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« Ne t’accorde pas à ton siècle, laisse-le au contraire s’accorder à toi –
Ne sois jamais l’enfant de ton temps ; voilà ce que m’enseigne la course du nuage. »
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« Par une nuit de pleine lune essaye de fixer la galaxie.
Tu verras qu’elle est cours d’eau, avec tes bras pour affluents, ta poitrine pour estuaire.
Aujourd’hui le ciel a écrit son poème à l’encre blanche. Il l’a appelé neige.
Ton rêve rajeunit tandis que tu vieillis.
Le rêve grandit en marchant vers l’enfance.
Le rêve est une jument qui au loin nous emporte sans jamais se déplacer.
Le nuage est las de voyager.
Il descend à la plus proche rivière pour laver sa chemise.
À peine a-t-il mis les pieds dans l’eau que la chemise se dissout et disparaît.
Une rose sort de son lit, prend les mains du matin pour se frotter les yeux.
Le palmier parle avec son tronc, la rose avec son odeur.
Le vent et l’espace vagabondent main dans la main.
Arc-en-ciel ?
Unité du ciel et de la terre tressés en une seule corde.
Il marche sur les versants de l’automne appuyé au bras du printemps.
Le ciel pleure lui aussi mais il essuie ses larmes avec le foulard de l’horizon.
Quand vient la fatigue, le vent déroule le tapis de l’espace afin de s’y allonger.
Dans la forêt de mes jours, aucune place, sauf pour le vent.
Pour toucher la lumière tu dois t’appuyer sur ton ombre.
Je sens parfois que le vent est un enfant qui crie porté sur mes épaules.
Comment décrire à l’arbre le goût de son fruit ?
À l’arc, le travail de la corde ?
Telle une main, la lumière se déplace sur le corps des ténèbres.
C’est l’épaule de l’espace qui s’effondre là-bas sous les nuages noirs.
L’espace dans l’œil de la guillotine est lui aussi tête à couper.
Tu ne peux être lanterne si tu ne portes la nuit sur tes épaules.
Je conclurai un pacte avec les nuages pour libérer la pluie.
Un autre avec le vent pour qu’il nous libère les nuages et moi.
La parole est demeure dans l’exil, chemin dans la patrie.
Qu’il est étrange ce pacte entre les vagues et le rivage –
le rivage écrit le sable, les vagues effacent l’écriture.
Mémoire – ton autre demeure où tu ne peux pénétrer qu’avec un corps devenu souvenir. »
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« Je me fatigue et me repose sur l’azur –
ma fatigue devient lune et soleil en un seul instant. »
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Ce soir… Pleine lune dite lune des neiges…
Restons calme au milieu des tourbillons cosmiques…
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Extraits de poèmes d’Adonis.
Illustrations : 1/« Clair de lune » Oscar Pereira da Silva 1865-1939 2/« Étude de nuages » Knud Baade 1808-1879.
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Offrir nos ondes positives…
BVJ – Plumes d’Anges.