Surnaturel…

5 octobre 2024

.

.

« … Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d’y voir. Je partais. Avec les fées…

.

J’aimais ces embrasements des siècles, noces du légendaire et du dogmatique, ces rondes mêlées de saints chrétiens et d’ombres saturnales. Les hommes du siècle 21, le mien, étaient passionnés par la discorde. Ils faisaient des choix. Ils réduisaient les chatoiements. L’amour de la dialectique avait créé chez mes semblables une pensée de hachoir et des réflexes de charcutier : on tranchait. Soit l’un, soit l’autre. Moi je voulais les deux puisque j’aimais les fées.

Sur les balcons de l’Ouest, les siècles avaient su se fondre l’un dans l’autre. La source païenne avait irrigué l’esprit moderne. Les générations avaient déposé chacune son propre bouquet au pied de la suivante. Et puis soudain, l’époque contemporaine avait rompu la passation. Un siècle de machines avait produit des hommes nouveaux à la pensée très fière. Ils préféraient choisir ce qui leur convenait. Ils faisaient leurs courses dans les rayonnages du Temps. Ils traitaient l’Histoire comme des manutentionnaires de magasin. Le reste, ils le jetaient dans la fosse aux oublis. Pis, ils le condamnaient et revendiquaient le « droit d’inventaire ». À ces réflexes de déboulonneurs, je préférais les rêveries où le Christ et Morgane s’emportaient dans la même gigue…

.

... On traversait des tranchées ouvertes dans des murailles de fougères. On franchissait un vallon percé de soleil. Cascadait un ruisseau entre les asphodèles. Des fleurs s’abreuvaient aux margelles. Des sous-bois vert tendre faisaient des berceaux de fées dans les renfoncements du relief. Des tapis de jonquilles doraient le socle des rochers. L’herbe avait des airs de moquette très Agatha Christie. Il ne faut pas en vouloir aux vieilles dames anglaises. Ici, même la nature fait de la décoration intérieure…

.

… Le vent devait avoir un projet. Il ne se calma pas. Les promontoires étaient des étraves abandonnées ou bien des pattes de griffons plantées dans l’eau. Tout s’enivrait : les mouettes, les fous, les vagues, les embruns. Seule la terre tenait bon. Le vent est la joie de vivre de la mer… »

.


Incroyable Sylvain Tesson qui nous convie à un voyage intense entre Galice et Iles Shetland, à voile, à pied ou à bicyclette, dans les brumes, sous la pluie. L’eau est omniprésente, les fées surgissent sans crier gare et disparaissent laissant leur effluve dans l’âme du poète.

Dans « Avec les fées », sorte de journal de bord, il dissèque – souvent avec humour et dérision – tout ce qui s’offre à son regard dans une langue incroyablement poétique, quel bonhomme ! Une énergie sans faille, une étonnante curiosité de la Terre, de ses histoires, de ses géographies physiques et mentales…

Il nous offre ici des moments de grâce que seule la nature sait offrir à l’Homme éveillé, à l’Homme qui refuse cette société uniquement matérialiste, à l’Homme qui cultive l’art de la nuance pour élargir ses horizons…

Dans ses questionnements, ses méditations, l’Histoire et la littérature font sans cesse irruption, nous « apprenons » ou parfois nous nous souvenons. Le rythme est vif, les mouvements  se succèdent, la vie ne serait-elle être qu’aventures, morts et renaissances ?

La quête de l’auteur semble éternelle. Que cherche-t-il et le sait-il ? Il incite chacun à rechercher son Graal…

Vous l’aurez compris, j’ai été conquise par cette lecture,

tout a un prix mais il est si bon de rêver en pays de poésie.

.

Extraits de : « Avec les Fées »  2024  Sylvain Tesson.

Illustrations : 1/ « Coucher de soleil sur la mer bretonne »   Ferdinand de Puigaudeau  1864-1930

2/ « Dimanche »  Henri Le Sidaner 1862-1939  3/ « Col de Glencoe – Écosse »  Thomas Moran 1837-1926.

…..

Rechercher son Graal…

BVJ – Plumes d’Anges.

