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« … – Je me suis couchée là, dit-elle avec beaucoup de gravité, désignant les palmes sèches, pour prendre la force de la source et j’ai rêvé le monde. (…) La biche rêve le jaguar pour qu’il la tue plus vite et qu’elle ne souffre pas, et le jaguar se laisse rêver parce qu’il est juste, tu comprends ? Quand les gens sont méchants, il faut les rêver pour qu’ils changent. Tu les fais bons et beaux, tu les fabriques différents. Ainsi toutes les bêtes rêvent surtout les hommes pour les pousser à être moins mauvais. Il faut beaucoup, beaucoup de rêves pour les faire changer un peu. Et malheureusement, la plupart des hommes, eux, ne savent plus rêver…
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… – Tant qu’un véritable danger ne t’approche pas, tu n’as pas à accorder d’importance à ce qui tracasse les gens, dit Shelena en haussant les épaules. Comme ça tu ne nourris pas leur méchanceté et elle finit par s’évanouir…
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… – Il est beau l’Homme quand il nous ressemble, cria la chouette !
– Il est grand, quand il fait taire le brouhaha de son âme, répondit le jaguar !
– Mais pourquoi l’Homme est-il si fou, demandèrent la liane et le serpent enlacés, que sans réfléchir il nous brûle et nous tue ?
– Parce qu’il ne se souvient plus de vous, expliqua Shelena qui ne détachait pas ses yeux de Tonio, là-bas, magnifique et conquérant.
Mishi perché non loin souleva une paupière, mais Shelena était tranquille et le faucon se rendormit.
– Que peut-il y avoir de plus important que d’aimer ? Aimer tout ce qui est là autour de nous, murmura encore Shelena dans le langage de la forêt. Sans chercher à comprendre pourquoi. Juste aimer, sans retenue, et se sentir absorbé par l’objet de cet amour, absorbé et dissout au sein des choses.
– Rien, princesse, répondit une luciole qui passait. Mais aucun de nous n’a encore réussi à faire que l’Homme puisse se souvenir de cela !…
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… – Tasorentsi est trop immense pour être dans le ciel comme ton Dieu, même si le ciel n’a pas de limites, s’écria Shelena et elle posa délicatement sa main sur la poitrine de Tonio.
– Mais là, il y a toujours un petit morceau de Lui. Il est dans le cœur de l’arbre, dans celui de la rivière et dans le tien. C’est pourquoi il ne faut jamais blesser le cœur des êtres. Il est là, blotti dans la source d’amour de chacun, et il ne faut pas ébranler son refuge…
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… – J’aime être au jardin ! s’écria Shelena le visage éclatant de fraîcheur. C’est seulement quand on ne travaille que pour soi que l’on risque de s’épuiser jusqu’à la mort. Mon corps est une maison sacrée, bâtie pour participer à la construction du monde, je ne l’oublie pas… »
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Extraits de : « L’enfant qui rêvait le monde » 2002 Jéromine Pasteur.
Tableaux : 1/« Mare et forêt » Lars Hertervig 1830-1902 2/« Faucon du Groënland » Georges Stubbs 1724-1806 3/« Iris » Maria Oakey Dewing 1845-1927.
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Se sentir un avec la Terre…
BVJ – Plumes d’Anges.
La nature fait partie de nous, tout ce que nous lui faisons subir, nous le subissons également, et on voit bien jusqu’où ça peut aller… Merci Plumes d’Anges pour ce très bel extrait et beau dimanche, je t’embrasse
Merci pour ce partage ! J’ajoute ce livre à ma (longue 😉 ) liste.
En effet, je suis intimement persuadée que nous faisons partie – à part entière – de la terre. Et nous l’oublions trop souvent…
Merci de nous le rappeler !
Beau dimanche à toi !
Jolis mots, jolies formules pleine d’empathie pour le monde et d’espérance mais je ne crois pas que de rêver les gens les rend meilleurs
J’aime beaucoup le dernier petit paragraphe, mais malgré tout il m’arrive de l’oublier. Pourtant lorsque l’on agit avec d’autres, l’énergie qui nous porte nous emmène souvent bien plus loin dans notre part d’humanité. Jéromine Pasteur, il y a longtemps que je n’ai entendu parler d’elle.
une vision de l’Eden que je me suis toujours imaginé plein de fleurs, de plantes à foison
Le texte est d’une grande beauté, l’image n’en est pas loin derrière…
Cela devrait faire partie du programme éducatif…
Bah !
Parfois je frôle cet état de symbiose, lorsque je m’isole en nature avec mon bokken ou mon katana… il se passe quelque chose d’étrange, un toucher, une compréhension, un apaisement… mais ensuit, il faut réintégrer ma nature d’animal dégénéré…
Sourire…
Bonne semaine.
Moi je rêve à un monde meilleur tout simplement !
Quel beau livre tu nous fais goûter là… Merci Brigitte.
Quel bel extrait! Mais pour aller dans le sens de la chouette, l’homme ne ressemble pas à grand chose de beau en nos tristes jours. Il y en a de beaux certes mais ils sont volontairement oubliés et laissés pour compte par nos médias chéris!