Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Solitudes…

lundi 23 mars 2020

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« … Entre deux cartes postales, elle leva les yeux pour regarder le parc et ses frondaisons prodigieuses. (…)

La vieille dame se rapprochait d’elle mais elle n’avait pas envie de parler. Pas seulement à cette vieille dame, mais à qui que ce soit. Elle avait pris de bonnes décisions à propos de la façon de mener sa nouvelle vie : elle devait se concentrer sur elle-même. C’en était fini de s’occuper des autres et avait commencé l’apprentissage de l’égoïsme. Non mais. Elle avait fait sa part. Elle reprit l’écriture de ses cartes, en allant plus lentement afin qu’au moment ou la vieille dame allait croiser la table et le banc, elle ait l’air le plus occupé possible. C’est ce qui se passa. Et elle en eut honte, immédiatement dès qu’elle eut dans son champs de vision le dos de la vieille dame claudicante. Mais pourquoi penser obligatoirement que cette vieille dame allait parler, s’asseoir, l’empêcher d’écrire ses cartes postales ou son courrier, lui demander quelque chose… Non, non, non ! On ne pouvait pas lui demander de changer à ce point, de se replier sur elle-même, de… Mais on ne lui demandait pas ça non plus… Oh, la la ! Elle ne se reconnait plus, c’est vrai… Elle aurait pu sourire à cette dame, simplement sourire…

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… Et si elle écrivait sur tous ces vieux, comme la vieille dame de la grande maison, qu’elle avait déjà rencontrés ? Elle pourrait leur donner la parole et ils témoigneraient ce que c’est que la vie quand on n’a plus de chez soi, plus d’autonomie, plus de famille, plus de santé et qu’on ne dit plus jamais plus tard… Elle ne ramènerait en arrière aucun de ceux-là, elle ne leur rendrait ni leur jeunesse, ni leur maison, ni leur mari ou leur épouse, ni leur mère ou leur père, ni leur santé, rien de rien, non, elle ne leur rendrait rien. Mais elle pourrait peut-être sortir de l’oubli des vies qui s’y enfoncent inexorablement et, le temps de quelques rencontres, briser le silence d’une journée, être une éclaircie…

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… Tout allait bien. Il faisait beau. Il faisait bon aussi pour un mois de novembre. Tout était splendide autour d’elle. Elle marchait. Elle faisait un pas puis un autre pas. Tout allait bien. Il y avait le vide, oui. Le grand vide de l’absence. Le trou béant. Sans fond. Pourtant, elle était là, à marcher sur la corniche de Tamaris un matin de novembre. Elle était vivante. Elle était encore vivante. Une miraculée avait dit le docteur. La championne des miraculées avait dit l’autre docteur… »

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Le sujet est courageux dans notre société, celui des personnes âgées et des aidants de fin de vie. La dame aux cartes postales, Marie, a donné entièrement dix ans de son existence à l’accompagnement de ses parents, jusqu’à leur dernier souffle. Une épreuve qui la marque, elle va tomber gravement malade mais courageusement va lutter, se reconstruire.

Après une lourde opération Marie va se reposer dans un joli lieu au bord d’un lac. Elle rencontre là une vieille dame qui vit dans une grande solitude.  Plus tard, Marie tentera de faire de ses épreuves une force, une ouverture à l’autre, elle décidera de donner la parole à des personnes très âgées et à leur entourage.

C’est émouvant, des mains se tendent, de petites étoiles brillent, une nouvelle vie s’amorce, pour elle comme pour celles et ceux qu’elle rencontre. La belle humanité est là dans toute sa simplicité.

C’est vraiment un sujet interpellant quand on avance en age et ce livre peut nous aider dans l’accompagnement de nos proches, il nous montre que dans toute situation, une lumière brille.

Et puis l’on sent que Marie, ayant déposé son lot d’épreuves au travers des mots, peut envisager une vie nouvelle. La note finale du roman est très belle.

En ces temps de confinement, nos pensées vont particulièrement vers ces personnes âgées- très isolées –  et les aidants…

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Tania en avait parlé –> 

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Extraits de : « Avec la vieille dame »  2020  Marie Gillet.

Illustrations : 1/ »BellagioLago di Como »   Cartolina postale  2/ « Dame et chat »  Nikolaï Iarochenko  1846-1898  3/ « Fiori » – Cartolina postale 1905.

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Aider mais se ressourcer aussi…

BVJ – Plumes d’Anges.

