Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Musique céleste…

mardi 12 octobre 2010

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 » Autrefois, en des temps très anciens, se dressait dans les grottes de la Porte du Dragon un arbre kiri *, véritable roi de la forêt. Sa cime haut dressée conversait avec les astres, ses racines profondément enfoncées dans le sol mêlaient leurs anneaux de bronze à ceux du dragon d’argent assoupi sous la terre. Un jour, un puissant sorcier transforma cet arbre en une harpe magique, dont l’esprit farouche ne pourrait être apprivoisé que par le plus grand des musiciens.  Longtemps durant, cet instrument fit partie du trésor de l’empereur de Chine, mais les tentatives de ceux qui essayèrent d’arracher une mélodie à ses cordes restèrent vaines. En réponse à leurs suprêmes efforts, la harpe ne laissait échapper que d’insensibles notes de dédain, qui s’accordaient bien peu à leurs chants. La harpe refusait de se reconnaître un maître.

Vint P’ei Wou, le prince des harpistes. Sa main caressa tendrement l’instrument, comme l’on cherche à apaiser un cheval rétif, puis toucha doucement les cordes. Il chanta la nature et les saisons, les hautes montagnes et la course des torrents – et tous les souvenirs de l’arbre se réveillèrent ! Le souffle tiède du printemps joua à nouveau parmi ses branches. Les jeunes cascades, dévalant les ravins en dansant, souriaient aux fleurs en bouton. À nouveau l’on entendit les voix rêveuses de l’été – myriades d’insectes, doux battement de la pluie, plainte du coucou. Écoutez ! Un tigre a rugi et le val lui répond ! C’est l’automne.


Dans la nuit déserte, un croissant de lune, tranchant comme une épée, brille sur l’herbe couronnée de givre. Maintenant l’hiver règne, et des nuées de cygnes tourbillonnent dans l’air enneigé, et des grêlons sonores frappent les branches avec une joie sauvage.

Alors P’ei Wou changea de ton et chanta l’amour. La forêt s’inclina comme un jeune berger ardent que ses pensées égarent. Là-haut, comme une vierge hautaine, passa un nuage éclatant, mais dont le sillage laissa sur le sol d’interminables ombres, noires comme le désespoir. Le ton changea à nouveau. P’ei Wou chanta la guerre, les sabres qui s’entrechoquent et les étalons qui piaffent. Et dans la harpe se leva la tempête de la Porte du Dragon ; le dragon chevauchait l’éclair, l’avalanche au bruit de tonnerre courait dans les collines. Le Souverain Céleste, saisi d’extase, demanda à P’ei Wou le secret de sa victoire :

– Sire, répondit-il, les autres ont échoué parce qu’ils ne chantaient qu’eux-mêmes. J’ai laissé la harpe choisir son propre thème, et je ne pourrais dire si la harpe était P’ei Wou ou si P’ei Wou était la harpe. »

*arbre kiri : un paulownia.

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 » La harpe apprivoisée » conte taoïste.

Illustrations : 1/ » Kinnara » laiton doré – Chine 1426/1435 -Règne de l’Empereur Xuande  2/« Moon night » Sascha Shneider 1870 – 1927  3/ Baude Cordier – recueil de ballades – XVème siècle – musée de Chantilly.

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Élever notre âme pour ressentir la délicatesse des éléments…

BVJ – Plumes d’Anges.

Métamorphoses…

lundi 11 octobre 2010

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– PAPILLON –

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 » Papillon

à quoi rêves-tu

à frémir ainsi des ailes »

Chiyo Fukumasuya 1703 – 1775.

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 » Si joyeux et gentil

dans ma prochaine vie, que je sois

un papillon dans les champs »

Issa 1763 – 1827.

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 » La sagesse est de voir le nouveau dans l’ordinaire en s’accommodant du monde tel qu’il est. Il y a des trésors cachés dans l’instant présent. »

Santoka 1882 – 1940.

Tableaux :  1/ « Nature morte aux fleurs avec montre » Willem Van Aelst 1627 – 1684 2/  » Nature morte aux nèfles  »  Adriaen Coorte 1696 – 1705  3/  » Nature morte aux fleurs  » Maria Van Oosterwijk 1630 – 1693.

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Au départ était l’œuf, puis fut la chenille et sa chrysalide et enfin, vint le papillon… Lentes et belles métamorphoses de l’âme humaine ?…

BVJ – Plumes d’Anges.

