Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Questionnements…

dimanche 15 juin 2025

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« … CHEMINS INTÉRIEURS

« Aider les gens à devenir eux-mêmes, voilà le but

de l’érudition. M’aider à devenir moi-même afin

que je puisse mieux aider les autres

à devenir eux-mêmes. »

Lucien Jerphanion  « À voix nue » interview du 12/11/2014.

 

Quitter les vieux réflexes comme l’on se défait de vêtements usés… Qui pense ? Qui agit, réagit en nous ?

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S’octroyer des cures d’impuissance, sans paniquer, sans se braquer, traverser les saisons de l’âme où rien ne progresse, apparemment…

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UNE PENSÉE APRÈS L’AUTRE…

« On s’aperçoit que tout ce qui se fait présent à

l’esprit est sans exception sujet à ce mouvement,

à ces conditions, à cette nature. »

Chögyam Trungpa « L’entraînement de l’esprit »

 

Flot de pensées qui se chevauchent et se remplacent… Le moi comme entité figée statique, monolithique est un leurre, une vue de l’esprit.

 

Rassurant ! les pensées qui me traversent n’ont pas d’origine, ni de destination. Elles ne demeurent pas.

 

Ce à quoi je crois dur comme fer n’a absolument rien de solide, de permanent !… »

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Porteur d’un handicap, placé à l’age de trois ans dans une institution religieuse, il en ressort dix sept ans plus tard, marqué.

C’est le questionnement d’un homme qui souffre dans sa chair et son esprit, un homme qui doute. Au fil de courts chapitres – chacun étant introduit par une citation –  il aborde de nombreux sujets qui sont autant de sujets de réflexion pour le lecteur.

Il interroge les philosophes pour trouver des réponses aux questions qu’il se pose. Il se met à nu, livre ses blessures, avance dans sa recherche même s’il a conscience que rien n’est jamais acquis. Il est en perpétuel manque d’affection, avec le temps il réalise que penser au bien des autres avant le sien en y associant la joie libère de beaucoup de souffrances inutiles et apaise. 

Un livre intime qui ne peut que toucher notre âme…

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Extraits de « Cahiers d’insouciance «  2022  Alexandre Jollien.

Photos BVJ – Jardin de la Médiathèque Chalucet à Toulon.

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Trouver notre propre voie de paix…

BVJ – Plumes d’Anges.

Viens…

dimanche 1 juin 2025

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« À pied et le cœur léger, je pars sur la grand-route,

Bien portant, libre, le monde devant moi,

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Le long chemin brun devant moi conduit

partout où je voudrai (…)

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Allons ! qui que tu sois, viens, voyage avec moi !

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En voyageant avec moi, tu trouveras

ce dont jamais on ne se lasse.

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La terre ne lasse jamais,

La terre est rude, silencieuse, incompréhensible

au premier abord, la Nature est rude

et incompréhensible au premier abord,

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Ne te décourage pas, persévère, il y a là

des choses divines soigneusement enveloppées,

Je te jure qu’il y a des choses divines plus belles

que les mots ne sauraient dire.

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Allons ! Il ne faut pas nous arrêter ici ;

Quelques délicieuses que soient ces provisions

amassées, quelque agréable que soit

cette demeure, nous ne pouvons pas rester ici,

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Quelque abrité que soit ce port et quelque

calmes que soient ces eaux, nous n’avons pas

le droit de jeter l’ancre ici,

Quelque accueillante que soit l’hospitalité qui

nous entoure, il ne nous est permis d’en jouir

que pendant un peu de temps (…)

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Qui que tu sois, avance ! Homme

ou femme, avance !

Il ne faut pas rester là à dormir ou à muser

dans la maison, même si tu l’as bâtie toi-même

ou si on l’a bâtie pour toi.

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 Sors de ce noir emprisonnement !

Sors de derrière ce paravent ! … »

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Ciel chargé, ciel azuré, incroyables paysages encore sauvages, d’une beauté renversante. Des senteurs à foison, tout est apaisé, tout est apaisant.

Et pourtant dans certains lieux la terre a tremblé, des villages entiers sont en reconstruction, des habitants relogés de façon temporaire – depuis de nombreuses années – vivent courageusement, il y a tant à faire.

