Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Goût du monde…

lundi 25 mars 2013

.

.

« … Personne ne se souvient des mêmes détails d’un même évènement car le souvenir est fait comme un patchwork, il est composé de morceaux de vérité…

.

… On me dit souvent : « Tout ça, c’est parce que tu avais un bon tempérament ! » Ce mot tempérament, nous l’employons dans les théories de l’attachement mais il n’a rien à voir avec la génétique ou l’inné. Le tempérament traduit le fait qu’au cours des interactions précoces, c’est à dire dès les premiers mois de la vie, si l’on est entouré par une mère, par une famille ou un substitut maternel sécure, cet adulte transmet quelque chose de cette sécurité qui lui appartient. Ma mère m’a certainement transmis quelque chose de cette sécurité, car lorsque je suis arrivé ici, à la synagogue, en ce jour de janvier 1944, j’étais très gai. C’est probablement ce tempérament -qui est une acquisition pré-verbale très précoce, dès les premiers mois de la vie, peut-être même les derniers mois de la grossesse- qui a fait que j’ai réussi, avec pas mal de chance tout de même, à résoudre ce problème invraisemblable et à m’évader.

Le tempérament, c’est l’apprentissage d’un style de relation. C’est une sorte de « goût », c’est ce « goût du monde » que l’on acquiert très tôt dans la vie. Il y a des gens qui goûtent le monde de manière amère, d’autres qui le goûtent de manière sucrée, il y a des goûteurs gais et des goûteurs tristes, des goûteurs accueillants et des goûteurs hostiles. Et ce « goût du monde » explique nos réactions souriantes ou méfiantes, intellectuelles ou désespérées. Ce goût du monde est une empreinte très précoce… »

.


Extraits de : « Je me souviens… » 2009  Boris Cyrulnik.

Tableaux : 1/« Madone et enfant » 2/« Portrait d’enfant »  Marianne Stokes 1855-1927.

…..

Nous avons l’immense pouvoir de transmettre…

BVJ – Plumes d’Anges.

Printemps…

mercredi 20 mars 2013

.

.

« Au printemps de quoi rêvais-tu ?

Vieux monde clos comme une orange,

Faites que quelque chose change,

Et l’on croisait des inconnus

Riant aux anges,

Au printemps de quoi rêvais-tu ?

.

.

Au printemps de quoi riais-tu ?

Jeune homme bleu de l’innocence,

Tout a couleur de l’espérance,

Que l’on se batte dans la rue

Ou qu’on y danse,

Au printemps de quoi riais-tu ?

.

.

Au printemps de quoi rêvais-tu ?

Poing levé des vieilles batailles,

Et qui sait pour quelles semailles,

Quand la grève épousant la rue

Bat la muraille,

Au printemps de quoi rêvais-tu ?

.


Au printemps de quoi doutais-tu ?

Mon amour que rien ne rassure

Il est victoire qui ne dure,

Que le temps d’un Ave, pas plus

Ou d’un parjure,

Au printemps de quoi doutais-tu ?

.

.

Au printemps de quoi rêves-tu ?

D’une autre fin à la romance,

Au bout du temps qui se balance,

Un chant à peine interrompu

D’autres s’élancent,

Au printemps de quoi rêves-tu ?

.

D’un printemps ininterrompu. »

.

.

BON PRINTEMPS À TOUS !

QUE DE GRANDS RÊVES FLEURISSENT DANS NOS CŒURS,

FAISONS-NOUS ABEILLES, PAPILLONS, OISEAUX…

ET BUTINONS LES JOYEUSEMENT POUR QU’ILS SE RÉALISENT !

« Au printemps de quoi rêvais-tu ? » Paroles (et musique) de Jean Ferrat 1930-2010.

Tableaux : 1/« Pommiers en fleurs »  Pal Szinyei Merse 1845-1920  2/« Arbres en fleurs » John William Godward 1861-1922    3/« Printemps dans le village »  Karl Buchholz 1849-1889  4/« Printemps »  Adolf Kaufmann 1848-1916  5/« Fleurs de printemps » Joseph Krachkovsky 1854-1914  6/« Printemps »  Thomas Millie Dow 1848-1919.

…..

Rêver GRAND…

BVJ – Plumes d’Anges.

Vibration…

lundi 18 mars 2013

.

.

