Archive pour mai 2023

Surréaliste…

lundi 29 mai 2023

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« Quand le marchand de sable finit sa tournée, il rejoint la plage originelle, s’allonge dans l’orbite qu’il a creusé, referme sur lui la paupière de l’aube et s’endort jusqu’au soir dans le grand œil de l’inconscient. »

Poème « Quand » extrait de Passerelles d’oiseaux –  2020 –  Jean-Claude Silbermann.

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Exposition étonnante et détonante  – Hold-up ! – dans le très beau musée La Banque à Hyères.  Jean-Claude Silbermann, né en 1935, vit la moitié de l’année dans sa Maison Rose à Port-Cros. Il s’intéresse tout jeune à la poésie (Appolinaire, Artaud…) et rejoint, sur invitation d’André Breton, le mouvement surréaliste, publie ses poèmes puis se tourne vers le dessin et la peinture. Il explore sans cesse l’imaginaire, le rêve, l’inconscient, laisse monter en lui des images – ses ombres et ses lumières -, ne prévoit rien à l’avance, s’effraie, se réjouit, s’étonne. De là nait un dialogue silencieux où peinture et langage conversent poétiquement.

L’artiste nous offre ici différentes facettes de son art : des encres (un monde aquatique en noir et blanc), des coloriages… et des « enseignes » (peinture à l’huile sur toile marouflée sur contreplaqué découpé). Celles-ci sont spectaculaires, elles planent, elles voltigent, l’effet visuel est surprenant. Les couleurs sont splendides, le trait est délicat, le travail de menuiserie parfait. Notre regard se pose sur mille et un détails, il y revient, il y a encore et toujours à découvrir. Nul ne reste indifférent, la fantaisie est partout.

Chaque œuvre est accompagnée d’une « pancarte », sorte de panneau indicateur qui livre une anecdote, Jean-Claude Silbermann en a écrit les textes, un pur enchantement, l’homme est intelligent et ne se prend pas au sérieux, il joue avec les mots et les images, pour notre plus grand plaisir.

Babil-Babylone est une installation, un « tableau » en trois dimensions, il sort du cadre. Composé de 58 éléments, les images flottent dans l’espace, des fils se tendent, on attend le moment où tout va s’animer, une vie inconsciente est à l’œuvre, un voyage…

Le Hold-Up ! est réussi et Jean-Claude Silbermann se fait Roi des Arts (une autre de ses œuvres, à découvrir).

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ÉDOUARD  1961 ou 1962.

« Ceci est le tout premier tableau émanant de ma décision de peindre (un autre le précède d’un an, mais je l’ai égaré). Celui-ci doit dater de 1961 ou 1962. Flora, notre fille, dans sa robe de chambre bleue devait avoir trois ou quatre ans. Et doux art est dans le sac. »

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LA TRAVERSÉE    1980.

« Dans cet art que je pratique, le sujet, le plus souvent inconnu au préalable, ne se découvrant que dans l’improvisation du dessin, je ne sais trop à quoi attribuer le besoin qui se présente parfois d’un combat en grand avec le vide. C’est un besoin physique. Il est porté, je crois, par ce sentiment « d’enthousiasme excentrique » dont parle Hölderlin, sentiment dont témoigne cet intrépide bébé. »

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TOI, MON INFINITUDE  2004.

« Je passe la moitié de ma vie sur l’île de Port-Cros. Là, je me concentre : j’écris, je prends des notes, je dessine et je réalise parfois quelques petites pièces dans le format imposé aux colis postaux (la somme de leur longueur et de leur largeur ne doit pas excéder 150cm). Un jour l’idée saugrenue m’a pris, comme un besoin impératif de me dégourdir, de peindre une grande pièce. J’ai commandé à terre une planche de 160 x 120cm. J’ai dû me faire aider pour le remonter depuis le môle jusque chez moi. Et ce fut un réel grand plaisir d’avoir enfin le geste large pour la préparer et de pouvoir dessiner debout. Les ennuis ont commencé quand, achevée, il a fallu l’exfiltrer de l’île. Je me suis fait à nouveau livrer des planches de contreplaqué (pas trop minces et donc coûteuses) pour confectionner une grande caisse. Puis, celle-ci descendue au port avec quelque appui bienveillant, je l’ai accompagnée par bateau au Lavandou. La location d’une camionnette fut indispensable pour l’amener à Sollies-Pont (40km), où se trouvait une agence du Sernam (Service national de messagerie) seule compagnie susceptible alors d’assurer son transport jusque chez moi, dans la région parisienne. J’ai dû attendre deux heures que l’on veuille bien s’occuper de ma caisse, tant il y en avait d’autres – et de grand gabarit, tant il y avait de colis, tant de marchandises diverses dont un personnel restreint devait gérer l’envoi. Je me souviens aussi d’avoir été désagréablement surpris par le prix demandé. Tout se paye, paraît-il. »

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BABIL-BABYLONE  1990-2017.

