Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Mont huppé…

samedi 12 novembre 2022

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« … Dans la tradition fabuleuse, avais-je écrit en substance, la Montagne est le lien entre la Terre et le Ciel. Son sommet unique touche au monde de l’éternité, et sa base se ramifie en contreforts multiples dans le monde des mortels. Elle est la voie par laquelle l’homme peut s’élever à la divinité, et la divinité se révéler à l’homme…

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Or, j’avais entendu parler, comme vous, dans mes lectures et dans mes voyages, d’hommes d’un type supérieur, possédant les clefs de tout ce qui est un mystère pour nous. Cette idée d’une humanité invisible, intérieure à l’humanité visible, je ne pouvais me résigner à la regarder comme une simple allégorie. Il était prouvé par l’expérience, me disais-je, qu’un homme ne peut pas atteindre directement et de lui-même la vérité ; il fallait qu’un intermédiaire existât – encore humain par certains côtés, et dépassant l’humanité par d’autres côtés. Il fallait que, quelque part sur notre Terre, vécût cette humanité supérieure, et qu’elle ne fût pas absolument inaccessible…

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… Avec un groupe de camarades, je partais à la recherche de la Montagne qui est la voie unissant la Terre au Ciel ; qui doit  exister quelque part sur notre planète, et qui doit être le séjour d’une humanité supérieure : cela fut prouvé rationnellement par celui que nous appelions le Père Sogol, notre ainé dans les choses de la montagne, qui fut le chef de l’expédition.

Et voici que nous avons abordé au continent inconnu, noyau de substances supérieures implanté dans la croûte terrestre, protégé des regards de la curiosité et de la convoitise par la courbure de son espace – comme une goutte de mercure, par sa tension superficielle, reste impénétrable au doigt qui cherche à en toucher le centre. Par nos calculs – ne pensant à rien d’autre -, par nos désirs – laissant tout autre espoir -, par nos efforts – renonçant à toute aise -, nous avions forcé l’entrée de ce nouveau monde. Ainsi nous semblait-il. Mais nous sûmes plus tard que, si nous avions pu aborder au pied du Mont Analogue, c’est que pour nous les portes de cette invisible contrée avaient été ouvertes par ceux qui en ont la garde. Le coq claironnant dans le lait de l’aube croit que son chant engendre le soleil ; l’enfant hurlant dans une chambre fermée croit que ses cris font ouvrir la porte ; mais le soleil et la mère vont leurs chemins, tracés par les lois de leurs êtres. Ils nous avaient ouvert la porte, ceux qui nous voient alors même que nous ne pouvons nous voir, répondant par un généreux accueil à nos calculs puérils, à nos désirs instables, à nos petits et maladroits efforts… »

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Un livre inachevé au titre étonnant,

« Le Mont Analogue – Roman d’aventures alpines, non euclidiennes et symboliquement authentiques »

 cinq chapitres, l’auteur en prévoyait sept mais une tragique tuberculose a sonné la fin abrupte de ce récit. Quel dommage mais comme au fil des pages on navigue dans une histoire étrange, la « fin » ne pouvait que l’être aussi. Des notes de l’auteur, un plan d’écriture nous montrent une voie, laissent quelques traces, indiquent une direction, c’est à nous de continuer la route pourrait-on dire…

L’histoire ? Suite à la parution d’un article dans « La revue des fossiles » sur l’existence du Mont Analogue, histoire sortie de l’imagination – intuitive ? – du narrateur Théodore, un certain Pierre Sogol lui propose une rencontre, ils mettent au point avec quelques amis une expédition vers le mont invisible, ils prennent la mer sur un yacht nommé L’Impossible… Ce journal de voyage est extra-ordinaire, on y conte des situations inattendues et décalées, des inventions extravagantes. Les personnages changent doucement leur manière de voir, ils s’allègent de beaucoup de choses qui leur semblaient pourtant indispensables…

L’édition de 2021 offre deux versants à cette lecture : le texte initial du roman – Le Mont Analogue – paru en 1952 se trouve entre préface et postface de Patty Smith, auxquelles Gallimard a ajouté de précieux documents : témoignages, lettres, photographies. L’amour de la montagne de l’érudit René Daumal est absolu, il vit la montagne dans sa chair, elle le soigne et le nourrit. Partout et à tout moment, il cherche le sens et l’essence des choses, avec joie et drôlerie.

Autre découverte et pas des moindres, l’artiste peintre Hilma af Klint dont une œuvre apparait sur la couverture jaune de l’ouvrage, elle eut un itinéraire singulier qui ne peut laisser indifférent, une femme en lien spirituel avec René Daumal.

Ce livre est un cadeau des cieux, je l’ai apprécié sous toutes ses facettes et je sais qu’il y a encore beaucoup, beaucoup à y découvrir. N’hésitez pas à suivre les liens en cliquant sur les noms propres soulignés, j’espère que vous-aussi suivrez ce sillage avec délectation…

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« … Le Mont Analogue. Un livre si merveilleux, un conte à dire avant de s’endormir, un récit aux respirations si distantes que de la glace se forme sur les cils. C’est une montagne née de l’esprit de son créateur, une manifestation imaginaire, un miroir massif et impassible. Sa surface cristalline est indétectable, sa zone de navigation impossible à cartographier. On ne la trouvera pas si l’approche n’est pas effectuée selon le bon angle, à certains endroits et à certains moments… »   Patti Smith

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Extraits de : « Les Monts Analogues » –   René Daumal  1908-1944  – Édition de 2021 préfacée par Patti Smith .

