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« … Vertu de la présence.
Prenons-nous assez le temps d’être simplement là où nous sommes, posés, disponibles à ce qui advient, dépourvus d’intention comme d’objectif ?
Assise, mains vides et yeux grand ouverts, à l’ombre du cerisier qui fermait le jardin au sud, j’approfondissais sans en avoir conscience les valeurs de la présence nue. Toute course avait été brutalement interrompue, tout but jeté aux orties. Il ne s’agissait même plus, comme au temps du combat contre la maladie, de tenir ni de durer, brûlant toutes les forces disponibles afin de protéger un temps que l’on savait de plus en plus réduit. Il ne s’agissait plus que d’aller d’un jour à l’autre, d’une heure à la suivante sans en attendre grand chose.
Il s’agissait d’être et rien de plus.
Ne rien espérer de l’autre qui est là – thuya, giroflée ou moineau. Ne rien demander. Ne projeter sur lui aucune intention, aucun vouloir, est la façon la plus certaine d’être en mesure de le rencontrer vraiment. De l’accueillir tel qu’il est. On peut appeler ça oraison ou médication, satori ou pleine conscience. On peut aussi ne rien nommer. On peut se contenter d’aller s’asseoir sous l’arbre et de le laisser nous rendre attentive à sa façon de pousser, à sa manière délicate et déterminée de gonfler ses bourgeons, de déplier chacune de ses feuilles. Bientôt viennent les merles puis les cerises qui les régaleront. Un froissement d’ailes parmi les branches, et voici qu’une plume descend et se pose dans l’herbe, plus légère qu’un flocon.
Au dessus du jardin filent les nuages. On attend d’un jour à l’autre le retour des hirondelles. Non : on n’attend plus rien. Mais un jour elles sont là.
Comme les cerises.
Comme ce tressaillement de joie venu d’on ne sait où, qui vient un matin nous chatouiller le cœur… »
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Suite à une longue et douloureuse épreuve, l’auteure quitte son appartement habité de trop de souvenirs et s’installe dans une maison dotée d’un petit jardin arboré et fleuri. Les oiseaux y sont très présents, au fil des mois ils se succèdent, elle apprécie leurs chants.
Une lente métamorphose s’opère, doucement Anne Le Maître ressent la force de la terre, tisse des liens avec le vivant qui l’entoure, de nouvelles racines se tracent. Les musiques des petits plumeux font renaître en elle un sentiment de joie, les sons et les couleurs, les rythmes de la nature la ressuscitent, elle n’est plus dans le faire mais simplement dans l’être.
On reconnait là le récit d’une femme peintre, une aquarelliste qui avec grand talent, par petites touches, nous offre le nouveau tableau de son présent. J’ai vraiment apprécié ce doux et paisible moment de lecture, il nous amène de l’ombre à la lumière…
Tania parle du Jardin nu –> ICI
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Extrait de : » Le jardin nu » 2023 Anne Le Maître.
Illustrations : 1/ « Oiseaux » Orsola Maddalena Caccia 1596-1676 2/ « Plantes et insectes » Shin Saimdang 1504-1551.
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Être sans intention aucune, simplement observer…
BVJ – Plumes d’Anges.
A la première ligne, j’ai senti l’origine japonaise de ce texte
et puis…non, le talent d’Anne Le Maître porte au sommet
la sobriété et la pureté de la pensée !
Ce tableau littéraire est un bijou ciselé par une femme
qui a découvert la profondeur et la beauté de la VIE…tout simplement :
merci à elle !
La deuxième image, chère Brigitte, résume si bien notre méditation :
merci à toi !
les oiseaux ont tant à nous apprendre, leurs chants et toute leur manière d’être… mais … il faut prendre le temps d’être à l’écoute ou pour le moins disponible … est ce encore possible de nos jours ?
Quel bel article ! J’ai bien prévu de lire ce lire ! Merci.
