Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Instantanés…

dimanche 10 août 2025

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« … « Va vers nulle part

L’horizon n’est pas loin

Va vers nulle part

Tu connais le chemin »

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« Dans l’arrière cour du pavillon fricotaient les anophèles mâles et les femelles. Partout dans le petit gazon les insectes grésillaient tranquilles.

Une cabane était refuge à ceux qui cherchaient dans le soir les quelques notes énigmatiques qui pouvaient déverrouiller la nuit. Deux-trois touches, pianoter, comme les chiffres sur un verrou, un cadenas numéroté.

Plissant les yeux pour sentir dans le soir l’air banlieusard qui parvenait jusqu’à nous, on tournait la tête en tous sens exactement comme les insectes, en espérant que nous poussent sur le crâne des antennes paraboliques et paramétrées pour se connecter à la fréquence des anges, des messages qui défilent sans auditeurs sur la bande passante des songes. On voulait réveiller les mots endormis. Pardon pour le dérangement. »

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« À l’heure des premières figues, tout le monde s’en allait sur les places publiques dire son amour pour le pays intérieur.

Vas-y, vas-y ! Vas-y ! criaient les jeunes gens sous le soleil bien lourd. Mais aller où ? Dernièrement, un singe plébiscita les forces de l’ordre juste pour faire mumuse. Alors, de là à lui demander une main, un secours, un peu d’aide. Il n’y avait qu’un pas. Mais un pas de fourmi. Une plume tomba du ciel.

Les jeunes gens ne virent rien, occupés à crier vas-y, vas-y, mais une femme parmi eux conquérait, le front plissé, les hauteurs du monde. Alors naturellement, elle vit la plume. Il n’y avait pas d’oiseaux, il n’y avait pas de lune, il n’y avait pas de souffle, il n’y avait plus de poète, il n’y avait pas d’indulgence, il n’y avait pas de calme, il n’y avait pas de flamme, il n’y avait pas de marge intrépide où faire son beurre MAIS elle vit la plume »

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« Ce qu’on s’autorise à espérer

Prend racine quelque part »… »

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Arthur Teboul, auteur compositeur interprète du groupe Feu ! Chatterton, acteur, poète…nous propose ici  un acte de poésie et un jeu libérateur et jubilatoire, qui étonne en premier lieu le poète en nous qui s’ignorait : « Comment, à l’intérieur de moi, j’abritais tous ces mots, et ne le soupçonnais pas ? »

Il suggère de penser à un nom, de l’écrire immédiatement puis d’y ajouter un adjectif… l’étincelle se produit, les mots affluent, ne pas les juger, ne pas les corriger, écrire ainsi rapidement pendant cinq à sept minutes, renouveler l’exercice chaque jour…

L’auteur nous offre une centaine de textes courts et une très belle présentation« la poésie est partout. Elle peut être partout. « Le monde est rempli de visions qui attendent des yeux. Les présences sont là, mais ce qui manque, ce sont nos yeux. » C’est Christian Bobin qui le dit. La poésie est une attention, une délicate attention. »

Cette démarche m’a totalement séduite et d’instinct je crois en sa vertu.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

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Extraits de : « Le Déversoir – Poèmes minute »  2023  Arthur Teboul.

Illustrations : 1/ « Oiseaux »  Tivadar Csontvary Kosztka 1853-1919

2/ « Le chant de l’oiseau »  Ferenczy Karoly  1862-1917.

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Laisser chanter nos mots intérieurs…

BVJ – Plumes d’Anges.

Modération…

lundi 4 août 2025

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(Suite du billet « Tempérance » )

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 » … 7 – « Les chants des oiseaux et des insectes transmettent sans paroles la loi de l’univers. Les couleurs des fleurs et des feuilles enseignent sans écrits la vérité du monde. Celui qui étudie doit avoir un naturel transparent et des sentiments éclairés afin de parvenir en toute chose à une compréhension véritable. »

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… 45 – « Lorsqu’on vagabonde par les monts et les bois, les sources et les rochers, l’intérêt pour le monde de poussière peu à peu se dissipe. Lorsqu’on s’absorbe dans la lecture de poèmes ou la contemplation de peintures, les dispositions vulgaires s’évanouissent. 

