Archive pour octobre 2024

Retour à certaines sources…

dimanche 27 octobre 2024

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J’aime beaucoup ce tableau, sa composition, ses couleurs veloutées, son sujet : au fond, un ciel poudré, puis la mer, peut-être. Au premier plan, sur la terre nourricière, une vache l’allure fière, déterminée, précédée d’un joyeux petit chien, d’autres vaches dont l’une cueille encore quelque fleurette, un jeune veau, les trois générations d’une famille. Ils « reviennent » nous dit le peintre, d’un pâturage ? d’un déjeuner sur l’herbe ? d’une expérience de vie qu’ils n’ont pas appréciée ? Nous ne le serons pas, peu importe d’ailleurs, ce qui est beau c’est la douce atmosphère, le vivre ensemble, le partage d’une journée…

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Je viens de lire « La quatrième révolution industrielle « ,

un livre publié en 2016 par un certain Klaus Schwab.

Ce nom vous dit quelque chose ? C’est l’inventeur du World Economic Forum à Davos, qui année après année organise une « Grand Messe ». Là se réunissent les « grands » de ce monde, ils discutent et décident de l’avenir de nos sociétés. Des « élites » ont été formées sur la planète entière et travaillent à la numérisation de tous les secteurs, ce qui ne sera pas numérisable disparaitra, les algorithmes nous dirigeront de plus en plus…

J’ai trouvé cette lecture bien triste et cet auteur glacial. Ce monsieur nous parle des nouvelles technologies qui évoluent à grande vitesse, du chaos global, il en observe les côtés positifs et les côtés négatifs – selon lui – mais ne propose aucune alternative. Tout est énoncé et tout est flou. Qu’en est-il de l’Homme, de son humanité, de sa réflexion, de sa créativité, de son empathie, de ses désirs, de ses passions… ?

Heureusement, il y a des gens qui tissent parallèlement d’autres étoffes, précieuses, comme Philippe Guillemant, ingénieur physicien qui a travaillé et été primé pour ses travaux sur l’IA mais qui depuis quelques années construit des ponts entre la physique et la spiritualité, il explore une voie de « physique métaphysique », voie dans laquelle l’humanité trouve sa place et sa grandeur.

À nous de choisir le chemin, notre chemin, celui de nos enfants et petits enfants…

À chacun le fruit de sa réflexion…

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« Sur la fleur de lotus

La rosée de ce monde

Se distord »

Kobayashi Issa

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Illustrations : 1/ « Le retour du troupeau »  2/ « Pêches »  Pascal Dagnan-Bouveret  1852-1929.

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Ne pas perdre son âme…

BVJ – Plumes d’Anges.

Être lumineux…

lundi 21 octobre 2024

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– HOMMAGE –

« … Il y a dans toute vie une somme de douleur, comme si chacun était le disparu de sa montagne, l’englouti de son âme. Écrire est déblayer, entrevoir une somme de joie sous la somme de douleur. Si je parle des fleurs dans un monde qui s’écroule, c’est parce que tout renaîtra avec elles, avec ces pulsations colorées d’un ciel sauvage remonté des gravats… »

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« La muraille de Chine »  2019  Christian Bobin  1951-2022.

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« … Le silence de la nuit était si pur que je me suis réveillé pour l’entendre.

Une main, c’est complexe, riche, c’est fait de caresses, de gestes d’adieu, de grammaires sourdes-muettes. La main heureuse, c’est d’arriver sans effort à l’impossible. Une porte s’ouvre, avant que notre main ait touché la poignée, et nous offre cette vie qui se donne lorsqu’on accepte de n’en rien prendre…

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… La passerelle qui mène de la nuit au jour craque et tangue au vent… Je m’accroche aux rideaux, qui eux-mêmes s’accrochent à leur point de naissance, et tout résiste merveilleusement – car il n’y a jamais eu dans le ciel, dans le monde et sur terre que ce qui est sur le point de naître – ni passé, ni présent, ni futur -, juste le fait que nous respirons à l’unisson partout, triomphe du visible-invisible, sous nos yeux, juste là… »

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« Le murmure »  2024  Christian Bobin  1951-2022.

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Relire – par un hasard heureux -, des livres de Christian Bobin…

Sa compréhension du monde m’enchante…

Est-ce donné à chacun d’être ainsi inspiré ?

Est-ce un don inné ou le travail d’une vie, une volonté ou un entraînement ?

Ce chemin de lumière apaise notre âme secouée

par l’obscurité ambiante, nous aide à ne pas abandonner.

Il nous vivifie

si nous le regardons en face,

si nous le caressons délicatement,

si nous écoutons son murmure,

si nous le dégustons à petites bouchées,

si nous le respirons à pleins poumons.

Tout prend sens…

Merci l’ami pour ces cadeaux d’éternité,

pour ce dernier « chant d’amour » qui atteint des sommets,

pour cette danse cosmique de mots légers comme des plumes,

merci l’ami, Comète du siècle qui brille et brillera éternellement dans nos cœurs.

