Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

S’ouvrir…

vendredi 22 mai 2015

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« Un fakir vivait dans une cabane. Une nuit où la pluie tombait à verse, il fut réveillé par des coups frappés à la porte.

– Il y a quelqu’un dehors, un voyageur. Un ami inconnu cherche un abri.

– Un ami inconnu attend dehors, va lui ouvrir la porte, dit-il à sa femme.

-Mais nous n’avons pas de place, protesta la femme. Cette cabane est déjà trop petite pour nous deux. Où mettre une troisième personne ?

– Ma chère, répondit le fakir, ce logis est tellement petit qu’il ne peut le devenir davantage. Un palais, oui, un palais semble rétrécir chaque fois que quelqu’un y pénètre. Cela ne peut arriver à cette cabane.

– Qu’est-ce que cela a à voir avec notre situation ? rétorqua la femme. Cette hutte est trop petite, un point c’est tout.

– Du moment qu’il y a de la place dans ton cœur, cette cabane sera une maison superbe, dit le fakir. Mais si ton cœur est étroit, même un palais te semblera insuffisant. Ouvre la porte, je t’en prie. Peut-on refuser d’accueillir une personne qui frappe à la porte ? Nous étions couchés, eh bien ! si nous restons assis, il y aura assez de place pour nous trois.

– La femme ouvrit la porte et un homme entra, trempé jusqu’aux os. Ils s’installèrent et se mirent à converser lorsque deux autres voyageurs arrivèrent.

– Le fakir demanda au premier d’ouvrir la porte.

– Ouvrir la porte ? Mais il n’y a plus de place !

Il n’avait pas compris que le fakir ne l’hébergeait pas par affection personnelle, mais tout simplement parce que la cabane était pleine d’amour. Des gens se présentaient à la porte et l’amour les recevait, c’est tout.

L’homme insista :

– N’ouvrons pas, c’est déjà si peu commode de se tenir à trois dans cette hutte !

– Mon ami, dit le fakir, nous avons fait de la place pour toi parce que l’amour règne sous ce toit. L’amour est toujours là, il n’a pas pris fin lorsque tu es arrivé. Ouvre la porte, je t’en prie. Nous nous serrerons les uns contre les autres, c’est aussi simple que cela. Cela nous tiendra au chaud, il fait froid cette nuit.

La porte fut ouverte et deux hommes entrèrent.

Puis ce fut le tour d’un âne qui vint cogner son front contre la porte. Il grelottait, il était tout mouillé, il avait besoin d’aide. Le fakir s’adressa à l’homme qui était assis contre la porte :

– Ouvre, s’il te plait, voici un nouvel ami.

L’homme jeta un coup d’œil dehors et dit :

– Non, ce n’est rien, ce n’est qu’un âne.

– Sais-tu, dit le fakir, qu’à la porte des riches les hommes sont reçus comme des chiens ? Ici tu te trouves dans la cabane d’un pauvre fakir. Nous ne faisons pas de différence entre les gens et les animaux. Ouvre la porte, je te prie.

Les visiteurs protestèrent en chœur :

– Mais il n’y a plus de place !

– Mais si, dit le fakir. Nous resterons debout. S’il le faut j’irai dehors. »

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Histoire citée par Jean-Yves Leloup dans « La grâce et l’absurde » – 1991.

Illustrations : 1/« Arbre et brouillard à l’automne »  Carl Gustav Carus Kahler 1789-1869   2/« Lion au repos »  Akbar XVIème.

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Ouvrir son cœur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Famille humaine…

lundi 18 mai 2015

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« … Parmi les nombreuses difficultés rencontrées aujourd’hui, nous devons endurer et régler avec sérénité les catastrophes naturelles. En revanche, il nous appartient de remédier aux problèmes dont nous sommes responsables, nés de malentendus. Ainsi les religions, les idéologies ou la politique génèrent des guerres. Les hommes se battent pour défendre des croyances, négligeant l’idée que chacun d’entre nous est un membre de la grande famille humaine. Nous ne devons jamais oublier que les religions, les idéologies et les théories politiques sont apparues pour amener l’humanité sur le chemin du bonheur. Ce but ultime et fondateur ne doit pas être oublié. À aucun moment les moyens ne doivent être considérés plus que la finalité pour laquelle ils ont été créés : la compassion doit toujours l’emporter sur l’idéologie…