La Nature est Reine, elle crée et détruit des merveilles sans relâche,

l’Homme doit plier, s’adapter, reconstruire l’abri, le toit, le jardin,

panser ses plaies, retenir ses larmes, larmes de tristesse mais aussi larmes de joie

en admirant simplement les éternels prodiges…

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Extraits du poème « Chant de la grand-route » – 1856 – dans « Feuilles d’herbe »  Walt Whitman 1819-1892.

Illustrations : Photos BVJ – La Nature autour de Sienne, les Monts sibyllins, les Abruzzes…, la vallée d’Aoste – mai 2025.

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Avancer courageusement…

BVJ – Plumes d’Anges.

Rêves éveillés…

dimanche 11 mai 2025

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« Je suis éveillé.

Je m’endors.

Je rêve que je suis éveillé.

Je rêve que je m’endors.

Je rêve que je rêve.

 

Je rêve que je rêve

que je suis éveillé.

Je rêve que je rêve

que je m’endors.

Je rêve que je rêve

que je rêve.

 

 Je suis éveillé. »

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« La pensée ne peut tenir dans l’homme.

C’est pourquoi elle se lance comme un bélier contre le ciel,

fichée comme un coin entre couleur et couleur,

cherchant son lieu

dans le corps du monde.

 

Sa charge de puissance nue

ravage les bords et le fond,

comme un courant barbare qui dévore son lit.

 

La pensée est une liberté plus grande que l’homme. »

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« On me dicte des choses,

non d’un autre monde ou partant d’autres êtres,

mais, plus humblement, du dedans.

 

Qui donc est au dedans,

en plus de moi ?

Ou peut-être n’y suis-je pas,

peut-être ai-je laissé la place

pour qu’un autre me dicte ?

 

S’il en est ainsi,

peu importe que la dictée

personne ne la comprenne.

Peu importe même

que moi je la comprenne.

 

Être n’est pas comprendre. »

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« Il est des vies qui durent un instant :

leur naissance.

 

Il est des vies qui durent deux instants :

leur naissance et leur mort.

 

Il est des vies qui durent trois instants :

leur naissance, leur mort et une fleur. »

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Quand les poèmes s’imposent,

qu’ils égrainent leurs mots comme des cailloux blancs,

quand les images se proposent,

nous retrouvons enfin notre chemin,

le chemin des rêves étoilés…

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Poèmes tirés de Poésie verticale – Roberto Juarroz  1925-1995.

Illustrations : 1/ « Plafond peint – Château d’Amerongen » photo A.J. 

2/ « Angélique sauvage »  Akseli Gallen-Kallela  1865-1931.

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Se laisser habiter…

BVJ – Plumes d’Anges.

Choix du cœur…

dimanche 4 mai 2025

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« … Tu as l’impression que ta vie présente n’est pas celle que tes parents voulaient pour toi ? a-t-elle demandé, comme si elle l’avait compris à demi-mot.

– C’est ça… Du coup, je me déçois moi-même. Je crois que je suis trop immature pour vivre de façon indépendante.

– Tu voulais ne dépendre de personne ?

– C’était un vague rêve d’enfant. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai jamais voulu avoir un travail précis. Être médecin ou avocat, très peu pour moi. Je n’ai jamais voulu réussir ni être célèbre. Je voulais mener une vie tranquille, c’est tout. Je voulais qu’on reconnaisse ma valeur en tant que telle. D’où mon vague rêve d’exister de façon autonome.

– C’est vraiment beau un rêve pareil.

– Pas du tout, je pense qu’à l’époque je ne savais pas rêver.

Yeong-ju a pianoté sur la bouteille ; il s’est appuyé contre le dossier de sa chaise.

– Moi je rêvais d’ouvrir une librairie.

– Alors tu as réalisé ton rêve.

– Ce n’est pas faux, pourtant ce n’est pas l’impression que j’ai. Et je ne sais pas pourquoi…

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Pour que l’harmonie soit belle en musique, elle doit être précédée d’une dissonance. Ainsi en musique, harmonie et dissonance doivent coexister. Et la vie est comme la musique. La vie est belle parce que la dissonance précède l’harmonie…

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– Il y a une chose que l’on apprend au cours de ses lectures, c’est que tous les auteurs sans exception sont tombés dans un puits, au moins une fois dans leur vie. Certains viennent tout juste d’en sortir, alors que d’autres en ont émergé depuis longtemps. Et tous nous disent : je suis sûr d’y retomber.