Illustrations : 1/« Glacier de Rosenlaui »  John Brett  1831-1902  2/« Peintures pour le Temple – Retable 1 – Groupe 10 » Hilma af Klint 1862-1944.

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Un pas de côté, vers un au-delà…

BVJ – Plumes d’Anges.

Ordre intérieur…

vendredi 4 novembre 2022

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« … Déposer pour quelques minutes, quelques heures, la contrainte sociale. Se reconnaître simplement vivant même quand les autres vivants ne sont pas là, c’est enrichir sa façon d’habiter le réel. C’est s’accorder un peu mieux avec l’habit de chair que nous avons revêtu au jour de notre conception. Parce qu’il ne saurait y avoir d’expérience sans fécondité et qu’il ne tient qu’à nous que ce que nous vivons, même le plus déconcertant, même le plus âpre, porte un fruit – et si possible un fruit qui ne soit pas amer – l’expérience du silence est à tenter. Un temps dont les fruits se révèleront  peut-être tardifs, peut-être discrets. Mais qui pourrait imaginer qu’il n’y ait aucune suite à cette expérience là ?

Que l’on s’arrête un moment sur l’image de la jachère. Il y a autant de différence entre ce qui est utile et ce qui est fécond qu’entre le champs cultivé et la terre laissée en repos. (…)

Quels sont les moineaux de nos vies, ces sentiments tenaces et négligés, ces idées saugrenues, ces désirs qui ne demandent qu’à germer ? Quelles sont ces herbes folles dont on ignore jusqu’au nom faute de leur accorder une place dans nos vies trop sages et qui, pour peu qu’on leur prête vie, nous réserveraient l’émerveillement d’un épi chargé de grains ? Quelles sont ces petites voix trop basses que nous avons cessé d’entendre sans nous en rendre compte ?

Oui, le temps du silence est temps de jachère…

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… Chut. Marquons une pause, taisons-nous un peu. Offrons parfois, si peu que cela soit, la possibilité d’une écoute. Faisons place à la parole de l’autre. Donnons à sa voix et à ses mots vrais une chance d’émerger : « Et toi, comment vas-tu aujourd’hui ? Mon ami, mon frère, qu’as-tu à me dire ? Comment va ta vie ? Qui es-tu ?…

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Dans le plein silence, dans cette présence au monde que je rêve la plus nue et la plus apaisée possible, le réel entier me rejoint. Ce ne sont plus seulement mes frères humains à qui je fais place mais voici mes frères non-humains : les arbres et les herbes, les oiseaux et les insectes, les éveillés à plumes, à poils et à écailles… Je sens battre ma vie et, parce que j’en suis consciente, viennent à ma conscience toutes ces vies qui ne sont les miennes et qui toutes ensemble battent, pulsent, et chantent et s’agitent et font avec moi monde commun. Le matin bruit de battements d’ailes, de grattements de froissements. Le hérisson ronchonne sous le laurier, les fleurs de lilas se défroissent imperceptiblement. Le ver de terre pousse son tunnel sous les tulipes, trois hérons remontent la rivière et en haut du sapin le merle s’égosille ; autour de moi la ville s’éveille. Je ne suis qu’une poussière dans le vivant multiple.

Jamais seule.

Oui : je me tais et voici que tout me parle… »

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« Un si grand désir de silence » est un très bel essai d’Anne Le Maître, émaillé de riches références. Ce nouveau monde dans lequel la « modernité » nous a tous plongés est ultra bruyant. Notre esprit ignore le repos et l’apaisement, il est sollicité en permanence, de façon visible mais aussi de façon insidieuse et invisible, on ne prend plus de recul, on bavarde sans cesse ou l’on écoute des bavardages.

Anne Le Maître nous invite ici à faire une expérience du silence en toute conscience : un silence fécond, qui porte en lui sens et profondeur, valeurs indispensables à notre bien-être et à notre évolution humaine et spirituelle. Faire silence pour mieux entendre l’autre, mieux entendre la vie qui par petites notes se dévoile et nous ouvre de nouveaux horizons se renouvelant à l’infini. Faire silence pour que notre attention nourrisse notre inspiration. Faire silence pour s’enrichir les uns les autres, magnifique chemin… Merci Anne.

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Extraits de : « Un si grand désir de silence«   2020  Anne la Maître.

Illustrations : 1/ »Paysage, Gay Head dans le Massachussets »  2/« Esprit d’automne »  Albert Pinkham Ryder  1847-1917.

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Chercher ce que le silence a à nous dire…

BVJ – Plumes d’Anges.

Incandescences…

lundi 24 octobre 2022

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« …↕À l’heure de mourir, Haru Ueno regardait une fleur et pensait : Tout tient à une fleur. (…)

Il savait qu’il serait mort bientôt et il se disait : Enfin, je suis accordé aux choses…

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… Au cours des siècles, des hommes avaient assemblé les bâtiments et les jardins, disposé les temples, les arbres et les lanternes et, à la fin, ce labeur patient avait engendré un miracle : en arpentant les allées, on se sentait tutoyer l’invisible. Beaucoup en créditaient le mérite aux présences supérieures qui hantent les lieux sacrés mais Haru, lui, avait appris des pierres de son torrent que l’esprit naît de la forme, qu’il n’y a rien d’autre que la forme, la grâce ou la disgrâce qui en résultent, l’éternité ou la mort contenues dans les courbes d’un rocher…

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Ainsi, Haru Ueno était né et mourrait en regardant un iris. Désormais, il le savait : pour être présent aux choses, il lui fallait naître ou mourir et cela, chaque fois, aurait lieu au jardin…

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À un moment, Keisuke s’adressa au frère d’Isao.