« … Les noms qui parcouraient naguère la forêt, qui frissonnaient dans les brindilles, qui glissaient dans le vent d’une cime à l’autre, qui coulaient sous terre dans les galeries obscures, les noms qui parlaient par la bouche de chaque puits, on ne les entend plus. Les hommes silencieux ont percé leur propre cœur ; alors le cœur s’est arrêté de battre et le sommeil très long a pris la terre. Les hommes se sont endormis, ils ont fermé leurs yeux, et ils se sont quittés. Mais en entrant tous ensemble dans le sommeil, ils entraient dans un rêve interminable…

.

… Ailleurs, alentour, le monde ne s’écroule pas, ne pourrit pas. Il n’existe pas tout simplement. Il est en transit, somme de gestes, d’actes, d’argent, pour rien…

.

… Le combat des hommes n’étaient pas pour gagner quelques arpents de terre, mais pour sauver la parole vraie…

.

… Au centre de la forêt, la voix ne cesse pas de parler. Elle parle sans bouger les lèvres… Ici le regard s’éclaire, il brille comme le soleil, il vibre comme le cœur. Le regard sait voir ce qui va venir. Chaque homme est un prophète qui voit avec tout son corps, avec son visage, ses mains, sa poitrine. C’est la souffrance qui ouvre sa vue, la grande sècheresse, la longue attente. Mais la souffrance ne peut pas durer. Maintenant la terre vibre comme au lever du soleil, immobile et calme, puissante, nouvelle… « 

.


Extraits de : « Trois villes saintes » 1980  Jean-Marie Gustave Le Clézio.

Illustrations : 1/« Mappemonde en forme de cœur » Oronce Fine 1494-1555 2/« Pavots »  John William Godward 1861-1922.

…..

La vibration du cœur peut ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire du monde …

BVJ – Plumes d’Anges.

Noble poupe…

vendredi 15 mars 2013

.

.

« Cause reconversion, Ange tombé du ciel TROQUE quatre ailes contre chevreaux laids. »

.

« Banquier ÉCHANGE chèque en bois contre vrai bouleau. »

.

« Si le TRAVAIL c’est la santé, pourquoi ne pas le confier aux MALADES ? »

.

« EVEREST… mais Adam part. »

.

« Végétarien cultivé qui ne mâche pas ses mots CHERCHE belle frisée sachant raconter des salades. »

.

« Il arrive parfois qu’on BÂILLONNE des GENS BONS ! »

.

« Le RADIS ça me botte, le PARADIS ça me botte aussi. »

.

« Boutique de luminaires CHERCHE produits phares pour clients éclairés. »

.

« Au siècle des lumières, les poètes écrivaient des VERS LUISANTS. »

.

« Groupe leader dans le secteur de l’énergie RECRUTE des centaines d’illuminés pour éclairer le monde. »

.


.

Ces mots joyeux – et il y en a bien d’autres – sont empruntés à

–> AUGUSTE DERRIÈRE

Les jours où vous sentez un petit vent de blues souffler dans votre cœur,

allez donc lui rendre visite,

c’est un GRAND BONHEUR,

vous ne pourrez que RIRE et SOURIRE et ça, il ne faut pas s’en priver !!!

(Je vous en avais déjà parlé le 12 Janvier 2012 dans un billet intitulé : « Liebster blog »)

Illustrations :  Peintures abstraites : monochromes présentés au salon des arts incohérents – Album primo-Avrilesque

1/ »Stupeur de jeunes recrues apercevant pour la première fois ton Azur, O Méditerranée ! » 2/« Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige. »    Alphonse Allais 1854-1905.

…..

Emprunter les chemins des rires et des sourires…

BVJ – Plumes d’Anges.

Riche présent…

mercredi 13 mars 2013

.

.

« … C’est dans l’expiration et le relâchement que se réalise la tentative de devenir toujours plus un avec notre profondeur, la profondeur essentielle dans le rythme de la respiration, dans l’expiration et dans l’inspiration, qui vient de soi, qui est le don d’une expiration adéquate. Lâcher prise et prêter l’oreille à sa propre profondeur…

.

… La respiration est davantage qu’une alimentation de l’homme en oxygène. Elle est le mouvement vital absolu, non pas seulement sur le plan corporel, mais aussi sur le plan spirituel et celui de l’âme, sur lequel l’homme peut se donner par l’expiration, et se recueillir par l’inspiration… se laisser aller – loin de moi ; se laisser choir – vers toi ; se laisser devenir un – tout en toi ; se laisser devenir nouveau – nouveau à partir de toi.

