Archive pour avril 2022

Douze…

jeudi 28 avril 2022

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« La poésie fait son nid d’une main à peine ouverte,

elle peut suivre les lignes de la paume

et aussi vivre dans un poing.

Elle est ce souffle inattendu qui patientait en toi,

ce temps posé sur l’instant, mais qui dure.

Si tu veux la dresser, change de livre,

délaisse les gens qui veulent la définir.

Elle aura toujours le coup d’aile d’avance

de l’oiseau quand tu veux l’attraper.

 

Un poème ne t’attend pas.

Il est là, même où tu l’ignores.

Il ne se veut pas forcément plus brillant

qu’une bruine qui s’amuse ou un soleil qui tombe.

Un poème ne fait pas pousser les fleurs :

c’est une parole entre deux lèvres

qui ne sauvera peut-être pas la Terre,

mais qui s’entendra,

se fendra d’un aveu, d’un amour, d’un combat.

Elle chantera encore quand d’autres s’agenouillent

ou s’enfuient devant la foule des bras tendus.

 

Aujourd’hui, tu vas écrire, me confies-tu.

Alors, vas-y, jette-toi dans la beauté.

Au bout d’une page, ou de quelques vers,

il y a parfois le début d’un univers.

Je te regarde : ce matin, tu te sens si poème

que tu crois pouvoir toucher, pour dire le monde, l’infini d’une seconde. »

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« Poème pour l’enfant au bord d’une page »

Carl Norac.

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Ne sommes-nous pas tous des enfants au bord d’une page ?

La poésie est vaste, si vaste, elle se rencontre au détour d’un chemin,

dans un regard, dans une mélodie, elle se cueille à toutes le saisons…

si on le désire vraiment…

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Douze, pourquoi douze ?

Douze est un nombre sublime nous dit-on, il représente un cycle,

il y a douze signes du zodiaque – quel beau chemin – ,

il y a douze heures entre minuit et midi, douze heures entre midi et minuit…

Ce blog a douze ans aujourd’hui, la vie n’est plus la même

mais nous devons encore et toujours  suivre ce fil de poésie,

ce fil de lumière et d’espérance, lui seul nous donnera la force.

Belle semaine et merci à toutes et à tous, donnons-nous la main !

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Illustration : 1/ « Le gâteau d’anniversaire » – détail – Pancraz Körle  1823-1875  2/ « Madame Sada Yakko » (actrice et danseuse tragique japonaise)  Ruppert Bunny  1864-1947.

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Faire un avec la poésie…

BVJ – Plumes d’Anges.

 

Entente fraternelle…

samedi 23 avril 2022

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Drôle de songe, nous pourrions presque imaginer un éléphant dans le jardin…

Il n’en est rien, il s’agit du tronc d’un figuier qui a poussé tout seul il y a plus de 25 ans…

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Sa particularité est qu’il abrite en son cœur un autre arbre, légèrement plus jeune,

un pamplemoussier, ils cohabitent paisiblement, la vie n’est-elle pas étonnante ?

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Dans la nature, tout est magique,

ces deux arbres s’aiment d’amour tendre,

ils se sont accueillis l’un l’autre

et bientôt des fruits apparaitront.

Que de leçons à apprendre, cette sagesse me fait rêver, pas vous ?

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« Tant de mains pour transformer le monde et si peu de regards pour le contempler »

Julien Gracq

Photos BVJ – 22 Avril 2022.

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Entrer en contemplation…

BVJ – Plumes d’Anges.

Apparition…

vendredi 15 avril 2022

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« … Quand la flèche tomba, aux alentours de 20 heures, le lundi 15 avril 2019, nous fûmes quelques uns à penser : cette flèche en feu était-elle la conséquence de notre arrogance ? Pourquoi les flèches demeureraient-elles dressées devant des hommes qui méprisent leur présence magique ? Et si la chute était un exil ? Et si nous méritions ce grand effondrement ? Que peut produire d’autre une époque qui a décidé de tout démonter ?

Les flèches, les tours, les entrelacs réticulés et les croix ouvragées sont sentinelles de mystère. Peut-être ont-ils raison de se retirer du carnaval du XXIème siècle. Peut-être sont-ils lassés par le bruit et la laideur ?… »

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Extrait de : « NOTRE DAME DE PARIS – Ô REINE DE DOULEUR »  2019  Sylvain Tesson.

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« C’est en croyant aux roses qu’on les fait éclore. » 

Anatole France

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Et soudain apparut un monde nouveau, riche d’humanité, de paix et de bienveillance.

D’où venait-il ?

De nous uniquement, dans le grand effondrement,

nous ne pûmes compter sur personne d’autre.

Ce nouveau monde songeait à éclore depuis longtemps,

il nous fallut un moment pour le comprendre.

Nos intentions lumineuses, nos pensées profondes durent le guider, pas à pas,

l’aider à prendre forme harmonieusement…

Il fleurit en son temps, comme la rose…

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Joyeux week end de Pâques à toutes et à tous !

