Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Pensées magiques…

lundi 29 février 2016

.


.

« … Je me plais à croire qu’il y a entre les livres et leurs lecteurs, entre les livres et les voyages qu’ils accompagnent, certaines affinités, une forme d’élection à laquelle il n’est pas superflu de se rendre sensible. Il m’a toujours semblé que ces livres-là, ceux qu’en fait on ne choisit pas, savaient venir d’eux-mêmes, qu’ils savaient choisir le moment où ils seraient le mieux lus et qu’on y trouvait le plus souvent, non pas une inspiration, ni même une nouveauté mais bien plutôt une confirmation qui devient un peu comme, à travers les lignes et selon un sens qui échappe, une exhortation à aller de l’avant… »

Extrait de : « L’écriture de l’ailleurs » – 2009 Albéric d’Harvilliers.

.

Je me plais à croire qu’il y a,

dans tous les domaines de la vie,

des évènements qui viennent à nous d’eux-mêmes,

juste au meilleur moment,

ils nous donnent la foi nécessaire pour suivre notre route…

Le monde est si beau, ne nous faut-il pas être simplement observateurs et confiants ?

.

Illustrations : 1/« Pauvre poète »  Carl Spitzweg 1808-1885  2/« Carte du monde (détail) »  Fra Mauro XVème siècle.

…..

Croire en une magie de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Gai rire…

jeudi 25 février 2016

.

.

« Excusez-moi, je suis un peu essoufflé ! Je viens de traverser une ville où tout le monde

courait…

Je ne peux pas vous dire laquelle… je l’ai traversée en courant.

Lorsque j’y suis entré, je marchais normalement, mais quand j’ai vu que tout le monde

courait… je me suis mis à courir comme tout le monde, sans raison !

À un moment je courais au coude à coude avec un monsieur…

Je lui dis : Dites-moi, pourquoi tous ces gens-là courent-ils comme des fous ? »

Il me dit : – Parce qu’ils le sont !

Il me dit : Vous êtes dans une ville de fous ici. Vous n’êtes pas au courant ?

Je lui dis : – Si, si, des bruits ont couru !

Il me dit : – Ils courent toujours !

Je lui dis : – Qu’est-ce qui fait courir tous ces fous ?

Il me dit : – Tout ! Tout ! Il y en a qui courent au plus pressé. D’autres qui courent

après les honneurs.

Celui-ci court pour la gloire… Celui-là court à sa perte !

Je lui dis : -Mais pourquoi courent-ils si vite ?

Il me dit : – Pour gagner du temps ! Comme le temps, c’est de l’argent, plus ils courent

vite, plus ils en gagnent !

Je lui dis : – Mais où courent-ils ?

Il me dit : – À la banque ! Le temps de déposer l’argent qu’ils ont gagné sur un compte

courant… et ils repartent toujours courant, en gagner d’autre !

Je lui dis : – Et le reste du temps ?

Il me dit : – Ils courent faire leurs courses… au marché !

Je lui dis : – Pourquoi font-ils leurs courses en courant ?

Il me dit : – Je vous l’ai dit… parce qu’ils sont fous !

Je lui dis : – Il pourraient tout aussi bien faire leur marché en marchant… tout en

restant fous !

Je lui dis : – On voit bien que vous ne les connaissez pas ! D’abord le fou n’aime pas

la marche…

Je lui dis : – Pourquoi ?

Il me dit : – Parce qu’il la rate !

Je lui dis : – Pourtant, j’en vois un qui marche !?

Il me dit : – Oui, c’est un contestataire ! Il en avait assez de courir comme un fou. Alors

il a organisé une marche de protestation !

Je lui dis : – Il n’a pas l’air d’être suivi ?

Il me dit : – Si, mais comme tous ceux qui le suivent courent, il est dépassé.

Je lui dis : – Et vous, peut-on savoir ce que vous faites dans cette ville ?

Il me dit : – Oui ! Moi j’expédie les affaires courantes. Parce que même ici, les affaires

ne marchent pas !

Je lui dis : – Et où courez-vous là ?

Il me dit : – Je cours à la banque !

Je lui dis : – Ah… pour y déposer votre argent ?

Il me dit : – Non ! Pour le retirer ! Moi je ne suis pas fou !

Je lui dis : – Mais si vous n’êtes pas fou, pourquoi restez-vous dans une ville

où tout le monde l’est ?

Il me dit : – Parce que j’y gagne un argent fou !… C’est moi le banquier !!! »

.


