Archive pour septembre 2024

Étonnant destin…

dimanche 29 septembre 2024

.

.

« … Un plat du jour et un dessert, un seul service le midi. Le café reste ouvert aux joueurs de cartes et aux verres de l’amitié comme à ceux plus solitaires qui cherchent compagnie.

En peu de temps, le bruit court dans les ruelles et voyage vers les villages voisins :

« Vous avez gouté la matelote de l’Andrée ? Et le ragoût d’agneau ? Peuchère, ses poires au vin, j’y suis retournée deux jours de suite ! »

Andrée a déjà beaucoup cuisiné. Elle a, au fil du temps, compilé les recettes dans plusieurs carnets. Chacune a le goût d’une maison, d’une famille, d’un moment de la vie d’Andrée. Derrière chaque page, un sourire, une larme, un souvenir. Parfois, entre deux feuillets quadrillés, un brin de santoline séchée, un trèfle, une fleur aux teintes passées. Lui reviennent alors, en désordre, les visages, les cours, les odeurs, les feux qui crépitent et le froid qui saisit dans un lit étranger, lorsque, à dix ans, quelqu’un a décidé qu’il serait désormais le vôtre.

Les mots écrits de sa main, maladroite, puis de plus en plus appliquée. Les plats, les desserts comme autant de cailloux sur sa route.

Aux anciennes recettes s’ajoutent celles qu’elle découvre dans le livre offert en cadeau de mariage par Mme Montlahuc : Le livre de cuisine de Mme E. Saint-Ange.

Lourd comme une brique, plus de mille pages, fines, à l’écriture serrée, de planches illustrées, de conseils et de propositions de menus pour chaque saison.

Une bible que j’ai plus consultée que celle conseillée par M. le Curé ! Tu peux me croire mon Ninou !

.

… Jacquie porte autour du cou le cadeau personnel de Mme de Gaulle, un carré Hermès aux tons jaunes et dorés portant différents motifs équestres, harnais, sellettes, ornements d’apparat. Les conseillers de l’Élysée avaient parfaitement étudié les centres d’intérêt de la première dame passionnée d’équitation et excellente cavalière.

Il fut ce soir là, autour de la table, question de cuisine et de vins français. Les frères et sœurs, en partie réunis, avaient tous une anecdote, un souvenir à ce sujet, mais lorsque Jacquie sortit de son sac le menu du dîner de gala à Versailles, le silence se fit pour l’écouter.

« Just a minut, Jacquie, dit alors Ted, please wait… »

Andrée essuie ses mains et se laisse entrainer par son patron vers la salle à manger où les convives la regardent approcher timidement.

« Go ahead, Jacquie. »

Les commentateurs ont souvent souligné la diction aristocratique de l’épouse de Jack, une manière de parler lentement sur un ton doux et mesuré d’une distinction et d’une correction parfaites. La façon idéale pour décliner un menu empreint de poésie française.

Velouté Sultane

Timbales de soles Joinville

Cœur de filet de Charolais renaissance

Chaud-froid de volaille

Salade de romaine à l’estragon

Ronde des fromages

Parfait Viviane

Andrée, bouche bée, se reprend vite pour faire face aux questions des uns et des autres. Jack reconnaît que tout était délicieux, ses soeurs veulent savoir : Sultane, Joinville, Renaissance, pourquoi diable ces français s’obstinent-ils à donner des noms à leurs plats incompréhensibles aux non-initiés.

Alors Andrée explique : « à la sultane » s’applique aux préparations qui contiennent de la pistache. Mariée à du beurre, elle termine parfaitement un velouté de volaille… »

.

.

Cette histoire débute en 1999 dans un cimetière du Vaucluse, là vient d’être inhumée Andrée Imbert.

Enfant abandonnée à la naissance, l’Assistance publique la confie – sous le matricule 18603 –  à une première famille d’accueil,  puis à une seconde à l’age de 10 ans. Comme le prévoit la loi, elle est placée en tant que bonne dès 13 ans. Plus tard elle épouse Léopold Imbert, veuf père d’un petit garçon, il tient un café de village, ils auront ensemble une fille, Madeleine.