Écoles buissonnières…

jeudi 19 mars 2020

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« … Beccafumi à Sarteano

Vous connaissez à la rigueur le peintre Domenico Beccafumi, mais sûrement pas le village de Sarteano, 5000 habitants, au sud de la Toscane et aux confins avec l’Ombrie, non loin de Panicale, dans la région de Montepulciano et de Pienza, ces joyaux de l’urbanisme Renaissance enchâssés dans un paysage de colline dont les pentes doucement inclinées sont enveloppées dans une brume que Paul Bourget a qualifiée de « violette »…

… Le corso Garibaldi se termine par la place où s’élève la modeste église S.Martino, reconstruite en style néoclassique sur l’emplacement d’un ancien édifice démoli, dont il ne subsiste que la cloche. Qui s’attendrait à y trouver, sur le mur de droite, un chef d’œuvre de la peinture du XVIème siècle ?

Le paysan Giacomo di Pace travaillait comme laboureur sur les terres du nommé Lorenzo Beccafumi, citoyen siennois, quand lui naquit, en 1486, un fils qu’il baptisa Domenico et envoya tout jeune garder les moutons. Tel Giotto, l’enfant s’amusait à dessiner sur des pierres ou dans le sable à l’aide d’un bâton appointé. Ayant remarqué les dons précoces du garçon, Lorenzo Beccafumi l’emmena à Sienne et le plaça dans l’atelier d’un peintre...

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Pierro della Francesca à Monterchi

Cette fresque si célèbre n’aurait aucun titre à être rappelée dans ce livre, si elle n’était conservée dans un village difficile d’accès, qu’on n’atteint qu’au bout de routes escarpées et sinueuses, au milieu de montagnes inhabitées. Piero l’avait peinte, vers 1450, pour servir de retable au maître-autel de la petite église Santa Maria della Momentana, située sur les pentes de la Citerna, au-dessous de l’éperon sur lequel est bâti le village fortifié de Monterchi, à quelques 25 kilomètres à l’est d’Arezzo…

… Les deux anges aux cheveux courts fixent le spectateur de leurs yeux grands ouverts, dont le regard intense est pourtant vide…

… Quant à la Madone, sereine et majestueuse, mais à la fois pensive et modeste, elle abaisse ses pupilles, vides et absentes, sous des paupières lourdes tracées d’une ligne sinueuse…

… Sur son beau front poli, avec sa bouche petite et resserrée, sa main droite posée sur son ventre pour indiquer le mystère de l’Incarnation dans son corps est le lieu, avec son port de reine, la Madone est ici et en même temps ailleurs, devant vous et très loin de vous dans un lointain inscrutable…

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En ce moment délicat du confinement, il nous faut trouver de possibles belles échappées. Nous avons une chance incroyable, celle de pouvoir voyager dans notre tête, imaginer, imaginer encore, des lieux, des situations, nous laisser envahir avec bonheur et délectation.

Plus de concerts, de théâtres et de cinémas ouverts ? Il nous reste encore les livres dont les sujets nous portent vers d’autre mondes.

Là, une balade du sud au nord de l’Italie, la balade d’un érudit qui a déniché des pépites artistiques souvent méconnues et pourtant réalisées par des peintres ou des sculpteurs célèbres. Son propos est passionnant, il resitue les œuvres dans leur contexte, raconte l’Histoire, raconte des histoires. On sent le passionné d’Italie, le discours est joyeux, jamais ennuyeux, bien au contraire, on se surprend à prendre des notes pour un voyage prochain – quand ? plus tard !

Les illustrations sont en noir et blanc, de petite taille. J’ai trouvé intéressant lors de cette lecture de faire apparaitre ces œuvres ou ces lieux sur mon écran d’ordinateur.

Ah, vous voyez, nous ne sommes pas si confinés que cela,

nous avons tous de petites réserves si nous cherchons bien, non ?…

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Extraits de : « L’Italie buissonnière » 2020  Dominique Fernandez.

Illustrations : 1/« L’Annonciation »  Domenico Beccafumi  1446-1551   2/« Madonna del Parto »   Piero della Francesca  entre 1412 et 1420-1492.

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Se fixer sur le possible et non sur l’impossible…

BVJ – Plumes d’Anges.

Nuages exquis…

lundi 9 mars 2020

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« La cuisine japonaise historique a ceci de particulier qu’elle a longtemps utilisé le nuage comme un ingrédient majeur. L’impression aérienne que l’on garde souvent après un repas japonais vient du fait que le nuage est apprécié comme le summum des produits nobles. (…) 

Produit digeste, non allergène et non gras, qui ne contient ni gluten ni sucre, et qui ne pose pas de problème de bilan carbone, le nuage est bien l’ingrédient du XXI° siècle.

