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« … Fausto raccrocha peu après. Sur le balcon où il se trouvait, la voix de Silvia lui manqua immédiatement. Il observa la forêt et remarqua que les branches les plus exposées des mélèzes commençaient à jaunir. C’étaient les arbres de Fontana Fredda, arbres du soleil, du vent, des versants au sud, mais ils n’aimaient pas le gel, et lorsqu’ils le sentaient arriver, ils entraient en léthargie. Les sapins, impassibles, gardaient leurs aiguilles et ne gaspillaient pas leurs forces dans la mue saisonnière : deux arbres si proches, et deux stratégies si différentes pour affronter l’hiver. Les premiers à faner étaient les mélèzes blessés, qui par la foudre, qui par une chute de pierres, qui par une excavation ayant coupé une racine, mais en l’espace de quelques jours, la forêt entière virerait au jaune et au rouge, se retranchant dans un long sommeil pendant que le vert foncé des sapins monterait la garde.
Fausto avait lu quelque part que les arbres, contrairement aux animaux, ne pouvaient chercher la félicité autre part. Un arbre vivait là où sa graine était tombée, et pour être heureux, il devait faire avec. Ses problèmes, il les résolvait sur place, s’il en était capable, et s’il ne l’était pas il mourait. La félicité des ruminants, en revanche, suivait l’herbe, à Fontana Fredda c’était une vérité manifeste : mars au bas de la vallée, mai dans les pâturages des mille mètres, août dans les alpages aux alentours des deux mille, puis de nouveau en bas pour la félicité en demi-teinte de l’automne, la seconde modeste floraison. Le loup obéissait à un instinct moins compréhensible. Santorso lui avait raconté qu’on ne comprenait pas très bien pourquoi il se déplaçait, l’origine de son intranquillité. Il arrivait dans une vallée, y trouvait peut-être du gibier à foison, pourtant quelque chose l’empêchait de devenir sédentaire, et tôt ou tard il laissait tous ces cadeaux du ciel et s’en allait chercher la félicité ailleurs. Toujours par de nouvelles forêts, toujours derrière la prochaine crête, après l’odeur d’une femelle ou le hurlement d’une horde ou rien d’aussi évident, emportant dans sa course le chant d’un monde plus jeune, comme l’écrivait Jack London… »
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Une histoire, celle de Fausto Dalmasso, écrivain qui a grand mal à écrire,
il est en manque d’inspiration.
Il part vers le Mont-Rose et se fait engager comme cuisinier
dans un restaurant nommé Le Festin de Babette
– nom donné par sa propriétaire Babette en hommage à la nouvelle de Karen Blixen.
Il se lie avec Sylvia, une serveuse à la recherche d’une autre vie,
il tisse lentement des amitiés avec Babette, avec Santorso…
L’hiver se passe, la saison touristique se termine, Fausto part à Milan.
Séparé de sa femme Veronica, il doit s’occuper de vendre leur ancienne maison.
Ce livre nous décrit des scènes de vie dans un village Alpin
– histoires d’amour, désillusions, parfums et couleurs des forêts,
force d’une nature généreuse mais qui ne fait pas de cadeaux.
Les villageois parlent peu, ils laissent planer certains mystères
et l’on voit que les caractères les plus rudes sont souvent les plus tendres…
Ici des solitudes se rencontrent et petit à petit se partagent.
Fausto prend conscience qu’il faut laisser le monde dérouler ses chemins,
il ne faut rien exiger, rien brusquer,
il faut juste accueillir ce qui vient, ce qui surprend, les joies et les peines,
l’humanité est la félicité.
J’ai passé un très bon moment dans ces montagnes,
elles attirent, aimantent et terrifient parfois,
Paolo Cognetti partage talentueusement son amour pour elles
et nous entraine là dans une jolie réflexion,
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Extrait de « La félicité du loup » 2021 Paolo Cognetti.
