Apaisante verdure…

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« … Au printemps, selon Goethe, (…)

« L’air est calme et calme la brise,

La jeune verdure se mire dans l’opulente rive

Le printemps est à l’œuvre et il vit. »…

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La contemplation n’est pas tout, loin de là. Il nous faut en venir au parcours des prairies, source de jubilation, à la joie parfois sauvage, éprouvée en ce lieu et dite par ceux qui l’on gardée en mémoire. La prairie, contrairement au pré, autorise des marches longues, des errances, des traversées ; ce qu’à propos du XIXème siècle, Denise Le Dantec qualifie de promenades dans la « plénitude herbeuse ». Celle-ci permet d’éprouver le vent, les brises, les ondulations vertes, les effets de la pluie sur les étendues d’herbe. À l’origine se trouve l’envie de marcher longuement dans l’herbe, de la fouler, de courir à travers, de chercher ce qu’il y a dans son épaisseur ; en un mot, tout ce qui relève de l’herbe ressentie par le corps en mouvement. Distinguons le plaisir de marcher longuement sur l’herbe et le plaisir que procure cet exercice, celui de fouler l’herbe.

« En route ! s’écrie Flaubert, alors dans le voisinage de Crozon, au cours de sa promenade par les champs et les grèves, le ciel est bleu, le soleil brille, et nous sentons dans les pieds des envies de marcher sur l’herbe. »...

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… À la même époque, outre-Atlantique, Henry David Thoreau prononce une conférence intitulée : « Marcher », lui qui assure que « la santé d’un homme exige autant d’arpents de prairies à regarder que sa ferme a besoin de tombereaux de fumier. Ce sont là les nourritures où il puise ses énergies ». Pour sa part, au cours de cette conférence, il confie un souvenir : « Nous marchions dans une lumière si pure et si brillante qui dorait les herbes et les feuilles fanées, si doucement et sereinement brillante, que j’ai pensé n’avoir jamais baigné dans un tel flot d’or »…

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… « Le peuple des prés m’enchante, écrit René Char. Sa beauté frêle et dépourvue de venin, je ne me lasse pas de la réciter. Le campagnol, la taupe, sombres enfants perdus dans la chimère de l’herbe, l’orvet, fils du verre, le grillon, moutonnier comme pas un, la sauterelle qui claque et compte son linge, le papillon qui simule l’ivresse et agace les fleurs de ses hoquets silencieux, les fourmis assagies par la grande étendue verte, et immédiatement au dessus les météores hirondelles… Prairie, vous êtes le boîtier du jour. »…   »

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Extraits du livre : « La fraîcheur de l’herbe »   2018   Alain Corbin.

Illustrations : 1/ « Paysage de prairie »  Kyriak Kostandi  1852-1921  (illustration déjà utilisée –>  là  ) 2/ « Mante religieuse » Edward Julius Detmold  1883-1957  (Wikipedia-« Livre des Insectes » avec Jean-Henri Fabre)

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Gambader joyeusement dans les prairies…

BVJ – Plumes d’Anges.

8 commentaires sur “Apaisante verdure…”

  1. Dominique dit :

    J’ai beaucoup aimé ce livre de Corbin qui respire la fraîcheur

  2. Colo dit :

    L’odeur de l’herbe le matin tôt, le soir aussi, mmmmmmmmm. Y marcher pieds nus est un délice aussi.
    Merci, bonne journée Brigitte.

  3. Aifelle dit :

    J’ai repéré ce livre, je vais attendre tranquillement le poche (plus facile à transporter partout). Je suis passée à Crozon l’an dernier, mais sans Flaubert 😉 C’est un très joli coin. Bonne journée Brigitte.

  4. Fiorenza dit :

    Alain Corbin est un historien poète, un poète historien, bref,
    un magicien !

    Chacun de ses livres rentre dans son sujet avec puissance et élégance
    et ses lecteurs succombent évidemment à l’appel de « la prairie »
    où dorment de nombreux souvenirs…

    Les vacances d’été me menaient vers celle que nous appelions grande
    car elle s’étalait de tout son long et je nous revois encore,
    poussant la barrière qui ouvrait sur l’herbe drue, le ruisseau empli de
    tétards, les reines-des-prés survolées de libellules et les œufs de canes
    que scrutaient mes cousins…

    Jusqu’à mon dernier souffle, la prairie de mon enfance restera l’une
    de mes images préférées !

    Merci, Brigitte, de nous permettre de feuilleter ces pages
    si bien choisies…au gré des saisons !

  5. daniel dit :

    Marcher dans les bois, au bord de l’eau, à travers les prairies, un réel bonheur !! Et puis on se ressource et on bouge. Très bon pour le corps et l’esprit !

  6. mayalila dit :

    Merveilleux textes !! Cependant je dirai que « tout est contemplation », car la marche est aussi, plus que jamais, contemplation. Ne témoigne-t-il pas lui-même, cet auteur, des sensations délicieuses qu’il retire de son errance dans les prairies ? C’est pure contemplation… La contemplation ne passe pas que par les yeux. Elle ne passe, dirai-je même, pas du tout par les yeux ! La contemplation est l’oeuvre du cœur… Elle est traduite par tous nos sens, et même celui du mouvement, mais s’épanouit dans et par le cœur. D’où l’épanouissement qu’elle procure…

  7. mayalila dit :

    Pardon pour la répétition… D’où le bonheur qu’elle procure.

  8. Marcher pieds nus dans l’herbe, ah, quelle jubilation !
    Merci de me signaler ce livre que je vais m’empresser de lire car j’aime beaucoup ce qu’écrit Alain Corbin.
    Bon dimanche.

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