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… La pratique d’une grande religion n’est pas indispensable pour savoir cultiver la bonté et créer un sentiment d’intimité avec tous les êtres vivants. Les croyants ne sont pas les seuls concernés. L’origine ethnique, la religion ou le point de vue politique importent peu. Néanmoins le sentiment d’appartenance à la famille humaine concourt à embrasser ce point de vue immense durable. Les valeurs fondamentales d’amour et de compassion sont innées. Les opinions raciales, politiques et théologiques, nous les rencontrons plus tard. La violence est étrangère à la nature profonde de l’être humain. Pourquoi la presse s’intéresse-t-elle aux évènements violents et s’arrête-t-elle rarement sur des actes de compassion ? La violence est choquante. Elle n’est pas en accord avec notre nature profonde. Alors que les actes de compassion sont cohérents puisqu’ils émanent de notre propre nature… »

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Extraits de : « Se voir tel qu’on est » 2006  Sa sainteté le Dalaï Lama avec la collaboration de Jeffrey Hopkins.

Illustrations : 1/« Éléphant et cornac »  Amal-e Hashim 1620-1660 2/Panneau brodé en soie et velours – Œuvre anonyme du XVIIème. 

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L’humain, avant toute chose…

BVJ – Plumes d’Anges.

Quintessences…

lundi 11 mai 2015

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« … À quel moment commence réellement le voyage ? L’envie, le désir certes, la lecture, bien-sûr tout cela définit le projet, mais le voyage lui-même, quand donc peut-on le dire entamé ?…

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… Comment procéder avec les ivresses induites par le voyage ? Écrire ? Noter ? Dessiner ? Envoyer des lettres ? Et si oui, brèves ou longues ? Préférer des cartes postales ? Photographier ? Transporter avec soi des carnets sur lesquels on consigne croquis et phrases, mots et silhouettes, chiffres et nombres …

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… Noter, donc. Noter ce qui, dans le déroulement temporel et fluide du temps réel, dégage du sens et quintessencie le voyage. Couper, tailler dans le ruban de la chronologie des durées magnifiques, des instants qui rassemblent et résument l’idée, puis synthétisent l’esprit de déplacement. La mémoire fonctionne ainsi : prélever dans l’immensité longue et lente du divers les points de repère vifs et denses utiles pour cristalliser, constituer et durcir les souvenirs…

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… Dans le fouillis et le fatras de l’expérience vécue, la trace cartographie et permet le relevé d’une géographie sentimentale…

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… Entre l’absence de trace et leur excès, la fixation des instants forts et rares remplace le long temps de l’évènement en un temps court et dense : celui de l’avènement esthétique. Avec de longues durées, il s’agit de produire de brèves émotions et du temps concentré dans lequel se comprime le maximum d’émotions expérimentées par le corps. Un poème réussi, un cliché retenu, une page qui reste supposent la coïncidence absolue entre l’expérience vécue, accomplie et la souvenance réactivée, toujours disponible malgré l’écoulement. D’un voyage ne devraient rester que trois ou quatre signes, cinq ou six, guère plus. En fait, autant que les points cardinaux nécessaires à l’orientation…

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… Réactiver la fixation des vertiges, reprendre ses notes, ses carnets de croquis, ses photos, ses billets, ses carnets, ses papiers divers, consulter à nouveau les supports auxquels on a confié ses impressions sollicite la mémoire avec efficacité. On replonge dans le fouillis des impressions immédiates arrêtées dans le temps en pouvant dégager l’essentiel et faire remonter à la surface les morceaux de lumière avec lesquels se construit le souvenir. L’œuvre s’annonce puis s’énonce dans ce travail volontariste. Avec du passé se prépare du futur, ainsi le présent se trouve densifié, durci, plus cohérent, plus consistant. Ordonner les traces débouche, met en forme l’âme… »

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Extraits de : « Théorie du voyage – Poétique de la géographie » 2006  Michel Onfray.

Illustrations : 1/  2/  3/  Feuilles d’un « Carnet de voyage au Maroc »  Eugène Delacroix 1798-1863.