Illustrations : 1/ « Notre-Dame de Paris »  Edwin Deakin  1838-1923  2/ « Fleurs et nid » – détail – Georg Frederic Ziezel  1755-1809.

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Se tenir en éveil…

BVJ – Plumes d’Anges.

L’ARBRE…

samedi 9 avril 2022

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« … les plantes ont leur volonté propre, de l’astuce et un but, tout comme les gens. Il lui parle, lors de leurs virées, de tous les miracles tortueux que la verdure peut concevoir. Les gens n’ont pas le monopole de l’étrangeté. D’autres créatures – plus grosses, plus lentes, plus anciennes, plus durables – mènent le jeu, fixent le climat, nourrissent la création et créent l’air même qu’on respire.

« C’est une idée géniale, les arbres. Si géniale que l’évolution ne cesse de la réinventer, à l’infini. »…

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« Nous savons si peu de choses sur la façon dont les arbres poussent. Presque rien sur la façon dont ils fleurissent, fourchent, se renouvellent et guérissent tout seuls. Nous en avons appris un peu sur quelques-uns, pris isolément. Mais rien n’est moins isolé, plus sociable qu’un arbre. »…

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C’est incroyable comme les choses paraissent folles dès qu’on se met à les regarder. »…

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Les champignons puisent dans la pierre des minéraux pour leurs arbres. Ils chassent les podures, qu’ils servent à leurs hôtes. Les arbres de leur côté, stockent un supplément de sucre dans les synapses de leurs champignons, à administrer aux malades, aux ombragés, aux blessés. Une forêt prend soin d’elle-même, tout en construisant le microclimat dont elle a besoin pour survivre.

Avant de mourir, un sapin de Douglas vieux de cinq cents ans renvoie son stock de composés chimiques dans ses racines et, via ses partenaires fongiques, lègue en testament sa fortune au pot commun. Nous pourrions appeler ces vénérables bienfaiteurs des arbres donateurs

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… Mais l’espoir et la vérité importent peu aux humains sans l’utilité. Dans son barbouillage de mots gauche et godiche, elle cherche l’utilité  du Vieux Tjikko, sur sa crête aride, qui sans fin meurt et ressuscite à chaque changement de climat. Son utilité, c’est de montrer que le monde n’est pas fait pour notre usage. En quoi sommes-nous utiles aux arbres ? Elle se remémore les paroles du Bouddha : Un arbre est une créature miraculeuse qui abrite, nourrit et protège tous les êtres vivants. Il offre même de l’ombre aux bourreaux qui l’abattent…

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Des messages sourds émanent de l’écorce contre laquelle elle s’appuie. (…)

Les signaux disent : Une bonne réponse mérite d’être inventée de zéro, encore et encore.

Ils disent : L’air est un mélange que nous devons continuer à produire.

Ils disent : Il y a autant sous terre qu’au-dessus.

Ils lui enseignent : N’espère ni ne désespère ni ne prédis ni ne te laisse surprendre. Ne capitule jamais, mais divise, multiplie, transforme, unis, agis et endure comme tu l’as fait tout au long du long jour de la vie.

Il est des graines qui ont besoin du feu. Des graines qui ont besoin du gel. Des graines qui doivent être avalées, gravées à l’acide digestif, expulsées comme déchets. Des graines qui doivent être écrasées pour s’ouvrir et germer. Un être peut voyager partout, à force même d’être immobile…« 

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Étonnante lecture, on entre dans ce livre comme on entre dans une forêt, le parfum est puissant, les bois craquent, les feuillages bruissent, les oiseaux chantent…

Au départ, neuf histoires – très différentes – se racontent, elles sont l’origine d’un présent qui se trame, se dessine, chaque histoire rencontre son arbre – le châtaignier, le murier, l’érable, le chêne et le tilleul, le pin douglas, le figuier, le ginkgo, le hêtre – petit à petit, des drames se nouent, quelquefois se dénouent.

Il y a Patty, la botaniste jadis collectionneuse de brindilles ; dans son enfance elle a montré des problèmes de langage,  son père l’a initiée à l’observation de la nature. Son arbre,  le hêtre s’élève dans une verticalité étonnante, il contemple et étudie les transformations du monde. Elle découvre et veut révéler que les arbres communiquent entre eux, leurs racines sont l’origine, elles se nourrissent à des sources multiples, parfois lointaines, elles sont des traces, une musique sans fin. Elles s’adaptent aux rencontres rocheuses, elles les contournent, elles sont la vie qui galope, la vie qui coure inexorablement pour le bien-être de tous. Mais quand on pense différemment, tout devient très difficile. Il y a huit autres destins qui se rencontrent, huit autres façons de vivre les arbres…

Richard Powers signe un roman palpitant, il explore différentes possibilités. Il prête des sentiments aux arbres, ceux-ci collaborent mais jamais ne cherchent à se détruire, la leçon est splendide ! L’homme s’égare dans le monde virtuel et ne sait plus admirer la magnificence de la Nature, il est mené par la cupidité….

