.
.
« … Je ne m’étais pas trompé. Il se passe quelque chose d’énorme dans le ciel, dans ces petits cerveaux de quelques grammes qui traversent l’espace comme des flèches, dans tout ce grouillement d’ailes qui ébouriffent l’atmosphère.
Les hirondelles se préparent à migrer.
En apparence, elles continuent à mener leur vie habituelle. (…) C’est encore l’été. Mais, le jour suivant, tout cet incroyable affolement reprend de plus belle. De nouveaux vols, plus grands, se recomposent, en formations effilochées dans le ciel, pour attirer les autres hirondelles encore isolées. Mais aussitôt après ils se disloquent à nouveau, en quelques instants chacune prend une direction différente. Mais plus haut, encore plus haut, d’autres vols se forment. Et puis d’autres encore. Jusqu’à ce que l’on voie soudainement les premiers grands nuages démesurés grouillant d’hirondelles trissantes qui se lancent dans ce voyage fou dont elles ne connaissent même pas la destination.
Elles l’ont compris bien avant tout le monde, là-haut, que quelque chose avait changé sur la terre, qu’il se passe quelque chose d’énorme, que l’été se termine, que d’ici peu le ciel et la terre ne seront plus les mêmes, que commenceront l’automne, l’hiver…
.
.
… « Comment savoir si au-dessus du ciel il y a un autre ciel ? je suis en train de me demander, assis devant le précipice. Du moins celui qu’on voit d’ici, de cette gorge, au dessus de cet agglomérat de maisons et de ruines abandonnées. Comment savoir si la lumière n’est pas elle-aussi à l’intérieur d’une autre lumière ? Et quelle lumière ça peut bien être, si c’est une lumière qu’on ne peut pas voir ? Si on ne peut même pas voir la lumière, qu’est-ce qu’on peut voir d’autre ? Comment savoir si la matière dont se compose l’univers, tout du moins le peu qu’on réussit à percevoir dans l’océan de la matière et de l’énergie noire, n’est pas à l’intérieur d’une autre matière infiniment plus grande, et si la matière et l’énergie noire ne sont pas à leur tour à l’intérieur d’une obscurité infiniment plus grande ? Comment savoir si la courbure de l’espace et du temps, si courbure il y a, si espace il y a, si temps il y a, ne sont pas eux-aussi à l’intérieur d’une courbure plus grande, un espace plus grand, un temps plus grand, qui vient avant, qui n’est pas encore venu ? Comment savoir pourquoi ça s’est arrangé comme ça, dans ce monde ? (…) Parfois je pense qu’il y n’a plus de vivants dans le reste du monde. Mais il y en a. Parce que, aujourd’hui après midi, quand il faisait encore jour, levant tout à coup les yeux, j’ai vu que le bleu limpide était traversé de bout en bout par une bande blanche parfaitement droite qui s’étendait dans le ciel, que traçait un avion si loin qu’on ne l’entendait même pas vrombir dans la vastitude de l’espace…
.
… »Et puis un jour une autre petite lumière s’allumera juste à côté… », je me surprends à penser. « Il y aura alors deux petites lumières et non plus une seule. Et je les regarderai d’ici et je me dirai : voilà, cette terrible solitude est terminée. L’expiation est terminée! »… «
.
…
Extraits de : « La petite lumière » 2009 Antonio Moresco.
Illustrations : 1/ et 3/ d’un Conte d’Hans Andersen 2/ du conte « Bill the Minder » William Heath Robinson 1872-1944.
…..
Retrouver et laisser briller toutes nos facettes…
BVJ – Plumes d’Anges.