Étonnant destin…

29 septembre 2024

.

.

« … Un plat du jour et un dessert, un seul service le midi. Le café reste ouvert aux joueurs de cartes et aux verres de l’amitié comme à ceux plus solitaires qui cherchent compagnie.

En peu de temps, le bruit court dans les ruelles et voyage vers les villages voisins :

« Vous avez gouté la matelote de l’Andrée ? Et le ragoût d’agneau ? Peuchère, ses poires au vin, j’y suis retournée deux jours de suite ! »

Andrée a déjà beaucoup cuisiné. Elle a, au fil du temps, compilé les recettes dans plusieurs carnets. Chacune a le goût d’une maison, d’une famille, d’un moment de la vie d’Andrée. Derrière chaque page, un sourire, une larme, un souvenir. Parfois, entre deux feuillets quadrillés, un brin de santoline séchée, un trèfle, une fleur aux teintes passées. Lui reviennent alors, en désordre, les visages, les cours, les odeurs, les feux qui crépitent et le froid qui saisit dans un lit étranger, lorsque, à dix ans, quelqu’un a décidé qu’il serait désormais le vôtre.

Les mots écrits de sa main, maladroite, puis de plus en plus appliquée. Les plats, les desserts comme autant de cailloux sur sa route.

Aux anciennes recettes s’ajoutent celles qu’elle découvre dans le livre offert en cadeau de mariage par Mme Montlahuc : Le livre de cuisine de Mme E. Saint-Ange.

Lourd comme une brique, plus de mille pages, fines, à l’écriture serrée, de planches illustrées, de conseils et de propositions de menus pour chaque saison.

Une bible que j’ai plus consultée que celle conseillée par M. le Curé ! Tu peux me croire mon Ninou !

.

… Jacquie porte autour du cou le cadeau personnel de Mme de Gaulle, un carré Hermès aux tons jaunes et dorés portant différents motifs équestres, harnais, sellettes, ornements d’apparat. Les conseillers de l’Élysée avaient parfaitement étudié les centres d’intérêt de la première dame passionnée d’équitation et excellente cavalière.

Il fut ce soir là, autour de la table, question de cuisine et de vins français. Les frères et sœurs, en partie réunis, avaient tous une anecdote, un souvenir à ce sujet, mais lorsque Jacquie sortit de son sac le menu du dîner de gala à Versailles, le silence se fit pour l’écouter.

« Just a minut, Jacquie, dit alors Ted, please wait… »

Andrée essuie ses mains et se laisse entrainer par son patron vers la salle à manger où les convives la regardent approcher timidement.

« Go ahead, Jacquie. »

Les commentateurs ont souvent souligné la diction aristocratique de l’épouse de Jack, une manière de parler lentement sur un ton doux et mesuré d’une distinction et d’une correction parfaites. La façon idéale pour décliner un menu empreint de poésie française.

Velouté Sultane

Timbales de soles Joinville

Cœur de filet de Charolais renaissance

Chaud-froid de volaille

Salade de romaine à l’estragon

Ronde des fromages

Parfait Viviane

Andrée, bouche bée, se reprend vite pour faire face aux questions des uns et des autres. Jack reconnaît que tout était délicieux, ses soeurs veulent savoir : Sultane, Joinville, Renaissance, pourquoi diable ces français s’obstinent-ils à donner des noms à leurs plats incompréhensibles aux non-initiés.

Alors Andrée explique : « à la sultane » s’applique aux préparations qui contiennent de la pistache. Mariée à du beurre, elle termine parfaitement un velouté de volaille… »

.

.

Cette histoire débute en 1999 dans un cimetière du Vaucluse, là vient d’être inhumée Andrée Imbert.

Enfant abandonnée à la naissance, l’Assistance publique la confie – sous le matricule 18603 –  à une première famille d’accueil,  puis à une seconde à l’age de 10 ans. Comme le prévoit la loi, elle est placée en tant que bonne dès 13 ans. Plus tard elle épouse Léopold Imbert, veuf père d’un petit garçon, il tient un café de village, ils auront ensemble une fille, Madeleine.

