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» Lorsque l’enfant était enfant,
il marchait les bras ballants,
il voulait que le ruisseau soit rivière
et la rivière, fleuve,
que cette flaque soit la mer.
Lorsque l’enfant était enfant,
il ne savait pas qu’il était enfant,
tout pour lui avait une âme
et toutes les âmes étaient une.
Lorsque l’enfant était enfant,
il n’avait d’opinion sur rien,
il n’avait pas d’habitudes,
il s’asseyait souvent en tailleur,
démarrait en courant,
avait une mèche rebelle
et ne faisait pas de mine
quand on le photographiait.
Lorsque l’enfant était enfant,
les pommes et le pain suffisaient à le nourrir,
et il en est toujours ainsi.

Lorsque l’enfant était enfant,
les baies tombaient dans sa main
comme seules tombent les baies
et c’est toujours ainsi,
les noix fraîches
lui irritaient la langue,
et c’est toujours ainsi,
sur chaque montagne, il avait le désir
d’une montagne encore plus haute
et dans chaque ville, le désir
d’une ville plus grande encore,
et il en est toujours ainsi,
dans l’arbre, il tendait le bras
vers les cerises,
exalté,
comme aujourd’hui encore,
était intimidé par les inconnus
et il l’est toujours,
il attendait la première neige
et il l’attend toujours.
Lorsque l’enfant était enfant,
il a lancé un bâton contre un arbre,
comme une lance,
et elle y vibre toujours. »
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Texte de Peter Handke
extrait du film « les Ailes du désir » de Wim Wenders 1987.
Illustrations : 1/« Regarder les bateaux » Winslow Homer 1836-1910 2/« Fraises et noix » 1840 F.Küchlin 3/« Eucalyptus » Guy Rose 1867-1925.
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Être soi-même, être fidèle à soi-même…
BVJ-Plumes d’Anges.