– Alors, Ieyasu, tu crois en la vie idéale ?

Bien-sûr, l’autre était trop soûl pour répondre.

– Elle n’existe pas, dit Keisuke. Ne juge pas trop sévèrement tes parents et tes frères, ils croient en ce qu’on leur a dit de faire plutôt que de faire ce en quoi ils croient et tant d’autres encore sont comme eux. Mais Isao, lui, ne croyait qu’en l’humanité et, pour cette raison, il était de ces hommes avec lesquels une vie idéale est possible…

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Au sol, une mousse épaisse, veloutée et presque phosphorescente, courait sur les racines et les pierres. Plus loin, une clairière abritait un étang d’où montaient les brumes légères de l’hiver. Tout autour, les branches noires de janvier calligraphiaient un poème secret. Haru s’enfonça dans le sous-bois et flâna sous les brisures de soleil pâle. Il s’arrêta, leva les yeux vers les frondaisons des cyprès et des érables nus. Ils sont immobiles mais ils engendrent la vie, pensa-t-il, alors que nous arrachons nos racines pour échapper à notre ombre. Puis, dans la lignée de ce qu’il avait compris en quittant ses montagnes après la mort de son père : ailleurs est ici, dans la transformation…

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… – Mais tout homme se représente la vie, dit Paul.

– Cette chienne, dit le potier. Tu crois qu’il y a beaucoup plus à en dire ?

Paul ne répondit pas.

– Et toi, demanda Keisuke à Haru, de quelle façon te la représentes-tu ?

– Comme la traversée d’un fleuve, répondit-il, un fleuve d’eau noire à force d’être profonde. Je ne peux en voir le fond mais il faut traverser tout de même.

Keisuke le regarda avec tendresse.

– Tu fais bien, dit-il, la rosée est sur l’autre rive… »

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C’est un roman publié en 2022 dont la suite a été publiée en 2020. Étrange non ?

C’est l’histoire d’Haru Ueno qui nous plonge dans les vieilles mémoires de sa vie. Il a quitté sa famille et ses montagnes, il vit à Kyoto où il est devenu un riche marchand d’Art très renommé. Il soutient et promeut le travail d’artistes, mène une vie où les rencontres féminines sont nombreuses mais ne vont pas loin, retrouvent ses amis chaque jour, le saké – la boisson des dieux – coule à flot…

Il habite une splendide maison de bois et de verre qu’il a lui-même dessinée, au bord d’une rivière face aux montagnes de l’est. Au centre, une cage de verre ouverte sur le ciel où un érable offre le divin spectacle des métamorphoses liées à la valse des saisons. Un soir, il fait la rencontre de Maud, une française à la chevelure flamboyante, ils partagent dix nuits exaltantes, elle quitte le Japon et rentre en France. Peu de temps après, il apprend qu’elle attend un enfant, une certitude s’installe en lui, c’est son enfant. Une vague d’amour déferle en lui instantanément. Maud confirme cette paternité mais lui interdit d’approcher cet enfant. Haru n’a pas d’autre choix, il supporte l’ultimatum, à sa façon…

Ce livre nous parle des mues successives de Haru, ce sont des bulles de poésie. J’ai aimé sa douceur, la profondeur de ses interrogations ; il poursuit sa vision du monde, cultive la beauté, l’amitié et l’amour inconditionnel de sa fille. Son quotidien est raconté par petites touches : méditations, balades, discussions amicales, joies et chagrins, apparitions surnaturelles. Tout est dit sur un ton égal, avec délicatesse et dignité, il cherche à éclairer le fil de la vie, cette vie qu’il accepte sans révolte. L’homme se questionne et questionne ses amis jusqu’à leur dernier souffle, jusqu’à son dernier souffle, ils s’enrichissent de toutes les réponses offertes…

J’aime infiniment Muriel Barbery, elle signe là un vrai roman japonais, dans un monde entre deux mondes.

Si vous voulez lire ou relire la suite, vous pouvez emprunter ce chemin

—>  « Une rose seule »

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Extraits de : « Une heure de ferveur »  2022 Muriel Barbery.

Illustrations : 1/« Mont Hiei »  3/« Phalènes »  Gyoshu Hayami  1894-1935   2/« Chrysanthèmes blancs »  Watanabe Shotei  1851-1918.

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Choisir la ferveur…

BVJ – Plumes d’Anges

Vie en osmose…

lundi 17 octobre 2022

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« … De la cime de la montagne au lac, la neige recouvrait une si grande partie de l’univers de la fille que, près de la moitié de l’année, tout ce qu’elle voyait en regardant par cette fenêtre était un paysage au repos sous un manteau blanc.

