Archive pour février 2019

Chut ! il ne faut pas…

jeudi 28 février 2019

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Il est doux comme un bonbon,

Il est bon comme un doudou,

Il endort les petits enfants,

Il éveille les grands parents…

Le raconteur d’histoire peut broder à souhait autour de la lune,

des étoiles, de la couette dodue, des petits petons…

Ce livre est tout à la fois riche et épuré,

il y a là l’essentiel pour partir en douceur vers le pays des rêves,

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on aimerait se lover en deux pages et se laisser bercer…

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Chut ! Il ne faut pas réveiller les petits lapins qui dorment

le dernier livre d’Amélie Jackowski aux Éditions du Rouergue

est un céleste bijou,

trop chou !

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Photos A. et B. Jackowski.

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Faire et se faire du bien…

BVJ – Plumes d’Anges.

Quelques fleurs…

lundi 25 février 2019

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« Je peux faire ce que je veux, je peux prendre tous les risques, j’ai une liberté totale. »

 aurait-il dit en devenant directeur artistique de Chanel Mode en 1983…

La liberté n’a pas de prix et quand on sait en faire bon usage,

c’est un cadeau offert au monde.

Karl Lagerfeld faisait partie de ces vrais talents, il réinventait sans cesse.

Riche de tout un passé, riche d’un vrai regard,

il créait sa vision de l’instant dans de nombreux domaines.

Un homme énigmatique qui a vécu sans obéir aux diktats des tendances,

sa quête de l’élégance fut sans fin.

Son indispensable exigence vis à vis de lui-même et de son précieux entourage

nous laisse une œuvre immense et singulière.

S’il avait été une saison, il aurait été le printemps éternel,

ces humbles fleurs pour dire merci à ce très grand créateur…

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Photos BVJ.

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Se renouveler sans cesse…

BVJ – Plumes d’Anges.

Passeurs…

lundi 18 février 2019

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« … ce que lui dit sa voix, au-delà du récit qu’il fait, c’est que la vie a passé. Son fils est là, devant elle, grand comme un homme. Elle le regarde avec émotion, semble le voir pour la première fois. Il croise son regard mais ne comprend pas que c’est le regard d’une mère qui découvre que son enfant ne lui appartient plus tout à fait. Elle le laisse parler, espérant qu’il le fera durant toute la nuit, même si elle s’endort, même si le feu s’éteint et que le froid les saisit : qu’il parle pour raconter tout ce qu’il a vu, pour que ces instants s’étirent et ne s’achèvent jamais. Elle a bien fait de le confier à la colonne. Elle s’était juré de la faire lorsqu’il était encore un nouveau-né. Malgré sa peur et ses réticences de mère, elle s’était juré de l’arracher régulièrement à ses propres bras. C’est ce qu’elle a toujours appelé « le serment d’Alika ». Aujourd’hui, il sent qu’elle n’a plus besoin d’autres voyages. Il est prêt. Il sait ce qu’il doit savoir. Alors, lorsqu’il se tait, lorsque la nuit est tombée et que les chèvres se sont regroupées, serrées les unes contre les autres en prévision du froid qui va descendre des montagnes, elle le regarde et lui dit simplement : « Demain, nous partirons. » Elle le dit avec une voix qui ne laisse aucun doute. Il n’est pas besoin de préciser ni où ni pourquoi. Il comprend que ce qu’ils vont quitter demain, ce ne sont pas seulement ces terres de cailloux, cette vieille hutte où s’entassent des objets d’exil et les montagnes alentour, c’est leur vie elle-même…

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… Darzagar s’assoit à la proue, face à Malaka, et se tait. Il s’installe dans l’attente et Malaka sent que cela peut durer des heures. Ce n’est plus ce qui compte. La barque dérive doucement, comme si le vieux passeur s’en était remis à la mer, ou à la lune, ou à tout autre force que Malaka ne connait pas mais qui régit l’ordre des choses. Le monde doit prendre une décision et ils ne peuvent ni le presser ni l’influencer…