– Et pourquoi devrais-je écouter ces histoires de personnes tombées dans un puits ? Ça ne me concerne pas, a dit Min-cheol, le visage indéchiffrable.

– Et bien… c’est très simple. Le seul fait de savoir que je ne suis pas seule à souffrir me rend plus forte. Tiens, lui-aussi, il a des problèmes ? Ma souffrance est toujours là, mais elle s’allège plus ou moins. Je suis convaincue qu’il n’existe personne qui ne soit jamais tombé dans un puits.

Elle eu un petit sourire.

Minc-cheol l’écoutait, l’air assez grave.

– Et là, me vient l’idée de sortir de cet état d’impuissance. Alors je me relève. Et, ça alors, je me rends compte que le puits n’était pas profond du tout. Je sens une brise légère qui souffle vers ma droite, selon un angle de trente-cinq degrés. Je me dis soudain que j’ai de la chance d’être en vie. Parce que le vent me fait vraiment du bien… »

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C’est l’histoire d’un rêve réalisé : devenir libraire…

Yeong-ju quitte son emploi, la pression et le rythme du travail ne lui conviennent plus, elle est épuisée. Elle choisit d’installer sa librairie dans un quartier excentré de Séoul – elle ressent bien le lieu – et propose à ses clients des livres bien-sûr mais aussi du très bon café. De petites tables sont installées, on peut venir feuilleter, acheter ou déguster. Pendant les six premiers mois de sa nouvelle activité, elle est d’humeur taciturne, elle réfléchit silencieusement, lit beaucoup, établit des fiches de lecture qu’elle glisse dans les ouvrages, anime un blog.

Elle se rend compte que le poids qu’elle a sur les épaules est à nouveau trop important. Elle engage Min-jun, un barista, lui donne un bon salaire, pour une période de deux ans : il se prend au jeu et cherche à transformer sa fonction, chaque jour son café sera meilleur et plus subtil grâce à des mélanges improbables. Elle organise des rencontres avec des auteurs, elle suit son cœur, élabore des listes de questions pertinentes, anime des discussions avec des lecteurs sur des sujets à thème…

Des habitués peuplent quotidiennement le lieu et de nouveaux clients accourent. Elle transforme sa librairie en un lieu d’échange plein d’humanité, les questions affluent et des réponses sont proposées avec un infini respect, chacun appréciant l’intensité du moment présent. Des bribes du passé font surface , on en sait un peu plus sur les personnages, l’histoire se peint toujours par petites touches…

C’est un premier roman pour cette jeune auteure, un roman bienveillant et paisible, je l’ai de plus en plus apprécié au fil des pages, si vous avez besoin de douceur, partez à sa rencontre, il vous fera du bien…

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Extraits de : « Bienvenue à la librairie Hyunam »  2022 Hwang Bo-reum.

Illustrations : 1/« Étagères avec livres et objets » attribuée à Giuseppe Castiglione  1688-1766  2/« Nature morte avec oiseau en cage, livres, café… »  Johann Rudolph Feyerabend  1779-1814.

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Avoir confiance en nos capacités…

BVJ – Plumes d’Anges.

Re-naître

lundi 21 avril 2025

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« J’ai aimé plus que tout la tristesse du soir,

la beauté qui passait ses soirées dans le ciel,

la pourpre qui traînait dans le ciel chaque soir,

le jour éliminé par la couleur du soir.

Le couchant donne à tout la couleur de l’esprit,

cet ambre que le soir travaille à nous donner,

cette liqueur dorée versée par la pensée

quand la beauté nous aide à tenir jusqu’au soir.

Ce qu’on voit de divin dans le monde nous sauve,

ce que l’odeur des roses arrive à nous donner

quand le parfum des roses arrive à nous trouver. »

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« La couleur de l’esprit »  Lydie Dattas

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« J’ai appris à penser en regardant l’aurore,

j’ai appris à aimer en admirant les roses.

La beauté de l’aurore a formé ma pensée,

les anges ont préparé mon âme à la beauté,

mon âme inaugurée par le bleu de l’azur.

Le ciel me demandait mon avis sur les roses,

l’azur me consultait au sujet du lilas.

