.

.
« … Certains voyages ont le goût des myrtilles et, comme elles,
la vertu d’aiguiser le regard…
.
… Là, c’est un rite, Théo se met à genoux au milieu des fougères et boit cette eau qui sourd en bulles fraîches comme goulées de reconnaissance. Ce sont gorgées d’offrande claire. Chaque fois, après avoir bu à la source, il lui semble qu’il perçoit mille fois mieux tout ce qui l’environne. Chants d’oiseaux, stridulations d’insectes, craquements de lourdes branches, cliquetis de feuilles sèches…
.
… J’ai bien tourné le dos au Monde. J’ai voulu disparaître. Dire que je ne sais même plus ce que j’ai voulu quitter ! C’est loin, si loin… Je me dis que je devrais avoir des regrets. Je n’en ai plus. Le sourire des miens, leur tendresse, leurs voix m’accompagnent. Mais ma vie est là, dans cet invraisemblable chaos minéral…
.
… – Tiens, un cadeau pour toi. Elle l’a trouvé il y a deux jours, dans un labour, derrière la tour…
Lita lui tend une minuscule figurine en or massif. Elle représente une femme nue, les bras le long du corps. Elle est l’éternelle image des statuettes primitives. (…)
Théo ne peut la quitter des yeux. Il se dit que tout instant parfait tient du miracle. Le moindre mot, le moindre geste maladroits et tout s’envole comme un éparpillement de moineaux. Il y a chez Lita une telle acceptation des contraintes, il y a en elle un rêve si profond… et le tout cohabite, s’épanche ou se résume dans ce trait vigoureux , signe d’une ardeur en perpétuelle attente : sa bouche…
.
… L’incertitude est mon lot quotidien. Je souhaite simplement, que le plus longtemps possible, la couleur du Monde vienne encore chatouiller mon immense capacité de contemplation. C’est pour ça que je me battrai…
.
… La montagne ondule, vibre, rampe, se secoue, siffle sa colère. Théo sait qu’elle ne peut ignorer sa détresse. Elle, dont il fut l’adopté,, le protégé, le gardien attentif, minuscule point de chair et de délicatesse, chaque jour, chaque nuit, bercé sous son grand corps de pierres rousses assoupies. Elle qui lui parle à voix haute maintenant, soupire, gronde, hoquette, le nomme, lui grogne à sa manière son chagrin partagé… »
.
C’est un roman qui parle d’un fil de lumière au milieu de la « sombritude » du monde. Théo quitte tout et s’en va loin, très loin, il se retrouve au pied d’un volcan au milieu d’une étrange communauté d’âmes, des gens cabossés par la vie et des profiteurs. Théo est en quête de sens, il vit avec un âne merveilleux, Ferdinand, il se lie d’amitié avec Solstice, s’éprend de Lita, construit une cabane dans les brumes au dessus de la rivière, d’abord en bois, puis recouverte de pierres de lave. Il herborise à ses heures et cultive un petit jardin de fleurs. En bas, des forces s’affrontent, le mal fait ses ravages, Théo et Lita tissent un lien indestructible et vont au bout d’eux-mêmes et de leurs convictions profondes.
Ce fil de lumière persiste quand on ferme le livre. Pour vivre en cohérence avec soi-même il faut inévitablement faire des sacrifices. Le chemin choisi est courageux, c’est un chemin de solitude. Dans ces temps agités – comme le cratère d’un volcan actif – et cette période de l’année où les jours sont si courts, on sent l’impérative nécessité de tisser ces fils de lumière…
.

…
Extraits de : « Mayacumbra » 2019 Alain Cadéo.
lllustrations : 1/« Cratère intérieur d’un volcan (Mauna Loa) » William Hodges 1744-1797 2/« Lave volcanique » Helen Thomas Dranga 1866-1927 .
…..
Tisser ardemment son fil de lumière…
BVJ – Plumes d’Anges.