Cadeau…

vendredi 8 octobre 2010

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Aujourd’hui est pour moi un jour de fête et j’ai envie de me faire un cadeau : la lecture de cette lettre, adressée par R.M.Rilke au peintre Balthus né le 29 février 1908.

Je vous l’ offre en partage.

Certains ont l’art de relire le monde avec des yeux d’oiseau, lumineux et légers et je les en remercie chaque jour…

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 » Mon cher ami B…

Il y a nombre d’années, j’ai connu au Caire un écrivain anglais, Mr Blackwood qui, dans un de ses romans, émit une assez gentille hypothèse ; il prétend là que, toujours à minuit, il se fait une fente minuscule entre le jour qui finit et celui qui commence, et qu’une personne très adroite qui parviendrait à s’y glisser sortirait du temps et se trouverait dans un royaume indépendant de tous les changements que nous subissons ; à cet endroit sont amassées toutes les choses que nous avons perdues (Mitsou par exemple), les poupées cassées des enfants, etc, etc.

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C’est là, mon cher B…, que vous devriez vous faufiler dans la nuit du 28 février, pour prendre possession de votre fête qui s’y cache, en ne rentrant à la lumière que tous les quatre ans !( J’imagine comme, dans une exposition d’anniversaires, ceux des autres seraient usés à côté de celui-ci qui se soigne, et qu’on retire, à de longs intervalles, tout resplendissant de son dépôt.)

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Mr Blackwood, si je ne me trompe pas, appelle le « crac » cette fente secrète et nocturne : or je vous conseille, pour l’agrément de votre chère mère et de Pierre, de ne pas y disparaitre mais d’y regarder seulement dans votre sommeil. Votre fête, je suis sûr, s’y trouve toute rapprochée, vous la verrez du premier coup, et peut-être aurez-vous la chance d’y entrevoir d’autres splendeurs encore. En vous réveillant le 1° Mars, vous vous trouverez tout rempli de ces admirables et mystérieux souvenirs et, au lieu de votre fête à vous, vous en ferez une aux autres, généreusement, en leur racontant vos impressions émouvantes et en leur décrivant l’état magnifique de votre rare anniversaire, absent, mais intact et de première qualité !

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Cet anniversaire discret et qui, la plupart du temps, habite une espèce d’au delà, vous donne certainement le droit sur beaucoup de choses inconnues ici ( il me semble plus important et plus exotique que l’oncle brésilien ). Je vous souhaite, mon cher B…, que vous soyez capable d’en acclimater quelques unes sur votre terre natale pour qu’elles y grandissent, malgré les difficultés de nos saisons incertaines… à peu près comme Mr de Jussieu avait fait avec ce cèdre du Liban qui est devenu l’ornement du Jardin des Plantes !

Quant à « notre livre », je pars terminer mon manuscrit ces jours-ci, en profitant de ces petits changements que Mr Vildrac propose et j’espère l’expédier, avec mon texte définitif, le 1° Mars : en l’honneur de votre fête.

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Que cela nous soit de bon augure pour notre succès commun et fraternel.

L’autre jour, à Zurich, j’ai donné l’ordre qu’on vous envoie un petit (mais très petit !)paquet, pour ce jour qui se trouve ainsi substitué à notre invisible fête ; j’espère qu’on sera précis : moi je le serai sans faute avec mes vœux sincères et avec toute mon amitié que je mets à votre disposition.

René. »


Rainer Maria Rilke  » Lettres à un jeune peintre » – Château de Berg-am-Irchel – canton de Zurich vers la fin Février 1921.

Illustrations : 1/ Peinture ornant l’Hôtel de ville de Ravensburg – 1744  2/ et 5/ détail assombri de « Paysage de montagne avec arc en ciel » 1810 – Caspar David Friedrich 1744 – 1840  3/ et 4/ « The Modern Baker » – 1907 – Éditions John Kirkland.

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S’évertuer à porter un autre regard sur les évènements pour les VIVRE mieux…

BVJ – Plumes d’Anges.

Chut !…

mercredi 6 octobre 2010

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 » Enfant aimé, curieux de tout, sais-tu pourquoi sur ton visage est un sillon creusé entre le bas du nez et le milieu des lèvres ? Écoute donc, c’est un secret.



