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« … il fait froid, gris, on se demande d’où jaillira l’étincelle, l’émotion, car elles viendront de manière somptueusement inattendue comme toujours.
Jour si long, depuis que des journées a disparu la lumière du jour, affaiblissement du regard porté sur les choses ? de la vue ? de la rétine ? ou, pourquoi pas, des rayons du soleil ! La nature s’affaiblirait-elle au même rythme que nous ou la devancerions-nous sur le chemin d’une perte où elle nous accompagnerait obligeamment en nous donnant le change : c’est elle qui s’exténue et rétrécit, pas nous. Pourtant, la nature en nous, rivée à nous, lorsque les bourgeons s’ouvrent, est là pour te dire, à toi l’élu et à toi seul, que tu es l’unique être capable de percevoir l’entièreté de leur poussée et de leur beauté intransigeante, généreuse, beauté de la turgescence, beauté des efflorescences, beauté de la grâce rêveuse des corolles, des étamines et des pistils différemment agencés selon les espèces et beauté transparente de leur nom : asphodèle, boule-de-neige, bouton-d’or, chrysanthème, digitale…
Qu’est-ce-que savoir, qu’est-ce-que vieillir ?…
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… Je connais un chat qui s’appelle Vladimir. Il est blanc et peureux. Son comportement n’a rien à voir avec son prénom guerrier. Il entre de biais, frôle les murs, qu’il hume, mais s’échappe prestement si on veut lui mettre la main dessus. Il n’est pas possible de le caresser. Un jour, allongée dans ma chambre, en convalescence, quelque chose a soudainement changé dans la consistance de l’air ou du silence : j’ai ouvert les yeux, Vladimir était là, beauté blanche, immobile, tel un hibou, assis sur la couette au pied du lit. Me regardant, comme s’il attendait quelque chose qui ne venait pas. Il avait profité d’une porte mal enclenchée sur le couloir. Il y a eu là comme un échange. Je ne sais plus lequel de nous deux a dit « Miaou »… »
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Mon chat à moi s’appelait Pompilius, Pompon pour les intimes, il était gris, un peu sauvage, il allait avoir 18 ans au début de l’été mais il est parti le 20 février… La maison semble incroyablement vide, le rayonnement de la présence d’un chat est immense. Dehors un petit oiseau chante, peut-être pour me rassurer? me dire que tout va bien de l’autre côté du miroir, c’est juste la vie qui s’étire et se transforme, bientôt reviendra le printemps. Plus on avance en age, plus l’on me semble fragile, pourtant la sagesse voudrait le contraire, il y a encore du travail à faire sur soi…
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Extrait de : « Au gré des jours » Françoise Héritier 1933-2017.
Illustrations : 1/« Poussière dansant dans la lumière » Vilhelm Hammershoi 1864-1916 (illustration déjà utilisée ici) 2/« Oiseau chanteur » Christoph Ludwig Agricola 1667-1719.
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Au gré des jours et des nuits, la vie chante différemment, c’est sa richesse…
BVJ – Plumes d’Anges.