.
.
« … Selon qu’elle s’applique à un phénomène, à un individu ou à un groupe de personnes, la notion d’origine prend un sens différent, et sa connaissance – ou son ignorance – n’a pas la même portée.
Parce qu’elle désigne la première apparition d’un phénomène, mais aussi sa cause, son explication, les circonstances de sa manifestation, ainsi que sa nature, l’origine est au cœur de la quête scientifique. Sa découverte la fait entrer dans le champ du savoir, et son absence la retient pour inconnue. Sans cause, elle devient inexpliquée. Sans date, elle flotte au-dessus du temps. Candidate au mystère, elle est source de fantasmes et, sujette aux spéculations, elle se nourrit de théories qui alimentent les controverses.
Pour un individu, elle quitte curieusement le singulier pour se parer d’un pluriel : nous parlons de nos origines. Elles sont ce lien qui nous rattache au néant comme la ficelle d’un ballon ou la traîne d’un roi. Sans cette bride, livrés à nous-mêmes, nous nous égarerions dans l’immensité du ciel où nous perdrions toute souveraineté sur notre existence. Nos origines racontent ce qui nous a précédés, d’où nous venons et qui nous sommes. En nous amarrant au néant par la ficelle ou par la traîne, elles nous protègent de l’abîme et le mettent à distance. Connaître nos origines structure notre être et donne une direction à notre vie. Ne pas les connaître peut agir comme une catastrophe. Une dévoration. C’est alors que nous partons à leur recherche à corps perdu…
.
… Je suis le Vivant, le dernier qui, au bout des autres, roulera la pierre en dedans afin que la tâche soit accomplie. Mais avant je veux m’accorder du répit, reprendre mon souffle, écouter le bruit du vent qui flûte son air par les trous de la roche. Je veux être pour un peu le lambin de l’affaire, prendre le temps de me retourner et emporter avec moi le reste de ce que nous quittons… »
.
C’est une lecture captivante, un roman très construit qui à partir d’un seul fait raconte des histoires où l’imaginaire se mêle à des réalités.
Une unique secousse sismique provoque un glissement de terrain, une montagne s’effondre, fait disparaître tout un village sur l’ile d’Hokkaido. Apparait alors un tombeau très très ancien, il daterait d’une époque où l’homme n’existait pas d’après nos croyances…
Passé, présent et futur se mêlent, un rythme mathématique, six chapitres, dans chacun d’eux cinq sous-chapitres, toujours dans le même ordre, qui portent cinq voix et tracent cinq voies. Les chiffres 5 et 6 ne sont certainement pas choisis au hasard, ils expriment l’union, l’équilibre et l’harmonie, un rêve ? Des étoiles s’allument ici et là, on voit que toute lumière projette une ombre et toute ombre fait surgir la lumière. Le monde obéit à des lois, l’homme cherche une fois encore à comprendre mais tout peut être remis en question et changer en un instant. On apprend beaucoup au fil des pages, on veut en savoir plus et le « merveilleux » net donne des pistes (à croiser, bien évidemment !).
L’écriture est très belle, totalement poétique dans le Dit du Vivant où les fils qui tissent le récit sont teintés d’or. L’auteur nous emmène dans un mystérieux voyage, il partage son érudition avec humilité, par petites touches comme un peintre. L’œuvre créée me semble encore plus importante dans le contexte actuel, faire appel à son imagination, parler de science, de philosophie, de poésie, de rapports bienveillants entre les humains fait un bien fou. Ce livre est un véritable coup de cœur !
Dominique en avait parlé LÀ… merci à elle.
.
…
Extraits de : « Le Dit du Vivant » 2021 Denis Drummond.
Illustrations : 1/« Paysage » Maeda Tekison 1895- 1947 2/« Nuit sur Ushibori » Kawase Hasui 1883-1957.
…..
Ne pas avoir de certitudes…
BVJ – Plumes d’Anges.

