.

CERTAINS JOURS, JE ME DIS QUE DE TOUT CELA, IL VAUT MIEUX EN RIRE,

RIRE D’UN GAI RIRE POUR GUÉRIR…

Extrait de : « Matière à rire »  Raymond Devos 1922-2006.

Illustrations : 1/ »Belle dame partant au bain »  James Gillray 1757-1815 2/ »Crocus »  Hans Simon Holtzbecker XVIIème.

…..

Chercher matière à rire pour guérir…

BVJ – Plumes d’Anges.


Rêveries…

lundi 22 février 2016

.

.

« …Dans les heures de grandes trouvailles, une image poétique peut être le germe d’un monde, le germe d’un univers imaginé devant la rêverie d’un poète. La conscience d’émerveillement devant ce monde créé par le poète s’ouvre en toute naïveté…

.

… Certaines rêveries poétiques sont des hypothèses de vies qui élargissent notre vie en nous mettant en confiance dans l’univers…

.

… Quand un rêveur de rêveries a écarté toutes les « préoccupations » qui encombraient la vie quotidienne, quand il s’est détaché du souci qui lui vient du souci des autres, quand il est vraiment ainsi l’auteur de sa solitude, quand enfin il peut contempler, sans compter les heures, un bel aspect de l’univers, il sent, ce rêveur, un être qui s’ouvre en lui. Soudain, un tel rêveur est rêveur du monde. Il s’ouvre au monde et le monde s’ouvre à lui. On n’a jamais bien vu le monde si l’on a pas rêvé ce que l’on voyait. En une rêverie de solitude qui accroît la solitude du rêveur, deux profondeurs se conjuguent, se répercutent en échos qui vont de la profondeur de l’être du monde à une profondeur d’être du rêveur. Le temps est suspendu. Le temps n’a plus d’hier et n’a plus de demain. Le temps est englouti dans la double profondeur du rêveur et du monde. Le Monde est si majestueux qu’il ne s’y passe plus rien : le Monde repose en sa tranquillité. Le rêveur est tranquille devant une Eau tranquille. La rêverie ne peut s’approfondir qu’en rêvant devant un monde tranquille…

.

… Le rêveur du monde ne regarde pas le monde comme un objet, il n’a que faire de l’agressivité du regard pénétrant. Il est sujet contemplant. Il semble alors que le monde contemplé parcoure une échelle de clarté quand la conscience de voir est conscience de voir grand et est conscience de voir beau. La beauté travaille activement le sensible. La beauté est à la fois un relief du monde contemplé et une élévation dans la dignité de voir…

.

… Dans la rêverie cosmique, rien n’est inerte, ni le monde, ni le rêveur ; tout vit d’une vie secrète, donc tout parle sincèrement. Le poète écoute et répète. La voix du poète est une voix du monde… « 

.


Extrait de : « La poétique de la rêverie »  Gaston Bachelard 1884-1962.

Illustrations : 1/« Temple Tenno-ji à Osaka » Kawase Hasui 1883-1957  2/« Fleurs de pommier »  Isen’in Hoin Eishin1775-1828.

…..

Se poser, contempler…

BVJ – Plumes d’Anges.

Oiseaux…

samedi 13 février 2016

.

.

« … L’oiseau, ce funambule. L’oiseau que tu vois, par la fenêtre, rabougri sur un fil. Maintenant, un nuage chinois lui masque les collines. Il vient ici chaque jour sur le poteau où il s’attarde un peu. Histoire, peut-être, d’établir le bilan de sa vie. Oiseau, mon compagnon, combien nous sommes près l’un de l’autre, pourtant extraordinairement séparés !…

.

… Le ciel appartient à l’oiseau mais l’oiseau n’appartient à personne…

.