L’amour élucidait le mystère des roses,

la joie me traduisait la pensée de l’azur.

Le malheur m’a aidée à comprendre l’azur,

le malheur a rendu mon cœur intelligent. »

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« Le malheur m’a aidée »  Lydie Dattas

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De la nuit d’hier à la clarté d’aujourd’hui…

s’ouvrir à un monde nouveau,

notre monde intérieur et ses profondeurs.

Patiemment, en exhumer les trésors,

les hisser vers la lumière…

Belle semaine à toutes et à tous !

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Poèmes extraits de : « Le livre des anges »  2003  Lydie Dattas.

Illustrations : 1/ Vitrail « Ange de la paix »  2/ Projet de guirlande – gouache –  William Morris 1834-1896.

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Créer un nouveau monde lumineux…

BVJ – Plumes d’Anges.

Fleurs des cieux…

dimanche 13 avril 2025

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… « Au cœur du bleu un accord de rouge

vibre puis s’estompe ! Langueur

et nostalgie du chromatisme…

Quand le bleu se fait mélodie

les feuilles frissonnent,

jaunes sous les trilles,

et accompagnent le récitatif du soir.

Alors le bleu peint la conscience

avec des brosses qui dégorgent

d’anges, d’arbres et de sonates. »

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« Il faudra prendre les plus belles couleurs,

se saisir des pigments et des pierres broyées,

y ajouter le blanc de l’œuf,

il faudra préparer le mur, consolider le mortier

et déplier encore et le lys et le sourire de l’ange

près des ailes qui palpitent dans la fraîcheur du matin.

Le frère avait donné ses instructions à la cantonade,

la Parole pouvait enfin s’accomplir. »

Fra Angelico I

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« La joie, il la connaissait, la vraie joie quand il déversait aux pieds de l’archange en salutation les petites fleurs rouges qui grésillent sur le vent des prairies et qu’il répandait, plus légères dans les airs, les lettres d’un message auquel il croyait plus que tout. Mais il aimait surtout ses couleurs. Il ignorait que viendrait la Peinture, qu’en d’autres temps les hommes continueraient, après avoir révoqué les dieux, son interminable travail. Mais de son cœur qui battait devant le jaune des chemins et le rose des tuniques montait la joie qui emplit les siècles avec la force indestructible de la douceur. »

Fra Angelico II

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« Après matines, quand le jour peint ses oiseaux sur la surface déjà bleue d’un ciel de fête, ils quittent le monastère et vont observer les bourgeons sur les branches et le vent dans les marguerites. Chaque abeille leur est connue. Chaque coccinelle est leur amie. Quand sonne la cloche des vêpres, ils se dépêchent de regagner la chapelle et lisent sur les fresques l’étonnante histoire de ces messagers célestes semblables à de grands papillons bariolés qui butinent, parmi les fleurs des champs, le suc d’une nouvelle aurore. »…

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Ayant été conviée à une soirée POÉSIE organisée par deux jeunes et lumineuses professeures de Français, chaque invité devait apporter un ou plusieurs poèmes, les lire ou les déclamer. Nous avons écouté Aragon, François Cheng, Alicia Gallienne, Anna Akhmatova

En recherchant des textes nouveaux, j’ai découvert « Vies silencieuses » de Daniel Kay – c’est le titre qui m’a attirée, le poète était pour moi un parfait inconnu – et j’avoue avoir ressenti du plaisir à lire ce recueil dont je partage ici quelques extraits. Au fil des pages, Daniel Kay explore des tableaux ou déambule dans des paysages qui ont inspiré des Peintres, il questionne, il se fait voyageur transportant mots et couleurs.

Il y a toujours à s’émerveiller sur le chemin de la vie pour peu que l’on s’ouvre à d’autres horizons, guidé(e) par un signe…

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Extraits de : « Vies silencieuses »  2019  Daniel Kay.

Illustrations : 1/ « Étude de nuages »  Edgar Degas  1834-1917  2/ « Annonciation » – détail d’une fresque   et  3/ « Jardin de Gethsémani » détailCouvent San Marco  Fra Angelico  1395-1455   .

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Veiller silencieusement, l’œil ouvert…

BVJ – Plumes d’Anges.

