerait alors à nous ?
Écouter le monde…
Je pense à la grande vision d’Élan Noir :
« Tout d’un coup il n’y avait rien qu’un monde de nuages, et nous étions seuls au milieu d’une immense plaine blanche, et de hautes montagnes couvertes de neige nous dévisageaient. Un grand silence régnait, mais il y avait des chuchotements. »
Et je pense à ce poème :
Écoutez vieil homme écoutez
écoutez sans bouger
longtemps longtemps écoutez
sur les chemins où se ruent les vents écoutez
au cœur des vents où vous êtes assis écoutez
soyez très vieux et écoutez.
Le yoga du lac des Huttes Sauvages.
Je reconnais que le mot yoga me gène. J’aimerais trouver une formule plus ordinaire.
Disons simplement : rester tranquille, attentif, s’ouvrir à l’univers.
Tout l’après-midi, je reste là à écouter.
Quand le soir tombe, je murmure ces mots :
Je vis aujourd’hui, mais je ne vivrai pas toujours
Soleil rouge, toi seul tu demeures
Lune blanche, toi seule tu demeures
Terre merveilleuse, toi seule tu demeures…
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… Tout en déambulant, j’imagine un groupe d’hommes et de femmes venus de toutes les parties du monde, formant un archipel d’esprits ouverts. Non pas tant artistes qu’explorateurs de l’être et du néant. Erratiques et extravagants, à la recherche de nouvelles configurations, à l’écart du champs de la culture ordinaire.
Nouvelles énergies mentales. De l’air frais qui soufflerait sur le monde !… »
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Extraits de : « La route bleue » 1983 Kenneth White.
Tableaux : 1/« Moine devant la mer » Caspard David Friedrich 1774-1840 2/ « Sommet des Sierras » Thomas Moran 1837-1926 3/« Mont Hood » William Samuel Parrott 1844-1915 4/« Femme indienne » Cornelius Krieghoff 1815-1872.
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Se re-lier à la belle énergie du monde…
BVJ – Plumes d’Anges.