Passionnée de cuisine, Andrée note depuis toujours des recettes sur de précieux carnets, ils la suivront partout. Son mari accepte qu’elle dispose quelques tables dans son établissement, elle y servira du lundi au samedi, à midi, un plat du jour avec dessert. Très vite ses talents culinaires attirent… Mais Andrée voit grand et voit loin, elle a soif d’apprendre, d’explorer d’autres lieux, elle part travailler dans de « grandes » maisons, à Lyon chez les Berliet… sur la côte d’Azur chez les Lumière, chez Albert Camus venu se reposer sur les hauteurs de Grasse, chez les Gallimard, chez Fred et Helen Rogers qui lui proposent de venir à New York… et enfin dans la famille Kennedy.

Incroyable destinée de cette femme qui est restée en relation avec les membres de ses familles, elle a toujours écrit et envoyé de l’argent à sa fille et prenant sa retraite, elle a rejoint les siens dans la Drôme.

Ce récit est très vivant, la vie d’Andrée est racontée par petites touches, l’auteure a un grand sens de la narration, elle s’est bien documentée sur le plan historique, les détails affluent avec légèreté et l’on se passionne au fil des pages pour cette personnalité singulière, la vie ne l’a pas épargnée mais elle en a fait une force, avec un goût du travail bien fait et de la tendresse à partager…

Ce fut un agréable moment de lecture, je vous le garantis.

.

Extraits de : « La cuisinière des Kennedy »  2024  Valérie Paturaud.

Illustrations : 1/ « Mettre la table »  August Eiebakke  1867-1938

  2/ « L’employée de maison »  William Mac Gregor Paxton  1869-1941.

3/ « Table fleurie »  Jane Nérée-Gautier  1877-1948

…..

Avoir le goût du travail bien fait…

BVJ – Plumes d’Anges.

Recherche de félicité…

22 septembre 2024

.

.

« … Fausto raccrocha peu après. Sur le balcon où il se trouvait, la voix de Silvia lui manqua immédiatement. Il observa la forêt et remarqua que les branches les plus exposées des mélèzes commençaient à jaunir. C’étaient les arbres de Fontana Fredda, arbres du soleil, du vent, des versants au sud, mais ils n’aimaient pas le gel, et lorsqu’ils le sentaient arriver, ils entraient en léthargie. Les sapins, impassibles, gardaient leurs aiguilles et ne gaspillaient pas leurs forces dans la mue saisonnière : deux arbres si proches, et deux stratégies si différentes pour affronter l’hiver. Les premiers à faner étaient les mélèzes blessés, qui par la foudre, qui par une chute de pierres, qui par une excavation ayant coupé une racine, mais en l’espace de quelques jours, la forêt entière virerait au jaune et au rouge, se retranchant dans un long sommeil pendant que le vert foncé des sapins monterait la garde.

Fausto avait lu quelque part que les arbres, contrairement aux animaux, ne pouvaient chercher la félicité autre part. Un arbre vivait là où sa graine était tombée, et pour être heureux, il devait faire avec. Ses problèmes, il les résolvait sur place, s’il en était capable, et s’il ne l’était pas il mourait. La félicité des ruminants, en revanche, suivait l’herbe, à Fontana Fredda c’était une vérité manifeste : mars au bas de la vallée, mai dans les pâturages des mille mètres, août dans les alpages aux alentours des deux mille, puis de nouveau en bas pour la félicité en demi-teinte de l’automne, la seconde modeste floraison. Le loup obéissait à un instinct moins compréhensible. Santorso lui avait raconté qu’on ne comprenait pas très bien pourquoi il se déplaçait, l’origine de son intranquillité. Il arrivait dans une vallée, y trouvait peut-être du gibier à foison, pourtant quelque chose l’empêchait de devenir sédentaire, et tôt ou tard il laissait tous ces cadeaux du ciel et s’en allait chercher la félicité ailleurs. Toujours par de nouvelles forêts, toujours derrière la prochaine crête, après l’odeur d’une femelle ou le hurlement d’une horde ou rien d’aussi évident, emportant dans sa course le chant d’un monde plus jeune, comme l’écrivait Jack London… »

.