Feu divin…

dimanche 6 avril 2025

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« … L’Univers est. Une Puissance-créatrice l’a fait advenir. Il se présente à nous sous forme du Cosmos, au sein duquel se déploie une entité spécifique : la Vie. Première constatation qui frappe l’esprit : l’aboutissement de cette Création n’est pas la réalité physique du Cosmos, mais la Vie.

Certes, le Cosmos nous émerveille par sa splendeur sans égale et sa vastitude sans bornes, alors que la Vie se développe dans un espace plus que restreint, même si bien d’autres planètes que la nôtre pourraient être habitées. Cette écrasante disproportion de volume ne doit pas faire oublier, à l’inverse, une différence de substance tout aussi écrasante. Alors que le Cosmos ignore sa propre existence, la Vie, elle, vécue par nous, est douée de conscience. Nous, les humains, connaissons la réalité de l’univers physique  jusqu’à un certain degré, et surtout, nous sommes capables de nous interroger sur notre destinée en son sein. Le mouvement du Cosmos est mécanique et répétitif ; la voie de la Vie, en revanche est en devenir, comportant étapes et étages qui ouvrent sur de possibles dépassements qualificatifs. Elle est d’un autre ordre.

Je suis donc là et j’observe. La magnificence produite par les milliards de galaxies aux feux entrecroisés m’impressionne, me stupéfie. Que de fois pourtant, face à la sublime scène d’un soleil levant ou d’un couchant, nous pouvons nous dire : « Cela est sublime parce que nous, humains, l’avons vu. Sinon tout serait en pure perte, tout serait vain. » Je prends soudain conscience que nous sommes, à notre niveau, l’œil ouvert et le cœur battant de cet univers. Si nous sommes à même de penser l’univers, c’est que véritablement, il pense en nous…

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… À quinze ans, s’éveilla en moi la révélation de la poésie. Surgis d’une source inconnue, des mots alignés, chantants, signifiants, illuminants, telles les coulées d’une lave, traversaient le souterrain de mon être.

Puis vint le jour divin. Dans une aube délavée par une brusque averse, sur la colline habillée de hauts pins dont les aiguilles scintillent de perles irradiantes, un oiseau qui soudain s’envole fait entendre les échos d’une chute toute proche. Une présence, aussi souveraine que maternelle, se penche sur l’adolescent tremblant d’émotion. D’une voix résolue, elle lance un appel : « Chante, et tu seras sauvé, et tout sera sauvé.

Désormais, même au moment du plus imminent risque de perdition, retentirait en moi cette voix d’injonction qui m’empêcherait de succomber au néant… »

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François Cheng, poète, romancier, essayiste, calligraphe, enseignant… nous offre ici un texte qui parle de la vie et de la mort, texte incandescent dédié à son épouse disparue le 30 juin 2024 et si profond qu’on pourrait croire son auteur riche de mille vies.

Une lectrice presque inconnue, sachant son goût pour la méditation en des lieux retirés, lui offre sa maison pour un court séjour. Il nous raconte cette nuit passée seul au cap de la Chèvre sur la divine presqu’île de Crozon, loin du bruit du monde, immergé dans le cosmos, au bord d’un l’océan riche du chant des vagues. L’instant prête à une réflexion, un retour sur son passé – il fut un enfant fragile et hypersensible qui eut du mal à trouver sa voie – , il se sent envahi par une gratitude et un amour infini envers ceux qui l’ont précédé ou accompagné. La corde poétique de l’auteur vibre ici avec une infinie délicatesse, inspiration et lucidité brillent comme la lune pleine dans le ciel nocturne.

Splendide !

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Extrait de : « Une nuit au Cap de la Chèvre »  2025  François Cheng.

Illustrations : 1/« Nuit »  Georgia O’Keeffe  1887-1986  2/« Frégate »  John White  1540-1593.

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Élever la fréquence de notre chant humain…

BVJ – Plumes d’Anges.

Antienne…

dimanche 30 mars 2025

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« De tout cœur, de tout corps,

Peindre en écoutant le chant de la vie,

Voir les couleurs se mêler,

Les traits s’unir et danser,

Voir apparaître l’espace libre,

S’ouvrir l’œil du cœur

Puis tracer le trait unique

Sur l’infini du ciel. »

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« Venue au monde pour l’éclosion des fleurs,

Même les choses infimes

Les recevoir et les chanter.