C’est une fort belle lecture, parfois on se perd un peu, n’est-ce-pas le propre de la forêt, non ? À nous de noter quelques repaires, quelques indices. Le vocabulaire et le savoir de l’auteur sont époustouflants, la poésie omniprésente…

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Extraits de : « L’ARBRE MONDE »  2018  Richard Powers.

Illustrations : 1/« Ferme »  2/ « Le Haut Outaouiais »  3/« Automne »  Franklin Carmichael  1890-1945.

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Palpiter avec les mots et la Nature…

BVJ – Plumes d’Anges.

Passeurs de mots…

samedi 2 avril 2022

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« … Toute sa vie passée à écouter les autres. Il n’écoute plus personne. Il y a là une paix profonde et une tristesse. Aussi profonde l’une que l’autre. Il vient de déposer l’habit. Pas défroqué non, parce que sur sa route il n’y a ni dieu ni vœu éternel. Il s’éloigne simplement et il se sent de plus en plus nu. Parfois une question le saisit. Écouter et parler n’est-ce pas ce qui rend humain chaque être ? Est-ce qu’il n’est pas en train de trop s’éloigner ?…

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Il y a de longues plaintes tenues parfois longtemps dans nos poitrines. Un jour elles trouvent le chemin et montent jusqu’à nos lèvres.(…) Cette fois, la raie Manta est là, puissante et souple. Elle l’attendait ? Il la suit comme on s’abandonne à un présage. Elle a détecté sa présence, il en est sûr. Et elle le laisse faire. Il ne pense plus à rien. Il la suit jusqu’aux coraux.

Alors lentement, par des mouvements d’une grâce infinie, elle se défait entre les coraux de tout ce qui s’est accroché à elle. Combien de temps Simon reste-t-il ainsi à observer ce qu’elle lui montre, reprenant son souffle hors de l’eau puis replongeant. Quant elle repart, délivrée de ce qui entravait ses mouvements, il la remercie silencieusement…

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Chaque objet ici est couturé de lignes d’or. Elles dessinent des courbes, des zébrures, parfois juste quelques points comme si on avait cousu les bords ouverts d’une blessure. Et c’est beau. Étrangement beau.

Les tissus cousus.

La céramique cousue.

 Et lui, la bouche cousue ? Où est le fil d’or ?

Daisuke parle. À sa façon lente. Entre chaque phrase, un temps. Le silence dans lequel Simon marche. À pas comptés. S’il comprenait ce que dit Daisuke, il saurait que tout se répare. On ne cherche pas à cacher la réparation. Au contraire, on la recouvre de laque d’or. On est heureux de redonner vie à ce qui était voué à l’anéantissement. On marque l’empreinte de la brisure. On la montre. C’est la nouvelle vie qui commence…

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Mais toutes ces années lui ont appris que ce qui se passe dans le cœur et la tête de chacun n’appartient qu’à celui dont le souffle anime et ce cœur et cette tête. C’est le cœur de la plante. On n’est maître de rien. On peut juste accepter et mettre tout son art, toute sa vie, à comprendre ce qu’est le fil de l’eau, le sens du bois, le rythme des choses sans nous. Et c’est un travail et c’est une paix que de s’y accorder enfin. La seule vraie liberté…

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Trouver l’élan qui fait prendre le risque de quitter son eau.

L’élan qui rassemble tout… »

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Simon Lhumain, psychanalyste, homme secret qui n’a plus qu’un ami, se lie doucement d’amitié avec Mathilde, elle lui parle de poésie et d’un livre sur les textiles anciens japonais…

Un matin, sans le vouloir,  il casse en deux un vieux bol bleu à la longue histoire. Cette fracture est un déclic, des émotions affluent, des souvenirs font surface. Il sent qu’il ne peut plus se dérober, il doit se confronter à lui-même, à ses peurs, ses doutes, ses souffrances, ses désirs…

Depuis des années Simon écoute mais ne s’écoute plus, il étouffe, il a besoin de respirer la lumière, il partira au Japon. Son ami Hervé, fin connaisseur de voyages lointains,  lui trouve une maison d’hôtes dans un endroit préservé, les îles Yaeyama. Là s’opère une lente et belle transformation, grâce aux maîtres des lieux, Akiko, collectionneuse de tissus anciens et Daisuke, céramiste talentueux. Le fil d’or d’une histoire se tisse patiemment, les traces suivent les traces…

L’écriture de Jeanne Bénameur est toujours délicieuse, les images évoquées sont fortes et délicates : les rituels, l’eau, la chaleur, la nature, les couleurs, la douceur des rencontres, le féminin, on se prend à rêver d’un semblable voyage au pays du soleil levant…

Laissez-vous porter par ce livre, ai-je envie de vous dire.

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Extraits de : « La patience des traces »  2022  Jeanne Bénameur.

Illustrations : 1/« Bouquet »  Anna Gumlich-Kemp
1860-1940  2/« Paysage côtier »  Kawase Hasui  1883-1957.

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Porter un regard neuf…

BVJ – Plumes d’Anges.