Il est en outre très maniable, et son goût délicat se marie avec toutes les sauces. Vous constaterez qu’il peut tout aussi bien servir d’ingrédient principal que d’accompagnement.

Nous pouvons aussi apprécier le nuage comme produit du terroir, car les formes et les goûts diffèrent selon les régions -, de quoi augmenter les plaisirs gustatifs en voyage.

Une seule mise en garde : consommez-le avec modération dans les pays qui manquent de pluie…

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… Comment choisir un bon nuage ?

Produit sauvage par excellence, le nuage est le meilleur reflet de la nature. Il va sans dire qu’il vaut mieux le choisir le moins pollué possible. Certains nuages de campagne sont réputés pour leurs saveurs rustiques. Par ailleurs chaque saison a son nuage, certains nuages disparaissent du marché au bout d’à peine deux semaines. (…) Maniez avec précaution les nuages contenant des éclairs : ils peuvent laisser une légère sensation de picotement sur la langue, ou éclater lors de la friture…

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... De quoi se nourrissent les nuages ?

Certes il est rare qu’on la trouve relatée dans les livres de cuisine historiques, mais la légende veut que le meilleur nuage soit celui qui a mangé des oiseaux. Vibrant au palais, on raconte qu’il permettrait à qui le goûte de rêver, la nuit suivante, qu’il se transforme à son tour en être ailé… »

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Ce petit opuscule des Éditions de l’Épure est une vraie merveille, œuvre à six mains de Ryoko Sekiguchi, poétesse et traductrice japonaise, passionnée de cuisine, Sugio Yamaguchi, Chef cuisinier inventif et Valentin Devos, étudiant/designer à L’ENSCI de Paris.

Tout ici n’est que délicatesse, en attendant, pas de précipitation, restez bien à l’abri pour une dégustation de pure poésie et de grains de folie, et peut-être vous lancerez-vous comme je l’ai fait aujourd’hui dans l’une ou l’autre des recettes proposées par  Sugio Yamaguchi

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– CIEL « GRIZ » –

« Comme un nuage le riz est malléable, adopte mille texture,

abrite mille nuances de gris et de blanc. Il se sale ou se sucre, commence et termine les repas.

Rincez 100 g de riz rond et faites blanchir les grains pendant 5 mn dans de l’eau bouillante. Égouttez.

Portez à ébullition 40 cl de lait et 50 g de sucre. Lorsque les bulles éclatent à la surface du liquide, versez le riz blanchi et 5 gousses de vanille fendues en deux. Baissez le feu et laissez cuire doucement environ 45 mn, en remuant souvent pour que la nacre du riz colore le lait dans son sillage.

Goûtez et vérifiez que la cuisson des grains convient. Coupez le feu, couvrez votre casserole. Laissez refroidir à température, alors que la chaleur rémanente finit de cuire le riz à cœur.

Récupérez les gousses de vanille et déposez-les dans une autre casserole avec 10 cl de crème. Laissez infuser, passez au chinois et faites refroidir la crème parfumée avant de la monter à l’aide d’un fouet. Incorporez la crème dans le riz refroidi pour obtenir une préparation onctueuse et voluptueuse. Plongez une grande louche dans ce lait grisé par le riz, coloré comme un jour maussade où le réconfort viendrait d’un secret de grand-mère.

Chuuut ! »

Extraits de : « le nuage  – dix façons de le préparer »  – 2019 –  Ryoko Sekiguchi, Sugio Yamaguchi et Valentin Devos.

Illustrations : 1/ « Mont Fuji »  Shimomura Kanzan  1873-1930  2/ et 3/  Photos BVJ.

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Se nourrir de tous les grains de poésie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Investiguer…

jeudi 5 mars 2020

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« … (Le bambou)… Ah, il est intéressant de savoir aussi qu’en achetant des textiles en bambou, on risque fort de tomber sur de la viscose de bambou, synonyme de traitement chimique polluant. Car pour extraire cette viscose du bambou, il faut la dissoudre dans de la soude caustique, matière qui passera ensuite dans une solution  de sulfate de soude et d’acide sulfurique. Là aussi, ayons l’œil sur les étiquettes…

