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« … Il y a deux siècles, Leopardi disait dans son Éloge des oiseaux que « les oiseaux sont par nature les créatures les plus joyeuses au monde. À chacun de leurs bonheurs, à chacune de leurs satisfactions ils se prennent à chanter ; plus ce bonheur et cette satisfaction sont vifs, plus ils mettent d’ardeur dans leur chant. »…
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… Plus que tout vol peut-être, stupéfiants sont les vols groupés d’étourneaux qui forment des figures éblouissantes dans le ciel juste avant le crépuscule. Vastes respirations plastiques, formes qui se font et se défont dans une sorte de travelling métamorphique, qui se creusent en leur centre, s’étirent, se densifient, se dispersent, esquissent des chorégraphies tout en élans et en abandons. On dirait l’organisation acéphale d’un petit peuple sans chef, guidé par l’acquiescement secret de ses membres à tour à tour s’accorder et se désaccorder. Fluides, continus, liquides, ces vols transforment le ciel en une espèce d’écran océanique, et les nuées d’oiseaux en orages, en baleines ou en méduses lentement allongées. C’est un véritable concert plastique, des phrases en plein vol – qu’en anglais on appelle d’ailleurs du mot formidable de « murmurations « .
Les murmurations émerveillent, on en a tous fait l’expérience. On s’arrête, on est saisi, capté, heureux, on tente une photo, on entre dans le mouvement. Et la merveille peut aller plus loin : on dit que dans le Jutland, au Danemark, les nuées sont si massives et spectaculaires qu’elles en arrivent à occuper tout le ciel et à cacher le soleil. Les Danois parlent de « soleil noir », sort sol…
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… « Il bat de l’aile, il s’envole.
Il bat de l’aile, il s’efface.
Il bat de l’aile, il réapparaît.
Il se pose. Et puis il n’est plus.
D’un battement, il s’est effacé dans l’espace blanc.
Tel est mon oiseau familier,
L’oiseau qui vient peupler le ciel de ma petite cour.
Peupler ? On voit comment… »
Vers d’Henri Michaux – « L’oiseau qui s’efface » – dans « La vie dans les plis » 1990.
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… On s’intéresse aussi désormais à tout ce qui témoigne d’une plasticité des langues d’oiseaux : les phénomènes d’apprentissages, d’infléchissement stylistique, d’emprunts, d’accents, de dialectes, de régiolectes… L’alouette des champs par exemple (les chercheurs du Muséum l’ont récemment documenté) a un répertoire exceptionnel, de plus de 600 notes (contrairement au modeste coucou, qui en a deux), organisées en séquences régulières, comme des syllabes dans des phrases, qui sont autant d’informations sur sa provenance, son appartenance à un groupe, son humeur, ses besoins du moment… « Des renseignements délivrés qui sont à lire comme des codes empilés les uns sur les autres, la phrase de l’alouette n’étant pas linéaire. L’émotion, par exemple, est rendue par la rapidité des séquences chantées : quand les silences diminuent, notre alouette signifie à ses congénères qu’elle est en colère. Ainsi, pour parler alouette, il faut avoir un rythme précis (dans l’alternance des sons et des silences) et un bon tempo (à savoir le nombre des syllabes par unité de temps. En outre, l’alouette fait partie des passereaux, c’est-à-dire des oiseaux qui apprennent à chanter, dont le chant n’est pas fixé génétiquement à la naissance (contrairement aux tourterelles par exemple). L’alouette « apprend toute petite auprès de son tuteur, son père. Que celui-ci soit parisien ou provençal, elle reproduira l’accent paternel, par mimétisme ou par souci de bien faire ». Par attachement, en fait… »
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Marielle Macé nous dit que les oiseaux disparaissent, ils sont « déboussolés ».
Aurions-nous cessé de les écouter et de les entendre ?
Fut un temps où nous avons cherché à nous en rapprocher,
voire même à les imiter.
Ces petits êtres sont un cadeau du ciel
alliant légèreté, joie et beauté.
Au fil des pages, l’auteure se fait oiseau, elle sautille d’un sujet avien à un autre,
par petits bonds, son érudition niche dans de nombreux domaines,
elle nous entretient de la virtuosité de ce joli monde,
nous invite à l’écoute jubilatoire du chant mais pas que.
L’oiseau trouve sa place dans la philosophie, la poésie,
la musique, le langage, il crée un lien,
sorte de fil d’or inspiré et inspirant pour l’Homme.
Ce livre est un enchantement, on y grappille de précieux savoirs.
C’est une lecture riche d’une énergie que je qualifierai de printanière,
laissez-vous surprendre, vous tomberez sous le charme…
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Extraits de : « Une pluie d’oiseaux » 2022 Marielle Macé.
Illustrations : 1/ 2/ 3/ Détails – Retable de Kate Elizabeth Bunce 1856-1927 – artiste peintre et poétesse – Église Saint Alban de Birmingham.
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Vibrer en mode oiseau…
BVJ – Plumes d’Anges.