Archive pour janvier 2024

Échanges…

samedi 20 janvier 2024

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« D’instant en instant

Germe le temps qui me tisse

File le temps qui me traque

S’écourte le temps qui me fuit

 

D’instant en instant

Captif du temps qui s’élance

Je navigue

Sur les jeux du songe

Sur le flux du présent

Sur l’élan de l’âme

Sur les remous du cœur

 

D’instant en instant

Au rythme du temps qui nous modèle

Nos ombres se démènent

Sur la toile de la vie. »

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« D’instant en instant » – Andrée Chédid  1920-2011.

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« Au fond des criques intimes

Où les ressacs rongent nos fibres et nos tissus

Nous oublions

 

Tapis dans nos chagrins

Qu’au loin qu’autour

L’étendue vibre

 

Comment y pénétrer ?

Comment surgir de ces ravages ?

Extirper l’âme de ces dégâts ?

 

Comment restituer beauté à la beauté ?

 

Comment soutenir

 

Même d’un cœur en fracture

Le jeu précaire et prodigue

De cette vie

Aux aguets ? »

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« L’étendue vibre »  Andrée Chédid  1920-2011.

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Aujourd’hui… un peu de vague à l’âme… Demain sera un autre jour…

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Illustrations : 1/ « Les coquettes »  2/ « Les odalisques »  Jacqueline Marval  1866-1932.

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Se montrer patient…

BVJ – Plumes d’Anges.

 

Révélation…

dimanche 14 janvier 2024

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« … L’or fait courir le monde mais le monde se trompe de course, on ne fait pas belle fortune en vidant les rivières, et surtout quand l’or est de la pyrite de fer. Aujourd’hui, à part les quelques enfants qui ressuscitent les survivantes pour jouer à se faire peur, les cailloux n’intéressent plus personne et il n’en reste de toute façon plus guère. À part aussi Rimbaud qui cherche et ramasse ceux-là que le monde n’a pas mis dans ses poches, parce qu’à courir, le monde passe à côté de l’essentiel, à côté des discrets, les plus secrets qui scintillent ou répondent à la lune, autant dire que lorsqu’elle est pleine Rimbaud remercie les anges. Quand les nuits sont noires, il trace et compte les bâtons jusqu’au premier quartier, puis regarde grossir les croissants, l’impatience le fait parfois sortir avec une lampe de poche, mais avec les années il a l’œil du gecko et ne s’éclaire de rien. Il marche toute la nuit, et à l’aube il s’assoit pour contempler sa récolte, seulement quelques pépites, parfois une bonne dizaine qu’il dispose en rond dans sa paume. Il les remet ensuite à l’eau une à une et pour s’excuser de les avoir dérangées, avant de repartir il tient compagnie à la rivière qui, de temps en temps, et c’est pour ça le sac à sa ceinture, lui donne quelques pierres en cadeau. Alors bien sûr, ça sourit derrière les fenêtres, on parle du bossu et du chercheur d’or, oui, sans doute un peu plus fou que la moyenne mon frère, ou simple question d’horloge à l’envers. Il dort le jour et il sort le soir à l’heure des lucioles – en été, elles balisent son chemin, et le reste de l’année il marche avec la mémoire du chemin de l’été…

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… « Pour toi, ce matin, je suis allée marcher le long du canal de la Deûle. L’orage de la nuit avait lavé le ciel, dans le bleu je suis allée chercher de la paix. Un peu de légèreté aussi, je l’ai trouvée dans les petits nuages – je te les envoie. « Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté. » Dans les ténèbres, il fait moins noir quand on y est moins seul. Chacun sa vie, sa mort, dis-tu. Si la vie fait que je ne peux pas être celle qui allume la lumière à tes côtés, prends s’il te plaît de la douceur qui t’entoure – du vent, du genêt, de l’oiseau sur la branche. Sans doute que la saison du genêt est passée, alors ce que tu trouveras qui sent le soleil… »

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… Avant le matin, je suis retournée dans la maison vide et dans le foyer j’ai brûlé toutes les lettres, les mots sans bruit que j’avais gardés pour les apprendre, les désirs à pas de loup, les craintes et les colères – avec la balayette j’ai poussé toutes les cendres et j’ai dispersé l’amour dans le jardin. J’ai aimé l’amour moi qui n’en connais rien, j’ai aimé l’amour avec tout dedans. Je l’avais sauvé des retours à l’envoyeur, du vide et du fond des gorges, et je l’ai fait disparaître. Comme une voleuse j’ai effacé les preuves. Pourtant, pourtant je ne volais rien à personne. De la douceur sous enveloppe que la vie a omis de mettre sur mon chemin, mais dont le souvenir réveillera les feux de tous mes hivers, j’aurais voulu le dire à cet homme avant qu’il ne parte, que l’amour est capable de ça, qu’il a la force de chasser novembre pour recevoir juillet – est-ce-qu’on peut tourner le dos à l’amour et disparaître ?… »

