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« Si vous faites ricocher habilement une pierre plate sur la surface de l’eau, elle rebondira de nombreuses fois, à intervalles plus ou moins grands.
En gardant cette image en tête, remplacez maintenant l’idée de l’eau par celle du temps.
Commencez par vous poster, pierre en main, sur le rivage de Venise, face à Murano, l’île du verre, située de l’autre côté de la lagune, à une demi-heure en gondole. Ne lancez pas tout de suite votre pierre. Nous sommes en 1486, à l’apogée de la Renaissance, et Venise règne en maître sur le commerce, aussi bien en Europe que dans la majeure partie du monde. La Cité des Eaux semble vouée à rester riche et puissante à jamais.
Orsola a neuf ans. Elle vit à Murano, mais n’a pas encore travaillé le verre…
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… « Les coupes ne sont pas assorties », annonça Marie Barovier alors qu’elles se tenaient près du puits. (…)
« Pourquoi pas une plus grande variété de verres ? Pas juste des coupes, mais des verres plus ordinaires ? De jolis goti que les garzoni pourront fabriquer. Des assiettes. Des plats. Des choses simples, pas trop recherchées. Il se peut que Marco soit doué pour une de ces choses-là. Ou bien que Giacomo le soit mais n’ait pas eu l’occasion de montrer ce qu’il sait faire. Ils doivent prendre le temps de déterminer leurs points forts, plutôt que de tenter d’imiter votre père. Chaque verrier est différent, tout comme chaque chanteur a sa voix et chaque cuisinière sa pasta. Paolo, le servente de votre père, fait de l’excellent travail. Il leur apprendra, même s’il n’est pas un Rosso et ne prendra jamais la tête de l’atelier. Mais ils doivent se dépêcher de résoudre le problème. La bonne volonté de Klingenberg a des limites, et il ne tardera pas à passer commande chez d’autres. »
C’était un conseil judicieux, mais que n’importe qui aurait pu leur donner. Sa mère et même Marco auraient fini par en arriver à cette conclusion.
« Autre chose : les perles.
– Les perles ? » Les Rosso n’avaient jamais fabriqué de perles. Elles étaient bon marché, pas assez tape-à-l’œil et peu rentables ; c’étaient des objets que produisaient les verriers parmi d’autres objets plus prestigieux. Seule la rosetta des Barovier avait acquis une certaine valeur.
« Des perles que tu pourrais faire, toi.
– Moi ? » Orsola n’avait jamais manié le verre fondu… »
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Merveilleuse histoire qui porte et transporte au fil de ses 437 pages. Peu de choses ont bougé sur la lagune, le temps y est comme suspendu mais le monde autour n’est plus le même. Tout commence en 1494 sur l’ile de Murano. Maestro Rosso, maître verrier, fabrique des verres et des coupes, qu’il vend à Venise à un grand marchand, Klingenberg à l’entrepôt dei Tedeschi. Sa mort soudaine oblige sa famille à s’organiser pour que l’atelier ne disparaisse pas.
Orsola, l’héroïne de l’histoire grandit, elle rêve de souffler le verre mais ce métier est interdit aux femmes. Elle apprend l’art des perles, affine son art, elle tombe amoureuse d’Antonio mais…
L’auteure envoie sa pierre plate, elle ricoche, nous sommes en 1574 avec une terrible épidémie de peste sur la lagune… elle ricoche encore, une autre épidémie de peste en 1631… puis il y a Casanova, Napoléon, des batailles, des morts, des naissances, des joies et des douleurs, le courage des femmes dans ce milieu d’hommes – quel courage !!! -, celui d’Orsola qui vieillit tout doucement, le fil d’or de l’amour qui entretient le feu de son cœur…
Tracy Chevalier nous tient en haleine jusqu’à la dernière page, mêlant des faits historiques précis à toute cette vie romanesque peuplée de nombreux personnages aux descriptions colorées. J’ai adoré ce livre, je l’ai dévoré et j’espère qu’il en sera de même pour vous.
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Extraits de : « La fileuse de verre » 2024 Tracy Chevalier.