C’est pourquoi, même si l’honnête homme ne doit pas s’aveulir dans les divertissements, il peut se servir de ce qui s’offre à lui pour préserver son équilibre. »

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… 64 – « Écouter avec un cœur paisible le bruit du vent dans un bois de pins ou le murmure d’un ruisseau sur des pierres, c’est connaître la merveilleuse musique de l’univers.

Contempler avec l’esprit dispos le jeu de la brume dans les herbes ou le reflet des nuages dans l’eau, c’est voir la plus belle œuvre du ciel et de la terre. »

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… 107 – « Quand on se retire sur une montagne on respire amplement, tout insuffle de belles pensées. La vue d’un nuage solitaire ou d’un vol de grues inspire le désir de s’élever au-dessus de la poussière ; la rencontre d’une source jaillie entre deux pierres donne l’envie d’être pur comme la neige ; une caresse à un vieux genévrier ou un prunier d’hiver incite à être droit comme eux ; la compagnie des mouettes et des cerfs fait oublier toute duplicité.

Dès qu’on rentre dans la poussière du monde, même sans être requis par quoi que ce soit, on est à soi-même une charge superflue. »

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… 119 – « Souvent l’homme perd son authenticité spirituelle parce que son cœur est instable. Si l’on reste assis dans le calme en bannissant toute pensée trouble, on est libre et insouciant comme les nuages, frais et pur comme le pluie, on vibre à l’unisson du chant des oiseaux, on est illuminé à la vue des fleurs qui tombent. Alors on se trouve, où qu’on soit, dans le monde véritable, on perçoit en toute chose sa raison véritable. »

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… 122 – « Les hommes sont prisonniers de leur désir de gloire et de profit et se plaignent à tout propos de vivre dans un monde de poussière, dans un océan d’amertume. Ils ignorent les blancs nuages et les montagnes vertes, les ruisseaux coulant entre des pierres, les oiseaux chantant parmi les fleurs, les chants des bûcherons qui se répondent dans les vallées.

Non, le monde n’est pas que poussière, l’amertume n’emplit pas les mers. C’est le cœur des hommes qui en est plein. » … »

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Ce livre deuxième m’a semblé explorer une voie tranquille

plus sensible à la Nature et à la beauté des éléments.

Le propos est intemporel, et même si le monde a changé,

les mots bien choisis parlent et parleront toujours à notre âme.

Tout est simple, les choses sont, il nous faut juste ouvrir les yeux et apprécier.

Le reste n’est qu’histoires…

Je vous le redis,

ce « traité » de contemplation, à la poésie exquise, est un joyau…

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Extraits de : « Propos sur la racine des légumes »  – Livre deuxième – Hong Zicheng  1572-1620.

Illustrations : 1/ « Chamonix et le Mont Blanc »  Ludwig Hess  1760-1800   2/ « La grive musicienne »  Bruno Liljefors  1860-1939   3/ « Vue du lac Seeberg » Caspar Wolf  1735-1783. 

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Se fondre dans les éléments…

BVJ – Plumes d’Anges.

Tempérance…

lundi 14 juillet 2025

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… 124 – « Un ciel serein est soudain sillonné d’éclairs et ébranlé par le tonnerre. Un vent rageur et une pluie battante cèdent soudain au clair de lune.

La nature est-elle un instant arrêtée dans son évolution ? Le ciel est-il un instant entravé dans son mouvement ? 

