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« Je me suis penchée sur l’enfant
Dont le front dormait comme un oiseau brûlant
Je me suis penchée sur ce petit monde
Dont les courages valaient ceux de la vie
Et ce môme que j’aimais à la folie
Avaient les yeux fixés sur la vitre
Dans une attente recueillie
Douleur tu m’as enseigné la beauté
J’apprends à la connaître
Mais jamais il n’y en aura tant que dans la vérité
Que cet enfant rêvait de m’apprendre
Je suis restée penchée Je ne me suis jamais relevée
L’enfant avait créé son propre bonheur
C’était une jolie fleur en papier
Comme celles que je faisais au jardin d’enfants
C’était une jolie fleur en papier
Le jardin secret d’un enfant
Qui avait laissé sa main lucide dans la mienne
Dans la mienne »
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« À l’enfant que je vois en rêve » – Carnet Les nocturnes – Le 31 janvier 1988
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« Un bruissement d’ailes comme l’envol d’un ange
Et tes pas qui s’en vont qui dessinent la vie
Ton mouvement qui m’anime puis qui disparaît
Il y a dans l’air l’odeur de ton parfum
Comme la mer lente et véritable s’allonge sur la place
Je porte un ange en mon âme
C’est un fardeau d’exigences innocentes
Qui touche mon front et me bénit
Puis la nuit ensevelit son sillage
Et il monte aux étoiles avec la douceur de l’oubli
Parfois il m’effleure sans me rencontrer
Nous avançons tous deux dans le même couloir
Sur le même vaste décor d’absolu
Où l’on ne croise que soi-même
Dans un miroir opaque nous nous observons sans fin
Et aucun de nous deux n’ose bouger
De peur de surprendre l’autre
Statues de sel figées par l’impatience
Sel qui pique la vie et qui se souvient de la mer
Comme un enfant à qui l’on confisque le voilier
Qui emportait son esprit bel oiseau blanc
Il y a dans les murmures des souvenirs d’enfance
Des prières que je récitais le soir pour mon ange
Gardien de mes rêves de mon sommeil
Ne me réveille jamais de mon insouciance
Car cela me serait fatal
Mes yeux ont pris l’eau
Mon âme se perd dans l’importance
Un bruissement d’ailes comme l’envol d’un ange
Et tes pas qui s’en vont et qui laissent derrière eux
Une présence infinie et rassurante
J’incline la tête dans le miroir trouble
Et mes yeux s’effacent sur ton ombre
Et mes yeux te ressemblent un peu
Lorsque j’avance seule dans ta nuit
Marche unique Marche de ton absence »
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La prière d’un soir – Carnet Le livre noir avril/septembre 1988
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Alicia Gallienne, nous livre dans cet unique recueil, des perles fines et rares. Marquée par la mort de son frère adoré Eric, âgé de vingt ans quand elle n’en a que sept, puis par celle de David, le fils de Romy Schneider, son voisin et copain de jeu rue Berlioz, quatre ans presque jour pour jour après la disparition d’Eric.
Alicia est curieuse, fait de riches rencontres, suit des études, se passionne pour des écrivains et des poètes… Elle écrit dans une langue exigeante et veut être lue. Elle déclare une leucémie à l’age de seize ans, accepte de lourds traitements, ne se plaint jamais, célèbre la vie, célèbre la mort. Son âme s’envole à l’age de vingt ans, un vingt-quatre décembre au matin…
C’est une poésie de l’urgence, sans ponctuation aucune, elle a tant à dire ou à écrire, le lac de la vie est pour elle une flaque, le temps presse mais il est encore temps pense-t-elle. Elle écrit sur des carnets – cinq sont réunis ici – , y livre ses passions, ses émotions et malgré les nombreuses épreuves qu’elle doit traverser, avec lucidité et maturité, elle trouve des mots doux, profonds et aimants pour exprimer la beauté à laquelle elle s’attache et la gratitude envers ceux qui l’entourent, des mots comme des gouttes cristallines que le vent léger fait danser.
Il faut lire et relire ses poèmes, entre les lignes, beaucoup d’oiseaux y chantent. Alicia semble vivre entre deux mondes et ne choisit que la lumière. À noter, une magnifique préface de Sophie Nauleau…
Merci à Den qui m’a fait découvrir ce magnifique opus.
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Augustin Frison-Roche a lui aussi suivi des études littéraires, perdu un frère aimé… Il apprend la peinture et la sculpture, se tourne vers l’art sacré de plusieurs traditions. Dans ses œuvres picturales, les techniques, la matière, les couleurs sont d’une incroyable richesse, elles vibrent, on sent que le peintre perçoit la réalité et la lumière d’autres mondes qui se superposent, beaucoup d’oiseaux chantent dans ses tableaux.
Un livre découvert chez Dominique – présenté et commenté par Stéphane Barsacq – a ouvert une de ses expositions L’Or du soir à la galerie parisienne Guillaume.
Augustin et Alicia ont en commun une inspiration puissante et profonde,
leur réflexion est immense, cosmique,
ils explorent la richesse des jardins intérieurs,
excellent dans leur art et captent la lumière des étoiles.
J’ai aimé rapprocher ces deux talentueux artistes.
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Poèmes extraits de : « L’autre moitié du songe m’appartient » 2020 Alicia Gallienne 1970-1990.
Photos BVJ septembre 2024 : Tableaux d’Augustin Frison-Roche dans la Cathédrale Saint Vincent à Saint Malo.
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Approfondir nos recherches et tenter de lire entre les lignes…
BVJ – Plumes d’Anges.