Installation composée de 58 éléments.

« Cette grande installation a été élaborée de 1990 à 2017 par ajouts et inclusions successifs. Je l’avais tout le temps derrière la tête comme une sourdine folle. Son sens général me devance et résiste encore aujourd’hui à ma plaine compréhension. Il me semble qu’il porte à peu près, pour toute une part, sur les représentations secrètes du Pouvoir liées à celles (non moins dérobées) du Langage : l’art est nié.

À un moment de son état (vers 1998), j’ai écrit avoir « fondé Babil-Babylone sur le sable des jours qu’il me reste à vivre ». Mais, pour des raisons qui me semblent être aujourd’hui de pure superstition, je ne me suis pas senti de l’achever. Et je ne fus pas mécontent de m’en dessaisir. Il manque à Babil-Babylone son ciel. J’ai pourtant réalisé une maquette sommaire de ce qui aurait dû être un palindrome écrit au dessus des têtes en grandes lettres ornementées. Mais j’étais (et demeure) empêché de le réaliser, dans la crainte que cet achèvement m’emporte avec lui. Je n’ai pourtant pas peur de la mort, présente dans Babil-Babylone. Mais une distance trouble sépare le courage de l’indifférence qui, objectivement, est le seul état dans lequel il convient d’accueillir la mort. Bien que comblé de jours, je ne puis accepter sans tristesse de me passer définitivement des beaux moments du Monde : du visage de mes amours et de la splendeur des nuits d’été. Nous n’avons que la vie. »

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LE OUI DES FEMMES 1988.

« Le Oui des femmes résulte d’une commande passée par un riche collectionneur qui m’avait déjà acheté plusieurs pièces. Un jour il m’a dit : « Silbermann, faites-moi un chef d’œuvre. Avec une femme, si possible.

Mais qu’à cela ne tienne ! » lui ai-je répondu.

J’ai bataillé trois mois avant de l’appeler. Il est venu dans l’atelier, s’est assis dans le grand

fauteuil que j’avais disposé pour lui devant la pépée (c’était un vieux monsieur) :

« Ah oui, très bien la femme, ah oui, la femme, les couleurs, la fausse symétrie.

Oui, vraiment très, très bien la fausse symétrie. »

Et puis soudain troublé : « Mais… mais, il y a un serpent ? Il y a un serpent ! C’est rédhibitoire. Pour moi et ma femme, rédhibitoire ! » Il s’est levé et il est parti. Et je ne l’ai jamais revu. »

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VOUS PARTEZ DÉJÀ ?  2009.

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Si vous voulez en savoir plus sur ce toujours jeune homme, artiste très inventif, je vous invite à suivre une interview –> ICI

Œuvres de Jean-Claude Silbermann.

Exposition HOLD-UP ! – musée La Banque à Hyères dans le Var.

Photos BVJ – mai 2023.

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Naviguer sur les côtes de l’imprévu…

BVJ – Plumes d’Anges.

Œil au guet…

lundi 22 mai 2023

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« … Souvent les enfants m’apportent ce qu’ils ont trouvé et qui respire et bouge et les captive, et celui-ci tenait devant lui ses deux mains fermées comme une boîte, soudain ouverte sur un rouge-gorge étourdi de froid ou de faim qu’il avait ramassé dans la neige.

Le lendemain, j’étais descendue au moulin acheter dix kilos de graines de tournesol et j’avais installé une mangeoire dans le rosier derrière la vitre de mon bureau, à hauteur de mon regard, et une autre en dessous, à même le sol. Et les oiseaux étaient arrivés…

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C’était un été paradoxal, de joie et de profonde mélancolie. L’été précédant, je m’en souvenais bien, le jour même où Le Monde titrait « La sixième extinction de masse est en cours », et annonçait la disparition des espèces, nous avions été visités par un Grand Mars changeant, plus vu depuis des années, entré par la porte-fenêtre grande ouverte. Son bleu métallique, irisé. Et une heure plus tard, dans la prairie, midi, était passé le voilier jaune taché de rouge et de bleu d’un Machaon. Je n’avais pas pu m’empêcher de voir dans ces insistantes apparitions des visites d’adieu : La Beauté vous salue bien…

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... Dans la nuit du 28 juillet, trois « raires » successifs, longs et lents, ont remué l’espace. Un cerf s’éveillait de sa longue paix sexuelle. Les « raires » de fin d’été ne ressemblent pas aux mugissements du brame, et sont faciles à imiter. On ouvre grand la bouche, on la tord, le menton baissé pour aller chercher les notes graves qu’on module en une mélopée paresseuse semblable au baîllement d’ être encore endormi.