L’infini souhaite-t-il que mon cœur s’ouvre,

Qu’il me donne un amour débordant ?

Parfois mon cœur obscur

Se ferme,

N’écoute plus sa voix,

Alors je me retire

Afin qu’il vienne

Épanouir les fleurs

 

En écoutant le chant des bourgeons

Je m’ouvre pour l’accueillir. »

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En haut, en bas…

Les hauts, les bas…

Ne retenir que le chant d’un monde, sa lumière, son parfum,

cheminer vers des lieux sereins, calmes et paisibles,

 se souvenir de qui on est vraiment et vers où nous désirons aller,

notre travail terrestre est là il me semble,

le chanter chaque jour en chœur, élargir la vibration.

Fêtons encore et encore le Printemps des Poètes,

sa ressource est infinie…

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Poèmes de Bang Hai-Ja  1937-2022.

Photos P.J. et BVJ – Alpes mars 2025.

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S’ouvrir et s’épanouir…

BVJ – Plumes d’Anges.

Cours d’une destinée…

dimanche 16 mars 2025

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« … – Asseyez-vous, asseyons-nous ! 

Klimt avait une bonne voix rocailleuse. Il désigna à Franz le lit recouvert d’un drap à larges rayures noires et blanches.  

– Laissez-moi vous débarrasser.

Klimt prit le tableau et le posa sur le matelas. 

– Vous permettez ?

  –  Oui, oui, je vous en prie. 

Sans trop de précaution, Klimt commença à déballer le tableau de ses diverses couches de tissu. Quand enfin le visage de la jeune fille se dévoila, Frantz fut prit d’un léger vertige.

– Ah ! 

Klimt enleva une toile inachevée d’un des chevalets et y plaça le portrait.

C’était une très jeune femme de trois quarts, sur fond vert. Une jeune fille aux yeux bleus rêveurs, avec des mèches brun-auburn encadrant son visage qui lui donnaient un air plutôt négligé. Elle portait un grand chapeau de feutre marron, trop grand, et une étole de mauvaise fourrure autour du cou. Une veste en velours bleu lui tombait des épaules qu’elle avait à peine couvertes par une chemise transparente, elle ressemblait à ces filles de la ligne qui vendent leurs charmes à tout prendre. 

Klimt resta un instant devant le tableau qu’il avait peint quelques années auparavant et plissa les yeux comme pour se souvenir de celle qui avait posé pour lui dans cet atelier même. Frantz restait silencieux, respectueusement, n’ayant pas encore osé s’asseoir. On ne s’asseyait pas sur les lits des gens que l’on rencontrait pour la première fois.

  – Alors dites-moi, jeune homme, que puis-je faire pour vous ? (…) 

– J’ai fait l’acquisition de ce tableau de vous, je veux dire que c’est un honneur pour moi… j’admire, j’ai toujours énormément admiré votre travail… et le fait est que, les hasards de la vie, le fait est que je connais cette jeune fille, ou plutôt je la connaissais et je ne m’attendais pas à ce que… Franz soupira, il avait eu beau répéter plusieurs fois la façon dont il formulerait sa demande, il se dit qu’il avait mal démarré.

– Je ne voudrais pas vous faire perdre votre temps…

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… – Maman ? Maman, j’ai soif ! Isidore se sentait encore très faible, il enfouit la tête dans le parfum familier de la lourde chevelure de sa mère. – Maman ?  Martha émergea avec peine, elle avait mal au crâne. Elle se leva, titubant presque, et alla chercher un verre d’eau à l’enfant. (…)

– J’ai un secret, un secret important.

Isidore approcha son oreille car sa mère chuchotait mal. 

