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… « Odeur d’humus tiède, d’herbe foulée. Grésillement d’élytres. Très loin, dans un autre monde, le chant des oiseaux. Un timide effleurement sur la joue : la course hésitante d’une fourmi égarée. Je suis allongée par terre, le menton appuyé sur la main. Immobile, dans ce temps végétal où l’heure passe comme un instant. Mais mon œil voyage. Il grimpe le long des tiges, se pose sur les feuilles, s’égare parmi les nervures. Ces formes comblent mon regard comme aucun objet construit de main humaine n’a jamais su le faire…
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… « Une fleur tombée
Remonte à sa branche !
Non c’était un papillon »
MORITAKE
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Papillons et fleurs, créatures d’apparat qu’unissent de subtiles correspondances. Les botanistes n’ont-ils pas baptisé une famille entière de plantes du nom révélateur de Papilionacées ? Pois, luzerne, trèfle, vesce, figurent parmi ces adeptes du trompe-l’œil. Leurs corolles ambiguës sont flanquées de deux pétales courbes que l’on désigne par le terme d’ailes.
La fleur est un étendard vivant. Un appel coloré à l’adresse des insectes butineurs. Ses pétales s’assemblent comme les panneaux d’un polyptyque.
Le papillon est lui-aussi en constante représentation. Ses ailes, il les a sacrifiées à cette impérieuse exigence. Trop larges, trop plates, elles ne permettent qu’un vol hésitant, chaotique, qui est le jouet du moindre vent. Ce n’est plus une voilure, c’est une enseigne offerte au regard. Une miniature faite de milliers d’écailles colorées, imbriquées comme les tuiles d’un toit. Paul Signac ou Georges Seurat ne procédaient pas autrement lorsqu’ils disposaient sur leurs toiles toutes ces nuées de points colorés d’où naissaient des paysages.
Quel bénéfice le papillon tire-t-il de ces figures obstinément retranscrites, génération après génération ? Livrées de camouflage, couleurs d’ « avertissement » des papillons vénéneux signalant aux prédateurs leur caractère incomestible, couleurs mimétiques d’espèces comestibles « imitant » les insectes vénéneux pour bénéficier d’une protection usurpée, ces interprétations ingénieuses n’épuisent pas toute la richesse de ces débordements picturaux. La vie est un sphinx qui aime jouer aux énigmes… »
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Extraits de : « Éloge de l’herbe » 1988 Claude Nuridsany et Marie Pérennou.
Illustrations : 1/« Lupins bleus près de San Antonio » Julian Onderdonk 1882-1922 2/Page d’un carnet d’aquarelles d’ Anne Wagner 1795-1834.
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Visiter minutieusement les délices du printemps…
BVJ – Plumes d’Anges.