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« … Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d’y voir. Je partais. Avec les fées…
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… J’aimais ces embrasements des siècles, noces du légendaire et du dogmatique, ces rondes mêlées de saints chrétiens et d’ombres saturnales. Les hommes du siècle 21, le mien, étaient passionnés par la discorde. Ils faisaient des choix. Ils réduisaient les chatoiements. L’amour de la dialectique avait créé chez mes semblables une pensée de hachoir et des réflexes de charcutier : on tranchait. Soit l’un, soit l’autre. Moi je voulais les deux puisque j’aimais les fées.
Sur les balcons de l’Ouest, les siècles avaient su se fondre l’un dans l’autre. La source païenne avait irrigué l’esprit moderne. Les générations avaient déposé chacune son propre bouquet au pied de la suivante. Et puis soudain, l’époque contemporaine avait rompu la passation. Un siècle de machines avait produit des hommes nouveaux à la pensée très fière. Ils préféraient choisir ce qui leur convenait. Ils faisaient leurs courses dans les rayonnages du Temps. Ils traitaient l’Histoire comme des manutentionnaires de magasin. Le reste, ils le jetaient dans la fosse aux oublis. Pis, ils le condamnaient et revendiquaient le « droit d’inventaire ». À ces réflexes de déboulonneurs, je préférais les rêveries où le Christ et Morgane s’emportaient dans la même gigue…
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... On traversait des tranchées ouvertes dans des murailles de fougères. On franchissait un vallon percé de soleil. Cascadait un ruisseau entre les asphodèles. Des fleurs s’abreuvaient aux margelles. Des sous-bois vert tendre faisaient des berceaux de fées dans les renfoncements du relief. Des tapis de jonquilles doraient le socle des rochers. L’herbe avait des airs de moquette très Agatha Christie. Il ne faut pas en vouloir aux vieilles dames anglaises. Ici, même la nature fait de la décoration intérieure…
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… Le vent devait avoir un projet. Il ne se calma pas. Les promontoires étaient des étraves abandonnées ou bien des pattes de griffons plantées dans l’eau. Tout s’enivrait : les mouettes, les fous, les vagues, les embruns. Seule la terre tenait bon. Le vent est la joie de vivre de la mer… »
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Incroyable Sylvain Tesson qui nous convie à un voyage intense entre Galice et Iles Shetland, à voile, à pied ou à bicyclette, dans les brumes, sous la pluie. L’eau est omniprésente, les fées surgissent sans crier gare et disparaissent laissant leur effluve dans l’âme du poète.
Dans « Avec les fées », sorte de journal de bord, il dissèque – souvent avec humour et dérision – tout ce qui s’offre à son regard dans une langue incroyablement poétique, quel bonhomme ! Une énergie sans faille, une étonnante curiosité de la Terre, de ses histoires, de ses géographies physiques et mentales…
Il nous offre ici des moments de grâce que seule la nature sait offrir à l’Homme éveillé, à l’Homme qui refuse cette société uniquement matérialiste, à l’Homme qui cultive l’art de la nuance pour élargir ses horizons…
Dans ses questionnements, ses méditations, l’Histoire et la littérature font sans cesse irruption, nous « apprenons » ou parfois nous nous souvenons. Le rythme est vif, les mouvements se succèdent, la vie ne serait-elle être qu’aventures, morts et renaissances ?
La quête de l’auteur semble éternelle. Que cherche-t-il et le sait-il ? Il incite chacun à rechercher son Graal…
Vous l’aurez compris, j’ai été conquise par cette lecture,
tout a un prix mais il est si bon de rêver en pays de poésie.
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Extraits de : « Avec les Fées » 2024 Sylvain Tesson.
Illustrations : 1/ « Coucher de soleil sur la mer bretonne » Ferdinand de Puigaudeau 1864-1930
2/ « Dimanche » Henri Le Sidaner 1862-1939 3/ « Col de Glencoe – Écosse » Thomas Moran 1837-1926.
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Rechercher son Graal…
BVJ – Plumes d’Anges.