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Et enfin, enfin, nous ont-ils informés des conséquences de la consommation excessive de viande et de charcuterie sur notre santé ? Non, pas du tout. Pourtant, on pourrait croire qu’Ils s’en préoccupent, puisque, concernant le tabac, Ils y vont à fond. Est-ce donc pour notre santé ? Non, cela tient à la minimisation des coûts pour la Sécurité sociale, sans doute. Car vous aurez noté que, pour ce qui est de l’alcool, les alertes sont mille fois moindres. En France, une seule et modeste petite ligne figure en bas des publicités nous rappelant qu’il ne faut pas en abuser. Et pas d’image d’un foie endommagé ou d’une femme enceinte sur les bouteilles, comme ils le font avec les poumons sur les paquets de cigarettes. Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que le vin est un des nerfs de la guerre de l’économie française et qu’il ne faut à aucun prix y toucher ! À la différence des cigarettes, qui sont américaines ou anglaises. Preuve en est cette déclaration du ministre français de l’Agriculture en janvier 2019 : « Le vin n’est pas un alcool comme un autre. »!

Et les fruits et légumes blindés de pesticides, d’herbicides et d’antifongiques ? Ont-Ils légiféré pour que les commerçants signalent par une étiquette les produits ainsi traités ? Nenni. Et ainsi de toutes choses. Quand je vous disais que nous n’étions à leurs yeux qu’une masse uniquement propre à acheter et consommer pour assurer la Croissance… »

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Un texte riche en sujets et en informations, on sent l’auteure blessée par ce monde glaçant, elle tente ici de trouver des solutions et c’est tout à fait louable. Mais j’ai trouvé cette lecture difficile, j’ai fermé ce livre en ne sachant plus que croire et vers quoi me tourner.

Les problèmes sont là, on pense en régler un mais un autre surgit, les industriels sont rusés. Le monde économique tire les ficelles comme il l’entend, les lobbies imposent leurs lois. On veut nous endormir, nous culpabiliser, certes nous avons un pouvoir en tant que consommateur mais ce n’est pas toujours aussi simple.

Il me semble important de

CROISER ET RECROISER LES INFORMATIONS,

 lire les étiquettes,

ne pas suivre ces modes qui mettent sur le marché un nouveau produit à la minute

et entrainent des excès dans de nombreux domaines,

apporter sa contribution, rester logique, 

ne pas trembler ou devenir un tyran pour les autres…

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Extraits de : « L’humanité en péril – Virons de bord, toute »  2019  Fred Vargas.

Illustrations : 1/ « Lapin »  2/ « Fleurs »   Jan Mankes  1889-1920.

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Investiguer patiemment…

BVJ – Plumes d’Anges.

Célébration…

samedi 22 février 2020

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« … « Au cœur d’un monde inconnu

Je sens me monter aux yeux

des larmes d’indignité et de gratitude. »…

Poète japonais anonyme.

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Au printemps, certaines colonies d’abeilles, pour des raisons mal élucidées, obéissent à une mystérieuse impulsion et se séparent en deux, se multipliant ainsi en essaimant. Les ouvrières élèvent avec dévotion une nouvelle reine pour la colonie d’origine, puis une partie des abeilles se groupe autour de la vieille reine, se gorge de miel et s’envolent de la ruche pour ne jamais y revenir, laissant derrière elles tout souvenir de leur ancienne demeure. Elles s’amassent provisoirement en un point quelconque, comme par exemple sur la branche de mon pommier. Si un apiculteur ne les met pas dans une ruche, des éclaireuses se détachent de l’essaim pour aller explorer des cavités et des espaces à proximité, puis reviennent faire leur rapport sur leurs nouveaux logements éventuels…

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Personne ne semble connaître les asters des neiges en dehors des apiculteurs, qui leur donnent des noms variés : asters des gelées, asters d’automne, adieu à l’été, romarin blanc et fleur des gelées. Le nom botanique est Aster ericoïdes et il décrit très bien la plante. Aster signifie étoile et ericoïdes : possédant des feuilles du genre érica ou bruyère. La plante, touffue et haute de près d’un mètre, avec de minuscules fleurs radiées en forme d’étoile et des feuilles fines et bien dessinées, couvrent de vastes espaces dans tous les Ozarks, et fleurit avec exubérance depuis le mois d’août jusqu’à ce qu’une forte gelée la tue en octobre ou novembre. Mais comme les asters des neiges sont de vulgaires mauvaises herbes, personne ne s’y intéresse, à part les apiculteurs qui les trouvent d’une grande beauté. Les fleurs sécrètent un nectar au parfum pénétrant durant les mois de floraison, et les abeilles en récoltent une telle quantité que leur ruche sont imprégnées de cette odeur…