… J’avais huit ans et je regardais l’immense car j’avais traversé les millénaires. De la fenêtre de la ferme, à l’étage, je voyais les arbres, des frênes, bruisser doucement près de la fontaine où, le soir, je conduisais le troupeau. Le monde était bleu, empli de clairvoyance. Au printemps, les hirondelles dansaient longuement devant les vitres et je bénissais celui qui leur avait indiqué notre toit, je remerciais ce dieu qui n’existait pas. On s’est beaucoup moqué des oiseaux au cours des siècles, de tous ceux qui les vénéraient, trouvant mièvres leurs louanges, leurs sottes adorations. Pourtant, le jour où nous écrirons, nous parlerons comme volent et chantent les oiseaux, nous aurons atteint les sommets d’une forme de perfection. En d’autres lieux, vers l’Orient, on les aime et on les protège, on en prend un soin infini. J’avais décelé tous les nids du village, les répertoriant sur un petit carnet et l’hiver je veillais à ce que le gel ne les brise, ne les détruise, espérant qu’au printemps ils seraient à nouveau un havre pour les hirondelles. Hélas, ils partaient souvent en poussière et je compris alors qu’il est vain de penser pouvoir bâtir sa maison pour l’Éternité. Nous habitons tous un toit nomade, pourquoi donc fermer nos portes à qui vient frapper parce qu’il a faim et froid ? Pourquoi donc clore notre vie entre quatre murs ?… »

.


Extraits de : « Marcher est ma plus belle façon de vivre » 2014  Joël Vernet.

Illustrations : 1/« Nid et Hirondelles »  John James Audubon 1785-1851  2/« Nid d’oiseaux dans les joncs »  Fidelia Bridges 1834-1923.

…..

Accueillir en soi le présent…

BVJ – Plumes d’Anges.

Nuit blanche…

samedi 6 février 2016

.

.

« … J’attendais que revînt la neige.

Elle n’est pas tombée cette nuit. Et pourtant l’herbe est blanche. Il a fait grand froid, le ciel clair a gelé.

Cela suffit pour recommencer. Cette poudre sur le paysage. Cette gaze de givre sur les branches.

Écrire est averse de neige. Quand le silence du ciel qui ne tient plus tombe sur la campagne et la mer en essaims d’abeilles froides. Ainsi arrive-t-il en pleine nuit que le ciel tout à coup inverse sa noirceur. Une floraison de blancheur dans l’obscur, telle serait la page qui se couvre de signes. Car ce n’est pas l’encre qui noircit le papier, mais plutôt ce blanc-là qui remonte et trouve une issue, faufilé dans les interstices entre les signes sombres.

J’écris avec ce qui se tait. Avec la neige montant du sol, cherchant la bouche muette du ciel.

L’encre du poème ne dissimule pas le papier blanc. Elle en rend la blancheur lisible. Boutons de neige éclos parmi des cortèges de fourmis. Un peu de sens à l’état pur, qui se glisse entre les jambages des mots. Un peu de vérité intacte, tacite, rendue visible par défaut.

J’écris : la neige incroyable de la nuit tombe sur ton sommeil. Blanc des draps, blancheur du papier, blancheur de ta peau silencieuse.

Il ne restera de ce livre qu’une averse blanche sur la mer. Cette encre est ma nuit blanche… »

.


Extrait de : « Chutes de pluie fine » 2002 Jean-Michel Maulpoix.

Tableaux : 1/« Gymnase -de l’Académie Marie-Thérèse à Vienne- sous la neige »  Carl Moll 1861-1945   2/« Jardin sous la neige »  Constant Montald 1862-1944.

…..

Rêver de blanc…

BVJ – Plumes d’Anges.


Rêver le monde…

dimanche 24 janvier 2016

.


« … – Je me suis couchée là, dit-elle avec beaucoup de gravité, désignant les palmes sèches, pour prendre la force de la source et j’ai rêvé le monde. (…) La biche rêve le jaguar pour qu’il la tue plus vite et qu’elle ne souffre pas, et le jaguar se laisse rêver parce qu’il est juste, tu comprends ? Quand les gens sont méchants, il faut les rêver pour qu’ils changent. Tu les fais bons et beaux, tu les fabriques différents. Ainsi toutes les bêtes rêvent surtout les hommes pour les pousser à être moins mauvais. Il faut beaucoup, beaucoup de rêves pour les faire changer un peu. Et malheureusement, la plupart des hommes, eux, ne savent plus rêver…

.

… – Tant qu’un véritable danger ne t’approche pas, tu n’as pas à accorder d’importance à ce qui tracasse les gens, dit Shelena en haussant les épaules. Comme ça tu ne nourris pas leur méchanceté et elle finit par s’évanouir…

.

… – Il est beau l’Homme quand il nous ressemble, cria la chouette !

– Il est grand, quand il fait taire le brouhaha de son âme, répondit le jaguar !

– Mais pourquoi l’Homme est-il si fou, demandèrent la liane et le serpent enlacés, que sans réfléchir il nous brûle et nous tue ?