Et pourtant, quelle que soit la longueur de l’hiver, le printemps faisait suite, son arrivée douce et, quelque part, surprenante, telles les notes d’un chant d’oiseau au réveil ou le floc de la gouttelette de rosée tombée d’une branche. À mesure que la neige fondait, des rochers noirs, du lichen gris et un tapis de feuilles marron se détachaient de la palette auparavant uniforme du sol de la forêt, et les silhouettes minces, argentées des arbres commençaient à se parer de vert tendre sur le fond de ciguë et de sapins. Ces jours-là, la fille quittait la maison au matin avec son père pour étudier un nouveau monde qui jaillissait de la boue de la forêt et de l’eau au bord du lac…

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… Pour ses douze ans, son père lui offrit un ensemble de silex et d’acier dans une bourse en peau de chevreuil. Et tandis qu’ils se tenaient en haut de la montagne, ce matin-là, surplombant la forêt et le lac, il lui annonça qu’ils devaient commencer à se préparer pour un long voyage, décider ce qu’ils allaient emporter et, même s’il connaissait le chemin, étudier les vieilles terres qu’ils allaient parcourir sur le plan qu’il conservait plié dans un livre.

La fille se tenait à côté de la tombe de sa mère. Elle écouta puis demanda : Où sur les terres ?

Vers l’est, dit l’homme, et il désigna le soleil qui brillait, comme s’il s’était levé ce matin à cette seule fin. Vers l’océan. Après toutes les peaux qu’on a tannées et les poissons qu’on a pêchés, on a besoin de sel. La racine de pacanier ne suffit pas. Si on remplit deux de nos plus grosses gourdes d’eau de mer, ça fait assez de sel pour tanner la peau d’un lièvre.

Comment on en trouve ?

On prendra nos marmites, on fera des feux dans le sable, et on fera bouillir autant d’eau de mer qu’on pourra. On devrait se mettre en route pour rentrer d’ici l’équinoxe d’automne.

Il y a une piste qui mène à cet océan ?

Plus maintenant dit l’homme…

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L’ours retourna la fille du bout de son museau et lécha la croûte de sommeil et de sel dans ses yeux ; elle se réveilla au spectacle d’une éclipse de ciel floue, en forme de tête.

On est à la maison ? demanda-t-elle sans bouger, recroquevillée dans le sable, frissonnante.

Non répondit l’ours… »

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C’est un conte, un voyage au cœur d’une nature omniprésente. Les paysages, les plantes, les animaux sont les rois de l’histoire. 

Un homme et sa fille – on ne saura jamais leurs noms – vivent sur le flanc d’une montagne, « la Montagne isolée ». Nul voisin, nul autre être humain, on sent que quelque chose s’est passé mais on ne saura jamais quoi.

Quelques livres, une vitre héritée des grands parents, une carte sont leurs seuls liens avec le passé. Le père enseigne à sa fille tout ce qu’elle doit savoir pour vivre en totale autarcie, il lui apprend à ressentir les murmures de la vie, à prévoir et devancer les manques, il lui transmet ses connaissances.

Ils fabriquent leurs outils, leurs vêtements, pêchent, chassent uniquement quand c’est nécessaire à leur survie. Au fil de l’histoire, quelques pages de « l’avant » se racontent. Puis vient le moment d’un départ vers l’océan, pour en rapporter son précieux sel. Dans ce périple, un évènement change le cours des choses. 

Les descriptions des lieux, les émotions ressenties sont admirablement décrites. Le visible et l’invisible cohabitent, l’auteur nous offre une expérience singulière, il sait regarder et écouter. On ne peut s’empêcher de penser que vivre en harmonie avec la nature, avec sa douceur et sa rudesse,  et enseigner à l’enfant les apprentissages pour qu’il déploie ses ailes le plus sereinement possible, sont avec l’amour et la beauté, les seules choses importantes d’une existence.

Notre société consumériste veut tout gommer, on ne réfléchit plus, on laisse des machines le faire à notre place, on nous parle d’intelligence artificielle, on bétonne les sols, on entre en guerre… ne serait-ce pas total égarement ?

Je vous invite à lire ce petit livre, son propos est enrichissant, la réflexion qu’il suscite est profonde. Il n’y a aucune image négative, aucun coupable désigné.

Tout est au contraire lumineux, nous sommes seuls mais accompagnés, la fin est très émouvante…

Extraits de : « L’ours »  Andrew Krivak  2020.

Illustrations : 1/« Chute d’eau »  John Henry Twachtman  1853-1902  2/« Mont Monadrock »  Abbott Handerson Thayer  1849-1921   3/« Vagues »  Paul Richard Schumann  1876-1946  4/« Paysage de forêt »  Albert Bierstadt  1830-1902.

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Réapprendre à vivre…

BVJ – Plumes d’Anges.

Éblouissements…

dimanche 2 octobre 2022

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« … La lagune et la gondole sont inséparables et se complètent l’une par l’autre. Sans gondole Venise n’est pas possible. La ville est un madrépore dont la gondole est le mollusque. Elle seule peut serpenter à travers les réseaux inextricables et l’infinie capillarité des rues aquatiques…

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La transparence du ciel, la limpidité des eaux, l’éclat de la lumière, la netteté des silhouettes, la force et la finesse du ton donnaient à cette vue immense une splendeur éblouissante et vertigineuse…

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… À certaines heures, quand l’ombre s’épaissit et que le soleil ne lance plus qu’un jet de lumière oblique sous les voûtes et les coupoles, il se produit d’étranges effets pour l’œil du poète et du visionnaire.

