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« … Le pouce gauche sur le poignet droit, je sens battre mon cœur. Un long moment je reste à l’écoute de ce rythme fidèle et impérieux qui m’accompagne depuis ma naissance et constitue la trame de mon existence.
À travers la séquence ininterrompue des parents et des grands-parents qui me l’ont légué, ce battement sous mon pouce me relie directement au passé lointain de la vie terrestre et m’insère dans une histoire qui dure depuis des centaines de millions d’années.
Je m’inscris dans ce moment précis de l’histoire du monde. Pendant quelques décennies, je tiens le flambeau de la conscience que m’assure ce battement de cœur. Comme tant d’autres auparavant, il s’éteindra tandis que d’autres s’allumeront. Vertige de cette formidable aventure de la vie sur la Terre…
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… La forêt raconte la vie des arbres en images simultanées. Les jeunes pousses voisinent avec les spécimens adultes et les troncs vieillissants. Le sol est jonché de bois pourris. De leur substance se forme le terreau où germent les nouvelles graines.
La forêt nous enseigne à voir la vie sous son angle dynamique. À en avoir une perception d’ensemble intégrée dans la durée du monde…
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… Le beau est-il dans la nature ?
La beauté naît de la rencontre entre le monde et l’être humain qui le perçoit.
« J’ai vu une herbe folle
Quand j’ai su son nom
Je l’ai trouvée plus belle. »
Elle est devenue belle d’être vue et plus belle encore d’être nommée.
« Depuis que Monet a peint les nénuphars d’Île-de-France, ils sont devenus plus beaux, plus grands. » (Gaston Bachelard.)
La beauté naît du regard de l’homme. Mais le regard de l’homme naît de la nature…
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… La Terre tourne sur elle-même et, de ce fait, crée le jour et la nuit. Les effets de cette énorme et inexorable mécanique se font sentir dans d’innombrables évènements à de multiples échelles. Le Soleil disparaît à l’horizon et les lueurs crépusculaires s’éteignent lentement. Les hirondelles se perchent et les chauves-souris s’activent. Les belles-de-jour se ferment et les belles-de-nuit déploient leurs corolles pastel.
Des phénomènes à un niveau donné – ici la rotation des corps célestes – deviennent des cadres où s’inscrivent de multiples phénomènes à d’autres niveaux. Le mouvement de la Lune dénude et recouvre périodiquement les bords de mer. Et une multitude de plantes et d’animaux vivent au rythme des marées, dans cette zone dont on dit joliment qu’elle est « réclamée » par la mer. Ainsi se construit la réalité.
Un vieux paysan termine sa récolte et rentre chez lui, la fourche sur l’épaule, dans la brume d’automne. Des nappes d’air froid descendent des régions septentrionales. Elles condensent la vapeur d’eau et couvrent la campagne d’un épais brouillard gris. Quand l’hiver se termine, la nécessité de juxtaposer physiquement les graines mâles et femelles provoque l’infinie multiplicité des parades nuptiales, des passions amoureuses et des peines de cœur.
La collision de la jeune Terre avec une autre planète est vraisemblablement responsable de l’inclinaison de son axe orbital autour du Soleil. Cet évènement cataclysmique d’il y a quatre milliards d’années ne fut observé par personne. Mais ses effets sont encore présents. Nous lui devons le cycle des saisons. Art de la nature de broder indéfiniment sur des réalités élémentaires…
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… Être « du côté de la vie ». La compassion universelle pour tout ce qui vit…
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… L’important se situerait dans la richesse du contact avec l’univers. À la jonction du monde intérieur et du monde extérieur. Il serait de l’ordre du plaisir et de la contemplation… »
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Extraits de : « L’espace prend la forme de mon regard » 1995 Hubert Reeves.
Illustrations : 1/« Urania, Muse de l’Astronomie » Raffaello Sanzio 1483-1520 2/« Géographie des plantes » Alexander von Humbolt 1769-1859 3/« le Grenadier » Détail d’une fresque de la Villa di Livia à Rome – époque JC.
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Prendre conscience de la grandeur de l’aventure humaine…
BVJ – Plumes d’Anges.
Je « monte » à Paris dans quelques jours et ma première visite sera pour les nymphéas de Monet. Merci de m’avoir rappelé cette phrase de Bachelard.
Bonne journée.
Voilà bien un passeur de rêves et de savoir
Je savoure toujours la surprise (ou non) de découvrir le nom à la fin du texte. J’aurais pu m’en douter ; un très beau texte, richement illustré, comme tu en as le secret. Bonne journée Brigitte.
La beauté, selon moi, nait d’une quête d’infini logée au plus profond de chaque être humain. Lorsque l’on regarde quelque chose qui nous rappelle un tant soi peu cet infini, le coeur est ému. Il se dilate et éprouve le désir de s’approprier une petite parcelle de cette « chose » en la nommant pour la caser dans un coin de sa mémoire. Amitié Brigitte.
Prendre conscience que nous sommes étroitement reliés à l’univers. Merci pour ce très beau billet qui me parle beaucoup ! Tu dois t’en douter 😉
Je n’ai pas lu cet ouvrage de H. Reeves et je m’empresse de l’ajouter à ma liste. Merci !
Nous cherchons dans l’univers la clarté et l’exactitude de nos pensées…Hubert Reeves apporte souvent réponses à nos questions.
Merci Brigitte pour ce brillant article !
Vraiment, un très beau texte. Nous sommes des enfants de l’univers et nous n’en avons pas assez conscience. Un sujet qui m’est cher!
Etre du côté de la vie… Très jolie phrase.
Bise et belle soirée.
Très, très beau texte! Et j’aime particulièrement Hubert Reeves et ses Poussières d’étoiles… Nous sommes si peu de chose!
La première illustration est une de tes photos ou est-ce une recherche sur le net? J’adooore!
Bisous, plein de bisous ma belle
Mon commentaire de l’autre jour semble avoir pris la poudre d’escampette pour se dissoudre dans une partie de l’univers , laquelle ? Je ne sais malheureusement pas. Belle soirée Brigitte