Le cœur humain doit être à l’unisson. »

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… 128 – « Notre corps est l’univers en petit. Nous contribuons à son équilibre en modérant joie et colère, en mesurant amour et haine. Le ciel et la terre sont nos parents à tous. On favorise l’harmonie générale en évitant au peuple tout motif de plainte et aux choses tout préjudice. »

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… 146 – « Lorsque la lampe faiblit et que les voix de l’univers se taisent, c’est le moment pour nous de trouver le calme.

Lorsque les rêves de l’aube se dissipent et que le monde ne s’agite pas encore, c’est le moment de sortir de la torpeur.

Si nous profitons de ces instants pour entrevoir notre nature réelle et ouvrir notre cœur à la lumière, nous comprenons alors que nos sens sont des carcans qui nous emprisonnent et nos passions des machines qui nous commandent. »

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… 147 – « Si nous nous en prenons à nous-mêmes, les choses qui nous arrivent sont autant de drogues salutaires. Si nous en voulons aux autres, les pensées qui nous agitent sont autant d’armes de guerre.

Ces deux attitudes sont aussi éloignées l’une de l’autre que le ciel de la terre. L’une ouvre la route du bien, l’autre fait jaillir la source du mal. »

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… 151 – « L’eau est naturellement calme si l’on n’y soulève pas de vagues. Un miroir est naturellement clair si l’on ne cache pas son éclat.

Il n’est pas utile de se purifier le cœur, il suffit d’en bannir toute pensée trouble pour que sa pureté se manifeste d’elle-même. Il n’est pas nécessaire de rechercher la joie, il suffit d’éviter tout motif d’amertume pour que la joie existe d’elle-même. »

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… 152 – « Une pensée qui enfreint les interdits du ciel, une parole qui perturbe l’harmonie de l’univers, un acte qui provoque le malheur de ses descendants sont les trois choses dont il faut se garder à tout prix. »

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… 199 – « C’est au coucher du soleil que les nuages sont le plus lumineux. C’est vers la fin de l’année que les orangers sont le plus odorants.

C’est au bout du chemin, au soir de la vie, que l’être noble doit sentir son énergie spirituelle se décupler. » …

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Ce recueil d’aphorismes au titre étonnant est un précieux livre de chevet.

L’auteur, Hong Zicheng, s’inspirant de divers enseignements

nous offre les fruits de sa réflexion et nous invite à y méditer.

On y picore quelques lignes ou quelques pages,

c’est simple, lumineux pour mieux vivre la vie

et aborder les évènements dans une plus grande sérénité. 

Très joli texte philosophique que je vous conseille vivement,

 je l’offrirais volontiers aux dirigeants de notre monde…

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Extraits de : « Propos sur la racine des légumes »  – Livre premier – Hong Zicheng  1572-1620.

Illustrations : 1/ « Création du monde – 4 »  2/ « Allegro – Sonate au soleil – 2 »  3/ « Création du monde – 6 »  Mikalojus K. Curlionis  1875-1911.

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Trouver notre juste chemin…

BVJ – Plumes d’Anges.

Être seul…

dimanche 6 juillet 2025

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« – ÊTRE SEUL –

Être seul – ce qui n’a rien à voir avec une philosophie de la solitude – c’est de toute évidence être dans une situation révolutionnaire, en opposition avec tout l’édifice social – non seulement celui de notre société, mais des sociétés communistes, fascistes, de tous les types de société en tant que systèmes organisés de violence et de pouvoir. Et cela implique une extraordinaire perception des effets du pouvoir. Vous, par exemple, avez-vous remarqué ces soldats à l’entraînement ? Ils n’ont plus rien d’humain, ce sont des machines, ce sont vos fils, ce sont mes fils, qui sont là, au garde-à-vous, en plein soleil. C’est ainsi que les choses se passent, en Amérique, en Russie et partout – et non seulement au niveau politique, mais aussi au niveau religieux -, on appartient à un monastère, à des ordres, à des groupes qui exercent un pouvoir stupéfiant. Or l’unique esprit capable d’être seul est celui qui n’est pas assujetti. Et la solitude ne se cultive pas. Est-ce-que vous voyez bien cela ? Lorsque vous l’avez vu, vous êtes voué à l’exclusion, et pas un gouverneur, pas un président ne vous conviera à sa table. Cette solitude est source d’humilité. C’est cette solitude, et non le pouvoir, qui connaît l’amour. L’ambitieux, qu’il soit un homme de religion ou un homme ordinaire, ne saura jamais ce qu’est l’amour. Et si l’on voit bien tout cela, on a alors cette qualité d’existence totale, et donc d’action totale. Tout cela advient grâce à la connaissance de soi. »