De fauves éclairs jaillissent brusquement des fonds d’or.

Les petits cubes de cristal fourmillent par places comme la mer sous le soleil.

Les contours des figures tremblent dans ce réseau scintillant ; les silhouettes si nettement découpées tout à l’heure se troublent et se brouillent à l’œil…

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… Que de temps, de soins, de patience et de génie, quelle dépense pendant huit siècles il a fallu pour cet immense entassement de richesses et de chefs-d’œuvre !

Combien de sequins d’or se sont fondus dans le verre des mosaïques ! Combien de temples antiques et de mosquées ont cédé leurs colonnes pour supporter ces coupoles !…

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Que de carrières ont épuisé leurs veines pour ces dalles, ces piliers et ces revêtements de brocatelle de Vérone, de portor, de lumachelle, de bleutine, d’albâtre roux, de cyphise, de granit veiné, de granit mosaïcain, de vert antique, de porphyre rouge, de porphyre noir et blanc, de serpentine et de jaspe !

Quelles armées d’artistes, se succédant de générations en générations, ont dessiné, ciselé, sculpté dans cette cathédrale !…

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Sans parler des inconnus, des humbles ouvriers du moyen âge que recouvre la nuit des temps, qui se sont ensevelis dans leurs œuvres, quelle liste de noms l’on pourrait dresser, dignes d’être inscrits sur le livre d’or de l’art !… »

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Images rapportées d’une échappée belle de 24 heures en cité de Venise.

où l’œil se doit d’être curieux pour traquer des détails insoupçonnés.

 Tourner quelques pages du merveilleux « Voyage en Italie » de Théophile Gautier,

où l’auteur se fait  virtuose de la description,

(je n’ai d’ailleurs pas trouvé le sens des mots bleutine et cyphise,

sont-ce là des inventions poétiques ?)

et de ce grand livre d’Art à ciel ouvert

dont on ne se lasse de découvrir les trésors,

mais qu’on abandonne volontiers pour retrouver le calme et la nature sauvage…

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Extraits de : « Voyage en Italie »  Théophile Gautier  1811-1872.

Photos BVJ – Venise – septembre 2022.

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Se laisser éblouir un instant…

BVJ – Plumes d’Anges.

Un jour…

vendredi 16 septembre 2022

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« … « Un jour, je serai libéré de l’ego. » Qui parle ici ? C’est l’ego. Se libérer de l’ego n’est pas vraiment un gros boulot. Il vous suffit d’être conscient de vos pensées et de vos émotions, quand elles arrivent. Il ne s’agit pas vraiment d’un « faire », mais d’un « voir » vigilant. Et dans ce sens, il est vrai que vous ne pouvez rien faire pour vous libérer de l’ego. Quand la pensée bascule vers la conscience, une intelligence bien plus grande que la ruse de l’ego commence à entrer en jeu dans votre vie… »

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Livre ouvert sur une page, au « hasard »…

Période d’interrogations, les doutes sont présents…  Apparaissent des « illuminations », ces marches gravies vers la lumière : derrière les étoiles se cachent d’autres étoiles, le processus est en marche, il nous faut toujours avancer, l’important est d’être conscient ; qui parle en moi ? quelle est cette voix ? – quelle est cette voie ? – la mienne qui bruisse ou bien celle qu’entend ma conscience ? Merveilleux chemin… à cheminer joyeusement !

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Extrait de : « Le chemin vers l’unité »  Eckhart Tolle.

Illustrations : 1/ »Hélène Schlapp-Iona » John Duncan  1866-1945  2/ « Œil d’oiseau » Dessin anonyme.

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Se découvrir…

BVJ – Plumes d’Anges.

Continent de beauté…

dimanche 4 septembre 2022

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« … Pour qui habite depuis toujours sur une île aride, apprendre qu’il existe un continent au-delà de l’horizon change la perception de l’univers, même s’il doit construire de ses mains le navire qui lui fera traverser l’océan…

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J’avais le pouvoir de changer la réalité, même si ce n’était qu’à l’intérieur d’un cadre limité. Je pris conscience ce soir-là de l’immense jouissance de la fiction qui nous aide à remettre la vie d’aplomb, de la fiction qui concurrence la réalité par l’invention d’un monde rendu vivable, avec ses personnages imaginaires, ses règles invraisemblables, ses monstres terrifiants que des épées invincibles finissent par transpercer. Et même si Denis ne l’aurait pas admis, j’avais raison à ma manière : il n’y a pas un artiste qui ne soit occupé à échafauder des chimères ; pas un artiste qui ne soit un maître de ce mensonge qui aide à vivre. Pas un artiste ; pas un enfant…

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Dans quel cheminement était-il engagé ? Et si c’était lui qui avait raison ? Et si la seule chose à faire était de rompre avec nos habitudes, avec la vie que nous connaissions, pour n’être plus personne, se recommencer ?…

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« Tu sous-estimes le pouvoir de la beauté, dit Florence. La beauté et la bonté, voilà ce que nous devrions tous poursuivre, chaque jour, sans concession. »…

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… – « Comment vous remercier ? dis-je à Bachir alors qu’il me raccompagnait vers la route.

