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… » Pauvre petit grand-père inconnu qui ne pouvait se douter à ce moment-là que, la guerre finie, une fois ses bourreaux exécutés, sitôt dévidée cette pelote de faits et de gestes qui passe par la Bretagne, le nord de la France et l’Allemagne, les trains de la peur, les cargaisons de prisonniers effondrés, l’usine à fusées, la boue glacée, le fils ainé de son fils cadet le pisterait soixante dix ans plus tard… Lui, pris au piège de la lumière glauque du baraquement avec sa tête de bagnard. Sa pâleur aussi. Sa maigreur. Ce qui le ronge, ce qui le terrasse. Lui, l’Indochinois, le Brestois, l’époux de Jeanne, le père de Lucie, Ronan et Pierre. Lui, l’enfant des presqu’îles. Lui, dans sa minuscule et si fragile éternité, arc-bouté puis broyé…
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… Une lettre toute simple, blanche et rectangulaire, était arrivée ce matin-là, sans crier gare, dans ma boîte. Après la parution de l’un de mes précédents livres, j’avais donné une interview au magazine Bretons, évoquant l’histoire de ma famille brestoise, et l’un des lecteurs m’écrivait. Ses premiers mots me firent l’effet d’un coup de tonnerre. Je dus m’asseoir. L’auteur du courrier avait quatre-vingt-deux ans, Yves J…, il vivait en Bretagne, il avait hérité d’une maison de famille à Plomodiern et, durant la guerre, sa mère avait été la secrétaire de Paol aux Chantiers de Bretagne au moment où l’entreprise de BTP avait été, comme beaucoup d’autres, utilisée ou réquisitionnée par l’Organisation Todt… ».
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Nous avons tous besoin de savoir qui nous sommes, bien sûr,
mais aussi d’où nous venons.
Et quand des secrets, des non-dits familiaux laissent nos questions sans réponses,
vient un jour où l’on se met en quête d’une vérité…
C’est ce qu’a fait l’auteur, la blessure familiale au sujet de Paol, le grand-père,
était si présente qu’il ne pouvait plus vivre libre
et avancer dans son existence.
Il y a des bagages dans la vie que nous pouvons porter très longtemps,
d’une génération à l’autre,
mais arrive un moment où l’on comprend que ce n’est plus possible,
qu’il faut trouver une solution,
tenter de comprendre et soigner l’arbre… généalogique.
C’est là une très belle lecture, une démarche nécessaire faite dans une grande solitude,
parce qu’elle n’est pas accessible à tous, n’ayant pas les mêmes forces,
les mêmes ressources.
Le contexte est terrible, celui de la période nazie, des camps,
c’est une quête, une enquête, avec des éléments vrais glanés pendant de longues années,
et d’autres imaginés par un écrivain de grand talent…
Aifelle en avait parlé —> LÀ
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Extraits de : « La part du fils« 2019 Jean-Luc Coatalem.
Illustrations : 1/« Bretonnes au bord de la mer » 2/« Soleil couchant sur la côte bretonne » Ferdinand du Puigaudeau 1864-1930.
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Faire lumière sur le passé pour envisager le présent et construire l’avenir…
BVJ – Plumes d’Anges.