Passionnée de cuisine, Andrée note depuis toujours des recettes sur de précieux carnets, ils la suivront partout. Son mari accepte qu’elle dispose quelques tables dans son établissement, elle y servira du lundi au samedi, à midi, un plat du jour avec dessert. Très vite ses talents culinaires attirent… Mais Andrée voit grand et voit loin, elle a soif d’apprendre, d’explorer d’autres lieux, elle part travailler dans de « grandes » maisons, à Lyon chez les Berliet… sur la côte d’Azur chez les Lumière, chez Albert Camus venu se reposer sur les hauteurs de Grasse, chez les Gallimard, chez Fred et Helen Rogers qui lui proposent de venir à New York… et enfin dans la famille Kennedy.

Incroyable destinée de cette femme qui est restée en relation avec les membres de ses familles, elle a toujours écrit et envoyé de l’argent à sa fille et prenant sa retraite, elle a rejoint les siens dans la Drôme.

Ce récit est très vivant, la vie d’Andrée est racontée par petites touches, l’auteure a un grand sens de la narration, elle s’est bien documentée sur le plan historique, les détails affluent avec légèreté et l’on se passionne au fil des pages pour cette personnalité singulière, la vie ne l’a pas épargnée mais elle en a fait une force, avec un goût du travail bien fait et de la tendresse à partager…

Ce fut un agréable moment de lecture, je vous le garantis.

.

Extraits de : « La cuisinière des Kennedy »  2024  Valérie Paturaud.

Illustrations : 1/ « Mettre la table »  August Eiebakke  1867-1938

  2/ « L’employée de maison »  William Mac Gregor Paxton  1869-1941.

3/ « Table fleurie »  Jane Nérée-Gautier  1877-1948

…..

Avoir le goût du travail bien fait…

BVJ – Plumes d’Anges.

Recherche de félicité…

dimanche 22 septembre 2024

.

.

« … Fausto raccrocha peu après. Sur le balcon où il se trouvait, la voix de Silvia lui manqua immédiatement. Il observa la forêt et remarqua que les branches les plus exposées des mélèzes commençaient à jaunir. C’étaient les arbres de Fontana Fredda, arbres du soleil, du vent, des versants au sud, mais ils n’aimaient pas le gel, et lorsqu’ils le sentaient arriver, ils entraient en léthargie. Les sapins, impassibles, gardaient leurs aiguilles et ne gaspillaient pas leurs forces dans la mue saisonnière : deux arbres si proches, et deux stratégies si différentes pour affronter l’hiver. Les premiers à faner étaient les mélèzes blessés, qui par la foudre, qui par une chute de pierres, qui par une excavation ayant coupé une racine, mais en l’espace de quelques jours, la forêt entière virerait au jaune et au rouge, se retranchant dans un long sommeil pendant que le vert foncé des sapins monterait la garde.

Fausto avait lu quelque part que les arbres, contrairement aux animaux, ne pouvaient chercher la félicité autre part. Un arbre vivait là où sa graine était tombée, et pour être heureux, il devait faire avec. Ses problèmes, il les résolvait sur place, s’il en était capable, et s’il ne l’était pas il mourait. La félicité des ruminants, en revanche, suivait l’herbe, à Fontana Fredda c’était une vérité manifeste : mars au bas de la vallée, mai dans les pâturages des mille mètres, août dans les alpages aux alentours des deux mille, puis de nouveau en bas pour la félicité en demi-teinte de l’automne, la seconde modeste floraison. Le loup obéissait à un instinct moins compréhensible. Santorso lui avait raconté qu’on ne comprenait pas très bien pourquoi il se déplaçait, l’origine de son intranquillité. Il arrivait dans une vallée, y trouvait peut-être du gibier à foison, pourtant quelque chose l’empêchait de devenir sédentaire, et tôt ou tard il laissait tous ces cadeaux du ciel et s’en allait chercher la félicité ailleurs. Toujours par de nouvelles forêts, toujours derrière la prochaine crête, après l’odeur d’une femelle ou le hurlement d’une horde ou rien d’aussi évident, emportant dans sa course le chant d’un monde plus jeune, comme l’écrivait Jack London… »

.