– Nous aurons toujours besoin de la beauté, répondit-il, autant que de légumes. Pour reprendre courage. Il nous faudra du courage devant ce qui vient. »

À partir de ce soir là, la montagne fut différente. Être entouré de personnes bienveillantes vous donne une force surhumaine. Vous devenez un morceau d’une entité, d’un essaim d’abeilles qui œuvre à la réalisation d’une tâche commune, qu’on appelle harmonie, entraide ou fraternité. Les idées deviennent palpables quand vous les partagez avec d’autres. L’univers devient meilleur…

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Le monde a continué de s’effriter à une vitesse que nous n’avions pas osé imaginer, comme une falaise de craie sous l’effet d’une érosion accélérée, laissant tomber de grands blocs de ce qui semblait le constituer à jamais. On croit notre monde impérissable, une forteresse de valeur imprenable, jusqu’au jour où il prend l’apparence d’un fétu de paille que le moindre coup de vent suffit à dégager. On croit que quand une catastrophe arrive, elle balaie tout sur son passage. Tabula rasa. C’est faux. Elle détruit certaines choses et en laisse d’autres persister. Elle sauvegarde les structures anciennes ; elle les renforce, même…

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Chaque jour j’apprends les vertus du temps. Je regarde les fossiles incrustés dans la craie, ceux qui remontent quand je retourne un lopin de terre : la moindre chose dans la nature a besoin de temps. Et nous, les artistes, nous les humains, nous voulions que nos entreprises aillent vite. Nous voulions produire, sans nous soucier du fait que rien de vrai ne peut sortir d’un substrat mal digéré. J’ai appris à être humble. J’ai appris la joie. J’ai appris qu’elle n’est rien d’autre que le sentiment inconditionnel de la vie qui persiste une fois réduits au silence les bruits qui la rendait inaudible. La joie est le bruit de la rivière quand les grillons se sont tus et que l’on perçoit à nouveau l’aigu du clapotis, la médiane du courant et les basses du flot sur les grosses pierres. J’ai appris à connaître toutes les pierres de la rivière. J’ai compris que ces pierres n’ont pas besoin d’apprendre à me connaître ;  que la nature n’a pas besoin de moi. Que moi seule ai besoin d’elle… »

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L’héroïne de ce roman est née dans un milieu défavorisé à Calais. Élevée par une mère célibataire et alcoolique, violentée dans le collège de sa jeunesse par une bande d’irresponsables, elle a une révélation quand un courageux professeur emmène sa classe à l’Hôtel Biron pour y découvrir les œuvres d’Auguste Rodin. Sabrina est en extase, elle observe, s’émerveille, scrute les détails. Ce jour-là, elle décide : elle vouera sa vie à la beauté.

Elle se met à dessiner, va aux Beaux-Arts, étudie, lit pour combler ses lacunes, sa volonté est impressionnante, pourtant le chemin sera semé d’embûches. Victime de prédateurs, soutenue par le retour à la terre, à la simplicité et la solidarité, Sabrina cherche l’inspiration au milieu des doutes. Jamais elle ne perdra de vue son seul but, vivre par et pour la beauté. Elle tombe et se relève dans notre monde en crise jusqu’à l’acceptation totale d’elle même.

C’est une roman d’aujourd’hui, une critique de notre monde consumériste. L’auteure  est brillante, on sent sa grande culture, initiée à l’Art contemporain, elle nous parle de lieux et d’artistes qui ont un vrai parcours, se désole de l’art lié uniquement à l’argent et aux spéculations. Une grande place est donnée aux problèmes rencontrés par notre monde aujourd’hui, l’écologie, les migrants, elle prône un retour à l’essentiel, à la quête de notre humanité profonde.

Là est encore une très belle lecture, quelle chance !!!

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Extraits de : « La mélancolie du monde sauvage »  2021  Katrina Kalda.

Illustrations : 1/« Étude de nu »  Henri Lehman  1814-1882  2/« Paysage du Ventoux »  Pierre Grivolas  1823-1906.

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Suivre les chemins de la beauté et de la bonté…

BVJ – Plumes d’Anges.

Les yeux de la Terre…

dimanche 28 août 2022

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« Vider son cœur

Marcher vers le centre de l’univers

Au centre du vide

Personne  rien…

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Par le chemin intérieur

Par le chemin de l’éveil

Se dissipent les ténèbres

Commence à s’ouvrir le chemin lumineux…

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Celui

Où bat le cœur de l’univers

Où s’éveillent les cellules

Je lance des graines de lumière

Sur la terre et dans le ciel. »

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Poème « A la recherche de la lumière »  Bang Hai-Ja

Artiste peintre, poétesse et calligraphe coréenne.

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« En écoutant le chant du cœur

Entrer dans la profondeur

Ouvrir l’espace intérieur

Peindre le chant de la vie…

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… En créant le silence

Chercher le silence

Ouvrir l’espace

Peindre la transparence…

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… En allumant la flamme du cœur

brûler corps et âme

Pénétrer espace et temps

Et s’élancer vers l’infini. »

Poème « Cheminements »  – Bang Hai-Ja

Artiste peintre, poétesse et calligraphe coréenne.

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Les lacs sont, dit-on, les yeux de la Terre.

Petits ou grands, il en émane une incroyable sérénité. Plongeant dans leur regard,

j’ai envie de partager avec vous un immense coup de cœur pour l’artiste

Bang Hai-Ja

et vous invite à suivre trois liens (qui se cachent sous son nom).

Pérégrinez sur les chemins de ses créations,

qu’elles soient poétiques – plusieurs livres ont été édités – ou picturales,

ses œuvres sont nimbées d’une magnifique énergie.