Dans la maison céleste où tu vivais avant de naître tout n’était que paix et savoir. Il fallut un jour la quitter. À l’heure juste, ton père d’En-Haut t’a dit :

– Va.

Il a ouvert la porte. Tu as découvert devant toi des chemins innombrables, des monts, des plaines, des villes, des forêts. Tu t’es effrayé. Tu as dit :

– Comment vivre dans ce chaos ?

– Tu dois aller, a répondu ton père. Quelque chose te manque ici, qui est en bas.

Il t’a serré sur sa poitrine. Tu as senti battre son cœur. Tu as pensé qu’il ne pouvait te chasser ainsi de sa bienheureuse maison. Tu lui as dit :

– Tout ici est lumière. Que me manque-t-il donc ?

Ton père a murmuré :

– La nuit, l’incertitude.

Tu ne connaissais pas le sens de ces paroles. Tu as gémi, tremblant :

– Qu’y a-t-il donc de si précieux dans le doute, dans les ténèbres ?

– La foi que rien ne prouve, a répondu ton père, le désir pur, la confiance ignorante. Pour l’atteindre, mon fils, il te faut oublier nos savoirs infinis.

Il a souri. Il a murmuré :




– Chut !

Il a posé l’index au travers de ta bouche afin que désormais tu ne puisses plus dire ce que de toujours tu savais, puis il t’a poussé dans ce monde. Ce sillon creusé là, entre le bas du nez et le milieu des lèvres, tu vois, c’est l’empreinte de son doigt. « 

 » L’amour foudre » 2003 Contes de la folie d’ aimer – Henri Gougaud.

Tableaux : 1/ « La mère du monde »  William Adolphe Bouguereau 1825-1905  2/ « Angelot endormi » Léon Bazille Perrault 1832-1908.

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Ne pas craindre la nuit…Faire confiance à la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Sourires…

lundi 4 octobre 2010

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… » Le sourire est un pont au dessus de l’ancien abîme.

Entre l’animal et ce qui est au-delà de l’animal,

– un abîme profond.

Le sourire est le pont.

Pas le rictus, ni le rire. Le sourire.

Le rire est le contraire des pleurs.

Le sourire n’a pas de contraire. »…

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« Dialogues avec l’ange » 1990 Gitta Mallasz  – 1907 – 1992 .

Tableaux : 1/ « Petite fille à la cuillère » Carl von Bergen 1853 – 1933  2/  » Petite grande duchesse Alexandra Pavlovna » 1790 – artiste inconnu.

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Sourire à la vie, pour qu’elle nous sourie en retour…

Plumes d’Anges.


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Clin d’oeil…

vendredi 1 octobre 2010

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TROIS ?

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 » Chiffre 3.

C’est selon Pythagore le nombre parfait, symbole de la divinité, il y a 3 Parques, 3 Gorgones, 3 Harpies, 3 Furies, 3 Grâces et 3 Heures dans la mythologie classique.

Les 3 couleurs primaires sont le rouge, le vert et le bleu.

Dans la légende de saint Nicolas, ils étaient 3 petits enfants qui s’en allaient glaner aux champs.

Le nombre 3 est bien sûr lié au principe de la Sainte Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Les 3 saints patrons de l’Irlande sont saint-Patrick, saint-Colomban et sainte-Brigitte. »

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 » Miscellanées de Mr. Schott » – 2002 -Ben Schott – page 140.

Tableaux : 1/  » Couronnement de la Vierge » – Fragment – Antonio Allegri Corregio – 1490 – 1534 2/ « une Vierge » –  Abbott Handerson Thayer – 1849 – 1921.

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Ayons l’œil, la vie nous fait souvent des clins-d’œil…

Plumes d’Anges.


Dialogues avec l’oiseau…

jeudi 30 septembre 2010

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… » D’où te viennent-ils donc, mon enfant, tes yeux bleus ?

– C’est que lorsque l’orage a traversé le ciel,

Les éclairs qui brillaient étaient de flamme bleue ;

J’ai regardé la danse, au loin, de ces feux pâles,

Et tout le firmament qui bleuissait ainsi. « …

Konstantine Dmitrievitch Balmont – 1867 – 1942.

Tableau : « Blue Bird » Joseph De Camp – 1858 – 1923.

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Ouvrir les yeux, capturer la lumière…


BVJ – Plumes d’Anges.

