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« … Heidegger qui parlait par symboles, m’avait montré sur sa table de travail, à côté de l’image de sa mère, un vase effilé, transparent, d’où émergeait une rose. À ses yeux, cette rose exprimait le mystère de l’étant, l’énigme de l’Être.
Aucune parole ne pouvait dire ce que disait cette rose : elle était là, simple, pure, sereine, silencieuse, sûre d’elle-même, en un mot : naturelle, comme une chose entre les choses, exprimant la présence de l’esprit invisible sous la matière trop visible…
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… Pourquoi l’univers a-t-il été créé ? qu’est-ce qui a poussé le Créateur à engendrer l’univers tel que nous le connaissons ? Essayons de comprendre : avant le Temps de Planck, rien n’existe. Ou plutôt c’est le règne de la Totalité intemporelle, de l’intégrité parfaite, de la symétrie absolue : seul le Principe Originel est là, dans le néant, force infinie, illimitée, sans commencement ni fin. À ce « moment » primordial, cette force hallucinante de puissance et de solitude, d’harmonie et de perfection, n’a peut-être pas l’intention de créer quoi que ce soit. Elle se suffit à elle-même.
Et puis, « quelque chose » va se produire. Quoi ? je ne sais pas. Un soupir de Rien. Peut-être une sorte d’accident du néant, une fluctuation du vide : en un instant fantastique, le Créateur, conscient d’être celui qui Est dans la Totalité du néant, va décider de créer un miroir à sa propre existence. La matière, l’univers : reflets de sa conscience, rupture définitive avec la belle harmonie du néant originel : Dieu vient, en quelque sorte, de créer une image de lui-même.
Est-ce comme cela que tout a commencé ? Peut-être que la science ne le dira jamais directement ; mais dans son silence, elle peut servir de guide à nos intuitions…
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… En somme, le monde se détermine au tout dernier moment, à l’instant de l’observation. Avant, rien n’est réel, au sens strict…
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… Et nous voici ramenés vers l’esprit : aux extrémités du monde, au-dessous et au-dessus de notre réalité, se tient l’esprit. Et c’est peut-être là-bas, au cœur de l’étrangeté quantique, que nos esprits humains et celui de cet être transcendant que nous appelons Dieu sont amenés à se rencontrer. (…) Nous ne vivons pas dans un monde déterminé : au contraire, nous sommes libres et avons le pouvoir de tout changer à chaque instant… »
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Extraits de : « Dieu et la science » Jean Guitton 1901-1999 – Grichka et Igor Bogdanov.
Illustrations : Détails du papier reliure d’un livre de 1880.
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Créer à chaque instant l’être unique que nous sommes…
BVJ – Plumes d’Anges.