Une histoire, celle de Fausto Dalmasso, écrivain qui a grand mal à écrire,

il est en manque d’inspiration.

Il part vers le Mont-Rose et se fait engager comme cuisinier

dans un restaurant nommé Le Festin de Babette

– nom donné par sa propriétaire Babette en hommage à la nouvelle de Karen Blixen.

Il se lie avec Sylvia, une serveuse à la recherche d’une autre vie,

il tisse lentement des amitiés avec Babette, avec Santorso…

L’hiver se passe, la saison touristique se termine, Fausto part à Milan.

Séparé de sa femme Veronica, il doit s’occuper de vendre leur ancienne maison.

Ce livre nous décrit des scènes de vie dans un village Alpin

– histoires d’amour, désillusions, parfums et couleurs des forêts,

force d’une nature généreuse mais qui ne fait pas de cadeaux.

Les villageois parlent peu, ils laissent planer certains mystères

et l’on voit que les caractères les plus rudes sont souvent les plus tendres…

Ici  des solitudes se rencontrent et petit à petit se partagent.

Fausto prend conscience qu’il faut laisser le monde dérouler ses chemins,

il ne faut rien exiger, rien brusquer,

il faut juste accueillir ce qui vient, ce qui surprend, les joies et les peines,

l’humanité est la félicité.

J’ai passé un très bon moment dans ces montagnes,

elles attirent, aimantent et terrifient parfois,

Paolo Cognetti  partage talentueusement son amour pour elles

et nous entraine là dans une jolie réflexion,

 

.

Extrait de « La félicité du loup »  2021  Paolo Cognetti.

Illustrations : 1/ « Massif du Mont Rose – Plateau glaciaire »  Edward Theodor Compton  1849-1921  2/ « Bouleaux et glycines »  Teodoro Wolf Ferrari  1878-1945.

…..

Apprécier les choses simples…

BVJ – Plumes d’Anges.

Vrais poèmes…

15 septembre 2024

.

.

.

.

.

.

.

.

.

« … Dans les vrais poèmes on ne trouve aucune unité que celle du fond de l’âme.

Il peut y avoir des instants où des abécédaires et des précis nous apparaissent poétiques.

La poésie = le fond de l’âme révélé… »

.

Bernard Noël  1930 – 2021 dans « Extraits du corps« .

.

.

Merveilleux pays de Bretagne où douceur et puissance se côtoient à chaque instant.

Il faut se perdre dans les brumes, arpenter la lande,

poser la main sur ces roches polis par les millénaires,

humer profondément l’air marin chargé des senteurs de l’océan,

apparaissent alors la Fée Viviane ou l’enchanteur Merlin…

À chaque marée se fait et se défait un paysage,

une création éternellement renouvelée,

une VIE de folle poésie…

.

Photos BVJ – Bretagne septembre 2024.

…..

Être le grain de sable, être l’océan…

BVJ – Plumes d’Anges.

Apaisement…

1 septembre 2024

.

.

« Le papillon bat des ailes

Comme s’il désespérait

De ce monde »

Kobayashi Issa

.

Ce matin, j’ai expérimenté l’agressivité du monde due à une peur,

le ressenti face à cette situation s’est avéré fort désagréable.

Un peu plus tard,

j’ai expérimenté la courtoisie, la bienveillance, la gratitude, l’amitié, l’amour…

ces moments vécus m’ont nourrie d’un belle force, 

ils m’ont émerveillée et transportée dans un monde paisible et lumineux.

À chacune, à chacun de choisir son chemin…

Lequel avez-vous envie d’explorer cette semaine ?

.

« Rien qui m’appartienne

Sinon la paix du cœur

Et la fraîcheur de l’air »

Kobayashi Issa

.

Illustrations : 1/ « Paysage »  Edward Mitchell Bannister  1828-1901  2/ « Lettrine P »  extraite du manuscrit  « De situ orbis geographia » de Strabon.

…..

S’apaiser et apaiser…

BVJ – Plumes d’Anges.

Éternel labeur…

25 août 2024

.

.

Le chemin est long, parfois difficile, parfois déroutant,

.