Un soir je m’étais postée à côté de la cabane d’affût, au grand air, dans les fougères, sous un simple filet, quand est sorti de la forêt, à gauche, un magnifique 14. Bois noirs, élancés, andouillers très longs dans l’empaumure. Apollon. – Et Arador, tu l’as revu les bois dépouillés ? ai-je demandé à Léo, par mail. – Pas encore.

L’été s’achevait. Il pleuvait doucement. Je descendais à pas lents, précautionneux, à travers les éboulis des moraines ponctués de taillis, les bras écartés en balancier comme un funambule, les yeux agrandis, je ne pensais à rien, ne faisant pas plus de bruit que la pluie, toute à mon équilibre, quand j’ai aperçu, entre les rochers en contrebas, émerger des branches d’arbre, ocre clair, qui bougeaient. M’approcher, façon Ojibwa. Avancée/arrêt. Avancée/arrêt. Souffle retenu. Stop à moins de trois mètres. Je n’ai pas conscience du temps. Il n’y en a plus. Je m’assois, bien tassée, les bras autour des genoux. Je ne vois pas le museau, ni l’encolure, ni le corps couché. Seulement la nuque, les oreilles et la ramure dorée aux pointes blanches. Reposant sur ses pattes repliées, dans son fort de ronces, le cerf regardait à mon opposé, vers la vallée d’où aurait pu surgir un humain. Splendeur qui ne semblait pas faite pour être vue. Les oreilles, deux feuilles largement ouvertes, remuaient indépendamment l’une de l’autre pour capter le moindre bruissement, mais j’étais arrivée du haut, dans son dos, le vent pour moi. Tout est là, avoir le vent pour soi. Longuement, sans jumelles, je comptais et recomptais ses cors. C’était un 18-cors portant 6 et 5 aux empaumures, 5 comme 5 doigts écartés au bout de cette branche, plus 4 cors le long de cette branche. Je me disais : contemple la liberté sur son constant qui-vive, un être de liberté, mu par une incessante frayeur, tout de noblesse et de frayeur… »

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C’est un texte bondissant au sein d’une nature sauvage. Tout se passe la nuit pour l’observateur averti nous dit Pamina qui habite une ancienne métairie perdue au fin fond d’une forêt vosgienne – Les Hautes-Huttes – , avec son compagnon de vie Nils. Elle n’est pas peureuse mais patiente et passionnée. Elle regarde autour d’elle, reste à l’affût parfois des nuits entières, quel que soit le temps, juste pour admirer ces merveilles animalières que sont les cerfs, les biches, les chevreuils et saisir leurs comportements. Elle accompagne souvent Léo, photographe qui l’initie à cette observation. Parfois il ne se passe rien, mais souvent il y a de vrais cadeaux.

Les descriptions de l’auteure pour raconter ces animaux sont d’une grande richesse. Hormis l’incroyable vocabulaire – empaumure, cors, daintier, andouiller, époie… – , on apprend beaucoup de choses :  les cerfs dorment les yeux ouverts, ils perdent leurs bois chaque année au mois de mars, il en repousse de nouveaux recouverts d’un velours, puis vers la mi-juillet sur les nouveaux bois « allongés », ils mangent les velours tombés en lambeaux…

Elle nous parle de sa passion pour ces lieux sauvages, sa colère contre les chasseurs et l’O.N.F. Que l’on partage ou pas son point de vue, peu importe, elle nous entraîne dans ces mondes peu connus pour notre plus grand plaisir.

Encore un lecture que j’ai beaucoup appréciée,

initiée par Dominique –>

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Si vous aimez ces animaux,

partez à la découverte du travail de Catherine Blancard,

particulièrement de l’exposition « La liste rouge » vue à Chamonix il y a peu de temps

—>  ICI.

Extraits de : « Les grands cerfs »  2019  Claudie Hunzinger.

Illustrations : 1/ « Oiseaux chanteurs »  Illustration anonyme d’un dictionnaire de 1908  2/ « Cerf rouge et sa meute »  Carl Friedrich Deiker  1836-1892.