L’essence du sens…

mercredi 29 septembre 2010

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 » Charles Péguy (ou quelqu’un d’autre, je ne me souviens plus bien ) se rend à la cathédrale de Chartres.

Sur sa route, il croise un gars qui casse  des cailloux. Il lui demande ce qu’il fait.

Le gars lui répond, en pestant, qu’il fait un boulot stupide, fastidieux et mal payé de surcroît.

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Péguy poursuit sa route, croise un deuxième casseur de cailloux, qui lui dit :

 » Ma foi, je gagne ma vie en plein air, c’est mieux que derrière un bureau. »

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Péguy avance, rencontre un troisième casseur de cailloux. Celui-là rayonne de joie. Péguy lui demande ce qu’il fait et le gars répond :

 » Vous voyez bien, je bâtis une cathédrale. »

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Le sens qu’il donne à ses efforts lui apporte beaucoup de bonheur, car il métamorphose le réel. Le caillou est déjà un morceau de la future cathédrale. »

Histoire racontée par Boris Cyrulnik ( Interview magazine Psychologie-« Donner du sens à sa vie »).

Illustrations : 1/  « Transport du marbre de Carrare » – Nicolay Ge – 1831 – 1894  2/ « Mécaniques, Architecture & Mathématiques de la Cathédrale de Milan » 3/ Gravure anonyme colorisée de la Cathédrale de Milan – 1856.

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Nous avons la liberté de choisir quel regard porter sur la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.


Le sensible…

mardi 28 septembre 2010

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… » Le bonheur n’est peut-être qu’une épreuve qui a bien tourné. Ou une bienheureuse disposition du cerveau. Qu’en sait-on au juste sinon que tout instant recèle une chance de bonheur, et qu’il ne tient qu’à nous de la saisir ?…

( au Japon ) … On dit aussi là-bas que les gestes du quotidien peuvent gagner en élévation à condition qu’ils soient simples et répétés chaque jour…

… Le sensible nous promet l’infini ; il arrive même qu’il nous l’offre…

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( Rilke au jeune poète Kappus qui lui confiait son désir d’écriture ) … « Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même et ne rencontrer durant des heures personne, c’est à cela qu’il faut parvenir ». Il faut être seule pour s’ouvrir au monde. Seule aussi pour faire entrer le monde en soi et le laisser agir…

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… Le monastère extérieur s’élève par addition de pierres, le monastère intérieur, lui, résulte d’un incessant déblaiement. Le sensible procède d’un travail similaire. » …

Élisabeth Barillé – « Petite éloge du sensible » 2008.

Tableaux : 1/ Décoration gothique du haut d’une fenêtre – 1853  2/et 3/ « Solitude » – « Odalisque » – Frederic Leighton 1830 – 1896.

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S’ouvrir à la délicatesse du silence intérieur…

BVJ – Plumes d’Anges.


L’Optimisme…

lundi 27 septembre 2010

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… » Je sais aussi, dit Candide, qu’il faut cultiver notre jardin.

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– Vous avez raison, dit Pangloss ; car quand l’homme fut mis dans le jardin d’Eden, il y fut mis « ut operaretur eum », pour qu’il travaillât : ce qui prouve que l’homme n’est pas né pour le repos.

– Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c’est le seul moyen de rendre la vie supportable.

Toute la petite société entra dans ce louable dessein ; chacun se mit à exercer ses talents : la petite terre rapporta beaucoup. Cunégonde était, à la vérité, bien laide, mais elle devint une excellente pâtissière ; Paquette broda, la vieille eut soin du  linge. Il n’y eut pas jusqu’à frère Giroflée qui ne rendit service ; il fut un très bon menuisier, et même devint honnête homme ; et Pangloss, disait quelquefois à Candide :

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«  Tous les évènements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de Mlle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’Inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches.« 

– Cela est bien dit, répondit Candide ; mais il faut cultiver notre jardin. »…

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 » Candide ou l’Optimisme  » 1759 – François Marie Arouet dit Voltaire 1694 – 1778.

Tableaux de John Frederick Lewis 1805 – 1876  1/ »Deux colombes en cage » 2/ »Repas de midi » 3/ »Dans le jardin du Bey« .

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Ouvrir grands nos yeux pour savoir quand semer, la récolte arrivera en son temps…

BVJ – Plumes d’Anges.