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… »Nos imaginaires creusent les sillons de nos destins. J’ai appris entre-temps à me méfier de mes souhaits car ils finissent toujours par se réaliser…
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… Lorsque la quête, d’extérieure se fait intérieure, il se passe une chose étrange. De trépignant et hargneux qu’il est au tout début, le piétinement sur place se fait d’abord morne puis songeur et peu à peu s’amorce un creusement subtil sous les pieds – un approfondissement. Jusqu’alors, toujours en partance, alertée, changeant de lieu et d’aventure, je m’accommode de rester à la surface des choses. En m’attardant où je suis, je fore peu à peu. J’ai enfin accès aux nappes souterraines, à la richesse nourricière. L’aventure pivote doucement sur elle-même, comme le mécanisme secret d’une serrure et révèle au contemplateur ébahi des salles immenses sous ses pieds, tout un univers de voûtes qu’une respiration secrète bombe d’arc en arc…
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… Tout ce qui tient debout sur terre le doit à la conspiration de l’amour…
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… La vie sur Terre comme sur tout grand navire au milieu de l’océan n’a pas de sortie d’artistes ou issue de secours. Qui s’embarque est du voyage jusqu’à la fin…
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… Sans strictement n’y rien comprendre et sans qu’aucun mérite ne m’en revienne – pour la seule raison que les cœurs des hommes sont des vases communicants même au-delà du temps et de l’espace et que j’ai ouvert le mien – je sens que circule, d’alambic en alambic, à travers les circonvolutions des serpentins et les multiples coudées, jusque loin dans le passé, la vapeur brûlante de la compassion…
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… Si son chien vivait encore, il l’eût reconnu – car les chiens ne sont pas des hommes. Ils ne se laissent pas leurrer par les apparences. Ils vont droit à l’être…
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… Comme il est manqué, flottant, frustrant, le jeu d’un être qui ne s’est pris que pour lui-même !
Face à ce royaume du gris, du terne et de l’enfermement se dresse la péninsule des Vivants.
Saisissante Réalité des existences ouvertes à la Louange et qui font du lieu où le vent les a soufflées un jardin des Quatre Saisons ! L’interminable cohorte des jours et des nuits les traverse, et la jeunesse, la vieillesse, la lumière, la pénombre, les échecs, les succès, les deuils et les fêtes !…
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… Oser braver l’instant ! L’entendre qui respire !…
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… Ces longues enclaves que je me ménage depuis quelques années et où je m’assois pour ne me préoccuper de rien – où je lâche leur bride à mes pensées pour les laisser brouter plus loin – sont désormais le plus grand luxe de ma vie, le seul. (Car peut-on parler de luxe quand il s’agit d’acquérir les choses qui s’achètent ! Dérision suprême de ce luxe-là !)…
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… Là où un homme et une femme se sont rencontrés et se sont reconnus, l’éternité est prise comme une bulle d’air dans un ambre…
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… La vie est bonne dans une maison où les caresses s’échangent…
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… Et Giacomo en apercevant Laura aura demandé à l’ange qui le guidait :
– Dis-moi, cette superbe femme qui s’avance vers moi et me sourit, qui est-elle ?
L’ange se sera mis à rire :
– Quoi, Giacomo, tu ne reconnais pas ton âme !
Celle qui vint te chercher dans une vie rutilante et clinquante, couvert que tu étais d’honneurs et de masques – pour te précipiter dans l’abîme du cœur ! Tu lui dois une fière chandelle. Ceux qui n’ont pas aimé comme fous sont comptés pour morts ici… »
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Extraits de « Rastenberg » Christiane Singer 1941 – 2007.
Tableaux : 1/« Les escaliers d’or » Edward Burne-Jones 1833-1898 2/ »Deux papillons » Giovanna Garzoni 1600-1670 3/ »Fleurs sur dessus de table en marbre » Rachel Ruys 1664-1750 4/ »Corail, plantes marines et coquillages » Anne Valayer-Coster 1744-1818 5/« Roméo et Juliette » Ford Madox Brown 1821-1893.
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Se tourner vers notre essence première…
BVJ – Plumes d’Anges.