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Plonger vers l’authenticité…

BVJ – Plumes d’Anges.

Hautes terres…

lundi 15 mai 2023

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« On me demande pourquoi j’habite la montagne de jade,

Je ris alors sans répondre, le cœur naturellement en paix.

Les fleurs de pêchers s’éloignent ainsi au fil de l’eau,

Il est un autre ciel, une autre terre que parmi les gens… »

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« Les oiseaux ont disparu dans le ciel,

 

Et maintenant, le dernier nuage se dissout.

Nous nous asseyons,

la montagne et moi,

jusqu’à ce que seule la montagne demeure… »

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« Temple du Sommet, la nuit :

Lever la main et caresser les étoiles.

Mais chut !

Baissons la voix :

Ne réveillons pas

Les habitants du ciel… »

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Quand le ciel de la vie s’obscurcit, trouver un refuge…

  Florilège de poèmes – Li Po – 701-762.

Photos BVJ – Haut Oisans en Isère – mai 2023.

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Savoir et pouvoir se retirer des affaires du monde…

BVJ – Plumes d’Anges.

Voix…

lundi 8 mai 2023

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« … « Réfléchis, mais ne fais pas que réfléchir ; émerveille-toi aussi. Émerveille-toi, mais ne fais pas que t’émerveiller ; réfléchis aussi. »…

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… « L’époque, a-t-il commencé, est propice aux prophètes de malheur. Je ne veux pas suggérer en disant cela que tout va pour le mieux. Seulement, rien ne m’indispose autant que d’emboîter le pas à tous ces pessimistes patentés qui encombrent notre temps, trompés par les hésitations, les vacillations et la confusion d’un monde qui cherche lentement mais sûrement un passage vers l’avenir. Il n’y a rien à attendre de ces gens-là, qui confondent tout : avenir et menace, adversité et désespoir, modernité et dépravation, mémoire et nostalgie, morale et rigidité d’esprit. Je crois au contraire qu’en dépit de tout, des jours radieux s’ouvrent devant nous. . Mais nous sommes de mauvais peintres, et nous manquons de recul, et peignons sur la toile un paysage déformé par notre vision trop étroite. Je ne vois personnellement aucune raison pour qu’il n’y ait pas dans le futur quelques êtres de bonne volonté et modernes (c’est-à-dire qui ne craignent en rien l’avenir), altruistes, à l’esprit lucide et éclairé, attentifs aux expressions de leur vie spirituelle. Nous ne serons jamais trop à unir nos forces dans l’établissement d’un monde durablement meilleur. »…

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… « Souvent, je m’enferme chez moi à double tour et je me cache sous les draps. Les voix terribles que j’entends dans ma tête et les visions qui m’apparaissent, continuent pendant des heures. Toi, si tu es pourchassé par un malfaiteur, tu as toujours la possibilité de courir te mettre à l’abri. Moi je ne le peux pas. Le malfaiteur est dans mon cerveau et je ne peux pas m’enfuir. Ma seule porte de sortie est ce jardin où je te retrouve presque chaque jour et dans lequel résonne le pépiement si rassurant des oiseaux. Et encore : il arrive que même les oiseaux ne me suffisent plus. Alors il ne me reste plus que les pages des poètes. »…

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...  » Si, aux turbulences de la foule, j’ai presque toujours préféré les remous de l’être, c’est sans doute justement parce que je sentais que le puits des premières s’alimentait à la source des seconds. Et c’est pourquoi la présence de mon frère à mes côtés m’est si précieuse. J’y redécouvre jour après jour ce débordement de l’âme qui précisément éclabousse ma vie. Ça n’est pas que l’âme de mon frère soit spectaculaire. Mais ce qui me plaît, c’est qu’elle cherche un passage vers le jour. Les oiseaux aussi font cela. Dans les derniers instants de la nuit, à l’heure du dur combat entre l’ombre et la lumière, ils s’envolent des nids et partent à la rencontre du soleil, comme pour en précipiter la venue… »… »

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C’est une histoire belle et émouvante, celle de deux frères qui s’aiment et s’admirent profondément. Ils n’habitent pas très loin l’un de l’autre, leurs parents ne sont plus de ce monde.

Le plus jeune vit seul, il est employé à de petits travaux dans une pépinière de mars à novembre et s’acquitte de ses tâches minutieusement. Il souffre de schizophrénie. Ses paroles sont rares mais issues de multiples questionnements et de longues et profondes réflexions. L’ainé, le narrateur, vit avec son épouse Livia, leur chien Pablo et leur chat Lennon. Ils vieillissent doucement, leurs relations aux autres sont paisibles, toujours aimantes et bienveillantes.