C’est ici que la prise de souffle, en tant qu’inspiration, prend son sens spirituel. On ne peut pas faire une inspiration, on la reçoit. Nous recevons un cadeau, pour peu que nous ayons su nous donner adéquatement et complètement… »

Extraits de : « Sagesse et amour »  Karlfried Graf Dürckeim 1896-1988 .

Tableau : « Psyché »  John Reinhard Weguelin 1849-1927.

…..

Le souffle de vie est un précieux cadeau…

BVJ – Plumes d’Anges.


Couleurs et sons…

mercredi 6 mars 2013

.

.

« Celui à qui la nature commence à dévoiler son secret, se sent irrésistiblement attiré par son interprète le plus qualifié : par l’art. »

J.W. von Goethe

.

« … Il y a dans les couleurs et les sons les fenêtres par lesquelles nous pouvons nous élever par l’esprit vers le monde spirituel ; la vie à son tour nous offre des fenêtres par lesquelles le monde spirituel pénètre dans notre monde physique… Dans les sons s’ouvrent des fenêtres par lesquelles nous pouvons quitter le monde physique pour nous élever vers le monde spirituel. Et il existe d’autres fenêtres par lesquelles, lorsque nous restons dans ce monde physique, le spirituel descend vers nous.

Si nous ne discernons pas comment le spirituel descend ainsi vers nous, nous sommes comme un être humain qui, ne sachant pas lire, ouvre un beau livre. Il a devant les yeux ce que voit aussi quelqu’un qui sait lire, mais lui qui ne sait pas, il ne voit sur le papier blanc qu’un gribouillis qu’il ne peut interpréter – il peut tout au plus le décrire. Seul celui qui sait lire est capable de suivre dans ce livre le cheminement d’un destin, ou une sagesse, qui ont été insérés dans ces signes étranges. Celui qui ne sait pas lire les phénomènes du monde est comme un analphabète du Cosmos devant ce qui s’y passe. Celui qui sait lire, lui, déchiffre le cours du monde spirituel à travers les choses. Ce qui caractérise l’époque matérialiste actuelle, c’est que les humains, en face du Cosmos, sont devenus des analphabètes sous l’influence du matérialisme, et quasiment des analphabètes à cent pour cent…  »

.

Extrait de : « Nature des couleurs »  Rudolf Steiner 1861-1925.

Illustrations : 1 / « Carte céleste »  Auteur inconnu 2/ « Sphère armillaire »  Tycho Brahe 1546-1601.

Élargir nos connaissances, prendre de la hauteur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Hello, hello…

lundi 4 mars 2013

.

« … Ce qui est vraiment fascinant chez les êtres, quand le désir naît,


.

c’est l’intelligence qui se met au service de l’aspiration,


.

et qui entrouvre alors un nouvel espace du possible.


.

Il semble que tout n’attende jamais qu’un signal intérieur ou une illumination,


.

un souhait intense ou une nécessité.


.

Quand l’idée mère jaillit de l’âme et traverse les fibres,


.

tout s’agglomère autour d’elle, et concourt à sa réalisation.


.

Aucun désir peut-être qui ne soit réalisable s’il est intense,


.

car toujours le don l’accompagne… »

.

Des fleurs, des fleurs, encore des fleurs pour fêter ce jour : ce billet est le cinq-centième publié sur Plumes d’Anges… Déjà ! aurais-je envie de dire, je n’ai point vu le temps passer…  j’étais toute à ma joie de partager un regard sur la vie.

Il nous faut cultiver avec bonheur nos jardins intérieurs pour que « les parfums, les couleurs et les sons se répondent… » . Ne pensez-vous pas qu’il est urgent d’admirer la beauté du monde plutôt que de mettre en avant sa laideur ? Ayons ce désir intensément…


Extrait de : « L’Amour au jardin » 1995  Jean-Pierre Otte.

Illustrations : 1/ 2/ 3/ 4/ 5/ « Karlsruher Tulpenbuch » auteur inconnu XVIIIème  6/ 7/ 8/  Gouaches sur parchemin de Hans et Simon Holtzbecker XVIIème .

…..

Accueillir nos inspirations positives…

BVJ – Plumes d’Anges.

Dénouer…

vendredi 15 février 2013

.

.

« … Pour nous aider à trouver les mots qui nous font du bien, accueillons un temps notre douleur. Laissons-la vivre et exprimer ce que nous ne savons pas dire avec des mots : donnons-lui la parole. Alors il se peut qu’elle s’en aille, tout doucement, ayant eu le temps et l’espace dont elle avait besoin pour se libérer…

.

… Dénouer les fils de notre histoire nous fait progresser. Le passé ne devient passé que s’il est dépassé, digéré, assimilé…

.