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Extraire les quintessences de nos petits et grands voyages…

BVJ – Plumes d’Anges.

Chant…

jeudi 7 mai 2015

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« … Le chant

C’est comme l’eau du ruisseau

Qui coule sur les galets,

Vers la source.

C’est la promesse

De la source au soleil.

Tous peuvent avoir accès au chant.

Certains ne le savent pas.

Le chant a une manière bien à lui

d’ouvrir des blessures enchanteresses.

Ne te fatigue pas à chanter

Ou bien le chant te porte en sortant de toi,

ou tu l’attends… »

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Extraits (trouvés sur le net) de : « Le chant »  Eugène Guillevic 1907-1997.

Illustrations : 1/« La séparation de la terre et de l’eau » 2/« Le Parnasse » détails de fresques de Raffaello Sanzio 1483-1520.

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Sentir en soi le chant du Souffle…

BVJ – Plumes d’Anges.



Regard intérieur…

lundi 4 mai 2015

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« … Chaque maladie est un récit. Ce qui compte, c’est la version que vous vous racontez…

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… N’était-elle pas bizarre, en fait, cette façon que nous avions tous de penser que lorsqu’on est malade il suffit d’aller voir un médecin et de se faire prescrire un médicament ? D’où cela vient-il ?…

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… Déplacées, malvenues, les pensées passaient à tire-d’aile dans mon espace mental, allaient et venaient, çà et là, comme des oiseaux se poursuivant les uns les autres dans le ciel vespéral, se perdant et se retrouvant, faisant la course, tournoyant, se dispersant, se rassemblant, planant un moment puis battant des ailes dans un vol âpre, toujours en mouvement, se traversant et se chevauchant, à des altitudes différentes, des vitesses différentes, tandis que la lumière décline, que le vent se lève et que la pluie crépite sur des feuilles qui bruissent. Alors un par un, finalement, ils commencent à se poser, et disparaissent. Dans un dernier battement d’ailes, une pensée se pose sur son perchoir et se tait. Sur un toit peut-être, ou dans votre poignet, dans votre gorge. Une autre rejoint la première, puis une autre encore. Des pensées qui font bouffer leurs plumes avant de s’immobiliser. Une dernière croasse… puis c’est le silence. Jusqu’à ce que, blotties les unes contre les autres sur leur fil, entre vos oreilles, elles perdent leurs délimitations, se fondent les unes aux autres, deviennent une simple flaque d’ombre duveteuse, d’ombre profonde dans l’obscurité, une couche sous une autre, sous d’autres, tandis que les yeux se ferment derrière des paupières closes, surveillés par des yeux situés plus profond encore, et que l’esprit se découvre enfin transparent ; l’esprit est finalement immobile et clair comme de l’eau claire, et de la tête aux pieds le corps est plein à ras bord d’esprit transparent et sans mots…

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… Il me semblait savoir de quoi il parlait quand il disait que tout circulait, esprit et matière se dissolvant pour se muer en énergie. Il n’était pas non plus impensable que les douleurs étranges que j’avais ressenties aient eu, d’une certaine façon, quelque chose à voir avec toutes ces années passées assis, dans un état de tension, à me creuser la cervelle devant la feuille blanche, à échafauder des espoirs, à me réjouir de petites réussites, à réagir de manière excessive face aux échecs et aux déceptions. Et il était vrai que si l’on se plaçait soi-même, ou que l’on plaçait son attention, en quelque sorte à côté de ces douleurs, si on demeurait en leur compagnie et les laissait tranquilles, sans réagir ni vouloir qu’elles s’en aillent, elles finissaient par s’apaiser. De même pour les pensées : si on les laissait monter à la surface en bouillonnant, sans les juger ni les attaquer d’aucune façon, petit à petit elles tournaient court. En outre on avait la sensation qu’une certaine sérénité avait été gagnée au cours de ce processus, on comprenait qu’une grande part de la douleur que nous ressentons vient de notre réaction à la douleur, une grande part de notre agitation de notre frénésie d’agitation…

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… « Voilà, ai-je fini par dire, on me demande de considérer la vie comme un malheur, une source de souffrance, et d’apprendre à ne pas en vouloir, alors qu’en vérité je la trouve très belle. La vie. Ces collines, les gens ici. Je suis très attaché à tout cela… »… »

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Extraits de : « Le calme retrouvé » 2010  Tim Parks.