.

il nous faut chaque jour briser nos angles,

.

.

polir nos aspérités,

.

.

devenir brillants et fluides,

.

.

nous fondre dans le grand tout…

.

.

Un jour, lointain peut-être,

.

.

nous toucherons la perfection,

.

.

l’eau nous en donne l’exemple…

.

.

Elle s’étire, se crée et se recrée, fait disparaître et réapparaître la vie,

nous étonne sans cesse.

Elle n’a pas peur, elle avance inexorablement depuis  la nuit des temps,

perd un jour et gagne le lendemain, ne fait aucun calcul,

elle EST tout simplement, se transforme,

change d’état et sculpte la nature.

Ah, si nous pouvions garder confiance, le ciel veille…

.

« Être la terre – mais luire aussi comme une étoile. » 

Lucien Blaga

Photos BVJ – Alpes suisses Août 2024.

…..

Garder confiance en soi…

BVJ – Plumes d’Anges.

Terre et ciel…

18 août 2024

.

.

« … Paris déserté, les bancs alignés entre les tilleuls et les marronniers rouges, les rayons du soleil déclinant derrière les statues, les marches de l’escalier où nous ne cessons de nous arrêter pour nous embrasser : l’avenir nous appartient.

Quelques jours plus tard je recevrai ce message de Pierre : « Je n’aurais pas voulu mettre de tristesse dans ta vie mais je voudrais qu’on arrête. »

Et cette phrase qui me pulvérise : »Je ne peux pas faire l’amour sans amour. »

Il n’y aura jamais d’autre explication…

.

… J’ai parlé de Célian avec le père de Rosalie. (…) Il m’a dit ce qu’il sait par expérience. Qu’un surdoué ce n’est pas quelqu’un de plus intelligent mais quelqu’un qui ne peut pas ne pas voir la fausseté du monde sans que ça lui soit insupportable. Qui réinterroge sans cesse le récit collectif, inepte, factice. Il faut juste aider Célian à rendre acceptable cette quête de sens, pour qu’elle ne devienne pas obsessionnelle. Lui apprendre à se laisser traverser par des émotions sans s’en aliéner, et en faire une liberté…

.

… Juste avant notre voyage, le père de Rosalie m’a conseillé l’ouvrage d’un collègue. Un passage de ce livre m’a interpelée : « Les surdoués sont partout dans la littérature, et de manière récurrente chez des auteurs comme Tchekhov ou Shakespeare : avec leur rapport au monde passionné, douloureux, ce peuple d’écorchés, épris de justice, hante les œuvres, de Cyrano à Hamlet.« 

Je me dis que Tycho Brahe était sans doute lui aussi un enfant déconcertant. J’ai retrouvé dans un de mes carnets quelques mots de Rilke à Marina Tsvetaïeva : « As-tu déjà entendu l’histoire de Tycho Brahe ? À une époque où on ne lui avait pas encore permis d’étudier l’astronomie, il connaissait déjà si bien, comme par cœur, le Ciel, qu’un simple regard là-haut lui fit cadeau d’une nouvelle étoile. Sa première découverte dans la nature étoilée… » et ces mots « il connaissait si bien, comme par cœur » résonnent singulièrement dans mon esprit aiguisé par les préoccupations autour de Célian…

.

… Peu d’adultes connaissent encore au contact de la nature ces émerveillements de l’enfance : les poètes, les peintres, les botanistes et les photographes animaliers du panthéon singulier de Célian… Je me mets à plat ventre dans les céréales pour apprendre de mon grand garçon les secrets de l’organisation du vivant et retrouver grâce à lui cette connexion essentielle avec le monde que je n’aurais jamais dû perdre. Je me mets à plat ventre pour attendre la rencontre avec l’oiseau… ».

.