Illustrations : 1/ « Massif du Mont Rose – Plateau glaciaire » Edward Theodor Compton 1849-1921 2/ « Bouleaux et glycines » Teodoro Wolf Ferrari 1878-1945.
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Apprécier les choses simples…
BVJ – Plumes d’Anges.
La nature, souvent amie de l’homme…ou pas !
La grande ville, souvent théâtre pour solitaires…ou pas :
les arbres, les animaux et les humains cherchent leur équilibre
entre ces pôles jusqu’à ce qu’ils l’atteignent et là,
on peut parler de félicité ou d’HARMONIE .
Belle parabole italienne en ce premier jour d’automne,
la saison favorite…des PENSÉES 🍁
Chaleureusement, Brigitte !
Je connais l’auteur et pas ce livre……Bientôt un livre de saison. Brrr……Je n’aime pas le froid, mais lire près d’un bon feu, ma foi…
Tu nous donnes envie de partir dans ces montagnes!
extra, tout Paolo Cognetti 🙂
Un livre que j’ai adoré, de même que Les sept montagnes, et ce tableau de Edward Theodor Compton est absolument magnifique!
Merci merci
C’est un auteur que j’apprécie mais je n’ai pas encore lu ce titre-là. J’aime beaucoup l’extrait que tu partages avec nous. Un grand merci !
Voilà que tu me rappelles que je dois lire ce Paolo… Dès qu’on parle montagne, cela me titille. Mais il y a aussi « la montagne magique » sur ma pile à lire. Où trouver tout ce temps? 😉 Bises alpines.
les arbres semblent immobiles mais les espèces avancent et bougent ou reculent dans les paysages, ils interrogent les passants ou les habitants, qui eux les prennent en références…. un dialogue qui se répercute en échos…
Très tentant, ce livre de Paolo Cognetti, merci pour ces larges extraits, Brigitte.
L’association des bouleaux et des glycines est étonnante, cette peinture m’intrigue.
j’aime beaucoup l’extrait, et j’aime l’auteur alors ….
Ce n’est pas mon texte préféré de l’auteur (c’est le garçon sauvage) mais c’est toujours un plaisir de le retrouver dans sa montagne. Très belle association de bouleaux et de glycines. Bonne semaine Brigitte. Bises.
Un beau voyage à la recherche de la félicité
Dame Nature nous offre tant de merveilles…
Su seulement l’Homme pouvait davantage la respecter
Bises Brigitte et bon mardi
Un bel extrait. Je le crois bien, oui, qu’un arbre ne peut être heureux que là où il a été planté. Je dis toujours qu’il faut laisser les arbres tranquilles.
« Il faut juste apprécier ce qui vient ». Voilà une belle philosophie de vie que j’essaie de faire mienne !
Sympas et démonstratifs tes extraits de texte proposés en lecture.
On y découvre les stratégies végétales et animales.
Ceci au fil des saisons. Les uns gardent leurs aiguilles,
les autres se les gardent. Les deux sont de bonnes stratégies,
pourtant elles diffèrent radicalement.
Va y comprendre …. C’est peut être rien qu’une question esthétique.
Le mélèze nous offre ainsi ses teintes orangées flamme en automne,
et ses bourgeons vert tendre au printemps.
Merci à lui de penser à nous ….
Amic@lement. > Yann
J’aime ces deux tableaux que tu présentes. Ils évoquent une belle nature, mais aussi la solitude, le silence. De quoi être tenté, mais pas pour trop longtemps. J’évoque bien sûr les villages alpins -)
très bon choix d’illustrations et je note ce livre
bon wk Brigitte
de Paolo Cognetti j’ai lu le magnifique roman les nuits montagnes et je vais m’empresser de commander celui ci Merci pour l’info Brigitte Beau et serein dimanche
Accueillir ce qui vient… peut être le secret du bonheur. La nature est toujours un refuge, une source d’inspiration pour qui cherche des réponses…
« La nature à chaque instant s’occupe de votre bien-être. Elle n’a pas d’autre fin. Ne lui résistez pas. » (Henry David Thoreau)