Tableaux : 1/« Chants d’oiseaux dans un arbre » et 3/ »Oiseaux au nid »   Michelangelo Meucci 1840-1890   2/« Oiseaux »  Aart Schouman 1710-1790.

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Apaiser nos pensées…

BVJ – Plumes d’Anges.


Des marches…

mercredi 22 avril 2015

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« … En ville, la ronde des pensées d’Harold s’était figée. Mais maintenant qu’il était revenu en plein air, les images naviguaient de nouveau librement dans son esprit. En marchant, il libérait le passé qu’il cherchait à éviter depuis vingt ans, et ce passé bavardait et folâtrait comme un fou dans sa tête avec son énergie propre.

Harold n’envisageait plus la distance en termes de kilomètres. Il la mesurait avec ses souvenirs…

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… Harold était persuadé que son voyage débutait pour de bon. Il croyait l’avoir entamé au moment où il avait décidé de gagner Berwick à pied, mais il comprenait maintenant qu’il s’était montré naïf. Les départs pouvaient avoir lieu plus d’une fois, ou prendre des formes différentes. On pouvait se croire en train de recommencer alors qu’en réalité ce qu’on faisait continuait comme avant. Il avait affronté ses insuffisances, il les avait surmontées et donc c’était seulement maintenant que les choses sérieuses commençaient pour la marche…

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… Il visita la cathédrale et s’assit dans la lumière froide qui se déversait sur lui. Il se souvenait que des siècles auparavant, des hommes avaient construit des églises, des ponts et des navires qui, à bien y réfléchir, étaient autant d’actes de foi et de folie. Discrètement, il se mit à genoux et sollicita une protection pour ceux qu’il avait laissés derrière lui et ceux qu’il allait rencontrer. Il demanda qu’on lui donne la volonté de poursuivre sa route. Et il s’excusa de ne pas être croyant…

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… Harold fit un bout de chemin avec ces inconnus tout en les écoutant. Il ne portait de jugement sur personne (…) il avait un peu de mal à se souvenir si l’inspecteur des impôts était dépourvu de chaussures ou s’il portait un perroquet sur l’épaule. Tout cela n’avait désormais plus d’importance. Il avait appris que chez les autres, c’était cette petitesse qui l’émerveillait et l’attendrissait, et aussi la solitude que cela impliquait. Le monde était constitué de gens qui mettaient un pied devant l’autre ; et une existence pourrait paraître ordinaire simplement parce qu’il en était ainsi depuis longtemps. Désormais Harold ne pouvait plus croiser un inconnu sans reconnaître que tous étaient pareils et que chacun était unique ; et que c’était cela le dilemme de la condition humaine.

Il marchait d’un pas si sûr que c’était comme s’il avait attendu toute sa vie le moment de se lever de sa chaise…

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… « …Ce rétablissement est quelque choses d’inhabituel. Je ne sais comment vous avez fait. Mais c’est peut-être de cela que le monde a besoin. Moins de raison et plus de foi… »…

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… De nouveau, il ressentit profondément l’impression d’être en même temps à l’intérieur et à l’extérieur de ce qu’il voyait ; d’être à la fois connecté et de passage. Il commença à comprendre que c’était également vrai de sa marche. Il faisait et il ne faisait pas partie des choses (…) Il s’apercevait que lorsque quelqu’un se mettait à l’écart de ce qu’il connaissait et n’était plus qu’un passant, les choses inconnues prenaient un sens nouveau. Dans cette optique, il était important qu’il accepte de suivre son instinct et non pas l’avis des autres…

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… « … Quand on s’arrête et qu’on écoute, on n’a pas de raison d’avoir peur de quoi que ce soit… »… »

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Extraits de : « La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry » 2012  Rachel Joyce.

Tableaux : 1/ »Plage près de Trouville »  2/ »Forêt de Fontainebleau »  3/ »Bord de mer à Palavas »  Gustave Courbet 1819-1877.

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Suivre son intuition…

BVJ – Plumes d’Anges.