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« Moi Malaka, fils de l’énigme, je ne peux pas raconter une enfance entière : ces longs jours de silence où Salina n’est qu’un corps blotti contre celui de Mamambala. Puis ses progrès, ses hésitations, ses tentatives… Ces jours où elle s’élance, babille, marche, puis parle. (…) Je ne peux pas raconter toutes ces années et pourtant il faudrait, car c’est là qu’elle rencontre Kano, fils de Sissoko Djimba. Il est pour elle un petit garçon avec lequel elle joue, avec lequel elle découvre le monde. Kano qu’elle aime. D’emblée. D’aussi loin qu’elle puisse se souvenir, parce qu’il est à la fois l’autre et elle-même. Avec lui, courses, jeux, premières peurs et serments de toujours. Avec lui, les mille choses qui ne sont rien, les mille gestes anodins et heureux de l’amour enfantin et la certitude que la vie est là, sûre, pleine et lumineuse. Je ne peux pas raconter le détail de chaque jour, la confiance qui croît entre la femme et la petite fille, mais je sais cela : il n’y a qu’une chose que Mamambala n’a pas dite, c’est que grandir était une exil. »… »

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Des blessures profondes, des êtres entiers, le poids des traditions, la colère… Dans un monde rude et âpre, un chant d’amour traverse le désert des cœurs. Il n’est entendu – de manières différentes – que par trois femmes, successivement, et par un fils… Une histoire très forte de l’ombre et de la lumière en pays d’Afrique, un récit aux  mots choisis qui nous envoutent. L’évocation est puissante, elle oscille entre les extrêmes, le chant est pénétrant, encore un très beau livre de cet auteur.

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Extraits de : « Salina-les trois exils »  2018  Laurent Gaudé.

Illustrations : 1/« Rochers »  Odilon Redon   1840-1916  2/« Coucher de soleil »  Alfred East   1844-1913.

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Tisser des fils d’amour…

BVJ – Plumes d’Anges.

Délicatesse…

mercredi 13 février 2019

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« … Le livre dont je m’inspirais était le Kôyagire daisanshû, la plus ancienne copie connue de poèmes Kokinshû. Puisque d’après l’Ainée, contempler de belles choses était un moyen de progresser, je passais mes journées à le feuilleter, au lieu de lire des livres pour enfants…

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… – Quelle est votre saison préférée, Madame Barbara ? ai-je demandé sans quitter la mer des yeux.

– Toutes, a-t-elle répliqué du tac au tac. Au printemps, les cerisiers sont beaux et en été, on peut se baigner. À l’automne, on mange plein de bonnes choses, et l’hiver, le calme règne et les étoiles sont magnifiques. Moi, je suis une gourmande incapable de choisir. Alors printemps, été, automne et hiver, j’aime toutes les saisons…

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Derrière les arbres nus, dépouillés jusqu’à la dernière de leurs feuilles, les étoiles brillaient. C’est alors que Madame Barbara a lancé :

– Je vais te confier quelque chose qui va t’aider, Poppo.

– Comment ça ? ai-je demandé.

– C’est la formule secrète du bonheur, que j’ai appliqué toute ma vie, a-t-elle dit en riant.

– Apprenez-la moi !

– Eh bien, il faut se dire à l’intérieur : « Brille, brille. » Tu fermes les yeux et tu répètes, « Brille, brille », c’est tout. Et alors, les étoiles se mettent à briller les unes après les autres dans les ténèbres qui t’habitent, et un beau ciel étoilé se déploie.

– Il suffit de répéter « Brille, brille » ?

– Oui, c’est simple, hein ? Et ça fonctionne n’importe où. Quand tu fais ça, les problèmes, les chagrins, tout s’efface sous un joli ciel plein d’étoiles. Vas-y, essaie…

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… Plutôt que de rechercher ce qu’on a perdu, mieux vaut prendre soin de ce qui nous reste. Et puis… a-t-il ajouté. Si quelqu’un vous a porté sur son dos, la prochaine fois, à vous de le faire pour quelqu’un d’autre. Moi aussi, ma femme m’a souvent soutenu. C’est pour ça que maintenant, je peux le faire à mon tour. Et ça, c’est déjà bien… »

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Un livre d’une incroyable douceur : une jeune fille revient sur les lieux de son enfance,  après la mort de sa grand mère, l’Ainée . Reprenant le métier de celle-ci, elle s’applique à l’exercer avec sérieux et  délicatesse. Elle retrouve le fil d’une jolie histoire, la leur, pleine d’amour et de générosité. Elle tisse petit à petit des liens d’une belle humanité avec ceux qui se présentent à elle, le monde n’est que découvertes, la paix peut prendre place et l’univers s’élargir, une lecture lumineuse…

Extraits de : « La papeterie Tsubaki »  2018  Ogawa Ito.

