Archive pour février 2022

Optimiste optimisme…

lundi 28 février 2022

.

.

« … Ce livre porte sur une idée radicale.

C’est une idée qui angoisse les puissants depuis des siècles. Une idée contre laquelle les religions et les idéologies se sont battues. Une idée dont les médias parlent rarement et que l’histoire semble sans cesse réfuter.

En même temps c’est une idée qui trouve ses fondements dans quasiment tous les domaines de la science. Une idée démontrée par l’évolution et confirmée par la vie quotidienne. Une idée si intimement liée à la nature humaine qu’on n’y fait souvent même plus attention.

Si nous avions le courage de la prendre au sérieux, cela nous sauterait aux yeux : cette idée peut déclencher une révolution. Elle peut mettre la société sens dessus dessous. Si elle imprègne véritablement notre cerveau, elle peut même devenir un remède qui change la vie, qui fait qu’on ne regardera plus jamais le monde de la même façon.

L’idée en question ?

La plupart des gens sont des gens bien…

.

Le 29 août 2005, les digues de la Nouvelle-Orléans rompirent. L’ouragan Katrina se déchaîna sur la ville, laissant dans son sillage 80% de maisons sous l’eau. Il s’agissait de la plus grande catastrophe naturelle de l’histoire des États- Unis. Au moins 1836 personnes perdirent la vie.

Cette semaine-là, les journaux regorgèrent de récits de viols et de fusillades dans la ville. Des histoires sordides circulèrent sur des gangsters errant de pillage en pillage, ou sur un tireur d’élite qui ouvrait le feu sur les hélicoptères des secours.(…) Le chef de la police déclara que la ville sombrait dans l’anarchie, et la gouverneure de la Louisiane craignait la même chose. « Ce qui me met le plus en colère, déclara-t-elle, c’est que des désastres comme celui-ci font souvent ressortir ce qu’il y a de pire chez les gens. »(…) Ce n’est que plusieurs mois plus tard – une fois que les journalistes eurent disparu, que l’eau eut été pompée et que les chroniqueurs eurent trouvé d’autres sujets – que les scientifiques découvrirent ce qui s’était réellement passé à la Nouvelle-Orléans.

Il s’avéra que les sifflements des balles provenaient de la soupape d’un réservoir à essence. Dans le stade de Superdome, six personnes avaient perdu la vie : quatre de mort naturelle, une par overdose et une par suicide. Le chef de la police dut admettre qu’il n’avait pas reçu le moindre rapport officiel de meurtre ou de viol. Et certes, de nombreux pillages avaient eu lieu, mais principalement du fait de groupes qui collaboraient pour survivre, parfois avec l’aide de la police elle-même. Les chercheurs du Disaster Research Center de l’université du Delaware conclurent que « la réaction majoritaire avait été de loin, une attitude prosociale »(…) Bref, la ville n’avait pas été submergée par l’égoïsme et l’anarchie. Elle avait été submergée par le courage et l’amour de son prochain.(…)

Dans les situations d’urgence, c’est ce que les gens ont de meilleur qui remonte à la surface. Je ne connais aucune notion sociologique qui soit à la fois aussi solidement étayée et aussi superbement ignorée. L’image dépeinte par les médias est invariablement l’inverse de ce qui se produit réellement après une catastrophe.(…)

« Ma propre impression, écrit Rebecca Solnit, qui a décortiqué l’ouragan Katrina  dans le magistral A Paradise Built in Helle (2009), c’est que la « panique de l’élite » est le fait de puissants qui se représentent le genre humain à leur propre image. » Rois et dictateurs, gouverneurs et généraux pensent que le commun des mortels est égoïste, car bien souvent, ils le sont eux-mêmes. Ils font usage de la force parce qu’ils veulent éviter quelque chose qui ne se produit que dans leur imagination… »

.

Rutger Bregman, écrivain, journaliste et historien néerlandais nous offre là un essai des plus intéressant et bien sourcé : il a enquêté sur de très nombreux sujets et sa conclusion est que l’homme est bon par nature.  Il s’est rendu compte que les sinistres informations véhiculées au moment des tragédies sont des exceptions, très souvent erronées. Médias, réseaux sociaux… s’empressent de commenter, des faits sont relayés qui s’avèrent parfois être des inventions. Certains aiment appuyer sur de tristes touches pour attirer les curieux en tous genres.

Il y a pourtant chaque jour dans le monde de magnifiques et émouvantes histoires, de nobles comportements qui nous inspireraient tous plutôt que de nous anéantir psychologiquement. Certaines institutions prenant conscience de ce fait, ont changé de regard, ont transformé leurs règlements. Nous le voyons par exemple dans ce chapitre relatant une expérience étonnante :

.