La vie s’écoule, les souvenirs remontent, les petits bonheurs simples cueillis dans la nature s’égrainent et tentent de faire oublier des jours plus gris. Il y a une immense tendresse au sein de cette famille où ce frère malade est comparé à un fragile petit oiseau  arborant une tache de lumière sur la tête : le Roitelet.

Ce livre est vraiment un bijou, immensément délicat, écrit dans une fort belle langue,

et sa couverture… magnifique… tout un poème !

Aifelle en avait parlé —>

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Extraits de : « Le Roitelet »  2021  Jean-François Beauchemin.

Illustrations : 1/« Chêne de West Hampnett Place-Chichester-1660 »  John Dunstall  1644-1693  2/Textile du XIXème  – Anonyme.

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Écouter avec empathie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Cœur ouvert…

lundi 1 mai 2023

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« … Méditer à cœur ouvert permet en effet de regarder autrement tout ce qui nous entoure. Lorsque nous regardons une pierre, une fleur, un arbre, un papillon, une fourmi, un être humain, nous les regardons avec une attention aimante. Les poètes sont de grands méditants, car ils savent justement regarder les choses les plus ordinaires avec un regard neuf, émerveillé, attentif au petit détail qui nous échappe. Chaque texte de Christian Bobin, pour prendre un poète contemporain que j’aime particulièrement, est le fruit d’une méditation profonde et aimante sur un petit rien. Ses mots me bouleversent, car ils me font regarder ces petits riens – un pissenlit, le sourire fatigué d’une vieille femme, un nuage, une balançoire – avec acuité et tendresse. On pourrait dire la même chose de certaines peintures, notamment les natures mortes, qui nous font regarder autrement les choses les plus banales de notre quotidien. Lorsqu’il est regardé avec attention et amour, le réel n’est plus simplement regardé, il est contemplé. Méditer à cœur ouvert, c’est regarder le monde avec le regard du peintre et du poète. C’est peut-être le regarder aussi avec le regard du mystique qui voit Dieu en toutes choses. Le théologien orthodoxe Jean-Yves Leloup raconte ainsi son initiation à la méditation hésychaste  : « Il y a une trentaine d’années, au mont Athos, le père Séraphin m’a invité à apprendre à méditer, tout d’abord « comme une montagne », c’est-à-dire avec le monde minéral, puis « comme un coquelicot » avec le monde végétal, puis « comme un oiseau » avec le règne animal, ensuite « comme Abraham » avec le cœur, et enfin, ultime étape « comme Jésus »… Dieu est en toute chose. Il est lourd dans la pierre, il fleurit dans l’arbre au printemps, il chante dans l’oiseau, il prend conscience de lui-même dans l’homme, il jouit de lui-même dans le sage… »…

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… l’identification à notre ego nous maintient dans l’illusion de la dualité. Lorsque nous expérimentons que nous ne sommes pas ce « moi » auquel nous nous sommes identifiés depuis notre enfance, mais que nous sommes une parcelle de l’Univers, que nous participons à la nature divine, que notre être profond est relié à tout ce qui existe, alors toutes les peurs liées à la dualité s’évanouissent : peur de mourir, d’être abandonné ou rejeté, d’être enfermé ou dominé… »

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Un petit livre (accompagné d’un CD) qui se glisse dans un sac ou une valise, une lecture « légère » qui accompagne harmonieusement un moment de détente printanière ou estivale.

Frédéric Lenoir nous fait d’abord l’historique des différentes formes de méditation à travers le monde et à travers les temps, puis il nous invite à aiguiser notre attention en y joignant la notion d’amour pour être au monde, apprécier et partager la merveille qu’est la vie, enfin il nous propose des méditations guidées sur des sujets importants pour le mieux vivre et le mieux vivre ensemble -confiance, amour, pardon…

J’ai aimé la clarté et la bienveillance des propos qui enrichissent, l’auteur nous offre une belle entrée en matière sur ce sujet et nous insuffle une énergie propre à nous lancer dans une aventure riche d’humanité.

Un beau voyage m’a dit mon cœur…

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Extraits de : « Méditer à cœur ouvert »  2018  Frédéric Lenoir.

Illustrations : 1/« Coquelicots »  Olga Wisinger-Florian 1844-1926   2/« Chardonneret sur une branche de cerisier »  Beatrice Whistler  1857-1896.

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Grappiller des perles pour s’élever en douceur…

BVJ – Plumes d’Anges.