Illustrations : 1/« Vases, éventail et Amours-en-cage »  Hubert Vos  1855-1935  2/« Poèmes et fleurs »   Konoe Nobutada  1563-1614.

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Donner du sens…

BVJ – Plumes d’Anges.

Légèreté des jeunes êtres…

vendredi 8 février 2019

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« … Je saute à pieds joints dans les flaques. N’y voyez pas malice, c’est mon bonheur ! J’aurai trois ans en juillet : je marche sur le ciel.

Je cours derrière les papillons et bavarde avec les fourmis.

Si j’avale à petites gorgées l’eau de mon bain, ne vous affolez pas : je suis un buveur d’eau tiède. J’aime ce qui est doux et chaud. Après tout, le temps n’est pas si lointain où j’étais une espèce de poisson, nageant dans le ventre de maman.

Pardonnez-moi si j’arrache les pétales des fleurs et fais tomber les livres de la bibliothèque.

Je vide et je remplis. Je construis et détruis. Je fais, puis je défais. J’ai compris qu’en cette vie l’on doit répéter sans cesse les mêmes gestes…

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Je voudrais respirer les mots comme on respire le parfum des fleurs. Les cueillir sur le papier et les disposer en bouquets dans des vases si transparents qu’on en oublierait l’eau. Alors on se prendrait à croire que ces mots-fleurs coupés se tiennent debout tout seuls… Le livre dont je rêve, ce serait cela : un bouquet de fleurs parfumées plantées dans une eau invisible. Une sorte de miracle. Comme on en rencontre précisément dans les livres. Des fleurs sans histoire et sans ombre. Et pourquoi pas sans tiges, suspendues comme des étoiles au ciel. Ou comme des papillons…

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– Dessine-moi un poème !

Papa trace un rectangle sur la page et le remplit d’étoiles :

– Un poème, c’est une fenêtre qui brille. On voit le monde à travers… On peut aussi s’enfuir par là…

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La pluie est une jolie dame, pieds nus dans l’escalier. Sage et gracile, elle se repose sur chaque objet. Encore demeure-t-elle peu, vernis infime, pellicule précaire. Le monde est propre, il étincelle. Feux de la pluie. Quantité de minuscules planètes déboulent ainsi dans l’herbe comme les œufs blancs des papillons.

Elle ne se divise pas. Venue de nulle part, elle retourne chez elle. Douceur de la pluie dans la paume : rêve d’une poignée de pluie.

Chuchotis et tressaillements, furtives confidences, mailles, tissu, lacis, bruits doux et voix ; il faut pour dire le marivaudage de la pluie de grosses voyelles rondes en forme de gouttes d’eau. Le ciel sepose des questions bleues après l’averse… »

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Il faut un grand talent et beaucoup d’amour pour faire un tel Exercice de style, tout n’y est que poésie.  L’auteur fait ici un cadeau à son fils mais aussi à lui-même. Avoir dans sa tête et dans son cœur ce qui faisait de nous des enfants est un trésor… Un très joli moment de lecture que je vous recommande.

Extraits de : « Journal d’un enfant sage »  2010  Jean-Michel Maulpoix.

Illustrations : 1/« Visages d’enfants »  Hannah Frosterus-Segerstrâle   1867-1946  2/« Hydrangeas et autres fleurs »  Giovanni Segantini   1858-1899.

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Chausser nos yeux d’enfants…

BVJ – Plumes d’Anges.

