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« … On se réfugiait dans sa penderie, elle était imprégnée de son odeur mêlée à celle de son parfum. S’asseoir par terre, au pied de ses robes, m’apaisait davantage que des caresses.
Ce parfum n’existe plus. Ils l’ont arrêté au début des années quatre-vingt-dix. On devrait trouver des moyens pour empêcher qu’un parfum s’épuise, demander un engagement au vendeur – certifiez-moi d’abord qu’il sera sur les rayons pour cinquante ou soixante ans, sinon retirez-le tout de suite. Faites-le pour moi et pour tous ceux qui, grâce à un flacon acheté dans une parfumerie ou un grand magasin, retrouve l’odeur de leur mère, l’odeur d’une maison, d’une époque bénie de leur vie, d’un premier amour ou, plus précieux encore, quasi inaccessible, l’odeur de leur enfance….
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… Dans la voiture, mon père aimait glisser une cassette de Léo Ferré, il se délectait de sa propre mélancolie et des paroles d’Avec le temps, « Avec le temps, va, tout s’en va, même les plus chouettes souvenirs »… Je me sentais au contraire incroyablement soulagée à l’idée que l’on s’allégeait avec le temps, qu’on pouvait faire place nette, recommencer.
Je ne le crois plus, à présent. Qu’on en souffre ou qu’on ait du plaisir à revenir en arrière, je suis sûre qu’avec le temps « tout ne s’en va pas ».
Tout reste, les voix, les lieux, les images.
Tout demeure, à portée de pensée.
Et s’éclaircit… »
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Extraits de : « Les rêveurs » 2018 Très émouvant premier roman d’Isabelle Carré.
Illustrations : 1/« Magnolia blanc » Pal Szinyei Merse 1845-1920 2/« Le 1° mai 1851 » – détail – Franz Xaver Winterhalter 1805-1874 3/« Fraises » Virginie de Sartorius XIXème.
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Se décider riches de tout notre passé…
BVJ – Plumes d’Anges.