Archive pour octobre 2015

S’habiter…

samedi 31 octobre 2015

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« … Depuis le travail jusqu’à la consommation, ce n’est qu’une fuite en avant perpétuelle, où le bonheur est toujours pour demain. Il faut aller de l’avant, comme on dit, anticiper, se préparer à l’avenir… Et chacun court ainsi après sa propre mort. Être présent à la présence, ce serait plutôt apprendre à s’arrêter parfois, à regarder le temps passer, à contempler ce qui est plutôt qu’à imaginer ce qui sera… C’est pourquoi il est urgent de revenir à la présence : parce qu’il est urgent de revenir à l’être, au réel, à ce que j’appellerais « le présent du monde » – au double sens du mot « présent », qui désigne à la fois ce qui est actuel et ce qui est donné, la présence et le cadeau. Eh bien voilà : le plus beau cadeau, c’est la présence elle-même… »

Extrait de : « Le présent du monde » – Propos d’André Comte-Sponville recueillis par Sophie Pierron-Rigal.

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« … Partout où l’énergie est suramplifiée, où elle est intentionnellement manifestée dans le but d’être remarquable – et remarquée – il y a dysharmonie naturelle. La véritable présence, celle qui existe de tout temps et en tout, ne crée d’excès en rien. Elle reste invisible et cela seul peut générer l’harmonie. Une présence qui n’est pas parfaitement intégrée à la vie courante, et produit des effets remarquables, ne représente pas la vraie sagesse de la vie. Elle n’est pas non plus, ce me semble, ce que la vie nous demande. Nous n’avons pas à suivre la voie du saint, mais à savoir être présent, tout simplement. Et c’est si rare !… »

Extrait de : « Le point focal » – Propos de Richard Moos recueillis et traduits par Claire Lévi.

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« … Vivre l’instant présent ne peut se réduire à la mise en œuvre d’un procédé pratique consistant à limiter l’attention à ce qui se fait sur le moment. Il est certes important de ne pas se laisser encombrer par le poids du passé ou les soucis de l’avenir, mais cette démarche ne permet un véritable épanouissement que si elle ne se limite pas  à des préceptes négatifs (ne pas penser au passé, au futur). Pour s’épanouir, l’homme a besoin de trouver le sens de ce qu’il fait, un sens positif qui met en valeur une raison profonde. Sinon, le risque est grand d’une application volontariste (et donc superficielle) de stratagèmes qui n’apportent pas de réelle paix en profondeur.

La paix intérieure est une paix intériorisée ; elle est la conséquence d’un regard sur l’essentiel ; vivre l’instant présent, c’est ouvrir les yeux du cœur à une autre dimension ; à chaque instant, heureux ou triste, quelle qu’en soit l’efficacité apparente et les remous ou les envolées, il est toujours possible de regarder, plus en profondeur, une Présence qui murmure « amour ». C’est cet amour, lumière sur le vécu, qui apporte la paix, la joie, l’émerveillement… »

Extrait de : « Le présent est présence » Propos de Jean-François et Liliane Vézin.

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Ouvrage collectif 2001 -« L’art de vivre au présent » sous la direction d’Eric Le Nouvel.

Illustrations : 1/« L’esprit de la rose » 2/« La nymphe Écho » (étude)  John William Waterhouse 1849-1917.

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S’habiter véritablement…

BVJ – Plumes d’Anges.


Vrai visage…

mardi 27 octobre 2015

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« … Quelque part, mon vrai visage m’attend…

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… Sur terre, ce ne sont pas les occasions de s’émerveiller qui manquent, mais les émerveillés…

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… Qu’est-ce qui importait dans une prière, dire ou se faire écouter ?…

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… « Tout a un sens. Tout est justifié. »

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… Ma conception du voyage avait changé : la destination importe moins que l’abandon. Partir, ce n’est pas chercher, c’est tout quitter, proches, voisins, habitudes, désirs, opinions, soi-même. Partir n’a d’autre but que de se livrer à l’inconnu, à l’imprévu, à l’infinité des possibles, voire même à l’impossible. Partir consiste à perdre ses repères, la maîtrise, l’illusion de savoir et à creuser en soi une disposition hospitalière qui permet à l’exceptionnel de surgir. Le véritable voyageur reste sans bagage et sans but…

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… -Y a-t-il un désert dans ton pays ?

– Non.

Choqué Abayghur me dévisagea.

– Vraiment ?

Comme je secouais la tête en signe de confirmation, il soupira.

– Alors comment fais-tu ?