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Illustrations : 1/ « Capucines »  2/ « Papillons »  Odilon Redon  1840-1916.

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Entretenir la lumière…

BVJ – Plumes d’Anges.

Perles rares…

samedi 12 octobre 2024

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« Je me suis penchée sur l’enfant

Dont le front dormait comme un oiseau brûlant

Je me suis penchée sur ce petit monde

Dont les courages valaient ceux de la vie

Et ce môme que j’aimais à la folie

Avaient les yeux fixés sur la vitre

Dans une attente recueillie

Douleur tu m’as enseigné la beauté

J’apprends à la connaître

Mais jamais il n’y en aura tant que dans la vérité

Que cet enfant rêvait de m’apprendre

Je suis restée penchée Je ne me suis jamais relevée

L’enfant avait créé son propre bonheur

C’était une jolie fleur en papier

Comme celles que je faisais au jardin d’enfants

C’était une jolie fleur en papier

Le jardin secret d’un enfant

Qui avait laissé sa main lucide dans la mienne

Dans la mienne »

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« À l’enfant que je vois en rêve » – Carnet Les nocturnes – Le 31 janvier 1988

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« Un bruissement d’ailes comme l’envol d’un ange

Et tes pas qui s’en vont qui dessinent la vie

Ton mouvement qui m’anime puis qui disparaît

Il y a dans l’air l’odeur de ton parfum

Comme la mer lente et véritable s’allonge sur la place

Je porte un ange en mon âme

C’est un fardeau d’exigences innocentes

Qui touche mon front et me bénit

Puis la nuit ensevelit son sillage

Et il monte aux étoiles avec la douceur de l’oubli

Parfois il m’effleure sans me rencontrer

Nous avançons tous deux dans le même couloir

Sur le même vaste décor d’absolu

Où l’on ne croise que soi-même

Dans un miroir opaque nous nous observons sans fin

Et aucun de nous deux n’ose bouger

De peur de surprendre l’autre

Statues de sel figées par l’impatience

Sel qui pique la vie et qui se souvient de la mer

Comme un enfant à qui l’on confisque le voilier

Qui emportait son esprit bel oiseau blanc

Il y a dans les murmures des souvenirs d’enfance

Des prières que je récitais le soir pour mon ange

Gardien de mes rêves de mon sommeil

Ne me réveille jamais de mon insouciance

Car cela me serait fatal

Mes yeux ont pris l’eau

Mon âme se perd dans l’importance

Un bruissement d’ailes comme l’envol d’un ange

Et tes pas qui s’en vont et qui laissent derrière eux

Une présence infinie et rassurante

J’incline la tête dans le miroir trouble

Et mes yeux s’effacent sur ton ombre

Et mes yeux te ressemblent un peu

Lorsque j’avance seule dans ta nuit

Marche unique Marche de ton absence »

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La prière d’un soir – Carnet Le livre noir  avril/septembre 1988

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Alicia Gallienne, nous livre dans cet unique recueil, des perles fines et rares. Marquée par la mort de son frère adoré Eric, âgé de vingt ans quand elle n’en a que sept, puis par celle de David, le fils de Romy Schneider, son voisin et copain de jeu rue Berlioz, quatre ans presque jour pour jour après la disparition d’Eric.

Alicia est curieuse, fait de riches rencontres, suit des études, se passionne pour des écrivains et des poètes… Elle écrit dans une langue exigeante et veut être lue. Elle déclare une leucémie à l’age de seize ans, accepte de lourds traitements, ne se plaint jamais, célèbre la vie, célèbre la mort. Son âme s’envole à l’age de vingt ans, un vingt-quatre décembre au matin…

C’est une poésie de l’urgence, sans ponctuation aucune, elle a tant à dire ou à écrire, le lac de la vie est pour elle une flaque, le temps presse mais il est encore temps pense-t-elle. Elle écrit sur des carnets – cinq sont réunis ici – , y livre ses passions, ses émotions et malgré les nombreuses épreuves qu’elle doit traverser, avec lucidité et maturité, elle trouve des mots doux, profonds et aimants pour exprimer la beauté à laquelle elle s’attache et la gratitude envers ceux qui l’entourent, des mots comme des gouttes cristallines que le vent léger fait danser.

Il faut lire et relire ses poèmes, entre les lignes, beaucoup d’oiseaux y chantent. Alicia semble vivre entre deux mondes et ne choisit que la lumière. À noter, une magnifique préface de Sophie Nauleau…

Merci à Den qui m’a fait découvrir ce magnifique opus.

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Augustin Frison-Roche a lui aussi suivi des études littéraires, perdu un frère aimé… Il apprend la peinture et la sculpture, se tourne vers l’art sacré de plusieurs traditions. Dans ses œuvres picturales, les techniques, la matière, les couleurs sont d’une incroyable richesse, elles vibrent, on sent que le peintre perçoit la réalité et la lumière d’autres mondes qui se superposent, beaucoup d’oiseaux chantent dans ses tableaux.