Une histoire, celle de Fausto Dalmasso, écrivain qui a grand mal à écrire,

il est en manque d’inspiration.

Il part vers le Mont-Rose et se fait engager comme cuisinier

dans un restaurant nommé Le Festin de Babette

– nom donné par sa propriétaire Babette en hommage à la nouvelle de Karen Blixen.

Il se lie avec Sylvia, une serveuse à la recherche d’une autre vie,

il tisse lentement des amitiés avec Babette, avec Santorso…

L’hiver se passe, la saison touristique se termine, Fausto part à Milan.

Séparé de sa femme Veronica, il doit s’occuper de vendre leur ancienne maison.

Ce livre nous décrit des scènes de vie dans un village Alpin

– histoires d’amour, désillusions, parfums et couleurs des forêts,

force d’une nature généreuse mais qui ne fait pas de cadeaux.

Les villageois parlent peu, ils laissent planer certains mystères

et l’on voit que les caractères les plus rudes sont souvent les plus tendres…

Ici  des solitudes se rencontrent et petit à petit se partagent.

Fausto prend conscience qu’il faut laisser le monde dérouler ses chemins,

il ne faut rien exiger, rien brusquer,

il faut juste accueillir ce qui vient, ce qui surprend, les joies et les peines,

l’humanité est la félicité.

J’ai passé un très bon moment dans ces montagnes,

elles attirent, aimantent et terrifient parfois,

Paolo Cognetti  partage talentueusement son amour pour elles

et nous entraine là dans une jolie réflexion,

 

.

Extrait de « La félicité du loup »  2021  Paolo Cognetti.

Illustrations : 1/ « Massif du Mont Rose – Plateau glaciaire »  Edward Theodor Compton  1849-1921  2/ « Bouleaux et glycines »  Teodoro Wolf Ferrari  1878-1945.

…..

Apprécier les choses simples…

BVJ – Plumes d’Anges.

Vrais poèmes…

dimanche 15 septembre 2024

.

.

.

.

.

.

.

.

.

« … Dans les vrais poèmes on ne trouve aucune unité que celle du fond de l’âme.

Il peut y avoir des instants où des abécédaires et des précis nous apparaissent poétiques.

La poésie = le fond de l’âme révélé… »

.

Bernard Noël  1930 – 2021 dans « Extraits du corps« .

.

.

Merveilleux pays de Bretagne où douceur et puissance se côtoient à chaque instant.

Il faut se perdre dans les brumes, arpenter la lande,

poser la main sur ces roches polis par les millénaires,

humer profondément l’air marin chargé des senteurs de l’océan,

apparaissent alors la Fée Viviane ou l’enchanteur Merlin…

À chaque marée se fait et se défait un paysage,

une création éternellement renouvelée,

une VIE de folle poésie…

.

Photos BVJ – Bretagne septembre 2024.

…..

Être le grain de sable, être l’océan…

BVJ – Plumes d’Anges.

Apaisement…

dimanche 1 septembre 2024

.

.

« Le papillon bat des ailes

Comme s’il désespérait

De ce monde »

Kobayashi Issa

.

Ce matin, j’ai expérimenté l’agressivité du monde due à une peur,

le ressenti face à cette situation s’est avéré fort désagréable.

Un peu plus tard,

j’ai expérimenté la courtoisie, la bienveillance, la gratitude, l’amitié, l’amour…

ces moments vécus m’ont nourrie d’un belle force, 

ils m’ont émerveillée et transportée dans un monde paisible et lumineux.

À chacune, à chacun de choisir son chemin…

Lequel avez-vous envie d’explorer cette semaine ?

.

« Rien qui m’appartienne

Sinon la paix du cœur

Et la fraîcheur de l’air »

Kobayashi Issa

.

Illustrations : 1/ « Paysage »  Edward Mitchell Bannister  1828-1901  2/ « Lettrine P »  extraite du manuscrit  « De situ orbis geographia » de Strabon.

…..

S’apaiser et apaiser…

BVJ – Plumes d’Anges.