– Parce qu’il ne se souvient plus de vous, expliqua Shelena qui ne détachait pas ses yeux de Tonio, là-bas, magnifique et conquérant.

Mishi perché non loin souleva une paupière, mais Shelena était tranquille et le faucon se rendormit.

– Que peut-il y avoir de plus important que d’aimer ? Aimer tout ce qui est là autour de nous, murmura encore Shelena dans le langage de la forêt. Sans chercher à comprendre pourquoi. Juste aimer, sans retenue, et se sentir absorbé par l’objet de cet amour, absorbé et dissout au sein des choses.

– Rien, princesse, répondit une luciole qui passait. Mais aucun de nous n’a encore réussi à faire que l’Homme puisse se souvenir de cela !…

.

… – Tasorentsi est trop immense pour être dans le ciel comme ton Dieu, même si le ciel n’a pas de limites, s’écria Shelena et elle posa délicatement sa main sur la poitrine de Tonio.

– Mais là, il y a toujours un petit morceau de Lui. Il est dans le cœur de l’arbre, dans celui de la rivière et dans le tien. C’est pourquoi il ne faut jamais blesser le cœur des êtres. Il est là, blotti dans la source d’amour de chacun, et il ne faut pas ébranler son refuge…

.

… – J’aime être au jardin ! s’écria Shelena le visage éclatant de fraîcheur. C’est seulement quand on ne travaille que pour soi que l’on risque de s’épuiser jusqu’à la mort. Mon corps est une maison sacrée, bâtie pour participer à la construction du monde, je ne l’oublie pas… »

.


Extraits de : « L’enfant qui rêvait le monde » 2002  Jéromine Pasteur.

Tableaux : 1/« Mare et forêt »  Lars Hertervig 1830-1902  2/« Faucon du Groënland »  Georges Stubbs 1724-1806  3/« Iris »  Maria Oakey Dewing 1845-1927.

…..

Se sentir un avec la Terre…

BVJ – Plumes d’Anges.

S’accorder au monde…

mercredi 20 janvier 2016

.

.

« La joie n’est pas volontaire. Elle ne se décide pas, pas plus qu’elle ne se décrète. Il faut fuir comme la peste ceux qui en vendraient la recette. En revanche, la joie exige un climat favorable : un état d’esprit pareil à un état de grâce. Le climat favorable se favorise »…

Mathieu Terence – Petit Éloge de la joie.

.

… L’amour ne se limite pas à la relation avec autrui. Le lien de communion ne se limite pas aux relations interpersonnelles. Les Grecs évoquaient l’idée de « s’accorder au monde » de manière harmonieuse. Ne pas être à contretemps. S’inscrire dans la ronde de la vie. Participer à une symphonie, sans être l’instrument dissonant. S’accorder au monde, c’est entrer en résonance avec nos proches, la cité, la nature, le cosmos. C’est refuser de détruire la planète et de la piller, c’est entretenir des relations respectueuses avec tous les êtres sensibles. C’est, fondamentalement, mener une vie éthiquement juste, mais plus encore, c’est vibrer dans la joie de se sentir en harmonie avec ce qui nous entoure. Toute expérience de la beauté recèle cette faculté. Contempler une œuvre d’art qui nous émeut, s’arrêter devant la perfection de la nature nous relient à ce quelque chose qui nous dépasse et nous pousse de la sorte à transcender notre moi. La contemplation nous grandit, elle fait émerger la partie la plus noble de nous-mêmes… »

.


Extraits de : « La puissance de la joie » 2015  Frédéric Lenoir.

Tableau: 1/« Jeune fille en contemplation »  Gaston de la Touche 1854-1913   2/« Brume et glacier de la chaîne de Selkirk »  Frédéric M.Bell-Smith 1846-1923.

…..

Rechercher l’état de grâce…

BVJ – Plumes d’Anges.

Nourriture céleste…

lundi 11 janvier 2016

.

.

« Par d’aussi menues Courtoisies

Une fleur, ou un Livre

Se plantent les graines de sourires –

Qui dans l’ombre fleurissent. »

.

« La Pensée est calme comme un Flocon

Une explosion silencieuse

Écho de la Vie qui a trouvé

Son explication. »

.


Quatrains d‘Emily Dickinson 1830-1886.

Illustrations : 1/« Hellébores » Magazine botanique de William Curtis 1746-1799 2/« Temple sous la neige à Hirazumi »  Kawase Hasui 1883-1957.

…..