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J’entends d’autres cris d’oiseaux ce matin. Les bruants indigo, qui seront les premiers à chanter à l’aube un peu plus tard, ne sont pas encore revenus dans les Ozarks, mais j’entends les cardinaux et les mésanges de Caroline. Ils passent l’hiver ici, mais ce matin leurs chants annoncent le printemps. Il y a des moineaux domestiques au-dessus de ma tête dans les chênes et des moineaux des bois à proximité. Il y a également tous les oiseaux chanteurs ; certains de leurs chants me sont familiers, d’autres pas, comme ceux des migrateurs. J’entends un des plus beaux chants d’oiseau que je connaisse, celui du moineau à gorge blanche. Il est censé chanter « Old Sam Peabody, Peabody, Peabody » C’est bien là la cadence, en effet, mais ce qui ne donne aucune idée de la clarté lyrique, de la douceur des notes descendantes de son chant… »

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La quarantaine est un âge charnière, il me semble, on rêve de changer de vie, les questions se bousculent mais souvent, le quotidien reprend le dessus et l’on oublie ses désirs.

Sue Hubbell et son époux se sont questionnés, ils ont abandonné leurs confortables situations professionnelles et fait l’acquisition de 36 (42 ?) hectares dans les monts Ozarks, état du Missouri. Là commencent pour eux une vie proche de la nature environnante, une vie de labeur, ils deviennent apiculteurs.Au bout de quinze ans, l’auteure voit son mari partir, elle continue seule l’aventure, avec grand courage.

Son récit est une sorte de journal au fil des quatre saisons, elle nous livre ses observations, nous apprend les comportements de certains animaux et végétaux. Ses propos sont bienveillants et pudiques, ses actions généreuses, elle nous fait comprendre l’équilibre parfait de la nature, et son adaptation – plus ou moins longue – lorsqu’un changement, si petit soit-il, apparait.  Après cette lecture, on regarde la nature sous un autre angle,

ce texte est une leçon de vie…

Dominique en avait parlé –>  ICI

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Extraits de : « Une année à la campagne  » Sue Hubbell  1935-2018.

Illustrations : 1/ « Monde animal »  So Shiseki  1715-1786  2/ « Fleurs et fruits de saison »  Tomita Keisen  1876-1936.

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Suivre son lumineux chemin…

BVJ – Plumes d’Anges.

Autres mondes…

jeudi 13 février 2020

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« … Geneviève observe le public. Certaines têtes sont familières, elle reconnaît là médecins, écrivains, journalistes, internes, personnalités politiques, artistes, chacun à la fois curieux, déjà converti ou sceptique. Elle se sent fière. Fière qu’un seul homme à Paris parvienne à susciter un intérêt tel qu’il remplit chaque semaine les bancs de l’auditorium. D’ailleurs, le voilà qui apparaît sur scène. La salle se tait. Charcot impose sans trouble sa silhouette épaisse et sérieuse face à ce public de regards fascinés. Son profil allongé rappelle l’élégance et la dignité des statues grecques. Il a le regard précis et impénétrable du médecin qui, depuis des années, étudie, dans leur plus profonde vulnérabilité, des femmes rejetées par leur famille et la société. Il sait l’espoir qu’il suscite chez ces aliénées. Il sait que tout Paris connaît son nom. L’autorité lui a été accordée, et il exerce désormais avec la conviction qu’elle lui a été donnée pour une raison : c’est son talent qui fera progresser la médecine…

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… Vous vouliez la vérité, je vous la donne. Je vois grand-père depuis que j’ai douze ans. Lui et d’autres. Des défunts. Je n’ai jamais osé parler, de crainte que papa ne me fasse interner. Je me confie à vous ce soir avec la confiance et l’amour que je vous porte, grand-mère. (…) – J’ai récemment lu un livre, grand-mère, un livre merveilleux. Il m’a éclairé sur tout. L’existence des Esprits, qui est loin d’être une fable, leur présence auprès de nous, l’existence de ceux qui agissent en intermédiaires, et bien d’autres choses encore…

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... Absence ne signifie pas abandon. Si la maison de son enfance n’est plus habitée ni par sa sœur ni par sa mère, peut-être demeure-t-il encore quelque chose des deux femmes – non pas leurs affaires personnelles, mais pourquoi pas une pensée, une présence, une intention ? Geneviève songe à Blandine. Elle l’imagine ici, quelque part, dans un coin de la pièce, en train de l’observer. Cette idée, démentielle, pourtant l’apaise. Existe-t-il une pensée plus consolante que de savoir les proches défunts à vos côtés ? La mort perd en gravité et en fatalité. Et l’existence gagne en valeur et en sens. Il n’y a ni un avant ni un après, mais un tout…