Invisibles liens…

jeudi 16 avril 2015

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« … Le secret qui donne accès à la compréhension profonde de soi-même, des autres et des phénomènes est d’une grande simplicité. Il consiste à comprendre que tout est relié. Tout est interdépendant. Tout est unifié. Je rencontre bien des personnes dont la vie est douloureuse parce qu’elles n’ont pas compris cela. Elles souffrent de se sentir séparées – faute de réaliser que le monde extérieur et leur monde intérieur sont nés ensemble. Depuis toujours je sais que la vie universelle vit à travers moi. Mes souvenirs les plus anciens sont éclairés de joie – la joie du grand corps du monde s’animant dans mon corps d’enfant…

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… J’ai eu la chance de grandir dans un monde où l’on célébrait le don de la vie, dans une communion des hommes et de la nature. Depuis, la pollution des éléments s’est étendue à la terre nourricière, à l’eau des fleuves et des océans, à l’air que nous respirons. Cela, sur les cinq continents. Il en résulte un sentiment de profonde insécurité. Grande est la difficulté de trouver la paix intérieure, quand on a perdu l’ancrage instinctif dans l’unité du vivant.

J’ai grandi avec une sensation de vitalité, à la fois centrée en moi et ouverte. C’était une énergie partant de mon esprit vers l’infini et me revenant sous forme d’une vibration d’amour universel. En y repensant, je me dis que, sur le Toit du monde de mon enfance, la notion de limites n’existait pas…

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… Je n’ai parlé à personne de l’expérience de la prison. Ni à mes proches. Ni à mes maîtres. Lorsque j’ai rencontré le Dalaï-lama après mon évasion, je n’ai pas eu besoin de lui décrire mon supplice. Il ne sait que trop ce qui se passe dans les prisons du Toit du monde. Sans me poser aucune question, il m’a serré contre lui, dans une étreinte silencieuse. Puis il a simplement dit  » Trois mois d’emprisonnement et de torture ! C’est une épreuve terrible ! Mais pour d’autres, ça dure dix ans, vingt ans ! Certains en meurent ! »

J’ai compris à quel point il est important de relativiser ses souffrances et de ne pas s’enfermer dans un passé douloureux, ce qui prolonge indéfiniment le calvaire subi. On devient alors son propre bourreau…

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… Avec bienveillance, Geshe Ake Gyupa me mettait en garde contre les fausses interprétations préjudiciables à ma pratique. Il insistait sur un point en particulier : « On traduit tsa par « canal » mais n’oublie pas que, littéralement, ce mot signifie « racine ». La racine, sous terre, est invisible. Mais c’est elle qui transforme l’énergie de la terre mère en sève nourricière. De même, dans notre corps, les canaux restent invisibles. Ils n’apparaissent pas à la manière des vaisseaux sanguins, des nerfs ou des tendons. Car ils sont immatériels, de la nature de l’esprit. Pourtant c’est dans ces canaux subtils que le corps puise son énergie et que la vie circule. Seuls des êtres clairvoyants, qui ont développé la vision interne, peuvent voir le réseau de canaux éclairant de l’intérieur le corps physique. La terre des canaux est ton esprit. Tu peux les animer et les contrôler en méditation, par l’esprit. »…

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… La compassion est une énergie de guérison car elle purifie les poisons mentaux et rend ainsi possible l’accès au niveau subtil de l’esprit… »

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« La méditation m’a sauvé »  2014  Phakyab Rinpoche.

Photos BVJ

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Sentir en soi les battements de l’univers…

BVJ – Plumes d’Anges.


Brins de pensées…

lundi 13 avril 2015

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« … Dès l’instant où je l’ai vu, j’ai su qu’il m’était destiné, dis-je à Perla.

