Gai rire…

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« Excusez-moi, je suis un peu essoufflé ! Je viens de traverser une ville où tout le monde

courait…

Je ne peux pas vous dire laquelle… je l’ai traversée en courant.

Lorsque j’y suis entré, je marchais normalement, mais quand j’ai vu que tout le monde

courait… je me suis mis à courir comme tout le monde, sans raison !

À un moment je courais au coude à coude avec un monsieur…

Je lui dis : Dites-moi, pourquoi tous ces gens-là courent-ils comme des fous ? »

Il me dit : – Parce qu’ils le sont !

Il me dit : Vous êtes dans une ville de fous ici. Vous n’êtes pas au courant ?

Je lui dis : – Si, si, des bruits ont couru !

Il me dit : – Ils courent toujours !

Je lui dis : – Qu’est-ce qui fait courir tous ces fous ?

Il me dit : – Tout ! Tout ! Il y en a qui courent au plus pressé. D’autres qui courent

après les honneurs.

Celui-ci court pour la gloire… Celui-là court à sa perte !

Je lui dis : -Mais pourquoi courent-ils si vite ?

Il me dit : – Pour gagner du temps ! Comme le temps, c’est de l’argent, plus ils courent

vite, plus ils en gagnent !

Je lui dis : – Mais où courent-ils ?

Il me dit : – À la banque ! Le temps de déposer l’argent qu’ils ont gagné sur un compte

courant… et ils repartent toujours courant, en gagner d’autre !

Je lui dis : – Et le reste du temps ?

Il me dit : – Ils courent faire leurs courses… au marché !

Je lui dis : – Pourquoi font-ils leurs courses en courant ?

Il me dit : – Je vous l’ai dit… parce qu’ils sont fous !

Je lui dis : – Il pourraient tout aussi bien faire leur marché en marchant… tout en

restant fous !

Je lui dis : – On voit bien que vous ne les connaissez pas ! D’abord le fou n’aime pas

la marche…

Je lui dis : – Pourquoi ?

Il me dit : – Parce qu’il la rate !

Je lui dis : – Pourtant, j’en vois un qui marche !?

Il me dit : – Oui, c’est un contestataire ! Il en avait assez de courir comme un fou. Alors

il a organisé une marche de protestation !

Je lui dis : – Il n’a pas l’air d’être suivi ?

Il me dit : – Si, mais comme tous ceux qui le suivent courent, il est dépassé.

Je lui dis : – Et vous, peut-on savoir ce que vous faites dans cette ville ?

Il me dit : – Oui ! Moi j’expédie les affaires courantes. Parce que même ici, les affaires

ne marchent pas !

Je lui dis : – Et où courez-vous là ?

Il me dit : – Je cours à la banque !

Je lui dis : – Ah… pour y déposer votre argent ?

Il me dit : – Non ! Pour le retirer ! Moi je ne suis pas fou !

Je lui dis : – Mais si vous n’êtes pas fou, pourquoi restez-vous dans une ville

où tout le monde l’est ?

Il me dit : – Parce que j’y gagne un argent fou !… C’est moi le banquier !!! »

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CERTAINS JOURS, JE ME DIS QUE DE TOUT CELA, IL VAUT MIEUX EN RIRE,

RIRE D’UN GAI RIRE POUR GUÉRIR…

Extrait de : « Matière à rire »  Raymond Devos 1922-2006.

Illustrations : 1/ »Belle dame partant au bain »  James Gillray 1757-1815 2/ »Crocus »  Hans Simon Holtzbecker XVIIème.

…..

Chercher matière à rire pour guérir…

BVJ – Plumes d’Anges.


14 commentaires sur “Gai rire…”

  1. Dominique dit :

    la dérision, l’humour, l’amour des mots, cela fait un bien …fou non ?

  2. Aifelle dit :

    Quelle histoire ! j’aurais dû reconnaître Devos, avec sa manière unique de jouer avec les mots, de les tordre et d’en changer constamment le sens. Bises Brigitte 🙂

  3. Devos toujours d’actualité !! Merci pour cette relecture qui fait du bien et la mine de poésie qu’est ton blog !

  4. Aloysia dit :

    Il est génial tout de même, ce Devos…! Ce délire verbal est absolument merveilleux de sens et de non-sens. Merci vraiment pour cette pépite littéraire et philosophique. Merci aussi pour les chouettes illustrations ! C’aurait été rigolo que la dame parte au bain en pousse-pousse avec un gars courant à toute vitesse, mais on ne peut pas tout trouver et là les laquais sont vraiment amusants tout de même… Bises.

  5. angedra dit :

    J’ai toujours aimé le génial Devos qui savait si bien nous entraîner dans ses délires de mots !
    Une petite merveille que j’ai eu beaucoup de plaisir à relire et comme ce texte peut s’appliquer dans la vie actuelle…

  6. Daniel dit :

    J’adore ce texte que je ne connaissais pas. On tue le temps, on rattrape le temps perdu, on perd son temps. Le temps….Le temps….Ce qui est sûr , c’est qu’on ne peut jamais l’arrêter ! Bon WE, Brigitte.

  7. naline dit :

    J’ai bien ri en relisant ce texte. Matière à réflexion… néanmoins ! Merci et belle fin de semaine, chère Brigitte !

  8. JC dit :

    Génial, je me suis bien amusée à lire ce texte. En plus, il est si vrai ! Prenons la vie à contre courant , veux tu ? Beau WE à toi. Bises. Joëlle

  9. ulysse dit :

    Merci de nous rappeler ce merveilleux sketch de Raymond Devos

  10. Poussy dit :

    J’ai une vraie Devos-ion pour ce Raymond là, quel feu d’artifice encore dans ce sketch où tout est si vrai, si actuel.
    Le génie des mots qui caracolent, fusent, se répondent et nous interpellent.
    C’est le don du bonheur de rire et de se sentir intelligents de tout, qui nous est fait là.
    Merci ma doucette, tu ensoleilles ce doux week-end de pluie et de vent, et ça me touche tellement.
    Je t’embrasse.

  11. Alezandro dit :

    Ce grand Devos dont la dérision et le plaisir des jeux de mots subtils nous manquent tant dans cette époque de tristesse!

  12. Florinette dit :

    J’adore, c’est effectivement du grand Devos !! J’étais très admirative de ces sketches où il jonglait avec les mots. Merci beaucoup Plumes d’Anges pour ce beau moment de rigolade et bon dimanche, je t’embrasse !

  13. Célestine dit :

    Le rire est le propre de l’homme, dit-on.
    Une thérapie exceptionnelle en tous cas, et à la portée de tous…
    L’humour m’a sauvée du désespoir de nombreuses fois, et il continue.

    http://celestinetroussecotte.blogspot.fr/2015/12/jaime-rire.html

    Bisous joyeux
    ¸¸.•*¨*• ☆

  14. Un bien joli moment d’humour mais qui montre bien que…et là aussi, je pense à Christiane Singer et son livre ‘Où cours-tu, ne sais-tu pas que le ciel est en toi’

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