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… « … Ces gens qui l’ont jugée, qui m’ont jugée moi… leur jugement réside dans leur conviction. La foi inébranlable en une idée mène aux préjugés. T’ai-je dit combien je me sentais sereine, depuis que je doute ? Oui, il ne faut pas avoir de convictions : il faut pouvoir douter, de tout, des choses, de soi-même. Douter. Cela me semble si clair depuis que je suis de l’autre côté, depuis que je dors dans ces lits qui me faisaient horreur auparavant. Je me sens pas proche des femmes ici, mais désormais je les vois. Telles qu’elles sont… »… »

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Un roman très dense sur fond de vérité historique. Eugénie, une jeune fille de 19 ans pleine de vie, issue d’un milieu bourgeois de la fin du XIXème siècle, voit « l’invisible ». Elle se confie un soir à sa grand-mère insistante, celle-ci la trahit et Eugénie est internée à La Pitié-Salpêtrière

C’est un récit talentueux et captivant, lu d’une traite tant l’écriture est fluide. Le personnage de Geneviève, assistante du Professeur Charcot, est très beau, et puis il y ce bal insensé, où court la bourgeoisie parisienne, Le Bal des Folles, et sa préparation… Ce livre donne envie d’en savoir plus sur cette époque, sur les travaux du Professeur Charcot et sur la terrible histoire de cet établissement.

Pauvres femmes, que de souffrances ont-elles eu à vivre et pauvres femmes qui aujourd’hui encore vivent sous le joug des familles et des hommes, sous le poids de traditions étouffantes et cruelles…

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Extraits de : « Le bal des folles »  2019  Victoria Mas.

Illustrations : 1/ « Une leçon clinique à la Salpêtrière » André Brouillet  1857-1914  2/ « Yeux clos »  Odilon Redon  1840-1916.

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Ne pas avoir de convictions…

BVJ – Plumes d’Anges.

Épurement intérieur…

lundi 10 février 2020

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« … Le poulpe de l’émotion jette son encre noire pour nous aveugler dans la peur, mais maintenant Aru et moi nous le savons. Nous ne sommes plus dupes.

Je l’ai dit ce matin à Yasuki en brandissant la balayette de la cuisine en guise d’épée. Il a ri. Il précise : « L’émotion n’est pas l’amour mais c’est tout ce que l’homme possède pour aller à sa rencontre. » Plus loin que l’amour Laura Mailleul, il y a shizen, « ce qui est tel quel par soi-même. » C’est le secret que l’amour avec Aru te dévoile. C’est cela qu’il faut chercher.

Qu’est-ce qui te sépare de la poésie ?

Qu’est-ce qui te sépare de l’amour ?

Qu’est-ce qui te sépare du divin ?

Qu’est-ce qui te sépare de toi-même ?

L’idée que tu te fais de la poésie, de l’amour, du divin, de toi-même, derrière laquelle se tient le shizen de la poésie, de l’amour, du divin, de toi-même. C’est cette idée que tu dois détruire entièrement. Détruis tout ! Devenir qui l’on est c’est détruire absolument tout ce que l’on croit être, mais détruire avec amour…

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… – Toi qui connais ces sortes de choses, comment s’appelle ce bleu-là, ai-je demandé à Aru après le dîner en désignant le ciel dans la presque nuit de juillet.

– C’est le bleu de ce soir, Laura.

– Le bleu de ce soir est mon préféré…

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… N’attends plus rien. Là où tu es, sois. Il n’y a aucune issue dans le monde ; la sortie est à l’intérieur. Nulle part ailleurs. Pleure là-dessus un certain temps, si tu le souhaites.  Et après, décide de sauter à pieds joints dans la joie. Tout le malheur auquel l’humain s’accroche, il le fabrique lui-même et s’y pend. Mais la vie n’a rien à voir avec cela. Tant que tu ne te seras pas entièrement perdu, tant que tu n’auras pas entrepris la démolition complète de ce que tu as cru être toi-même, tant que tu n’auras pas été entièrement endommagé, que tu n’auras pas erré dans tes propres ruines, tu ne sauras pas qui tu es, Aru… »

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Laurence Nobécourt a publié ce livre entre  « La vie spirituelle » et « Le chagrin des origines« . Ce qui est beau dans le travail littéraire de cette auteure, c’est son courage et son évolution. Dans sa quête éperdue d’amour et de vérité, elle scrute toutes ses zones d’ombre, les nettoyant de fond en comble. Strate par strate, elle renait à elle-même encore et encore, nous offrant dans sa quête d’absolu, un très beau texte.