Elle utilise des pigments naturels en provenance

du monde entier, peint sur du papier de mûrier qu’elle froisse et défroisse.

Elle a aussi réalisé une série de splendides vitraux pour la cathédrale de Chartres.

Il est des Êtres et des lieux inspirés qui laissent en nous d’incroyables effluves,

ouvrons l’œil une fois encore,

remercions la vie de les placer sur nos chemins.

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Photos BVJ  – 1 à 6, 8  : Lacs en Suisse ; 7  : Lac en Italie – Août 2022.

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Ouvrir les yeux sur la Terre mère…

BVJ – Plumes d’Anges.

L’Aventure humaine…

lundi 8 août 2022

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« … Ce qui me paraît important, c’est le Chautauqua, voilà le seul mot que j’aie trouvé pour exprimer ce que j’ai dans la tête. On appelait Chautauqua, autrefois, les spectacles ambulants présentés sous une tente, d’un bout à l’autre de l’Amérique, de cette Amérique où nous vivons. C’étaient des causeries populaires à l’ancienne mode, conçues pour édifier et divertir, pour élever l’esprit par la culture. Aujourd’hui, la radio, le cinéma et la télévision ont supplanté le Chautoqua. Il me semble que ce n’est pas vraiment un progrès. Mais peut-être le courant de la conscience va-t-il plus vite, à l’échelle de la nation ? Dans le Chautoqua qui commence ici, je ne veux pas ouvrir de nouvelles voies à la conscience, mais simplement un peu davantage les anciens chenaux, comblés par des débris de pensées poussiéreux et de platitudes infiniment répétées. « Quoi de neuf ? », voilà une question éternelle, toujours intéressante, toujours enrichissante ! Mais si l’on en reste là, il n’en résulte qu’un étalage de trivialités à la mode, le tout-venant de demain. J’aime mieux cette autre question : « Qu’est-ce-qui est mieux ? » – question qui va en profondeur et qui permet d’atteindre la mer. Il y a dans l’histoire de l’humanité des époques où les chemins de la pensée ont été tracés, si fort qu’aucun changement n’était possible et que rien de neuf n’arrivait jamais. Le « mieux » était alors affaire de dogme. Ce n’est plus le cas. De nos jours, le courant de conscience collective semble déborder, perdre sa direction originelle, inonder les terres basses, séparer et isoler les hautes terres – sans autre finalité que l’accomplissement stérile de son propre élan. C’est ce chenal qu’il convient aujourd’hui de creuser…

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Je voudrais parler maintenant d’un autre genre de sommets : les sommets de la pensée humaine, qui, d’une certaine façon, me semblent provoquer des sensations analogues à celles qu’on éprouve en gravissant les hautes montagnes.

Si nous considérons l’ensemble du savoir humain comme une énorme structure hiérarchique, les sommets de la pensée se situent dans les régions les plus élevées, au niveau supérieur de la généralité et de l’abstraction.

Rares sont ceux qui y accèdent – et il n’y a aucun profit véritable à tirer d’une ascension de ces hauteurs. Pourtant, on peut leur trouver une beauté austère, qui justifie l’effort de l’escalade. Dans ce haut pays de l’esprit, il faut s’accoutumer à l’air raréfié de l’incertitude, à l’immensité des questions et des réponses. Les espaces qui s’ouvrent devant la pensée sont tellement plus vastes que ce qu’elle peut saisir, qu’on hésite, qu’on recule, de peur de se perdre et ne jamais retrouver son chemin. Qu’est-ce-que la vérité, et comment peut-on jamais être sûr de la détenir ?… Comment peut-on être sûr de quoi que ce soit ?… Y-a-t-il un moi, une âme qui puisse connaître le vrai, ou bien cette âme n’est-elle qu’un ensemble de cellules qui a pour fonction de coordonner les sens ?… La réalité est-elle un changement incessant, est-elle au contraire fixe et immuable ?… Quel est le sens même du mot « signification » ?…

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Le passé n’existe que dans nos souvenirs, le futur n’existe que dans nos projets. Le présent est notre seule réalité. L’arbre dont on prend intellectuellement conscience, à cause de ce bref laps de temps, est toujours situé dans le passé. Il est donc toujours irréel. Tout objet conçu intellectuellement est toujours situé dans le passé – et, par conséquent, irréel. La réalité n’est que l’instant de la vision qui précède la conscience. Il n’y a pas d’autre réalité. Cette réalité préintellectuelle n’est autre que la Qualité. Phèdre sentait qu’il avait touché juste en la définissant ainsi Puisque tous les objets identifiables par l’intelligence émergent nécessairement de cette réalité préintellectuelle, la Qualité est la source et l’origine de tout sujet et de tout objet.

Phèdre se disait que, si les intellectuels ont en général beaucoup de mal à comprendre ce que c’est que la Qualité, c’est qu’ils se dépêchent de donner à toutes choses une forme intellectuelle… »

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 Dans les années 70, un père et son fils partent pour un road trip en moto depuis le Minnesota jusqu’en Californie, quelques amis apparaissent au fil de l’aventure. Chaque jour, il faut ausculter la machine (la moto), l’ entretenir, démonter des pièces si besoin est, pour mieux comprendre…

Robert semble appliquer ce principe à lui-même. Ancien professeur, il a sombré dans une dépression, voulant pousser à l’extrême une théorie du concept de « Qualité » : l’Homme se doit d’être en adéquation totale avec ses créations, ses mots doivent être choisis et sonner parfaitement juste, il doit viser l’excellence. Celui qu’il était à ce moment de sa vie, cette partie de lui-même, il l’appelle Phèdre. Et Phèdre semble a été son ennemi.