Songer à nourrir son âme…

BVJ – Plumes d’Anges.


Histoire de regard…

jeudi 7 janvier 2016

.

.

« Si tu ne vas pas dans les bois,

jamais rien n’arrivera, jamais ta vie ne commencera.

– Ne va pas dans les bois, disaient-ils, n’y va pas.

– Et pourquoi donc ? Pourquoi n’irais-je pas ce soir dans les bois ? demanda-t-elle.

– Dans les bois vit un grand loup, qui mange les humains comme toi. Ne va pas dans les bois, n’y va pas.

Bien sûr, elle y alla. Elle alla malgré tout dans les bois et bien sûr, comme ils l’avaient dit, elle rencontra le loup.

– On t’avait prévenue, fit le chœur.

– C’est ma vie, pauvres noix, rétorqua-t-elle. On n’est pas dans un conte de fées. Il faut que j’aille dans les bois. Il faut que je rencontre le loup, sinon ma vie ne commencera jamais.

Mais le loup qu’elle rencontra était pris dans un piège. Dans un piège était prise la patte du loup.

– Viens à mon aide, viens à mon secours et je te récompenserai comme il se doit.

Car ainsi font les loups dans ce type de contes.

– Et comment serais-je sûre que tu ne vas pas me faire mal ? interrogea-t-elle – c’était son rôle de poser les questions. Comment serais-je sûre que tu ne vas pas me tuer et me réduire à un tas d’os ?

– La question n’est pas la bonne, dit ce loup-ci. Tu dois me croire sur parole. Et il se remit à gémir et à crier :

Oh, là,là ! aïe, aïe, aïe !

Belle dame

Il n’y a qu’une question qui vaille

Ououououououh

eheheheheheh

aaaaaaaaam ?

– C’est bien, le loup. Je prends le risque. Allons-y ! Et elle écarta les mâchoires du piège. Le loup retira sa patte, qu’elle pansa avec des herbes et des plantes.

– Oh, merci aimable dame, merci dit le loup, soulagé.

Et, parce qu’elle avait lu trop de contes d’un certain type, le mauvais, elle s’exclama :

– Allons, finissons-en. Tue-moi. Maintenant.

Mais ainsi le loup ne fit-il pas. Pas du tout. Il posa la patte sur son bras.

– Je suis un loup qui vient d’ailleurs, un loup qui vient d’un autre temps, dit-il. Et il s’arracha un cil, puis le lui offrit en disant : – Sers-t’en avec discernement. Désormais, tu sauras qui est bon et qui ne l’est guère ; il te suffira de voir par mes yeux pour voir clair.

Tu m’as permis de vivre

Et pour cela

Je t’offre de vivre ta vie

comme jamais tu ne le fis.

Souviens-toi, belle dame,

Il n’y a qu’une question qui vaille

Ououououououh

eheheheheheh

aaaaaaaaam ?

Ainsi revint-elle au village

Ravie d’être encore en vie

Et cette fois, quand ils disaient

« Reste ici, marions-nous »

Ou « Fais ce que je te dis »

Ou « Dis ce que je te dis de dire,

Surtout n’aie aucun avis »

Elle portait à son œil le cil du loup

Et voyait à travers lui

Leurs véritables motivations

Comme elle ne l’avait jamais fait.

Alors quand le boucher

Posa la viande sur la balance

Elle vit qu’il pesait son pouce avec.

Et quand elle regarda son soupirant

Qui soupirait « Je suis parfait pour toi »

Elle vit que ce soupirant-là

N’était même pas bon à quoi que ce soit.

De sorte qu’elle fut à l’abri

Sinon de tous les malheurs du monde

Du moins d’une grande partie.

Plus encore : non seulement cette nouvelle façon de voir lui permit de distinguer le cruel et le sournois, mais son cœur ne connut plus de limites, car elle regardait tout un chacun et l’évaluait grâce au don du loup qu’elle avait sauvé.

Et elle vit les gens de bonté vraie

Et elle s’en approcha,

Elle trouva le compagnon

De sa vie et resta près de lui,

Elle distingua les êtres de courage

Et d’eux se rapprocha,

Elle connut les cœurs fidèles

Et se joignit à eux,

Elle vit la confusion sous la colère

Et se hâta de l’apaiser,

Elle vit l’amour briller dans les yeux des timides

Et tendit la main vers eux

Elle vit la souffrance des collets montés

Et courtisa leur sourire,

Elle vit le besoin chez l’homme sans parole

Et parla en son nom

Elle vit la foi luire au plus profond

De la femme qui la niait

Et la raviva à la flamme de la sienne.

