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« … Longtemps, j’ai erré dans une forêt obscure. J’étais presque seul. Peu de voisins, pas d’amis. Pour ainsi dire pas de parents. (…) quelques lunes à peine plus tard (…) Je réfléchissais. Je parlais de plus en plus vite. Les mots m’amusaient. Le monde était beau. Et il y avait autre chose à découvrir que ma forêt primordiale et les arbres où je grimpais. Nous marchions.
Longtemps je m’étais déplacé de bas en haut et de haut en pas. Maintenant je marchais droit devant moi, la tête haute, impatient et curieux. Le soleil n’en finissait pas de se lever devant nous. Je découvrais avec ahurissement, avec admiration un monde nouveau dont je n’avais aucune idée : des peuples, des langues, des villes, des religions, des philosophes et des rois…
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… Tantôt homme, tantôt femme, je suis, vous l’avez déjà deviné, je suis l’espèce humaine et son histoire dans le temps. Ma voix n’est pas ma voix, c’est la voix de chacun, la voix des milliers, des millions, des milliards de créatures qui, par un miracle sans nom, sont passés par cette vie. Je suis partout. Et je ne peux pas être partout. Je vole d’époque en époque…
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… Je n’en finis pas d’alterner le bien et le mal – ou ce qui vous apparait à vous, pauvres de vous, comme le bien et le mal. Je n’en finis jamais d’enchaîner ce que vous appelez mes « grandes dates » et les incidents les plus minuscules de votre vie quotidienne qui relèvent aussi de moi. Je monte jusqu’aux étoiles, je descends jusqu’au ruisseau. Je passe des triomphes, des catastrophes, de tous les bouleversements , de la naissance et de la ruine des civilisations à vos problèmes de santé ou d’argent – qui vous occupent, je peux le comprendre, beaucoup plus que la fin de Troie ou la chute de l’Empire d’Occident – et à vos chagrins d’amour…
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… Partout, l’amour est à l’œuvre pour permettre à mon règne de n’avoir pas de fin…
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… Je suis le temps. Et je suis vous. Au-dessus du temps et au-dessus de vous, au-dessus de l’univers et au-dessus de moi, y-a-t-il quelque chose d’autre ?
Rien peut-être ? Ou seul Dieu peut-être ?… «
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Extraits de : « Et moi, je vis toujours » Jean d’Ormesson 1925-2017.
Illustrations : 1/« Hêtraie » Gustav Klimt 1862-1918 2/« Parapluies sous la pluie » Maurice Prendergast 1858-1924.
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La race humaine, une drôle d’histoire dont il vaudrait peut-être mieux rire ou sourire…
BVJ – Plumes d’Anges.
La Voix du Monde, portée par Jean d’O. , l’inoubliable.
Merci cher Jean, ça ne vous ennuie pas si je te tutoie, on se connaît depuis si longtemps, il suffit de quelques mots merveilleusement choisis par Brigitte, pour que tout revienne, tes si légères graves interrogations, ta profondeur, ta gaieté, le son de ta voix.
C’est vrai que tu vis toujours, indéniablement.
Joie de tout cela !
Superbe texte. Je connais si peu la littérature de Jean d’O. Merci pour cette découverte.
Lui aussi vole d’époque en époque…
Merci pour cet extrait, magnifique, les illustrations aussi.
Bonne semaine Brigitte!
Un extrait qui donne envie d’aller plus loin. Les livres de Jean d’O. qui étaient épuisés reviennent peu en peu sur les tables des libraires, c’est le moment d’en profiter ! Le tableau de Klimt est l’un de mes préférés du peintre.
Klimt, j’en étais sûre – quelle merveille ! Merci pour ces extraits qui correspondent bien à la sagesse souriante de Jean d’Ormesson.
Quelle profondeur pour commencer la semaine! Magnifique, merci. Douce journée, Brigitte. ZaZa
Quelle iconographie ! Merci aussi pour ce texte qui nous offre à nouveau les sourires et le joli regard de Jean d’O retrouvé ! J’adore me promener dans les plumes d’anges aussi colorées et aussi poétique. Bonne journée.
très bon choix de texte et illustrations.
Bonne soirée Brigitte
Oui, Jean d’Ormesson devait bien sentir cela, il était celui qui avait retrouvé son chemin, et il en avait été joyeux et avait beaucoup écrit après;
Merci, Merci Brigitte pour ce cadeau du matin ! Une ode à l’Homme par Jean d’Ormesson.
Ce texte fait du bien ! Et tes tableaux aussi !
Je t’embrasse. Belle journée ensoleillée ici !
je viens juste de regarder un film sur Klimt ou plutôt ses tableaux, j’aurais parié et perdu en voyant cette hêtraie car je l’imaginais Russe
La race humaine……Un vieux bateau qui tangue et passe à travers les récifs. Depuis des siècles il poursuit sa route cherchant sa destination et souvent troublé par le chant des sirènes. Vieux rafiot ou beau voilier , porté par le vent de l’espoir ?
Bonheur du soir, cette découverte de l’association Jean d’Ormesson-Klimt !
Hier, son premier volume de la Pléiade nous a été offert : c’est un cadeau précieux !
L’enchantement survivra à sa mort car il avait accédé à l’universel…
Merci, chère Brigitte, de nous le faire revivre dans l’allégresse et
les couleurs de Venise !
Chère Brigitte,
Avant de lire « Et moi je vis toujours » à l’intérieur une petite voix me parlait du Temps et d’un possible Dieu du Temps…et un jour découvrir ce merveilleux personnage qui mettait en écrits tout ce ressenti intérieur…
Serein bonheur…
Le temps, indifférent, se joue de tout … pendant que nous tentons, sans cesse, de déjouer le temps !
Douces pensées
Michèle
Chère Brigitte, Merci de ce très beau texte, profond et délicieux comme l’était son auteur.
Et oui, rêvons!! Le rêve n’est pas juste un vagabondage de l’esprit, il nous amène, peu à peu, là où nous devons aller.
Je vous embrasse,
Marie-Paule
Merci pour ton coucou, Brigitte :-), ça m’a fait plaisir! J´ai reçu ton dernier message le 3 février, c´est ça ? On a souvent des coupures de l´électricité ici donc l´internet aussi….Bonne journée et à bientôt :-). ZaZa
Un très beau choix de texte par un auteur hors du temps. Amitiés.
Il était vraiment fort, ce Jean !
Fabuleux texte , merci ma Plume.
¸¸.•*¨*• ☆
Les extraits que tu as choisis me donnent très envie de lire ce livre..Merci
Bon, c’est bien beau tout ces mots sur les humains !
Mais maintenant, Jeannot, il sait s’il y a Dieu ou Rien…
Ouille Ouille. Ça fait peur rien que d’y penser !!!
Belle journée
Je découvre ce très beau texte en pensant que maintenant il doit commencer à avoir certaines réponses… Merci Plumes d’Anges et beau dimanche, je t’embrasse