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« … Le poulpe de l’émotion jette son encre noire pour nous aveugler dans la peur, mais maintenant Aru et moi nous le savons. Nous ne sommes plus dupes.
Je l’ai dit ce matin à Yasuki en brandissant la balayette de la cuisine en guise d’épée. Il a ri. Il précise : « L’émotion n’est pas l’amour mais c’est tout ce que l’homme possède pour aller à sa rencontre. » Plus loin que l’amour Laura Mailleul, il y a shizen, « ce qui est tel quel par soi-même. » C’est le secret que l’amour avec Aru te dévoile. C’est cela qu’il faut chercher.
Qu’est-ce qui te sépare de la poésie ?
Qu’est-ce qui te sépare de l’amour ?
Qu’est-ce qui te sépare du divin ?
Qu’est-ce qui te sépare de toi-même ?
L’idée que tu te fais de la poésie, de l’amour, du divin, de toi-même, derrière laquelle se tient le shizen de la poésie, de l’amour, du divin, de toi-même. C’est cette idée que tu dois détruire entièrement. Détruis tout ! Devenir qui l’on est c’est détruire absolument tout ce que l’on croit être, mais détruire avec amour…
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… – Toi qui connais ces sortes de choses, comment s’appelle ce bleu-là, ai-je demandé à Aru après le dîner en désignant le ciel dans la presque nuit de juillet.
– C’est le bleu de ce soir, Laura.
– Le bleu de ce soir est mon préféré…
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… N’attends plus rien. Là où tu es, sois. Il n’y a aucune issue dans le monde ; la sortie est à l’intérieur. Nulle part ailleurs. Pleure là-dessus un certain temps, si tu le souhaites. Et après, décide de sauter à pieds joints dans la joie. Tout le malheur auquel l’humain s’accroche, il le fabrique lui-même et s’y pend. Mais la vie n’a rien à voir avec cela. Tant que tu ne te seras pas entièrement perdu, tant que tu n’auras pas entrepris la démolition complète de ce que tu as cru être toi-même, tant que tu n’auras pas été entièrement endommagé, que tu n’auras pas erré dans tes propres ruines, tu ne sauras pas qui tu es, Aru… »
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Laurence Nobécourt a publié ce livre entre « La vie spirituelle » et « Le chagrin des origines« . Ce qui est beau dans le travail littéraire de cette auteure, c’est son courage et son évolution. Dans sa quête éperdue d’amour et de vérité, elle scrute toutes ses zones d’ombre, les nettoyant de fond en comble. Strate par strate, elle renait à elle-même encore et encore, nous offrant dans sa quête d’absolu, un très beau texte.
Quelques passages demandent lecture et relecture – j’avoue être encore perplexe face à certaines phrases, là est mon travail, là est ce qu’offre la littérature à son lecteur, la métamorphose s’opère à deux, voire à trois, les mots choisis prenant toute leur dimension. Ce Vivant jardin est d’une grande profondeur, l’amour et le verbe s’unissent et s’illuminent l’un l’autre.
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Extraits de : « Vivant jardin. » 2018 Laurence Nobécourt.
Illustrations : 1/ « Oiseaux » – catalogue – So Soseki 1715-1786 2/ « Éventail aux Ipomées » – projet – Susuki Kiitsu 1796-1858.
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Se souvenir de notre grandeur…
BVJ – Plumes d’Anges.