Je saisis sa question, elle signifiait : comment fais-tu pour réfléchir ? La vie intérieure se fortifie du vide extérieur. Là-bas, parviens-tu à te sentir libre ? La nature t’impressionne-t-elle par sa puissance ? La contemples-tu ? L’admires-tu ? À quel endroit vénères-tu sa pureté ? Trouves-tu ta place dans un univers exclusivement humain ? N’étouffes-tu pas parmi ces millions de gens et d’objets ? Où te réfugies-tu lorsque tu veux te retirer, te réjouir d’exister ?

En réponse, je lui désignai le ciel…

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… Parce qu’il n’avait pu s’empêcher de vilipender les religieux, elle lui avait voler dans les plumes. J’avais assisté à leur dispute sans intervenir… Depuis ma nuit pourtant, j’aurais du me sentir proche de la croyante et m’opposer à l’athée militant. En fait, je ne me retrouvais en aucun des deux : ils se cramponnaient à des solutions simples, croire, ne pas croire, montrant un appétit suspect d’opinions catégoriques. Ni l’un ni l’autre ne supportaient le cheminement, le doute, l’interrogation. En affirmant leur choix, ils ne voulaient pas penser, mais en finir avec la pensée. Ils ne désiraient qu’une chose : se délivrer du questionnement. Un souffle de mort figeait leur esprit… »

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Extraits de : « La nuit de feu » 2015 Eric-Emmanuel Schmitt.

Illustrations : 1/« Nébuleuse de la Lyre » (détail)  2/« Nébuleuse de la Carène » (détail)   Images Hubble.

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S’abandonner pour se découvrir…

BVJ – Plumes d’Anges.

Présentement…

samedi 24 octobre 2015

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« … Les sabots des chamois sont les quatre doigts d’un violoniste. Ils vont à l’aveuglette sans se tromper d’un millimètre. Ils giclent sur des à-pics, jongleurs en montée, acrobates en descente, ce sont des artistes de cirque pour le public des montagnes…

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… On ne répare rien après un tort commis. On peut seulement renoncer à le refaire…

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… Chez lui, avec le premier feu allumé, il retrouvait ses forces et la patience de mener le jour à sa finition. Le soir perfectionne l’œuvre brute commencée au réveil, le ciel encore noir. Le soir émousse, polit une dernière fois au papier de verre le jour fait à la main.

Sa vie au gré des saisons était allée avec le monde. Il l’avait gagnée tant de fois, mais elle ne lui appartenait pas. Il fallait la rendre, froissée après avoir été utilisée. Quel était ce créancier indulgent qui la lui avait prêtée neuve et la reprenait usée, à jeter.

Avait-il besoin de croire qu’il y existait un contremaître et que le monde était un produit fini ? Il n’en avait pas besoin pour lui parler, pour le croire à l’écoute, mais c’était une pensée qui lui tenait compagnie. S’il existait un maître du tout, il n’aurait pas laissé son bien se gâter, livré aux mains de l’espèce des hommes. S’il existait un maître, il s’était enivré et avait perdu le chemin de sa maison. Il valait mieux qu’il n’existe pas. L’homme prospérait en son absence. Il avait appris le bien et le mal en se servant tout seul. Un maître de tout était impossible, mais cet impossible tenait compagnie. Face au ciel qui, le soir, descendait jusqu’à terre il aimait dire merci au contremaître…

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… Le présent est la seule connaissance qui est utile. L’homme ne sait pas vivre dans le présent… »

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Extraits de : « Le poids du papillon » 2009  Erri De Luca.

Tableaux : 1/« Tête de chamois »  Karl Wilhelm Diefenbach 1851-1913  2/« La grotte »  Théodore Rousseau 1812-1867.

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Éclairer notre monde intérieur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Sobre dessert…

mercredi 21 octobre 2015

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Le Dictionnaire de la langue française d’Emile Littré offre, au mot invisible, parmi trois, la proposition suivante :

« Devenir invisible, disparaître subitement sans que personne s’en aperçoive. Il était là tout à l’heure, il est devenu invisible. On dit dans le même sens qu’un objet est devenu invisible, quand, venant de le voir ou de le toucher, on ne peut plus le retrouver. »

Et bien, figurez-vous gentes Dames et Messires, que cette aventure vient tout juste de m’arriver. Ayant confectionné avec amour une merveille aux pommes pleine de légèreté, une bande de gourmands l’a faite disparaître en quelques secondes…

« Incroyable ! » me direz-vous « mais vrai ! » vous répondrai-je…

Je ne me laisserai point abattre et recommencerai dès potron-minet ou… un peu plus tard, non mais !!!

