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« … SI JE FERME LES YEUX, je peux revoir Baba avec sa pipe, le soir, auprès du feu. Elle attendait que je sois couchée pour sortir la boîte en épicéa pleine de karja. Apa la lui avait fabriquée avant qu’il ne se transforme en tas de feuilles mortes. Elle remplissait le foyer d’un mélange de tabac et de graines pilées au mortier. Avec un long bâton dont elle gardait le bout enflammé, elle allumait la pipe. La cabane se peuplait alors de nuages bleus et d’odeurs de falaise. Baba était assise dans son fauteuil à bascule , la tête en arrière, cela durait des heures. J’aimais la regarder depuis mon petit lit fabriquer ces volutes, telle une cheminée de chair un peu passée.
Les mots sortaient de sa bouche doucement. Les histoires d’un autre temps s’égrainaient en ronds de fumée. (…)
Un soir, Baba m’avait parlé de l’ancien monde. D’habitude, ceux qui l’avaient connu se taisaient… Un soir pourtant, Baba avait parlé. Ses mots étaient pleins d’épines et s’épuisaient à sortir de sa bouche. À cette époque elle était proche du Grand-Sommeil. Je m’occupais d’elle comme on s’occupe d’un enfant, car elle avait commencé à se dérégler – sans cela, elle serait sans doute partie avec son secret. Les mots étaient tombés dans mon oreille avec la douleur du poison…
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… Les jours se répétaient, les gestes aussi. Mais le soleil levait chaque matin son rideau sur une nature différente. La lumière ruisselait dans les branches cristallisées par la glace. Les myriades de teintes allaient du rose au bleu pâle, projetant des flaques colorées sur la surface du lac en banquise. L’hiver révélait des grâces de jeune fille. Le ramage des branches, prisonnières de leur robe de cristal, devenait dentelle, piquetée par endroits de boutons vernis là où les corneilles arrêtaient leur vol. On crissait à chaque pas et c’était délicat, un froissement de tissus précieux…
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… Nous sommes tous de passage. Simplement de passage… »
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La traversée à bord de ce livre est sombre mais le voyageur-lecteur est le témoin oculaire de l’émergence de lumières d’une rare puissance. Les images sont très fortes, la nature omniprésente s’étire dans ses extrêmes.
Les personnages rencontrés au fil des lignes sont singuliers, l’animal est humain, l’humain est animal. On sent qu’un grand chaos a pulvérisé bien des choses et bien des êtres, mais des cœurs battent encore à l’unisson et se battent pour témoigner de la force de la vie. Chacun accepte ce que lui offre ou lui impose l’existence.
C’est une histoire intense, un retour en arrière dans le temps, un mélange de réalités et de légendes, de couleurs, d’eau, de roches, de froid brûlant, de mots rares échangés, d’entraide, d’amour, de trahison… c’est un sillon creusé dans la terre-mère qui témoigne de la tragédie et de l’espérance, c’est un magnifique premier roman !
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Extraits de : « Une immense sensation de calme » 2018 Laurine Roux.
Illustrations : 1/« Chutes d’eau (Geltenbach dans la vallée de de Lauenen) » Caspar Wolf 1735-1783 2/« Mer » Volodymyr Orlovsky 1842-1914.
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Faire de notre passage un moment de lumière…
BVJ – Plumes d’Anges.
Nous ne sommes que de passage et faisons en sorte qu’il soit fraternel ! Bon dimanche Brigitte
Oui, j’ai lu ce livre lorsqu’il est sorti et je l’ai prêté à plusieurs aussi qui l’ont aimé; l’écriture est élégante, mais le livre se lit facilement, envoûtant.
Merci à toi, Brigitte de me rappeler cet été -là où je naviguais entre vie et mort.
Dès les premiers mots j’ai reconnu le livre. Il est resté gravé dans ma mémoire ; un échange avec l’auteure en septembre a été riche également, sur l’imaginaire, les contes, les symboles, les éléments, la nature, etc .. « Le sanctuaire » m’attend tranquillement. Bon dimanche Brigitte. Bises.
quand les mots se vêtent des couleurs du passé, celui qui rejoint les contes et les légendes les bêtes et les gens écoutent et se retrouvent dans ces mots, amis de passages et passagers des ans
un livre que j’ai beaucoup aimé et dont la lecture m’a marqué, je l’ai offert autour de moi à plusieurs reprises
Cette romancière m’est inconnue mais les quelques lignes ici proposées
sont d’une forte beauté !
Le titre convient parfaitement à nos aspirations actuelles
et la notion du passage, du temps, de la nature éternelle,
nous entraîne dans une douce torpeur poétique…
Bonsoir, chère Brigitte, continue à nous propulser dans ton ciel étoilé 🌟
Un sujet éternel. La vie qui s’accroche malgré les grands chambardements…
Puissions-nous ne pas être Baba dans quelques années …
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Vivre, oui. Dans notre monde actuel où tout se bouscule, si nous revenions aux fondamentaux ?
J’ai réservé ce livre à la médiathèque de Chalucet.
Bonne journée. Il est prévu de la pluie de ce côté-ci de la rade.
Je ne connais pas cette romancière, je chercherais ce livre !
Les toiles choisies, je ne connaissais pas non plus, pour mon plus grand ravissement.
Merci de ton passage chez moi!
Belle journée à toi!
J’aime beaucoup cet extrait…..Oui nous sommes tous de passage. C’est la seule égalité qui soit. Il faut en avoir conscience. Tout est éphémère !
Titre noté : ce premier roman laisse sa marque quand on l’approche, dirait-on. De beaux paysages pour illustrer ces extraits – merci, Brigitte, et bonne semaine.
Un texte qui donne envie et une iconographie qui fait rêver. Que demander de plus ? Merci à vous et belle journée.
Merci pour cette découverte
Baba avait des mots pleins d’épines mais derrière se cachaient les roses à ceux qui savaient écouter Merci Brigitte pour ce très beau texte Bon dimanche
Ce premier roman semble avoir impressionné les lectrices et lecteurs de par ici.
Merci Brigitte, je note sur mon petit carnet. Je t’embrasse, belle soirée !