… La peur, c’est souvent cela : se punir d’un bonheur que l’on ne croit pas mériter. Quand la vie nous fait un cadeau, le plaisir n’est déjà plus de la partie. Nous laissons ainsi notre vie passer, sans la vivre…

.

… Si la vigilance est nécessaire, un excès de prudence interdit l’expérience, et avec elle, la connaissance…

.

… C’est dans le silence de son temple intérieur que chacun pourra se poser les vraies questions et chercher à y répondre…

.

… Dans la sérénité, les idées retrouvent leur clarté et chaque chose reprend sa place…

.

… Le silence est le préalable à la création de soi… »

.

Extraits de : « La musique des anges » 2003  Catherine Bensaid.

Illustrations : 1/« Le Grossclockner » 2/ »Paysage de Slovénie »   Markus Pernhart 1801-1871.

…..

Se dénouer pour renouer avec soi…

BVJ – Plumes d’Anges.

Fraternité…

mercredi 6 février 2013

.

.

« … La révolte en paroles est aisée mais l’action est difficile, surtout lorsqu’elle se veut efficace…

.

… Il ne suffit pas d’aimer. L’intelligence doit s’unir au cœur pour forger la relation adaptée à la personne, au cas ou au pays. Lorsque je parle du respect et du souci de l’autre, j’entends aussi l’étude rationnelle du problème : genre de difficultés, nature des aspirations, nature des moyens matériels et spirituels. Seul ce type de relation garantit de ne pas imaginer des solutions à partir de nous-mêmes, mais nées de l’écoute et de la vision de l’autre. Cela exige persévérance et acharnement. Ce n’est pas du feeling…

.

… Voici le dilemme : est-ce que j’appréhende exclusivement le monde, la personne, la chose pour ce qu’ils vont m’apporter ? Ou bien est-ce que je considère aussi le monde, la personne, la chose pour ce qu’ils sont et que je peux leur apporter ? Cela demande des examens de conscience quotidiens…

.

… « Si je savais quelque chose qui me fût utile, et qui fût préjudiciable à ma famille, je la rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile à ma famille, et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je le regarderais comme un crime. »

Montesquieu 1689-1755.

.

…Chaque individu est la clef de la possibilité d’un monde plus juste, que le champ d’action soit important ou modeste…

.

… Sans détour, considérons aussi une des faces obscures de l’âme humaine. Devant une réussite, nous soulignons volontiers la part importante que nous y avons prise. Au contraire, qu’un échec se produise et c’est toujours plus ou moins la faute de l’autre ! De même, nous avons tous tendance à imputer aux autres la responsabilité de l’injustice structurelle. Les multinationales, les gouvernements, les élus ont certes leur part, mais qui achète des actions aux grandes entreprises, qui met tel ou tel à la tête de  l’État ? N’est-ce pas moi, n’est-ce pas toi, n’est-ce pas nous ? Esclaves de la consommation, ne sommes-nous pas trop obsédés par le désir de posséder toujours plus? Sommes-nous au contraire poursuivis par le souci de créer une société plus juste et plus équilibrée où nous accepterions d’avoir moins pour que d’autres aient plus ?…

.

… Chacun doit réaliser son affranchissement personnel selon sa vocation propre. C’est en découvrant en lui, en faisant jaillir de lui, ses qualités à lui qu’il atteint sa stature d’homme.

Le problème initial est, je crois, d’être lucide avec soi. Ce à quoi je suis le plus attaché me laisse-t-il finalement un sentiment de vide, de manque, d’éphémère ? M’en éloigner serait-il un affaiblissement ou une libération ? Voilà le vif du sujet. Dois-je me dépouiller de certains plaisirs, de certaines relations qui ne sont finalement qu’un champagne qui m’émoustille ? Dois-je choisir la joie plus austère d’amitiés profondes où la recherche du bonheur des autres comblera mon cœur ? Dois-je continuer ma course à l’argent et aux plaisirs, ou bien dois-je refuser une euphorie fugitive pour reposer mon âme dans ce qui la pacifie ? De la réponse à ces questions dépendent la valeur et le sens de ma vie. C’est à moi et à moi seul, en tout cas, de prendre ma vie en main…

.

… Que tu le saches ou non, quand ta main est large ouverte, quand ton cœur irradie l’amour, tu mets librement en ce monde quelque chose d’éternel… »

.


Extraits de : « Richesse de la pauvreté »  Soeur Emmanuelle (avec Philippe Asso) 1908-2008.

