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« … « Réfléchis, mais ne fais pas que réfléchir ; émerveille-toi aussi. Émerveille-toi, mais ne fais pas que t’émerveiller ; réfléchis aussi. »…
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… « L’époque, a-t-il commencé, est propice aux prophètes de malheur. Je ne veux pas suggérer en disant cela que tout va pour le mieux. Seulement, rien ne m’indispose autant que d’emboîter le pas à tous ces pessimistes patentés qui encombrent notre temps, trompés par les hésitations, les vacillations et la confusion d’un monde qui cherche lentement mais sûrement un passage vers l’avenir. Il n’y a rien à attendre de ces gens-là, qui confondent tout : avenir et menace, adversité et désespoir, modernité et dépravation, mémoire et nostalgie, morale et rigidité d’esprit. Je crois au contraire qu’en dépit de tout, des jours radieux s’ouvrent devant nous. . Mais nous sommes de mauvais peintres, et nous manquons de recul, et peignons sur la toile un paysage déformé par notre vision trop étroite. Je ne vois personnellement aucune raison pour qu’il n’y ait pas dans le futur quelques êtres de bonne volonté et modernes (c’est-à-dire qui ne craignent en rien l’avenir), altruistes, à l’esprit lucide et éclairé, attentifs aux expressions de leur vie spirituelle. Nous ne serons jamais trop à unir nos forces dans l’établissement d’un monde durablement meilleur. »…
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… « Souvent, je m’enferme chez moi à double tour et je me cache sous les draps. Les voix terribles que j’entends dans ma tête et les visions qui m’apparaissent, continuent pendant des heures. Toi, si tu es pourchassé par un malfaiteur, tu as toujours la possibilité de courir te mettre à l’abri. Moi je ne le peux pas. Le malfaiteur est dans mon cerveau et je ne peux pas m’enfuir. Ma seule porte de sortie est ce jardin où je te retrouve presque chaque jour et dans lequel résonne le pépiement si rassurant des oiseaux. Et encore : il arrive que même les oiseaux ne me suffisent plus. Alors il ne me reste plus que les pages des poètes. »…
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... » Si, aux turbulences de la foule, j’ai presque toujours préféré les remous de l’être, c’est sans doute justement parce que je sentais que le puits des premières s’alimentait à la source des seconds. Et c’est pourquoi la présence de mon frère à mes côtés m’est si précieuse. J’y redécouvre jour après jour ce débordement de l’âme qui précisément éclabousse ma vie. Ça n’est pas que l’âme de mon frère soit spectaculaire. Mais ce qui me plaît, c’est qu’elle cherche un passage vers le jour. Les oiseaux aussi font cela. Dans les derniers instants de la nuit, à l’heure du dur combat entre l’ombre et la lumière, ils s’envolent des nids et partent à la rencontre du soleil, comme pour en précipiter la venue… »… »
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C’est une histoire belle et émouvante, celle de deux frères qui s’aiment et s’admirent profondément. Ils n’habitent pas très loin l’un de l’autre, leurs parents ne sont plus de ce monde.
Le plus jeune vit seul, il est employé à de petits travaux dans une pépinière de mars à novembre et s’acquitte de ses tâches minutieusement. Il souffre de schizophrénie. Ses paroles sont rares mais issues de multiples questionnements et de longues et profondes réflexions. L’ainé, le narrateur, vit avec son épouse Livia, leur chien Pablo et leur chat Lennon. Ils vieillissent doucement, leurs relations aux autres sont paisibles, toujours aimantes et bienveillantes.
La vie s’écoule, les souvenirs remontent, les petits bonheurs simples cueillis dans la nature s’égrainent et tentent de faire oublier des jours plus gris. Il y a une immense tendresse au sein de cette famille où ce frère malade est comparé à un fragile petit oiseau arborant une tache de lumière sur la tête : le Roitelet.
Ce livre est vraiment un bijou, immensément délicat, écrit dans une fort belle langue,
et sa couverture… magnifique… tout un poème !
Aifelle en avait parlé —> LÀ
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Extraits de : « Le Roitelet » 2021 Jean-François Beauchemin.
Illustrations : 1/« Chêne de West Hampnett Place-Chichester-1660 » John Dunstall 1644-1693 2/Textile du XIXème – Anonyme.
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Écouter avec empathie…
BVJ – Plumes d’Anges.