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Noële, la narratrice, brutalement orpheline à l’age de 7 ans, n’a jamais connu l’amour. Élevée par « une tante », elle grandit au pied d’une montagne surnommée La Géante, elle y ramasse les plantes qui serviront à la fabrication de tisanes et d’onguents et du petit bois qu’elle fagote pour les flambées hivernales. Son frère Rimbaud est muet – il converse seulement avec les oiseaux -, il dort le jour et vit la nuit, il s’émerveille à la vue des petits cailloux d’or de la rivière Bendola.

Arrive dans la maison voisine – la maison froide – Maxim, un homme très cultivé, atteint d’une maladie. Elle l’observe de loin, s’en approche à petits pas, tente de l’aider… Et puis arrivent les lettres d’une femme, Noële les lit. N’ayant jamais appris l’amour, c’est une découverte totale : la tendresse, le désir, les mots magnifiques qui en parlent… Je vous laisse découvrir la suite.

 C’est un roman subtil, lunaire, on navigue dans les émotions au sein de plusieurs mondes. Les descriptions d’une nature sauvage et forte sont très belles, l’écriture de l’auteure est fluide et poétique.  Lu deux fois de suite pour mieux en saisir la profondeur, j’ai vécu là un moment de grâce, l’amour est un trésor que Noële, à sa façon, a voulu mettre dans un écrin, comme tout trésor.

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Extraits de : « La Géante »  2023  Laurence Vilaine.

Illustrations : 1/ « Brumes montantes »  Franz Marc  1880-1916  2/ « Monde merveilleux »  August Strinberg  1849-1912.

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S’élever vers les mondes merveilleux…

BVJ – Plumes d’Anges.

Douceur des choses simples…

dimanche 7 janvier 2024

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Imaginez un homme d’une cinquantaine d’années, il se prénomme Hirayama, il est filmé pendant quelques jours.

Chaque matin il se lève, plie son futon, range son livre, humidifie sa petite forêt d’érables en pots, fait une toilette légère, s’habille, sort de sa modeste maison et admire la couleur du ciel en souriant, achète une canette de café dans un distributeur automatique, démarre son véhicule, enclenche une cassette audio – Lou Reed, Patti Smith… -, se rend sur son lieu de travail. Il n’a pas d’ordinateur, pas de smartphone juste un petit téléphone portable.

Il nettoie – avec soin et application – les toilettes publiques d’un quartier de Tokyo. À midi, il déjeune d’un sandwich dans un parc où il prend une photo d’arbres ou de fleurs, écoute le chant des oiseaux et sourit toujours. Il veille sur un vieil homme qui campe sur un coin de pelouse et s’inquiète pour lui quand il ne le voit pas, il aide des jeunes un peu paumés dans ce monde sans porter sur eux le moindre jugement…

Il rêve chaque nuit, des rêves de nature, des rêves souvent paisibles, en noir et blanc.

En fin de semaine, il se rend en vélo au bain public, fait sa lessive et quelques courses, apporte à un photographe une pellicule à développer, en achète une neuve et récupère les photos de la semaine précédente – il en a des boites pleines chez lui, soigneusement classées -, il fouille dans les rayons d’une librairie, la libraire est ravie de son choix, sa bibliothèque ne cesse de grandir… Sa vie entière obéit à des rituels mais il accueille avec joie les petites surprise de l’existence. Et puis des brins de passé ressurgissent…

Je vous parle là du dernier film de Wim Wenders « Perfect Days«  que j’ai adoré.

Hirayama est un homme présent mais silencieux, son sourire est irrésistible.

Il a trouvé sa place dans la vie en acceptant totalement ce qui est,

il maitrise ses émotions – cache ses bleus à l’âme ? –

et s’exprime avec amour et respect dans ses actes.

On sent un esprit curieux, son regard cherche la beauté et trouve matière à s’émerveiller dans une vie simple.

Ces « Jours parfaits » sont un beau moment de cinéma,

la caméra se promène et saisit les scènes sous des angles sobres toujours réinventés,

on ne voit pas le temps passer…

DASOLA en avait parlé –>

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« Le jeu du soleil

Sur le tronc d’un chêne

Le temps d’un bonheur »

Eugène Guillevic

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Illustrations : 1/ « Bouvreuil et cerisier pleureur »  2/ « Pivoines et canari »  Katsushika Hokusai   1760-1749.

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Être un être d’attention…

BVJ – Plumes d’Anges.