Nous voilà en parfait accord, Brigitte. Je vais ajouter un lien vers ces extraits merveilleusement illustrés.
joli billet! et parfaitement illustré comme toujours 🙂
Avec toute ma gratitude, chère Brigitte. Et l’émerveillement, comme toujours devant le choix de tes illustrations.
(pour mon livre précédent, c’est à ton oeil affuté que j’avais dû de dénicher cette nature morte délicate qui fait résonner en couverture le « silence » du titre).
Bonne soirée,
ANNE
Décidément, Tania, puis toi aujourd’hui, voilà une lecture qui me tend les bras 🙂 En le cherchant hier, dans les rayons de ma librairie, j’ai vu en prime un livre qui vient de sortir chez Actes Sud : Byung-Chul-Han « Un voyage dans les jardins », avec de belles illustrations. Difficile de résister. https://www.actes-sud.fr/catalogue/sciences-humaines-et-sociales-sciences/un-voyage-dans-les-jardins
C’est beau…
En réponse à ton commentaire à la suite de mon article sur Allain Bougrain-Dubourg… Oui son prénom s’écrit avec deux L… C’est bien vu… Et les deux ailes le passionnent…
Bises Brigitte et bon mercredi.
Je n’ai pas lu celui- là d’Anne le Maître, mais je ne suis pas d’accord avec ceci: disponibles à ce qui advient, dépourvus d’intention comme d’objectif ? »
Je me souviens de 2 livres de la psychanalyste Anne- Lise Labonté; ce qui arrive (pour ma part, 2 tremblements de terre émotionnels!) Ce qui arrive, la crise, n’est pas incohérente; elle vient nous montrer qu’un changement de vie doit advenir, plus conforme à notre être profond; sans doute était -il nécessaire à notre changement, notre croissance. Je sais que c’et dur à entendre, mais rien n’est anodin, rien n’arrive par hasard….En tout cas, une piste de réflexion. Cela n’enlève rien à ce livre Le jardin.
Anne a le talent de l’ici et du maintenant.
Et encore plus dans cette épreuve, un enseignement pour nous.
Merci Brigitte pour ce bel extrait et tes illustrations si bien choisies.
Belle et douce journée à toi.
j’ai hâte de le lire et tu me donnes une envie furieuse là
ressourçante nature, je note le titre de ce livre
superbes illustrations
bonne soirée Brigitte
Je me permets, en douceur et sans polémique, de réagir au propos d’Anne un peu plus haut. Je ne saurais accepter l’idée que la mort, dans des souffrances effroyables, de l’homme que j’aimais plus que tout, est quelque chose qui « venait me montrer qu’un changement de vie doit advenir ». Je me permets d’insister car il me semble qu’il y a là quelque chose de problématique, voire pervers, à penser.
Ce que nous devons accepter, c’est que parfois la vie est absurde, aveugle, cruelle. Elle ne se charge pas de nous éduquer, ni de nous donner des leçons. Les gens que l’on a envoyés à Auschwitz n’avaient pas à changer leur être profond. Ceux qui meurent d’un cancer de la face non plus. Pas plus que ceux qui les aiment.
En revanche, il tient à nous, et c’est ma conviction profonde, et je m’y emploie chaque jour, à partir de ce qui advient, d’en faire quelque chose, de tenter, si peu que ce soi, de grandir.
J’espère que personne ne prendra pour une agression ce qui n’est qu’une fraternelle remarque.
Bonne lecture à celle qui me feront l’honneur de me lire. Beau printemps au jardin.
Merci pour ce billet tout en délicatesse et beauté, comme toujours ici.
Un livre que j’ai hâte de lire après vos deux billets.
Un beso, bonne journée.
Il ne faut effectivement rien espérer ni ne rien attendre pour vivre en toute sérénité….Belle fin de semaine à toi Brigitte
Allez de l’ombre à la lumière, un beau projet pour revivre…