Tableaux : 1/« Pauvres mais riches »  Thérèse Schwartze 1851-1918  2/ »Le Manque de nourriture »  William S.Rose 1810-1873.

…..

Rencontrer et partager…

BVJ – Plumes d’Anges.

Le choix des mots…

lundi 4 février 2013

.

.

« … – C’est quoi votre travail ? lui ai-je demandé.

– Qu’est- ce que tu crois que c’est ? répliqua-t-il en tapotant le sol du bout de sa canne.

– Euh, eh bien…

J’ai réfléchi intensément.

– Savant. En regardant à travers le microscope, et en lisant d’épais livres en langues étrangères, vous étudiez des problèmes difficiles.

– Ooh. Pourquoi tu penses ça ?

– Parce que vous avez pris le temps de tout observer. Vous avez profité d’un colloque pour prendre un congé et voyager.

– Tu as une vision aiguë. Et qu’est-ce que tu vois comme autres possibilités ?

– … Marchand de cannes, peut-être. Parce que vous en avez une extraordinaire. Alors, maintenant, vous voyageriez pour vous approvisionner.

– Cette idée, elle aussi, est assez originale, a-t-il répondu avec un sourire joyeux, mais je ne suis ni un savant, ni un marchand de cannes. Si j’ai toujours ça avec moi, c’est que j’en ai besoin comme arme pour me défendre n’importe où et n’importe quand contre les voleurs.

Il a brandi sa canne et il a fendu l’air avec deux ou trois fois. Des fleurs de l’acacia sont tombées en voltigeant.

– Vous avez vraiment attaqué des voleurs avec ça ?

– Non malheureusement, la chance ne m’a pas encore souri de ce côté-là.

– C’est vrai. Les voleurs n’apparaissent pas comme ça à tout bout de champ, j’ai dit…

Autrefois j’étais poète, a murmuré l’homme, quelqu’un qui écrit des poèmes. Des poèmes. Tu sais ce que c’est ?

J’ai acquiescé :

– On nous en fait réciter en cours de japonais.

– Oui, c’est ça.

– Mais maintenant, vous ne l’êtes plus.

– Aah, c’est exact…

– Maintenant, mettant à profit mon expérience de poète, je fais de nouvelles affaires. Mon magasin est une « titrerie ». C’est bizarre, hein ? Tout le monde le dit.

– Moi je connais une chemiserie, j’ai déclaré, pour lui faire comprendre que ce n’était pas si bizarre que ça.

– Ooh, c’est vrai ? …

– Alors, qu’est-ce que vous vendez dans votre magasin ?

– Comme son nom l’indique, j’y vends des titres. La chemiserie, elle vend bien des chemises, hein ?

– Oui, euh, c’est ça.

– Un fait inoubliable qui s’est déroulé dans un passé lointain. Un souvenir douloureux. Un précieux secret que l’on ne dévoile à personne. Une expérience étrange qu’on ne peut pas expliquer raisonnablement. Il y a toutes sortes de choses, et mon travail, c’est de mettre un titre sur les souvenirs que m’apportent les clients.

– Seulement mettre un titre ? C’est tout ?

– Tu trouves que c’est pas suffisant ? Mais tu sais, le travail n’est pas aussi facile que tu l’imagines. Il faut d’abord tendre l’oreille au récit raconté par les gens, et même si ça n’est pas forcément intéressant, il faut tout accepter. Ça nécessite de la patience et de la largeur d’esprit. Après, il faut encore faire une analyse minutieuse qui conduit à un titre reliant intimement le demandeur à son souvenir.

– Je me demande pourquoi un titre est nécessaire.

– C’est un doute tout à fait pertinent.

Il a hoché la tête, admiratif. Nous étions adossés l’un à côté de l’autre au tronc de l’acacia.

– Un souvenir qui n’a pas de titre s’oublie facilement. Au contraire, un titre approprié permet aux gens de le conserver indéfiniment. Parce que tu sais, on peut lui assurer un endroit où le garder en son cœur. Même si on ne se le rappellera peut-être jamais plus de sa vie, il y a là un tiroir, et c’est rassurant de pouvoir y coller une étiquette… »


Extraits de : « La guide » nouvelle contenue dans « La mer » 2006  Yoko Ogawa.

Illustrations : 1/ « Le repaire du bibliophile »  William Fettes Douglas 1822-1891  2/ « Un beau livre »  Karoly Ferenczy 1862-1917.

…..

Choisir ses mots avec attention…

BVJ – Plumes d’Anges.