Et si vous voulez vous régaler vous-aussi, n’hésitez plus,

ce n’est « que du fruit », comme on dit dans le midi…

une recette à « tomber dans les pommes » !!!

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GÂTEAU INVISIBLE

(c’est son vrai nom, parce que, aux dires de certains autres, il y a beaucoup plus de fruits que de pâte…)

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Ingrédients : 3 œufs – 80 g. de sucre roux – 30 g. de beurre 1/2 sel – 15 cl. de lait – 105 g. de farine – 9 bonnes pommes.

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Réalisation : Fouetter les œufs et le sucre jusqu’à ce que le mélange blanchisse.

Ajouter, tout en bien mélangeant, le lait, le beurre fondu et la farine.

Peler les pommes, enlever trognons et pépins,les couper en tranches fines, les incorporer petit à petit à la pâte.

Verser dans un moule à manqué beurré (24 cm) et enfourner 60/70 minutes à 200° (220° dans mon petit four).

Démouler avec délicatesse après refroidissement et saupoudrer de sucre glace.

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Illustration : « Deux pommes »  Edouard Manet 1832-1883.

Photos BVJ.

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Se bien nourrir…

BVJ – Plumes d’Anges.

Semblances…

lundi 19 octobre 2015

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… Rien ne ressemble à une âme comme une abeille,

elle va de fleur en fleur comme une âme d’étoile en étoile,

et elle rapporte le miel comme une âme rapporte la lumière…

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Phrase extraite de : « Quatrevingt-treize »  Victor Hugo 1802-1885.

Nature morte de Jan Davidszoon de Heem – 1606-1684.

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Rapporter la lumière…

BVJ – Plumes d’Anges.

Sereine contemplation…

vendredi 16 octobre 2015

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« Voici le sommet de la contemplation, et nul art ne saurait l’atteindre…

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… bleu, si bleu, le lointain archipel, et la mer qui miroite, miroite…

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… nul art ne saurait l’atteindre, l’esprit ne peut que tenter de s’y accorder, …

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… de s’apaiser, de s’espacer, …

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… tenter de s’ouvrir, tranquille, au delà du monde…

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… révélé à lui-même en terre de diamant…

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… dans la lumière…

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… au-delà des mots. »

Extrait de : « Un monde ouvert »  2006  Kenneth White.

Photos BVJ – Octobre 2015, vers Brégançon…

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Contempler sereinement…

BVJ – Plumes d’Anges.


Love stories…

mardi 13 octobre 2015

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« … À Verone, j’apprends une jolie histoire.

Dans la première moitié du XXème siècle, un jardinier s’occupait d’entretenir le cimetière où se trouvait le mausolée de Juliette. Les touristes venaient regarder sa tombe, les amoureux venaient s’y embrasser, et les malheureux y pleurer. Ému par les scènes auxquelles il assistait quotidiennement, le jardinier dressa des oiseaux pour que ceux-ci, à son ordre, viennent se poser sur l’épaule des âmes en peine, puis leur donnent, d’un coup de bec furtif, un baiser. Ce phénomène plut, intrigua, et, petit à petit, des lettres parvinrent du monde entier pour demander à Juliette des conseils amoureux.

Le jardinier prit l’habitude d’y répondre de sa belle plume en signant Juliette.

Lorsqu’il mourut, dans les années cinquante, les enveloppes continuèrent à s’amonceler avec, comme seule adresse, cette mention : « Juliette, Vérone, Italie ». Certains Véronais décidèrent de perpétuer cette pratique et ils créèrent le Club des Juliette, un groupe de sept femmes qui rédigeraient des lettres à l’intention des malheureux ou esseulés exposant leurs problèmes.

Hier soir, j’ai rencontré les sept Juliette d’aujourd’hui, des intellectuelles, des psychologues, des sociologues, des avocates qui correspondent avec des condamnés à mort du Texas ou un gardien de phare en Chine…

Étrange Vérone que les Italiens ont construite et qu’un Anglais, Shakespeare, a rendue célèbre… »

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Histoire extraite du Journal d’écriture de : « Concerto à la mémoire d’un ange » 2010  Eric-Emmanuel Schmitt.

Illustrations : 1/« Femme aux tourterelles »  Gustave Doyen 1836- ?  2/‘Trompe l’œil »  Cornelis Norbertus Gysbrechts 1660-1683.

Prendre du temps pour écouter, pour entendre…

BVJ – Plumes d’Anges.