Illustrations : 1/ « Bateaux sur la lagune » 2/ « Vue de Venise le soir » Whilhelm von Gegerfelt 1844-1920.
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Ne pas se laisser abattre par l’adversité…
BVJ – Plumes d’Anges.
Etant allée à Murano en avril je viens d’acheter le livre… Il me suffit de l’ouvrir quand le temps et les instants seont favorables…
ça fait rêver… et pourtant je suis sûre qu’il vaut mieux vivre aujourd’hui.
Et ici 🙂
Pendant la semaine de vacances de ma fille à la maison,
elle lisait ce livre avec la même passion que toi, chère Brigitte :
Venise est et restera une perle précisément,
un haut-lieu de notre imaginaire collectif !
l’image du galet résume parfaitement le rapport au TEMPS,
acteur essentiel de toute vie…éternellement ❣️
« Les bateaux sur la lagune » ajoutent au charme de ta présentation…
Une magnifique présentation de ta lecture.
Tu as dévoré et adoré ce livre.
Je le note car tu me donnes envie de le lire…
des histoires dans l’Histoire et cela nous rend plus perceptible ce que furent la vie de nos anciens qui nous ont fabriqués un peu, beaucoup….et ce que nous sommes devenus ?
Sympa +++ tes commentaires très positifs sur Murano, capitale des maîtres verriers.
Au départ, une personne, un artiste, début de ces travaux sublimes.
Par chez nous, Strasbourg, point d’îles, mais une tradition du cristal.
Baccarat, Saint Louis, Lalique, Meisenthal, celui de la boule de Noël, chaque années différente.
J’aimerais bien un verre à vin Baccarat, modèle Harcourt. En attendant, je bois dans un verre à moutarde …. Amic@lement. > Yann
24 ans après « La jeune fille à la perle » qui m’avait beaucoup plu, je suis prête à embarquer vers ce dernier roman de Tracy Chevalier. Merci, Brigitte.
Tu donnes très envie de lire ce roman et le travail du verre me fasciné. C’est bien noté. Bises Brigitte.
Je l’ai dévoré également ! J’ai trouvé cette histoire exaltante.
Il faut que je le lise. Je l’ai noté à sa sortie mais pour l’instant ma médiathèque ne l’a pas alors je viens de l’ajouter dans mes listes sur Babelio. J’aime beaucoup cet auteur et j’ai été fascinée par Murano et le travail du verre, lorsque j’y suis allée…Merci pour ton enthousiasme et pour tes extraits.
Fascinée par Venise, je suis persuadée que je vais aimer l’histoire d Orsola.
Merci brigitte. Tu donnes envie de lire ce livre. Fantastique présentation !
Murano et beauté des maîtres verriers.
Une belle idée en ce doux 15 août.
je t’embrasse.
je suis une fan de l’auteur même si certains de ses livres m’ont un peu moins plu
je vais faire confiance à la communauté de ses adeptes : Toi, Bonheur du jour, je sens que cela va me plaire et que le livre fera le tour de la famille
Murano et hop, on rêve. Mais Tracy Chevalier, du moins celui- ci pas trop envie de le lire; ça ne s’explique pas….!! En revanche, cet été, j’ai lu de très bons livres, et je vais me régaler à la rentrée de mon club de lectures! Pas for forcément des nouvautés!
Encore une belle idée de lecture merci Brigitte Beau week end
Tu parles si bien de ce livre qui m’a fait m’envoler, Murano, en face de la plus belle ville du monde, la couleur de l’eau de la lagune, le cri des mouettes, j’y étais vraiment! Et quels destins fascinants ont ces gens si simples qui mènent une vie si grande!!
Si on se retrouvait au Fondaco des Tedeschi, on irait voir les millefiori d’Orsola…
Mille bacci
Tu nous tentes encore ! L’écriture de Tracy Chevalier, les sujets abordés sont toujours un bon moment de lecture. Après « la jeune fille à la perle » il y a très longtemps, « la brodeuse de Winchester » m’a récemment très intéressée. Elle développe, creuse dans des domaines, des savoir faire, des artisanats variés. Celui des brodeuses pour le pan féminin de l’histoire …et des sonneurs de cloches du côté des hommes. Passionnant !