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» … Il y a d’abord le Soleil. Il règne. Il est là. Nous ne vivons que par lui… Quand il se couche, nous nous couchons. Quand il se lève, nous revivons. Nous passons. Il demeure. Il est pour nous, mortels, l’image de l’éternité. On est en droit de se dire qu’il est là pour toujours. Et pourtant, comme vous, comme moi, comme nous tous et comme le reste, il passera, lui aussi…
… Le Soleil, en attendant, est la beauté du monde. Le monde est beau parce que le Soleil est là. Et il est beau un peu partout. Sur la mer, sur le désert, sur les montagnes, sur les fleuves et sur les rivières – et même, mais il a du mal, sur nos grandes villes et sur les usines dans leurs banlieues. Il est permis de soutenir qu’il n’y aurait pas de beauté, ni dans la nature, ni dans l’art, s’il ‘y avait pas de Soleil. Ce qu’il y a de mieux dans le Soleil, c’est la lumière…
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… Ni peintre ni sculpteur, ni musicien d’ailleurs, ni mathématicien, ni physicien, ni astronome, aussi peu doué pour les arts que pour les sciences, j’ai beaucoup aimé la lumière. La lumière du jour, le matin, m’a toujours enchanté. Je me réveillais de bonne humeur parce que, rayonnante ou couverte, la lumière était là. Sur Positano, sur Amalfi, sur Ravello et ses jardins, sur la vallée du Dragon, sur Dubrovnik, sur Korcula ou sur Hvar, sur Ithaque ou sur Kask, sur Symi ou sur Castellorizo, sur Karnak ou sur Udaipur, sur les places, les églises, les palais de Gubbio, d’Urbino de Todi, de Spolète, d’Ascoli Piceno, et même de Pitigliano ou de Borgo Pace, assez dénuées, toutes les deux, de beautés fracassantes, d’Ostuni, de Martina Franca, des petites villes de Toscane, d’Ombrie, des Pouilles, d’Andalousie ou du Tyrol, elle m’a rendu presque fou de bonheur. Plus que les paysages, plus que la plupart des personnages, pourtant souvant enchanteurs ou subtils, que j’ai eu la chance de rencontrer, plus que l’eau, ce miracle, plus que la beauté des arbres, plus que les ânes et les éléphants, plus peut-être que les livres, plus peut-être même que le ski au printemps, la mer au fond des criques ou les femmes qui m’ont donné tant de bonheur en apparaissant, en restant et parfois en s’en allant, ce que j’ai le plus aimé en ce monde où j’ai déjà passé pas mal de temps, c’est la lumière.
Presque autant que le temps, moins cruelle, plus tendre, moins secrète et moins mystérieuse, mais tout aussi répandue à travers tout l’univers, la lumière m’a toujours semblé murmurer en silence quelque chose de Dieu.
Présent partout, éternellement absent, Dieu se dissimule dans ce monde. Chacun peut pourtant dresser, comme un chant d’espérance, la liste des évènements ou des occasions où il se manifeste soudain – parfois de façon surprenante – avec une sorte d’évidence et d’éclat… »
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Extraits de : « Comme un chant d’espérance » – 2014 – Jean d’Ormesson.
Illustrations : 1/« Coucher de soleil à Königsberg » Hugo Knorr 1834-1904 2/« Allégorie de la musique » Niederlandisher Meister XVIIIème.
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Entendre le chant de la lumière…
BVJ – Plumes d’Anges.