Etincelles…

samedi 10 octobre 2015

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« … La neige qui va à pas feutrés porte entre ses mains blanches une couronne de lumière. Elle cherche une âme pure pour la lui remettre…

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… L’âme est une petite fille qui n’en finit pas d’apprendre à lire. Assise sur une chaise d’ombre, suivant du doigt une phrase de lumière, ses pieds qui ne touchent pas terre se balancent au rythme de ses trouvailles…

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… Le verger laissé en friches s’élève de jour en jour au paradis des graminées. Une mésange charbonnière va et vient dans un arbre creux au pied duquel des dizaines de marguerites s’illuminent, fraîches comme une neige de l’au-delà. J’ai toujours su que je n’étais pas de ce monde…

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… Les agneaux dévalaient le sentier comme une coulée d’innocence. Ce n’est pas la mort qui est à craindre, seulement la vie, et ce n’est même pas la vie, seulement les gens – autant dire nous-mêmes…

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… Le vent, en secouant les feuillages, fait tomber quelques gouttes de lumière sur mon âme étonnée. Il suffit de s’asseoir sur une chaise et d’attendre une heure, un jour, une vie pour que cette attente soit récompensée. Chaque jour la même énigme, un jour la solution… »

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Extraits de : « Une bibliothèque de nuages » 2006  Christian Bobin.

Illustrations : 1/« L’ile Borgoya »  Lars Hertervig 1830-1902   2/« Portrait de Rose Latouche »  John Ruskin 1819-1900.

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Juste suivre les petits cailloux blancs qui étincellent sur notre chemin de vie…

BVJ – Plumes d’Anges.


Fête…

jeudi 8 octobre 2015

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Hier, j’avais vingt ans… mais c’était hier,

le temps qui passe est une drôle de blague,

mieux vaut en rire, non ?

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Ne retenir que la joie du monde,

la partager,

remercier la vie encore et toujours…

Photo BVJ

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Choisir la joie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Forces…

dimanche 4 octobre 2015

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« … Calmement, clairement, je regarde le monde et je dis : tout cela, que je contemple, que je perçois, que je savoure, que je flaire et que je touche, tout cela est une fiction de mon esprit.

C’est à l’intérieur de mon crâne que se lève et se couche le soleil. À l’une de mes tempes apparaît le soleil, à l’autre il disparaît.

C’est dans mon cerveau que brillent les étoiles…

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… Dieu lutte dans chaque chose, les mains tendues vers la lumière. Quelle lumière ? Celle qui est au-dehors et au-delà de chaque chose !

L’essence de notre Dieu n’est pas seulement la douleur, ni l’espérance d’une vie future, ni cette espérance terrestre, ni la joie ni la victoire. Chaque religion, érigeant en un culte l’un de ces aspects primitifs de Dieu, rétrécit notre cœur et notre esprit.

L’essence de notre Dieu est la LUTTE. Dans cette lutte se déploient et œuvrent sans cesse la douleur, le joie et l’espérance.

L’ascension, le combat contre le courant contraire, engendrent la douleur. Mais la douleur n’est pas le monarque absolu. Chaque victoire, chaque équilibration provisoire au cours de l’ascension emplit de joie chaque être vivant, qui respire, se nourrit, aime et met au monde.

Mais du sein de la joie et de la douleur jaillit éternellement l’espérance d’échapper à la douleur, de dilater la joie.

Et recommence encore l’ascension – la douleur ; la joie revient et l’espérance rejaillit. Jamais le cercle ne se referme. Ce n’est pas un cercle, c’est une spirale qui monte sans arrêt, dilatant, filant et dévidant la lutte des trois éléments.

Quel est le but de cette lutte ? C’est la question que pose le misérable esprit de l’homme, toujours individualiste, oubliant que le Grand Souffle n’œuvre pas dans le temps, l’espace et la causalité de l’homme.

Le Grand Souffle est au-dessus de ces questions humaines. Il a de riches élans, vagabonds, que nous imaginons, à cause de la courte vue de notre esprit, contradictoires. Mais dans l’essence de la divinité, ils fraternisent et se battent tous ensemble, collaborateurs fidèles.

Le souffle primitif se ramifie, se répand, lutte, échoue, réussit, s’exerce. Il est la Rose des Vents !

Nous naviguons nous-aussi et nous voyageons, bon gré mal gré, que nous le sachions ou non, parmi les expériences divines. Ainsi, pour nous aussi, notre marche a des éléments éternels, sans commencement ni fin, elle vient au secours de Dieu, elle court des risques avec lui… »

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Extraits de : « Ascèse »  Nikos Kazantzakis 1883-1957.

Illustrations : 1/« L’aurore » 2/« Iris et l’Arc en ciel »  – Projets pour un plafond –  Felice Giani 1758-1823.

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Naviguer ensemble, vaillamment…

BVJ – Plumes d’Anges.