Un livre découvert chez Dominique – présenté et commenté par Stéphane Barsacq – a ouvert une de ses expositions L’Or du soir à la galerie parisienne Guillaume.

Augustin et Alicia ont en commun une inspiration puissante et profonde,

leur réflexion est immense, cosmique,

ils explorent la richesse des jardins intérieurs,

excellent dans leur art et captent la lumière des étoiles.

J’ai aimé rapprocher ces deux talentueux artistes.

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Poèmes extraits de : « L’autre moitié du songe m’appartient »  2020 Alicia Gallienne 1970-1990.

Photos BVJ  septembre 2024  : Tableaux d’Augustin Frison-Roche dans la Cathédrale Saint Vincent à Saint Malo.

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Approfondir nos recherches et tenter de lire entre les lignes…

BVJ – Plumes d’Anges.

Surnaturel…

samedi 5 octobre 2024

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« … Puisque la nuit était tombée sur ce monde de machines et de banquiers, je me donnais trois mois pour essayer d’y voir. Je partais. Avec les fées…

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J’aimais ces embrasements des siècles, noces du légendaire et du dogmatique, ces rondes mêlées de saints chrétiens et d’ombres saturnales. Les hommes du siècle 21, le mien, étaient passionnés par la discorde. Ils faisaient des choix. Ils réduisaient les chatoiements. L’amour de la dialectique avait créé chez mes semblables une pensée de hachoir et des réflexes de charcutier : on tranchait. Soit l’un, soit l’autre. Moi je voulais les deux puisque j’aimais les fées.

Sur les balcons de l’Ouest, les siècles avaient su se fondre l’un dans l’autre. La source païenne avait irrigué l’esprit moderne. Les générations avaient déposé chacune son propre bouquet au pied de la suivante. Et puis soudain, l’époque contemporaine avait rompu la passation. Un siècle de machines avait produit des hommes nouveaux à la pensée très fière. Ils préféraient choisir ce qui leur convenait. Ils faisaient leurs courses dans les rayonnages du Temps. Ils traitaient l’Histoire comme des manutentionnaires de magasin. Le reste, ils le jetaient dans la fosse aux oublis. Pis, ils le condamnaient et revendiquaient le « droit d’inventaire ». À ces réflexes de déboulonneurs, je préférais les rêveries où le Christ et Morgane s’emportaient dans la même gigue…

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... On traversait des tranchées ouvertes dans des murailles de fougères. On franchissait un vallon percé de soleil. Cascadait un ruisseau entre les asphodèles. Des fleurs s’abreuvaient aux margelles. Des sous-bois vert tendre faisaient des berceaux de fées dans les renfoncements du relief. Des tapis de jonquilles doraient le socle des rochers. L’herbe avait des airs de moquette très Agatha Christie. Il ne faut pas en vouloir aux vieilles dames anglaises. Ici, même la nature fait de la décoration intérieure…

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… Le vent devait avoir un projet. Il ne se calma pas. Les promontoires étaient des étraves abandonnées ou bien des pattes de griffons plantées dans l’eau. Tout s’enivrait : les mouettes, les fous, les vagues, les embruns. Seule la terre tenait bon. Le vent est la joie de vivre de la mer… »

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Incroyable Sylvain Tesson qui nous convie à un voyage intense entre Galice et Iles Shetland, à voile, à pied ou à bicyclette, dans les brumes, sous la pluie. L’eau est omniprésente, les fées surgissent sans crier gare et disparaissent laissant leur effluve dans l’âme du poète.

Dans « Avec les fées », sorte de journal de bord, il dissèque – souvent avec humour et dérision – tout ce qui s’offre à son regard dans une langue incroyablement poétique, quel bonhomme ! Une énergie sans faille, une étonnante curiosité de la Terre, de ses histoires, de ses géographies physiques et mentales…

Il nous offre ici des moments de grâce que seule la nature sait offrir à l’Homme éveillé, à l’Homme qui refuse cette société uniquement matérialiste, à l’Homme qui cultive l’art de la nuance pour élargir ses horizons…

Dans ses questionnements, ses méditations, l’Histoire et la littérature font sans cesse irruption, nous « apprenons » ou parfois nous nous souvenons. Le rythme est vif, les mouvements  se succèdent, la vie ne serait-elle être qu’aventures, morts et renaissances ?

La quête de l’auteur semble éternelle. Que cherche-t-il et le sait-il ? Il incite chacun à rechercher son Graal…

Vous l’aurez compris, j’ai été conquise par cette lecture,

tout a un prix mais il est si bon de rêver en pays de poésie.

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Extraits de : « Avec les Fées »  2024  Sylvain Tesson.

Illustrations : 1/ « Coucher de soleil sur la mer bretonne »   Ferdinand de Puigaudeau  1864-1930

2/ « Dimanche »  Henri Le Sidaner 1862-1939  3/ « Col de Glencoe – Écosse »  Thomas Moran 1837-1926.

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Rechercher son Graal…

BVJ – Plumes d’Anges.