« … Dans une forêt de Norvège, à environ 100 kilomètres au sud d’Oslo, se trouve l’une des prisons les plus bizarres au monde.

Il n’y a pas de cellules, ni de barreaux. Il n’y a pas de surveillants trimballant des pistolets ou des menottes. Par contre, il y a une forêt de bouleaux et de pins, un paysage de collines ondulantes parcouru de sentiers et, tout autour, un haut mur d’acier – l’un des rares éléments rappelant que des personnes se trouvent tout de même enfermées ici.

Les habitants de la prison de Halden – c’est son nom – ont chacun leur propre chambre. Avec chauffage au sol, écran plat, salle de bain attenante. Il y a des cuisines où les détenus peuvent cuisiner eux-mêmes, avec des assiettes de porcelaine et des couteaux en inox. Halden dispose aussi d’une bibliothèque, d’un mur d’escalade et d’un authentique studio d’enregistrement, où les habitants peuvent enregistrer leurs propres disques… »

.

Le taux de récidive des prisonniers y est très faible.

En règle générale – il y a toujours quelques exceptions ou dérapages –

bienveillance, intelligence, compassion sont les « moteurs » qui animent les hommes,

mais qui en parle ?

Ne l’oublions pas, ne passons pas à côté de la réalité,

ce serait dommage,

recherchons la pensée la plus juste possible,

forgeons notre propre idée sur les évènements,

là est le propos de ce livre dont je vous conseille la lecture.

.

Extraits de « Humanité – Une histoire optimiste »  2020  Rutger Bregmam.

Illustrations : 1/ « Magnolia »  2/ « Roses japonaises et cynorrhodons »  Charles Walter Stetson  1858-1911.

…..

Aiguiser notre regard…

BVJ – Plumes d Anges.

Temps paisible…

mercredi 23 février 2022

.

.

« … Cette année encore, les lucioles sont apparues. Innombrables. L’année dernière, j’ignorais que c’étaient des lucioles miniatures. En comparaison des autres, lucioles genji ou heike, elles sont infiniment plus petites. À peine cinq millimètres sur le doigt qui s’en empare délicatement. À la différence des autres lucioles qui ne peuvent naître que près des eaux claires, les princesses sortent de terre. Elles pondent leurs œufs sur l’humus, les feuilles mortes ou les branches d’arbre tombées, elles vivent aussi dans les bois. Est-ce à cause de l’intensité de leur activité, non seulement près de l’eau de source, mais aussi dans la forêt profonde, elles brillent de leur belle lumière phosphorescente. Les lucioles qui s’étaient posées sur le blanc immaculé des fleurs m’ont donné l’impression d’une illumination féerique d’un vert merveilleux. Les mâles ne peuvent pas voler, mais ils ont le pouvoir d’émettre de la lumière, et ils se déplacent sur les arbres, sur les feuilles. Cette lumière vive clignotait un peu partout sur le marais…

.

Dans le calme de la péninsule, on s’aperçoit bien vite à quel point la télévision est vulgaire et gênante. Contrairement à la musique que je peux choisir selon mes goûts, j’ai beau changer de chaîne, je ne tombe que sur des émissions abrutissantes. Alors, j’éteins le poste et je sors sur la véranda.

Est-ce Buson qui a chanté l’« aveuglante lumière de la lune sur les rochers d’hiver » ? On croit entendre le craquement de la lumière sur les branches, sur la moindre pierre. Les ombres noires dans la forêt, la rangée des petits arbres devant l’entrée, la route qui passe devant la maison en plan incliné, tout déborde du crépitement silencieux des éclats tranchants du clair de lune. Moi, je me penche sur la profondeur des ténèbres silencieuses où ni voiture ni âme ne passe, et mon oreille savoure l’ineffable plaisir d’être absorbée par la densité du silence…

.

Les Kawahara sont allés tous les deux au jardin et ils ont coupé pour moi une branche de pêcher qui commençait à fleurir. J’hésitais, me demandant comment j’allais pouvoir l’emporter. Kawahara, qui ne parle pas beaucoup, a dit : « Qu’est-ce-que ça peut faire, si les fleurs se fanent ? Il suffit qu’elles tiennent aujourd’hui. »… »

.

Faire une pause dans sa vie, qui n’en n’a pas rêvé ?

La narratrice qui vit et travaille à Tokyo, possède une cabane entre forêt et falaises. Elle y vient régulièrement, pour de courts séjours. Arrivée à un âge mûr, elle s’éloigne de la ville et vient s’immerger dans ce lieu de beauté avec son chat, pour un temps indéterminé. Elle a besoin de se retrouver, de faire un point.