Quelques passages demandent lecture et relecture – j’avoue être encore perplexe face à certaines phrases, là est mon travail, là est ce qu’offre la littérature à son lecteur, la métamorphose s’opère à deux, voire à trois, les mots choisis prenant toute leur dimension. Ce Vivant jardin est d’une grande profondeur, l’amour et le verbe s’unissent et s’illuminent l’un l’autre.

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Extraits de : « Vivant jardin. »  2018  Laurence Nobécourt.

Illustrations : 1/ « Oiseaux » – catalogue – So Soseki  1715-1786  2/ « Éventail aux Ipomées » – projet – Susuki Kiitsu  1796-1858.

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Se souvenir de notre grandeur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Peut-être…

jeudi 30 janvier 2020

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« Un arbre enveloppe un nuage,

un oiseau enveloppe l’arbre

et une plume de l’oiseau disperse l’air

pour faire place au signe maintenant là.

 

Ce qui enveloppe est enveloppé par ce qu’il enveloppe,

mais le signe nouveau passe justement

entre l’enveloppé et ce qui enveloppe

et défait le paquet.

Le soir devient un dieu.

 

Un arbre descend alors d’un nuage,

le nuage descend d’un oiseau

et une plume de l’oiseau écrit le nouveau signe

sur le versant qui vient d’être dégagé. » (Livre III, 6b)

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« Chaque main situe son nuage

dans un ciel différent.

 

Mais un jour elle le trouve

dans le ciel de tous.

 

Seulement alors elle peut redevenir

le morceau de terre promise

qu’elle était avant d’être main.

 

Seulement alors son nuage

pleuvra sur elle. » (Livre V, 17)

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« Prendre sa main pour oreiller.

Le ciel le fait avec ses nuages,

la terre avec ses mottes

et l’arbre qui tombe

avec son propre feuillage.

 

Ainsi seulement peut s’écouter

la chanson sans distance,

celle qui n’entre pas dans l’oreille

parce qu’elle est dans l’oreille.

La seule qui ne se répète pas.

 

Tout homme a besoin

d’une chanson intraduisible. » (Livre VII, 1) »

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Roberto Juarroz, poète argentin, un titre unique à son œuvre,

une sorte de poème ininterrompu, une longue méditation ;

chaque livre porte un numéro, chaque poème porte le sien.

Nous approchons là un autre monde, ou plutôt une autre vision du monde et de la poésie,

le temps y est suspendu juste un moment.

Roberto Juarroz  y parle de centre de gravité et de déploiement,

il évoque le mouvement et l’immobilité,

 le visible et l’invisible, l’obscurité et la lumière,

le vide et le plein, le tout et le rien,

au fil du temps les sujets d’explorations changent…

Il y a des questionnements, des apparitions ici et là, sur le « bord du bord ».

Chaque poème nous emporte de la dualité vers l’unité… ou pas.

À lire et à relire, c’est mystérieux et c’est puissant !

Colo en a parlé plusieurs fois, –> ICI par exemple…

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Poèmes extraits de : « Poésie verticale »  Roberto Juarroz  1925-1995.

Illustrations : 1/ « Arbre » – Étude – Caspar Scheuren  1810-1887  – Illustration déjà utilisée –> ICI   2/ « Fleurs de cerisier »  Sakai Hoitsou  1761-1828.

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Travailler à percevoir un autre monde…

BVJ – Plumes d’Anges.

Belles plumes…

dimanche 26 janvier 2020

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Un magnifique petit livre cartonné,

22 phrases en anglais

illustrées par 22 dessins à la plume, d’ Anna Boulanger.

Cette jeune artiste, passe son enfance sur la Côte de Granit rose, » après son bac, elle rejoint Bruxelles, où elle étudie l’illustration et le dessin à l’école supérieure des Arts Saint Luc. Elle complète sa formation à l’école des Beaux arts de Rennes. Elle a également obtenu un master en édition à la faculté de Rennes » nous dit-on sur Wikipédia.

 

Ici, les mots sont choisis : beaux, doux, simples et profonds,

– elle dit commencer le plus souvent par les mots, les dessins venant après –

ils invitent à une envolée intérieure en pays de sérénité et de poésie.

Le trait à l’encre de chine est minutieux, talentueux, les oiseaux, enchanteurs.

C’est un livre qu’il faut garder près de soi,

pour y revenir dès qu’une vague grise effleure un peu sèchement notre cœur.

Faites-vous ce cadeau, c’est un véritable bijou !

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« Be silent and listen.

(Sois silencieux et écoute.)