-Oui, les êtres destinés à s’aimer se reconnaissent tout de suite…

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… Les gens ne correspondent pas toujours à leur apparence, constate-t-il enfin. On a tous un secret quelque part…

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… De temps à autre, je disais à ma mère que ça m’attristait d’attendre en vain qu’une bonne camarade vienne sonner à la porte pour demander si je voulais sortir jouer. Elle répliquait que la vie se résume à attendre et qu’on sous estimait la valeur de l’ennui dans la société contemporaine. Le vide de l’ennui recélait d’innombrables possibilités et engendrait des créations remarquables. Les plus grandes œuvres de l’esprit humain étaient précisément issues de l’ennui – crois-tu peut-être que Brahms ne s’est jamais ennuyé ? me grondait-elle. Si je lui avais répondu que je souffrais, elle m’aurait rétorqué que la souffrance alliée au désir était précisément à la base de toute créativité. Et elle n’aurait sans doute pas manqué d’ajouter : On se souvient de la souffrance l’espace d’une demi-journée ; c’est le poète qui lui confère sens et durée. Car l’homme tourmenté est en quête de beauté…

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… Il faut multiplier les expériences pour grandir et s’ouvrir au monde…

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… La vie bifurque constamment. Il n’est pas de personne plus mûre que celle qui change sept fois par semaine sa façon de penser… »

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Extraits de : « L’exception » 2012   Audur Ava Olafsdottir.

Tableaux : 1/« Jeune femme en bleu arrangeant un bouquet » 2/« Autoportrait »  Frederick Carl Frieseke 1874-1939.

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De brin en brin, se fait et se défait le bouquet de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Sève…

vendredi 10 avril 2015

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« … Au printemps, la neige fond sur les collines, et la terre la boit. Le soleil est encore si pâle, comment croire que c’est lui qui fait fondre l’hiver ? Les arbres gouttent et battent de sève, les torrents s’agitent et craquent et les pierres éclatent dans la mousse. La neige et la glace s’en vont par plaques. Couvertures, draps arrachés aux matelas bosselés. Les glaciers fondent, cerveaux de la montagne, ils sourdent de leur vallée, coulent lentement, retenus par leur gélatine plissée qui finit par lâcher : rien ni personne ne peut les arrêter…

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… Avec Joseph, je travaille pour de vrai, je plonge et replonge mes jeunes mains dans la terre, jambes pliées, dos courbé. Ensemble, nous semons, et les pousses vert clair sortent de la terre. Nous traçons des parcelles, nous les ensemençons et elles produisent. Les légumes poussent, ils fleurissent, les fleurs deviennent des fruits que nous regardons grossir, se colorer, et les framboises, et les groseilles, les herbes aromatiques, le fumier, la pluie, le soleil, l’engrais vert, les influences lunaires…

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… « Raconte-moi les oiseaux, Jeff.

– C’était des animaux qui volaient. Comme quand on nage, tu vois ? mais dans l’air. Ils n’agitaient leurs bras qui s’appelaient des ailes que pour atterrir ou pour décoller. Le reste du temps, ils planaient. Comme on fait la planche, mais eux, dans le ciel. Et leur chant, le bruit qu’ils faisaient, comment te le décrire… »

Il fait grincer la porte, tourne un doigt mouillé sur le haut d’un verre en cristal ou souffle dans la conque de ses mains refermées. (…)

« Qu’est-ce qu’ils mangeaient, les oiseaux ?

– À l’origine, du grain, des insectes, des baies. Ensuite, n’importe quoi. C’est ça qui les a tués. Un genre de farine, du mouton en poudre, je crois. Nous aussi, on les mangeait.



– Pour pouvoir voler ?

– Non, parce que c’était bon. (…)

J’ai du mal à y croire. Des animaux qui nageaient dans le ciel sans tomber. Dix mille fois plus gros que n’importe quel insecte. De leurs plumes, on bourrait les couettes et les oreillers, il paraît.

– « Des canards, des hiboux, des aigles…

– Encore.

– Des moineaux, des pintades, des corbeaux, des hirondelles… »…

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… La douleur est peut-être un organisme vivant, invisible mais réel, qui habite à l’intérieur de notre corps. Parfois, il se réveille, s’agite violemment, mais le reste du temps, il dort…

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… Les jours rallongent. L’air est si doux qu’on s’appuit sur nos bêches, pour respirer. L’heure dorée nous illumine. Jeff sent la terre, la tige de tomates, le vert, et il m’embrasse moi qui sens la ville, la poussière et le gasoil du bac. Jeff me prend dans ses bras, me serre fort et danse avec moi.

« Attention, les salades ! » je ris.