Ici, elle vit au jour le jour, cultive ardemment son jardin, se promène sur les chemins, pénètre dans la forêt avoisinante, fait plus ample connaissance avec de rares voisins. C’est un retour aux sources, elle observe, écoute, se nourrit de tous les trésors offerts par la nature, les jours s’égrainent sans jamais se ressembler. Elle vit au rythme du calendrier traditionnel japonais qui divise l’année en 24 saisons. Elle guette les signes, travaille la terre, débroussaille, sème, plante, récolte… La vie est calme, sa présence au monde lui fait faire des découvertes. Elle réfléchit à ce qu’elle ne veut plus et petit à petit définit ce qu’elle veut… C’est un très joli moment de lecture, d’une incroyable douceur, les descriptions nous emportent dans des tableaux, nous sommes nous-aussi sur cette péninsule…

.

Extraits de : « La péninsule aux 24 saisons »  Inaba Mayumi  1950-2014.

Illustrations : 1/ « Oiseaux et kakis »  Kobayashi Kiyochika   1847-1915   2/ « Chutes de Yuhi à Shiobara »  Hasui Kawase  1883-1957.

…..

Faire une pause dans un lieu paisible…

BVJ – Plumes d’Anges.

Monde sublunaire…

mercredi 16 février 2022

.

.

« Pourra-t-on un jour vivre sur la terre

Sans colère, sans mépris,

Sans chercher ailleurs qu’au fond de son cœur

La réponse au mystère de la vie ?

 

Dans le ventre de l’univers

Des milliards d’étoiles

Naissent et meurent à chaque instant

Où l’homme apprend la guerre à ses enfants.

 

J’suis trop petit pour me prendre au sérieux

Trop sérieux pour faire le jeu des grands

Assez grand pour affronter la vie

Trop petit pour être malheureux.

 

Verra-t-on enfin les êtres humains

Rire aux larmes de leurs peurs

Enterrer les armes, écouter leur cœur

Qui se bat, qui se bat pour la vie ?

 

Trop petit

Pour les grands

Assez grand

Pour la vie.

 

J’suis trop petit pour me prendre au sérieux

Trop sérieux pour faire le jeu des grands

Assez grand pour affronter la vie

Trop petit pour être malheureux.

 

J’suis trop petit pour me prendre au sérieux

Trop sérieux pour faire le jeu des grands

Assez grand pour affronter la vie

Trop petit pour être malheureux.

 

J’suis trop petit pour me prendre au sérieux

Trop sérieux pour faire le jeu des grands

Assez grand pour affronter la vie

Trop petit pour être malheureux.« 

.

Jacques Higelin  1940-2018  « La croisade des enfants » à écouter –> ICI

.

Je m’informe, je recherche, j’écoute, je regarde, je croise… comme vous certainement.

Nous sommes entrés en France dans une période pré-électorale et quand je vois la « profondeur » des programmes qui commencent à apparaître, je me sens d’un autre monde, ni supérieure ni inférieure aux autres mais simplement d’un autre monde. Ces programmes ressemblent à des catalogues de vente par correspondance, il y a de longues listes de promesses, à aucun moment d’ailleurs on ne parle du coût, de la mise en œuvre, du comment seront subventionnées ces réalisations et dans quels délais.

Je tremble à l’avance sur de nombreux sujets, par exemple lorsque des candidats annoncent calmement la construction de nouvelles centrales nucléaires, cela me semble fou, souvenons-nous de Tchernobyl et de Fukushima, plaies sur la terre qui ne cessent de saigner et saigneront longtemps encore… Où est la VISION de ces gens, quelle est-elle, briguent-ils un mandat présidentiel pour eux, pour leur ego ou pour améliorer la vie des hommes et le mieux vivre ensemble ?

Je vous livre là « mon indignation du jour »,

je tente de faire confiance au ciel qui organise tout

et repars écouter l’ami Higelin, il me fait du bien à l’âme.

Je n’oublie pas de noter sur mon petit carnet :

– Penser à s’entourer de poètes, penser à s’entourer d’enfants –

il n’y en aura jamais trop !

.

Illustrations : 1/ et 2/ « Atlas du monde céleste : Carte de l’hémisphère nord et

Carte de l’hémisphère sud »  Johan Gabriel Doppelmayr  1677-1750.

…..

Alléger son cœur auprès des funambules…

BVJ – Plumes d’Anges.

Déploiement d’un monde…

vendredi 11 février 2022

.

.

Je ne sais si vous partagerez ce que j’observe, je crois aux signes…

Imaginez un livre qui tombe d’une étagère

et qui « git »sur le sol ouvert à une page…

En voici plusieurs lignes, il s’agit d’un conte amazonien…

.

« … « Un homme chuchote : Dieu, parle-moi :

Un oiseau se met à chanter

Mais l’homme ne l’entend pas.

L’homme répète :

Dieu, parle-moi.

Une cigale cachée sous l’herbe lance un trille

Mais l’homme ne l’écoute pas.