Illustration : blackbird, secret keeper from another world.

(merle, gardien du secret d’une autre réalité.)

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Silence gives answers.

(Le silence donne les réponses.)

Illustration : magpie, intelligence, talkativeness, adaptability, ingenuity.

(pie, intelligence, loquacité, adaptabilité, ingéniosité.)

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Lucky is the eye that recognises reality.

(La joie est l’œil qui reconnait la réalité.)

Illustration : jay, light bearer.

(geai, porteur de lumière.)

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All you see has his roots in the unseen world.

(Tout ce que vous voyez a ses racines dans le monde invisible.)

Illustration : woodpecker, protection and security.

(pivert, protection et sécurité.)

(…)

When you let go of what you think life should be,

life gets clear… »

(Quand vous abandonnez ce que vous pensez que la vie devrait être,

la vie devient limpide.)… »

Illustration : canary, carelessness, stupidity… »

(serin , étourderie, bêtise.)… »

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Extraits de : « Birds »  2016  Anna Boulanger.

Illustrations : Couverture du livre – 1/recto et 2/verso.

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Entendre le chant de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Grand tour…

jeudi 23 janvier 2020

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« … D’un chemin à un autre, d’un continent à un autre, il n’y a parfois qu’un embranchement au détour d’une conversation fructueuse joyeusement partagée au rythme de la marche. Celle de ce jour-là allait m’amener à la découverte d’un chemin de pèlerinage bouddhiste faisant le tour de la plus petite des quatre grandes îles de l’archipel japonais, du nom de Shikoku…

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… Chemin d’émancipation de mes automatismes de pensées, d’affranchissement de mes toxines et pollutions mentales. Mouvement de libération de mes entraves, de mes attentes, de mes schémas de fonctionnement, de mes assujettissements à des codes sociaux, de tous les carcans qui m’étreignent, de mes certitudes, de mes modes de pensée, des formatages érigés en moi par des traditions, de mes asservissements à une idée conditionnée, de mes identifications à des rôles ou à des fonctions. Étape de désencombrement de mes peurs, de mes inhibitions, des mémoires qui parfois parlent à ma place…

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… Intérieurement, je remercie. Je m’incline devant le miracle de cette existence qui m’est offerte. Joie de ce temps qui m’est donné sur cette terre. Du plus profond de mon être, je remercie d’abord ma présence au monde. Puis je laisse mon attention parcourir chaque partie de mon corps et lui exprime ma reconnaissance pour son soutien à mon cheminement. Soyez remerciées, mes jambes, de m’avoir conduite jusque-là sans encombre ; soyez remerciés, mes pieds, pour le nouvel élan que vous impulsez à chaque pas ; soyez remerciés, mes yeux, d’imprégner en moi tant de merveilles…

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… Vivre pleinement l’expérience de l’instant. L’itinéraire devient ainsi de plus en plus introspectif. Chaque jour de marche, telle une nouvelle expérience spirituelle. L’Illumination, ne serait-ce pas transformer l’obscurité tapie en nos profondeurs en lumière, s’abandonner à cette alchimie spirituelle qui consiste à reconnaître nos zones sombres pour les métamorphoser en perles d’or ? « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or* » Illumination… Prendre conscience de notre nature divine et se tourner, tel le tournesol, vers la Lumière dont nous sommes issus, vers cet astre qui nous guide… »

* Charles Baudelaire « Les fleurs du mal ».

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Un petit livre bienveillant qui ouvre l’esprit et le cœur.

Ce n’est pas le bouddhisme qui a la première place ici.

Le lieu – une ile -, une chaleur écrasante, la langue japonaise non comprise et non parlée,

une tout autre culture avec des codes à l’opposé des nôtres…

Tous les ingrédients sont réunis pour briser « l’armure » de la marcheuse,

casser les rythmes et les illusions du quotidien.

L’auteure nous raconte par petites touches ses transformations intérieures,

ses rencontres improbables.

De jolies réflexions, de nombreuses citations rendent le chemin très vivant,

j’ai « parcouru » ces 1200 kilomètres avec  grand plaisir… et sans la moindre fatigue !

Dominique en avait très bien parlé –>

Aifelle en avait parlé –>

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Extraits de : « Comme une feuille de thé à Shikoku »  2015  Marie-Edith Laval.

Illustrations : 1/ »Chat » détail d’une peinture de Hishida Shunso  1874-1911  2/ »Fleurs des quatre saisons »  Sakai Hoitsu  1761-1828.

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Briser notre armure…

BVJ – Plumes d Anges.