.
.
« … « En essence, l’altruisme réside dans la motivation qui anime un comportement. Il peut être considéré comme authentique tant que le désir du bien d’autrui constitue notre préoccupation principale, même si cette préoccupation ne s’est pas encore concrétisée en actes.
Par contraste, l’égoïsme, non content d’être centré sur lui-même, considère les autres comme des instruments au service de ses intérêts. Il n’hésite pas à négliger, voire à sacrifier le bien d’autrui lorsque cela s’avère utile pour parvenir à ses fins. » *…
.
… Dans la bulle de l’ego, la moindre contrariété prend des proportions démesurées. L’étroitesse de notre monde intérieur fait qu’en rebondissant sans cesse sur les parois de cette bulle, nos états d’esprit et nos émotions s’amplifient de manière disproportionnée et envahissante. La moindre joie devient euphorie, le succès nourrit la vanité, l’affection se fige en attachement, l’échec nous plonge dans la dépression, le déplaisir nous irrite et nous rend agressifs. Nous manquons des ressources intérieures nécessaires pour gérer sainement les hauts et les bas de l’existence. Ce monde de l’ego est comme un petit verre d’eau : quelques pincées de sel suffisent à le rendre imbuvable. À l’inverse, celui qui a fait éclater la bulle de l’ego est comparable à un grand lac : une poignée de sel ne change rien à sa saveur. Par essence, l’égoïsme ne fait que des perdants : i nous rend malheureux et nous faisons, à notre tour, le malheur de ceux qui nous entourent…
.
… Le père Ceyrac qui, pendant soixante ans, s’est occupé de trente mille enfants défavorisés dans le sud de l’Inde, me dit un jour : « Malgré tout, je suis frappé par l’immense bonté des gens, même de ceux qui semblent avoir le coeur et l’œil fermés. Ce sont les autres, tous les autres, qui fondent la trame de nos vies et forment la matière de nos existences. Chacun est une note dans « le grand concert de l’univers », comme le disait le poète Tagore. Personne ne peut résister à l’appel de l’amour. On craque toujours au bout d’un certain temps. Je pense réellement que l’homme est intrinsèquement bon. Il faut toujours voir le bon, le beau d’une personne, ne jamais détruire, toujours chercher la grandeur de l’homme, sans distinction de religion, de caste, de pensée…
.
… L’altruisme, la coopération et l’entraide sont beaucoup plus présents dans la vie quotidienne que ne le suggèrent les médias et les préjugés en vigueur. Au cours des cinquante dernières années, nous avons vu se développer l’aversion pour la guerre, ou encore assisté à la prise de conscience que la terre n’est qu’un « grand village ». Le rôle grandissant des ONG, le fait que de nombreux citoyens soient concernés par ce qui se passe ailleurs dans le monde, notamment lorsqu’une assistance est nécessaire, tout cela indique un changement des mentalités, de nos cultures donc, davantage tournées vers un sentiment de « responsabilité universelle », pour reprendre une expression chère au Dalaï-lama. Cette évolution est donc en marche. Peut-être suffit-il d’y participer, en ajoutant notre pierre à l’édifice, notre goutte à l’océan. Mais on peut aussi imaginer que nous puissions la faciliter et l’amplifier à la manière d’un catalyseur qui accélère une réaction chimique… »
* Daniel Batson dans « L’Altruisme chez l’être humain »
.
…
Extraits (à suivre) de : « Plaidoyer pour l’altruisme » 2013 Matthieu Ricard.
Tableaux : 1/« Le garçon bulle » Paul Peel 1860-1892 2/« Le lac » Konstantin Yakovlevich Kryzhitsky 1858-1911.
…..
Souffler sur la bulle de notre ego…
BVJ – Plumes d’Anges.