Elle vit tout

Avec son cil de loup,

Tout ce qui était vrai,

Tout ce qui était faux,

Tout ce qui se retournait contre la vie

Et tout ce qui se tournait vers la vie,

Tout ce qui ne peut se voir

Qu’à travers le regard

Qui évalue le cœur avec le cœur

Et non à la seule aune de l’esprit.

C’est ainsi qu’elle apprit que ce que l’on dit est vrai : le loup est le plus avisé de tous. Et si vous prêtez l’oreille, vous entendrez que le loup, lorsqu’il hurle, est toujours en train de poser la question la plus importante. Non pas « Où est le prochain repas ? », ni « Où est le prochain combat ? », ni « Où est la prochaine danse ? »

mais la question le plus importante

pour voir à l’intérieur, pour voir derrière,

pour estimer la valeur de tout ce qui vit,

Ououououououh

eheheheheheh

aaaaaaaaam ?

Ououououououh

eheheheheheh

aaaaaaaaam ?

Où est l’âme ?

Où est l’âme ?

Va dans les bois, va.

Si tu ne vas pas dans les bois, jamais rien n’arrivera,

jamais ta vie ne commencera.

Va dans les bois, va

Va dans les bois, va

Va dans les bois, va. »

.


Extrait de « The Wolf’s Eyelash », poème en prose de C.P.Estès. cité par Clarissa Pinkola Estès dans « Femmes qui Courent avec les Loups » (ré-édition de 2001).

Illustrations : 1/« La fillette que j’ai laissée derrière moi »  Jonathan Eastman Johnson 1824-1906  2/« Perce-neige dans une forêt »  Josef Lauer 1818-1881.

…..

Se poser la bonne question…

BVJ – Plumes d’Anges.


Voeu de joie…

mardi 22 décembre 2015

.

.

« Dès que la joie se lève, tout s’élargit. Notre respiration se fait plus ample, notre corps, l’instant d’avant replié sur lui-même, n’occupant que sa place ou son coin, tout à coup se redresse et vibre de mobilité, nous voudrions sauter, bondir, courir, danser, car nous sommes plus vifs dans un plus vaste espace, et le défilé resserré de notre gorge devient le gué du cri, du chant, du rire déployé. Rire ou pleurer, rire en pleurant, pleurer en riant, qu’importe ! c’est la réponse au même excès de ce qui vient. Notre visage s’ouvre et notre regard s’éclaire. Qu’est-ce qui vient ? L’à venir. Mais il n’est pas seulement projeté, calculé, anticipé, imaginé, il surgit ici et maintenant, et c’est parce que cet ici et ce maintenant ne sauraient être ponctuels que tout s’élargit.

(…) La joie ne forme pas un état, mais un acte et un mouvement, une inchoation vive. Cet acte est l’acte commun de l’homme et du monde, il ne peut être rabattu et mis en boîte dans la psychologie ni dans une pensée du « sujet ». La joie en effet donne de l’espace, du champ et du jeu, être joyeux, c’est être au large dans le grand large du monde soudain révélé comme tel, et l’épreuve de la joie est toujours une épreuve de l’espace en crue. Espace du soi, espace du monde ? Espace intérieur, espace extérieur ? Le propre de la joie est de rendre cette distinction caduque, c’est d’être indivisément une épreuve du soi et une épreuve du monde. Nul ne l’a mieux dit que Baudelaire, dans ces vers du « Balcon » :

« Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées

Que l’espace est profond ! que le cœur est puissant ! »

C’est seulement quand l’espace s’approfondit que le cœur se renforce, et c’est seulement quand le cœur se renforce que l’approfondissement de l’espace nous est donné à voir et à vivre… »

.


.

TRÈS BELLES FÊTES DE FIN D’ANNÉE À TOUTES ET À TOUS,

QUE DES MILLIERS D’ ÉTOILES BRILLENT DANS LE MONDE

ET QUE LA JOIE ILLUMINE NOS CŒURS !



Extrait de : « La joie spacieuse » 2007 Jean-Louis Chrétien.

Illustrations : 1/ Photo BVJ (étoile peinte par Amélie Jackowski) 2/« Anges divertissant le divin Enfant »  Marianne Stokes 1855-1927.

…..

Faire vœu de joie…

BVJ – Plumes d’Anges.