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« … Ce livre porte sur une idée radicale.
C’est une idée qui angoisse les puissants depuis des siècles. Une idée contre laquelle les religions et les idéologies se sont battues. Une idée dont les médias parlent rarement et que l’histoire semble sans cesse réfuter.
En même temps c’est une idée qui trouve ses fondements dans quasiment tous les domaines de la science. Une idée démontrée par l’évolution et confirmée par la vie quotidienne. Une idée si intimement liée à la nature humaine qu’on n’y fait souvent même plus attention.
Si nous avions le courage de la prendre au sérieux, cela nous sauterait aux yeux : cette idée peut déclencher une révolution. Elle peut mettre la société sens dessus dessous. Si elle imprègne véritablement notre cerveau, elle peut même devenir un remède qui change la vie, qui fait qu’on ne regardera plus jamais le monde de la même façon.
L’idée en question ?
La plupart des gens sont des gens bien…
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… Le 29 août 2005, les digues de la Nouvelle-Orléans rompirent. L’ouragan Katrina se déchaîna sur la ville, laissant dans son sillage 80% de maisons sous l’eau. Il s’agissait de la plus grande catastrophe naturelle de l’histoire des États- Unis. Au moins 1836 personnes perdirent la vie.
Cette semaine-là, les journaux regorgèrent de récits de viols et de fusillades dans la ville. Des histoires sordides circulèrent sur des gangsters errant de pillage en pillage, ou sur un tireur d’élite qui ouvrait le feu sur les hélicoptères des secours.(…) Le chef de la police déclara que la ville sombrait dans l’anarchie, et la gouverneure de la Louisiane craignait la même chose. « Ce qui me met le plus en colère, déclara-t-elle, c’est que des désastres comme celui-ci font souvent ressortir ce qu’il y a de pire chez les gens. »(…) Ce n’est que plusieurs mois plus tard – une fois que les journalistes eurent disparu, que l’eau eut été pompée et que les chroniqueurs eurent trouvé d’autres sujets – que les scientifiques découvrirent ce qui s’était réellement passé à la Nouvelle-Orléans.
Il s’avéra que les sifflements des balles provenaient de la soupape d’un réservoir à essence. Dans le stade de Superdome, six personnes avaient perdu la vie : quatre de mort naturelle, une par overdose et une par suicide. Le chef de la police dut admettre qu’il n’avait pas reçu le moindre rapport officiel de meurtre ou de viol. Et certes, de nombreux pillages avaient eu lieu, mais principalement du fait de groupes qui collaboraient pour survivre, parfois avec l’aide de la police elle-même. Les chercheurs du Disaster Research Center de l’université du Delaware conclurent que « la réaction majoritaire avait été de loin, une attitude prosociale »(…) Bref, la ville n’avait pas été submergée par l’égoïsme et l’anarchie. Elle avait été submergée par le courage et l’amour de son prochain.(…)
Dans les situations d’urgence, c’est ce que les gens ont de meilleur qui remonte à la surface. Je ne connais aucune notion sociologique qui soit à la fois aussi solidement étayée et aussi superbement ignorée. L’image dépeinte par les médias est invariablement l’inverse de ce qui se produit réellement après une catastrophe.(…)
« Ma propre impression, écrit Rebecca Solnit, qui a décortiqué l’ouragan Katrina dans le magistral A Paradise Built in Helle (2009), c’est que la « panique de l’élite » est le fait de puissants qui se représentent le genre humain à leur propre image. » Rois et dictateurs, gouverneurs et généraux pensent que le commun des mortels est égoïste, car bien souvent, ils le sont eux-mêmes. Ils font usage de la force parce qu’ils veulent éviter quelque chose qui ne se produit que dans leur imagination… »
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Rutger Bregman, écrivain, journaliste et historien néerlandais nous offre là un essai des plus intéressant et bien sourcé : il a enquêté sur de très nombreux sujets et sa conclusion est que l’homme est bon par nature. Il s’est rendu compte que les sinistres informations véhiculées au moment des tragédies sont des exceptions, très souvent erronées. Médias, réseaux sociaux… s’empressent de commenter, des faits sont relayés qui s’avèrent parfois être des inventions. Certains aiment appuyer sur de tristes touches pour attirer les curieux en tous genres.
Il y a pourtant chaque jour dans le monde de magnifiques et émouvantes histoires, de nobles comportements qui nous inspireraient tous plutôt que de nous anéantir psychologiquement. Certaines institutions prenant conscience de ce fait, ont changé de regard, ont transformé leurs règlements. Nous le voyons par exemple dans ce chapitre relatant une expérience étonnante :
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« … Dans une forêt de Norvège, à environ 100 kilomètres au sud d’Oslo, se trouve l’une des prisons les plus bizarres au monde.
Il n’y a pas de cellules, ni de barreaux. Il n’y a pas de surveillants trimballant des pistolets ou des menottes. Par contre, il y a une forêt de bouleaux et de pins, un paysage de collines ondulantes parcouru de sentiers et, tout autour, un haut mur d’acier – l’un des rares éléments rappelant que des personnes se trouvent tout de même enfermées ici.
Les habitants de la prison de Halden – c’est son nom – ont chacun leur propre chambre. Avec chauffage au sol, écran plat, salle de bain attenante. Il y a des cuisines où les détenus peuvent cuisiner eux-mêmes, avec des assiettes de porcelaine et des couteaux en inox. Halden dispose aussi d’une bibliothèque, d’un mur d’escalade et d’un authentique studio d’enregistrement, où les habitants peuvent enregistrer leurs propres disques… »
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Le taux de récidive des prisonniers y est très faible.
En règle générale – il y a toujours quelques exceptions ou dérapages –
bienveillance, intelligence, compassion sont les « moteurs » qui animent les hommes,
mais qui en parle ?
Ne l’oublions pas, ne passons pas à côté de la réalité,
ce serait dommage,
recherchons la pensée la plus juste possible,
forgeons notre propre idée sur les évènements,
là est le propos de ce livre dont je vous conseille la lecture.
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Extraits de « Humanité – Une histoire optimiste » 2020 Rutger Bregmam.
Illustrations : 1/ « Magnolia » 2/ « Roses japonaises et cynorrhodons » Charles Walter Stetson 1858-1911.
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Aiguiser notre regard…
BVJ – Plumes d Anges.