– Ton père n’est pas mort mais il ne sait pas que tu existes… Ton père est vivant… Il habite une maison… très belle… Johannesgasse, qui donne sur le Stadtpark… une maison à Vienne… Il s’appelle Franz Brombeere… c’est son nom, il faudra que tu t’en souviennes… Répète son nom…

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Certains philosophes voient la vie comme un pendule qui oscille de droite à gauche, entre la joie et la peine, la souffrance et la guérison, l’exaltation et l’ennui. Il est ainsi rassurant de penser que si les choses vont mal, il y a de fortes chances qu’elles aillent mieux, puis immanquablement mal mais alors à nouveau mieux et ainsi de suite indéfiniment… »

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Il est bien difficile de résumer cette histoire tant elle est riche en évènements et rebondissements. Le fil conducteur en est un tableau de Gustav Klimt, Portrait d’une dame, qui est peint, retouché, qui apparait, disparait, qui est acheté, volé…

Martha est une jeune employée de maison dans une famille bourgeoise de Vienne, Franz est enfant unique, très seul et quand Martha arrive, elle le touche profondément, il en tombe amoureux. Et puis, Martha disparait sans le moindre mot…

On la retrouve dans un village de la banlieue de Vienne, maman d’un petit Isidore, elle travaille douze heures par jour dans « une manufacture spécialisée dans la confection de panaches de militaires« , elle est aux cuves dans des vapeurs d’alcool, c’est difficile et éprouvant physiquement. Son petit garçon est un enfant sage, il grandit, trouve « refuge dans les chiffres » ; un jour elle l’emmène visiter Vienne, elle leur offre un divin chocolat chaud au Café central, l’enfant est ébloui, il est heureux de partager ce moment avec sa maman. Quand Isidore a neuf ans, la grippe espagnole s’abat sur le monde…

Sur près de quatre cents pages, Camille de Peretti fait preuve d’une grande imagination, elle nous raconte une incroyable histoire, une histoire de famille et de ses secrets, entre Autriche et Texas au vingtième siècle. Les mœurs de certains à cette époque, la volonté farouche de s’élever dans l’existence, l’intelligence du cœur, le courage, le mensonge, les faits qui semblent se répéter d’une génération à une autre… le livre est très documenté, cette fresque qui mêle fiction et réalité nous tient en haleine.

C’est un formidable moment de lecture,  je vous souhaite de vite découvrir ce livre.

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Extraits de : « L’inconnue du portrait »  2024  Camille de Peretti.

Illustrations : 1/ « Beautés »  2/ « Le cactus »  2/ « Des milliers de beautés »  Lucie van Dam van Isselt  1871-1949.

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Toujours croire aux jours meilleurs…

BVJ – Plumes d’Anges.

Fantastique…

dimanche 2 mars 2025

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« Galet veiné du rivage

Battu, roulé par la vague,

Œuf veiné, battement de cœur,

Battement d’ailes en essor –

Comment de la stase lithique

Vient le chant d’oiseau, l’oiseau ?

 

Un flux d’eau rafraîchissante

En profondeur ouvre le regard :

Étoiles, cieux infinis

Dans un trait de lumière en fuite

Un arc-en-ciel, ombre et brillance,

Des forêts, des arbres en fleur

 

Du terreau de la mort éclatant

En une myriade de fleurs

Vues par une myriade d’yeux –

Comment l’insensible peut-il s’éveiller en fête, l’inerte

Apprendre les pas de la danse ?

 

Des harmonies inouïes

Somment la terre d’écouter,

La lumière allume le regard,

Le désir crée son paradis :

Substances de choses qu’on espère,

Gage des choses à venir. »

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Poème extrait de : « La présence »  Katleen Raine  1908-2003.

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Suivre le fil d’Or de la Vie, de la Nature, de l’Amour, de l’Imagination, de la Paix, du Rêve…

là est la vraie richesse.

Faut-il puiser dans les mémoires du monde ou inviter nos yeux à arpenter les cieux ?

Soyons les gardiens d’un univers de Beauté,

chaque jour affûtons notre regard et découvrons la lumière nouvelle qui n’attend que nous.

En ce mois de poésie jaillissante, allumons des feux intérieurs,

laissons libre cours à notre imagination,

vagabondons dans les plus hautes sphères de notre bel esprit.

Nos gouttes ailées, si petites soient-elles, feront fleurir de verdoyantes prairies…

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Illustrations : 1/ »Lac de Llyn-y-Cau, Mont Cadrer Idris » Richard Wilson  1714-1782   2/ »Gorges de Darial »  Rufin Sudkovsky  1850-1885  3/ »Dent de lion, escargot et papillons »  Barbara Regina Dietzsch  1706-1783.

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Transformer l’Ordinaire en Extraordinaire…

BVJ – Plumes d’Anges.