Ce voyage, il l’entreprend pour comprendre, pour démonter et réparer un passé douloureux, son pauvre petit garçon Chris est là à contrecœur, une question lui brule les lèvres…

Il est difficile de parler de ce livre, – son titre pour le moins insolite a peu à voir avec son contenu – pourtant il m’a passionnée, la réflexion qu’il suscite est profonde. Il y a beaucoup de métaphores, c’est une « psy-analyse » sur fond de philosophie, de nature, de souvenirs, de conditions souvent difficiles, de science, de méditation, de dialogues, de silences.

Étonnant récit que ce Chautoqua personnel, je le relirai très volontiers, il y a quelques longueurs mais je suis certaine d’y faire de nouvelles découvertes. Nos sociétés ont un besoin urgent de se réinventer, de laisser leurs vieux schémas derrière elles pour donner place à une humanité à la hauteur du fascinant cosmos. J’ai commandé la suite à la bibliothèque, une surprise à venir…

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Extraits de : « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes »  Robert M.Pirsig  1928-2017.

Illustrations : 1/ « Brume et arc-en-ciel dans le Canyon de Yellowstone »     2/ « Chutes d’eau dans l’Idaho »  Thomas Moran 1837 – 1926.

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S’améliorer…

BVJ – Plumes d’Anges.

Univers saturnien…

dimanche 31 juillet 2022

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« … Montée au refuge  La terrasse d’alpage fut vite traversée et l’on commença d’attaquer la vaste structure composite du flanc de montagne. Ull suivit d’abord un vague sentier qui ne tarda pas à disparaître sous la neige ; tout, à présent, en était recouvert. (Dans les rigoles plates et dans l’intervalle entre des pans de rocher d’inégales hauteurs.) La terrasse ne cessait de plonger vers le bas ; elle se faisait plus lisse encore, absolument lisse. Et voilà que l’éclat du petit jour frappait ce plateau d’une manière étrange : les mille petits cours d’eau (que l’on n’aurait pas remarqués plus bas), la surface des flaques gelées étaient comme des plaques métalliques arrondies par un emporte-pièce multiforme qui se détachaient sur le fond sombre ; certaines de ces plaques, de platine ou d’étain, dont les bords incurvés tissaient des entrelacs d’une incroyable finesse de tranchant, étaient parfaitement mates ; les autres, extraordinairement brillantes, émettaient une lumière intense, sans fluctuation aucune, ni vibration quelconque, sans l’ombre d’une teinte chaude ; leur clarté blanche et vive déchargeait d’un seul coup sa lumière et, tout éclatante qu’elle fût, cette clarté restait d’une dureté impitoyable. Cette continuité, cette infaillibilité sans nuances, était un trait propre aux terrifiants miroirs (qui ne reflétaient rien) et aux parements de métal mat. Que l’on se représente maintenant l’infinité de ces structures – et particulièrement des méandres formés par l’intense ramification des ruisselets – et qu’on les situe tous merveilleusement reliés entre eux sur la tonalité sombre de l’arrière plan – et l’on se sera fait une faible image du somptueux ouvrage de forge que ce plateau, basculant à l’abîme, offrait au regard froid du jour commençant…  »

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Deux hommes, Ull, un alpiniste chevronné et Johann,  un alpiniste qui l’est un peu moins, s’engagent dans l’ascension d’un glacier des Alpes. La météo s’avère mauvaise, les éléments se dressent contre eux, une sourde menace plane. Johann est tétanisé par la peur, il abandonne. Ull continue seul, il sait au fond de lui que c’est une folie mais il s’en va. Face à l’adversité, la personnalité profonde d’un individu se révèle. Une série d’épreuves les attend l’un est l’autre. La fin est…

Je ne vous dévoilerai bien sûr pas le dénouement de cette histoire.

J’ai été émerveillée par la description de la montagne et des situations que peuvent vivre les alpinistes quand tout se ligue contre eux. L’auteur fait preuve d’un tel réalisme, d’un tel sens du détail que l’on peut imaginer qu’il raconte du vécu. Il a, parait-il, écrit et réécrit ce roman plusieurs fois, pour trouver le vocabulaire le plus juste peut être. C’est du grand art, le résultat est à la fois glacial et brillant, on se retrouve vraiment aux côtés de ceux qui ascensionnent , on sent la rudesse des caractères, on vit les évènements, on imagine le roc acéré et cassant, l’atmosphère ténébreuse, l’effort, le froid, l’épuisement…

J’ai buté plusieurs fois sur des mots, l’auteur (ou le traducteur ) voulait-il insister sur la difficulté à avancer dans un tel contexte ? Là est un roman assez fascinant, d’une grande force dont je vous conseille vivement la lecture.

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Extraits de : « Ascension »  Ludwig Hohl  1904-1980.

Illustrations : 1/ et 2/« Crevasses et séracs dans le glacier du Mont Blanc »  Gabriel Loppé  1825-1913.

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Faire parler notre personnalité profonde…

BVJ – Plumes d’Anges.