Élan…

lundi 4 février 2019

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« … « Une galette en tableau n’apaise pas le faim », dit Dôgen dans l’un de ses sermons du Shôbôgenzô, reprenant à son compte la parole d’un ancien maître de l’Empire du Milieu, assertion qu’il triture en des gloses bizarres, jusqu’à en faire une proposition contraire : une galette apaise la faim du corps, mais seule une galette en peinture atteint à cet indicible qui satisfait la faim spirituelle. Voilà une manière de dire que, sans l’élan qui nous porte vers le monde, le monde en soi n’est rien. C’est pourquoi si vous attendez passivement du monde une révélation vous pourrez attendre votre vie entière. C’est quand vous allez au monde que le monde vient à vous. L’éveil est dynamique. Il y faut une énergie. Et c’est cette énergie, si on parvient à l’éveiller, qui transcende la passivité de la déprime…

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Dans un monde où les cervidés apparaissent à l’orée du bois, où les saumons remontent les ruisseaux, on doute moins du sens de la vie. Ces apparitions, ces présences, ce sont les nourritures psychiques dont l’homme a besoin. Un humain a besoin de vivre en résonance d’âme, que ce soit avec des sources, des arbres vénérables, des rochers, ou des animaux sauvages. Peut-être est-ce de vivre sans qui rend l’humanité si misérable…

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C’est quand l’existence surmonte un à un les obstacles que le sens vivant d’une vie prend forme. Dans la morne plaine, le cours de l’eau est sans obstacles, il s’affadit et s’envase. Il croupit. Telles sont les promesses d’une vie facile : en voudrait-on ?…

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comme lorsqu’on grimpe une montagne, passée la crête, c’est un grand paysage vide qui se révèle, où le rouge du levant est d’une beauté où l’on s’absorbe. Vous avez certes faim, vous avez froid et mal aux jambes, mais ces douleurs sont sans réelle importance. Ce que vous vivez est un ravissement de l’âme qui n’est pas seulement de l’ordre d’une expérience esthétique, d’une atteinte au sublime. Si vous regardez bien, à ce moment là, il n’y a plus personne. C’est comme si vous respiriez du divin dans l’éther. En étant de l’être de Dieu,pour parler comme maître Eckhart, votre être de misère s’est dissipé. C’est ce qu’il faut comprendre en redescendant de la montagne, pour en garder la marque en ce monde imparfait… »

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Encore une lecture vivifiante ! Ce n’est pas un roman mais une suite d’instants de vie qui se succèdent, racontent les lieux, les activités du jour et de la saison, les points de vue de l’esprit et de l’âme. L’auteur est riche d’un passé et de multiples expériences qu’il met en lien avec le présent. Merci à celles qui avaient parlé de ce livre, il y circule une précieuse énergie…

Extraits de : « Ma vie dans les monts »  2018  Antoine Marcel.

Illustrations : 1/ »Paysage »  et 2/ »Arbres »  Karoly Patko  1895-1941  3/ »Jouer avec les couleurs »  William Henry Holmes  1846-1933.

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Aller vers le monde…

BVJ – Plumes d’Anges.

Contemplation intérieure…

vendredi 1 février 2019

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« Loin, loin

les oiseaux traversent

les montagnes enneigées »

Santoka Taneda

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Traversée de l’hiver, tout est endormi, les reliefs s’estompent, les couleurs sont éteintes… Il est parfois un peu difficile de vivre cette saison qui laisse nos membres engourdis et nos pensées figées.

Nul désir en ce moment,  simplement vivre le silence, la patience, rêver

et voguer sur l’écume, ressentir le blanc…

Se souvenir qu’en certaines contrées fleurissent les Sorbiers des Oiseleurs, un enchantement pour les cœurs, un ravissement pour les yeux. Leurs petites baies rouges étincellent sur le manteau neigeux, de nombreuses espèces viennent picorer joyeusement ces fruits somptueux, c’est pour les oiseaux un véritable festin hivernal et ils chantent, ils chantent pour remercier la vie.

Attendre, espérer et savoir au fond de soi que bientôt la lumière renaîtra et réchauffera

à nouveau les âmes, tout est parfait une fois encore.

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Illustrations : 1/ « Pin sous la neige »  Pekka Halonen  1865-1933   2/ « Bouquet de fleurs »  Adolf van Becker  1831-1909.

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Vivre à l’intérieur…

BVJ – Plumes d’Anges.