Mary est la maman de Célian. Ce petit garçon est rêveur : fin observateur de la nature, il a du mal à se concentrer et exaspère son institutrice qui le traite de fainéant ! Mary est abandonnée par Pierre, une blessure d’enfance se rouvre, elle se sent comme pulvérisée par toutes ces injustices…

Elle entreprend un voyage vers l’ile de Ven ( anciennement Venusia) aujourd’hui suédoise. Un astronome, Tycho Brahe, né en 1546 y fit construire un palais observatoire de grande renommée et rédigea le premier catalogue des étoiles du XVIème, son assistant Kepler le fit éditer à sa mort. Mais plus rien n’existe sur cette ile, seulement des traces, des histoires, une nature complètement préservée et des gens merveilleux qui vont les accompagner sur un chemin de guérison.

C’est un roman paisible, une tranche de vie racontée par petites touches délicates. Les grandes villes ne peuvent convenir aux êtres hypersensibles, il leur faut l’amour, la terre, sa beauté, ses parfums, ses secrets, le ciel qui s’allume chaque nuit pour offrir sa féérie toujours renouvelée, l’espace et la liberté.

J’ai beaucoup aimé ce premier roman, la belle relation entre cette mère et son enfant, j’ai découvert cet astronome (j’ai hâte d’explorer plus en profondeur sa vie), ses travaux, ses liens avec Hamlet de Shakespeare, c’est une lecture qui apporte beaucoup, je vous la conseille…

Une lecture conseillée par ANNE il y a un an il me semble, merci Anne…

.

Extraits de : « L’enfant céleste »  2020  Maud Simonnot.

Illustrations : 1/ « Uraniborg – Château et observatoire » Tycho Brahe  1546-1601  2/ « Champ de céréales »  Jan Stanislawski  1860-1907.

…..

Emprunter un chemin de guérison…

BVJ – Plumes d’Anges.

Feu du cœur…

10 août 2024

.

.

« Si vous faites ricocher habilement une pierre plate sur la surface de l’eau, elle rebondira de nombreuses fois, à intervalles plus ou moins grands.

En gardant cette image en tête, remplacez maintenant l’idée de l’eau par celle du temps.

Commencez par vous poster, pierre en main, sur le rivage de Venise, face à Murano, l’île du verre, située de l’autre côté de la lagune, à une demi-heure en gondole. Ne lancez pas tout de suite votre pierre. Nous sommes en 1486, à l’apogée de la Renaissance, et Venise règne en maître sur le commerce, aussi bien en Europe que dans la majeure partie du monde. La Cité des Eaux semble vouée à rester riche et puissante à jamais.

Orsola a neuf ans. Elle vit à Murano, mais n’a pas encore travaillé le verre…

.

… « Les coupes ne sont pas assorties », annonça Marie Barovier alors qu’elles se tenaient près du puits. (…)

« Pourquoi pas une plus grande variété de verres ? Pas juste des coupes, mais des verres plus ordinaires ? De jolis goti que les garzoni pourront fabriquer. Des assiettes. Des plats. Des choses simples, pas trop recherchées. Il se peut que Marco soit doué pour une de ces choses-là. Ou bien que Giacomo le soit mais n’ait pas eu l’occasion de montrer ce qu’il sait faire. Ils doivent prendre le temps de déterminer leurs points forts, plutôt que de tenter d’imiter votre père. Chaque verrier est différent, tout comme chaque chanteur a sa voix et chaque cuisinière sa pasta. Paolo, le servente de votre père, fait de l’excellent travail. Il leur apprendra, même s’il n’est pas un Rosso et ne prendra jamais la tête de l’atelier. Mais ils doivent se dépêcher de résoudre le problème. La bonne volonté de Klingenberg a des limites, et il ne tardera pas à passer commande chez d’autres. »

C’était un conseil judicieux, mais que n’importe qui aurait pu leur donner. Sa mère et même Marco auraient fini par en arriver à cette conclusion.

« Autre chose : les perles.

– Les perles ? » Les Rosso n’avaient jamais fabriqué de perles. Elles étaient bon marché, pas assez tape-à-l’œil et peu rentables ; c’étaient des objets que produisaient les verriers parmi d’autres objets plus prestigieux. Seule la rosetta des Barovier avait acquis une certaine valeur.

« Des perles que tu pourrais faire, toi.

– Moi ? » Orsola n’avait jamais manié le verre fondu… »

.