L’homme regarde autour de lui :

Dieu, laisse-moi te voir.

Une étoile brille dans les cieux

Mais l’homme ne la remarque pas.

L’homme se met à crier :

Dieu, montre-moi un miracle.

Un enfant naît,

Mais l’homme ne comprend pas la force de la vie.

Alors l’homme se met à pleurer et se désespère :

Dieu, touche-moi.

Laisse-moi sentir que tu es là,

Avec moi.

Et un papillon se pose sur son épaule.

D’un geste machinal

L’homme chasse

Le papillon de sa main

Et déçu

Poursuit son chemin

Seul et triste,

Le cœur plein de peur. »

Tout est là, à chaque instant autour de nous, mais nous ne voyons rien. Nous savons ce que nous voulons voir, et nous négligeons le reste. Alors nous passons à côté de tout, de l’amour, de la beauté, de la merveille et de la vie même.

Écoutez ! un rire, un sanglot, une parole, le chant du vent dans les pins. Regardez ! une goutte de pluie qui brille dans le soleil, des yeux attentifs, la trace des saisons sur un visage.

Ne nous laissons pas enfermer en nous-mêmes, ne verrouillons pas les portes et les fenêtres, mais laissons entrer l’air et le soleil et la pluie, toute l’Amazonie, ici même, et le monde entier, et tout l’univers.

Notre cœur est assez grand pour tout contenir… »

.

Tout cela me questionne et m’enchante.

Ne pensez-vous pas qu’il est important :

de croire aux miracles pour que ceux-ci adviennent ? 

de croire en soi pour trouver sa vraie place dans la vie ? 

de croire en sa chance pour que celle-ci apparaisse ?

de croire en la beauté du monde pour l’attirer à nous ? …

Le reste n’est peut-être que bavardage,

aérons notre esprit, ouvrons notre cœur,

les trésors se cachent souvent dans un certain silence,

les signes attrapent la lumière …

.

Extrait de : « Journal de mon jardin zen – Le papillon sur notre épaule » 2009  Joshin Luce Bachoux.

(Un autre extrait –>  ICI )

Photos BVJ – Plage de l’Almanarre dans le Var – 29/01/22.

…..

Observer le monde qui nous est offert…

BVJ – Plumes d’Anges.

Céleste jardin…

samedi 5 février 2022

.

.

Quand un être cher vient à disparaître, une multitude de souvenirs remonte à la surface. Le temps n’existe plus pour ces bulles de mémoire, passé lointain ou proche se mêlent.

La mère de mon époux vient de nous quitter, c’est une lourde peine, toute « disparition » est un chagrin. Elle est partie dignement, en quelques jours, sans souffrance excessive, merci à elle d’avoir eu cette élégance.

Elle a aimé la vie, elle aimait particulièrement la nature, à l’automne dans la forêt des Maures, elle débusquait girolles et safranés… Au printemps, sur les criques du Brusc, les oursins la ravissaient…

Je me souviens, au début des années 70, une découverte m’avait émue, celle d’un joli partage dans une famille très nombreuse : mes beaux-parents habitaient une maison ancienne avec un jardin séparé en deux : au fond, le potager de monsieur T., admirablement entretenu, avec pour proche voisin, un grand prunier Reine-Claude, généreux en fruits. T. avait plaisir à nous offrir ses légumes de belle taille, joufflus, brillants, à la chair sublime. Il ne manquait jamais, étant d’origine polonaise, de planter un rang d’« Ogorki »,  cornichons/concombres… hommage aux ancêtres !

Devant la maison était le jardin de fleurs de madame R. Elle adorait ses fleurs, chaque année elle réinventait son monde, agençait diverses essences, réfléchissait aux couleurs ou semait un gazon japonais qui offrait ses surprises. Elle  aimait particulièrement les rosiers. Elle les nommaient par leur nom, ainsi Grâce de Monaco papotait avec Sarah Bernhard ou la Baronne de Rothschild… R. nous invitait à nous approcher pour sentir ces parfums sublimes, nous vantait la palette des tonalités, la qualité des pétales veloutés, arrachait une herbe sauvage. Elle glissait dans un autre monde, celui de la poésie. Sa grande douleur, ces dernières années, fut de ne plus pouvoir s’occuper de son « pré carré », la terre devenant trop basse.

J’exprime un seul vœu, que le ciel soit son nouveau jardin de roses !

Vos chers disparus ont dû, eux-aussi, vous laisser riches de beaux souvenirs ?

.

« Une fleur tombée

Remonte à sa branche

Non, c’est un papillon »

Takahashi Mutsuo

.

Illustrations : 1/ « Femme et fleurs »  2/ « La palme »  Pastels d’Odilon Redon  1840-1916.

…..

Les beaux souvenirs nous fortifient…

BVJ – Plumes d’Anges.