On enjambe la frontière de paille de cheveux coupés, on sort du potager et on danse, sans musique, tous les deux, sur l’herbe vert vif en train de repousser. On tournoie dans la lumière dorée, l’air est tendre, on se presse l’un contre l’autre, des figures que je croyais oubliées, on se croise, on se retrouve, on danse à en perdre le souffle… »

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Extraits de : « Monde sans oiseaux » 2013 Karin Serres.

Illustrations : 1/« Oiseau mécanique » 1688  Photothèque allemande 2/« Marécages » Denis Miller Bunker 1861-1890   3/Etude pour une illustration de Dante Gabriel Rossetti 1828-1882.

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S’enrichir de la sève ardente de l’univers…

BVJ – Plumes d’Anges.

Règles d’or…

mardi 31 mars 2015

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« … Le Qi-Kong l’aurait-il vraiment sauvée ?

Un jour, en visitant le temple de Tao, j’appris par hasard qu’un moine pratiquait cette magie. Alors je demandais un entretien et lui posais une question assez agressive : De quelle façon votre Qi-Kong prétend-il soigner le corps humain ? Le moine taoïste ne fut pas du tout vexé, il me sourit avant de m’expliquer avec patience : Tout objet dans l’univers, comme l’univers lui-même, se maintient dans un équilibre complet, le Yin et le Yang doivent être rigoureusement égaux, un rien de plus ou de moins dans la balance du positif-négatif, et l’objet se détruit et se transforme en un autre. Dans le corps humain, le Yin et le Yang sont représentés par deux Qi qui s’entretiennent, qui s’alimentent, et qui bien sûr perdurent. L’un est le positif l’autre le négatif, l’un le chaud l’autre le froid, l’un la joie l’autre la tristesse, l’un la bonté l’autre la méchanceté, l’un la force l’autre la tendresse, l’un l’amour l’autre la haine, l’un la beauté l’autre la laideur, l’un le mouvement l’autre l’immobilité… Ces deux Qi tourbillonnent ainsi chaque seconde dans notre être et nous font agir selon le côté fort de l’instant. C’est pourquoi une même personne peut paraître méchante ou bonne à des moments différents, et tombe malade ou recouvre la santé selon les circonstances. La maladie de quelqu’un revient ainsi à un agissement incorrect de ses Qi…

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… « L’homme et le ciel ne font qu’un, notre corps est un univers en petit, chacune de nos cellules est un amas d’étoiles. »…

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… « Est-ce facile d’apprendre à canoter ? demandai-je un jour à ma mère.

– Oui, c’est facile lorsqu’on sait déjà nager.

– Mais je veux dire faire de la barque, insistai-je, quel rapport avec nager ? »

Ma mère eut un sourire presque moqueur avant de me répondre :

« Parce que, sachant nager, tu ne te soucieras plus de l’eau. Comme on dit : un bon nageur oublie l’eau. Alors tu canoteras comme si tu marchais sur le sol… »…

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…  » Devant mon temple, dans la montagne de Jio-Hua, une vieille femme qui vend des bougies pleure tous les jours. On la surnomme la Dame aux sanglots. Un jour, je lui ai posé une question :

« Pourquoi pleures-tu ?

– J’ai deux filles, me répondit-elle, l’aînée a épousé un marchand de chaussures, et la cadette un vendeur de parapluies. Quand il fait beau, je pense que personne n’achète les parapluies de ma pauvre petite fille et lorsqu’il pleut, je m’inquiète pour ma fille aînée qui ne vendra sûrement pas ses chaussures. Voilà pourquoi je pleure. »

« Alors je lui ai dit qu’elle devait inverser l’ordre de ses filles, penser à sa fille marchande de parapluies quand il pleut et à sa fille aînée qui vend bien ses chaussures quand il fait beau. C’est ce qu’elle a fait, et la joie ne la quitte plus. »…

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… La connaissance de l’Univers ne réside pas dans la quantité ni dans la qualité des concepts que nous faisons sur Lui, mais dans la profondeur et dans la finesse de ce que nous sentons de Lui… »

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Extraits de : « Le cercle du petit ciel » 1992  Ya Ding.

Illustrations : 1/« Mes enfants »  Abbott Handerson Thayer 1849-1921   2/« Soleil »  Mikalojus Konstantinas Ciurlionis 1875-1911.

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Affiner nos perceptions…

BVJ – Plumes d’Anges.