Merveilleuse histoire qui porte et transporte au fil de ses 437 pages. Peu de choses ont bougé sur la lagune, le temps y est comme suspendu mais le monde autour n’est plus le même. Tout commence en 1494 sur l’ile de Murano. Maestro Rosso, maître verrier, fabrique des verres et des coupes, qu’il vend à Venise à un grand marchand, Klingenberg à l’entrepôt dei Tedeschi. Sa mort soudaine oblige sa famille à s’organiser pour que l’atelier ne disparaisse pas.

Orsola, l’héroïne de l’histoire grandit, elle rêve de souffler le verre mais ce métier est interdit aux femmes. Elle apprend l’art des perles, affine son art, elle tombe amoureuse d’Antonio mais…

L’auteure envoie sa pierre plate, elle ricoche, nous sommes en 1574 avec une terrible épidémie de peste sur la lagune… elle ricoche encore,  une autre épidémie de peste en 1631… puis il y a Casanova, Napoléon, des batailles, des morts, des naissances, des joies et des douleurs, le courage des femmes dans ce milieu d’hommes – quel courage !!! -, celui d’Orsola qui vieillit tout doucement, le fil d’or de l’amour qui entretient le feu de son cœur…

Tracy Chevalier nous tient en haleine jusqu’à la dernière page, mêlant des faits historiques précis à toute cette vie romanesque peuplée de nombreux personnages aux descriptions colorées. J’ai adoré ce livre, je l’ai dévoré et j’espère qu’il en sera de même pour vous.

.

Extraits de : « La fileuse de verre »  2024  Tracy Chevalier.

Illustrations : 1/ « Bateaux sur la lagune »  2/ « Vue de Venise le soir »  Whilhelm von Gegerfelt   1844-1920.

…..

Ne pas se laisser abattre par l’adversité…

BVJ – Plumes d’Anges.

Héritage précieux…

5 août 2024

.

Robert Doisneau

Le garde et les ballons – Paris 1946.

.

Chien à roulettes – Paris 1977.

.

Les frères, rue du Docteur Lecene – Paris 1934.

.

La concierge aux lunettes – Paris 1945.

.

Fox-terrier au pont des Arts – Paris 1953.

.

La pendule – 1956.

.

Le ponton, baie de Toulon – Août 1949.

.

Le voilier pneumatique – Toulon 1949.

.

Nice – 1945.

.

Publicité Simca – 1951.

.

Les Sables d’Olonne – Août 1959.

.

Le baiser de l’Hôtel de Ville- Paris 1950.

.

Merveilleuse exposition de photos de Robert Doisneau,

– Villa Tamaris Pacha à la Seyne sur mer dans le Var –

Témoignage d’une époque pas si lointaine mais totalement révolue…

Je vous dis cela avec un brin de tristesse ou de nostalgie,

il me semble que la modernité a souvent perdu en humanité ou en poésie,

le témoignage de celui qui « a l’œil » est plus que précieux.

Soyons de fins observateurs…

.

.

Photos BVJ.

La lumière du lieu d’exposition était très vive,

mes photos ont des reflets indésirés, j’en suis désolée…

…..

Affiner notre attention…

BVJ – Plumes d’Anges.

Minutes de silence…

20 juillet 2024

.

.

« L’escargot qui dort

Sait-il que cette feuille verte

Obéit au vent ? »

.

« Immense désert,

Murmure du sable en marche

Creusant le silence. »

.

« Route solitaire

Qui s’étend parmi les ombres

D’une nuit d’été. »

.

« À chaque reflux

Les galets brillent sous la lune,

Puis se rendorment. »

.

« L’ombre d’un vieux chêne

S’éteint sur une cabane

Au soleil couchant. »

.

Haïku extraits de : « Cet autre monde »  Richard Wright  1908-1960.

.

Temps de silence,

temps de calme nécessaire pour tenter de comprendre l’incompréhensible…

À bientôt,

pensez à reposer votre esprit malmené par certaines et certains,

en admirant par exemple la perfection de la nature.

.

Photos BVJ – Fleur d’oignon.

…..

S’occuper un peu de soi…

BVJ – Plumes d’Anges.