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N’appartenons qu’à nous-même,

sortons de ces jugements et comportements binaires : pour ou contre, bons et méchants…

dictés par des gens de pouvoir ou des intérêts financiers de tout acabit.

Ne l’oublions jamais, nous sommes à l’origine de notre existence

et notre vibration détermine un présent et un futur, celui de l’humanité.

Parfois, nous devons traverser un désert, parfois un champs de fleurs, parfois un chaos, 

c’est dans les moments de grande solitude que naît une lumière,

s’initie un chemin, un chemin de force et de liberté, 

restons vigilants, patients, dans l’espérance et dans la joie,

tout viendra en son temps…

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« Devant l’éclair –

Sublime est celui

Qui ne sait rien ! »

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Matsuo Bashô

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Extrait de : »Le livre de la méditation et de la vie« 

Jiddu Krishnamurti  1895-1986.

Photos BVJ – Alpes françaises juillet 2025.

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Ne pas se laisser assujettir…

BVJ – Plumes d’Anges.

Questionnements…

dimanche 15 juin 2025

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« … CHEMINS INTÉRIEURS

« Aider les gens à devenir eux-mêmes, voilà le but

de l’érudition. M’aider à devenir moi-même afin

que je puisse mieux aider les autres

à devenir eux-mêmes. »

Lucien Jerphanion  « À voix nue » interview du 12/11/2014.

 

Quitter les vieux réflexes comme l’on se défait de vêtements usés… Qui pense ? Qui agit, réagit en nous ?

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S’octroyer des cures d’impuissance, sans paniquer, sans se braquer, traverser les saisons de l’âme où rien ne progresse, apparemment…

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UNE PENSÉE APRÈS L’AUTRE…

« On s’aperçoit que tout ce qui se fait présent à

l’esprit est sans exception sujet à ce mouvement,

à ces conditions, à cette nature. »

Chögyam Trungpa « L’entraînement de l’esprit »

 

Flot de pensées qui se chevauchent et se remplacent… Le moi comme entité figée statique, monolithique est un leurre, une vue de l’esprit.

 

Rassurant ! les pensées qui me traversent n’ont pas d’origine, ni de destination. Elles ne demeurent pas.

 

Ce à quoi je crois dur comme fer n’a absolument rien de solide, de permanent !… »

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Porteur d’un handicap, placé à l’age de trois ans dans une institution religieuse, il en ressort dix sept ans plus tard, marqué.

C’est le questionnement d’un homme qui souffre dans sa chair et son esprit, un homme qui doute. Au fil de courts chapitres – chacun étant introduit par une citation –  il aborde de nombreux sujets qui sont autant de sujets de réflexion pour le lecteur.

Il interroge les philosophes pour trouver des réponses aux questions qu’il se pose. Il se met à nu, livre ses blessures, avance dans sa recherche même s’il a conscience que rien n’est jamais acquis. Il est en perpétuel manque d’affection, avec le temps il réalise que penser au bien des autres avant le sien en y associant la joie libère de beaucoup de souffrances inutiles et apaise. 

Un livre intime qui ne peut que toucher notre âme…

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Extraits de « Cahiers d’insouciance «  2022  Alexandre Jollien.

Photos BVJ – Jardin de la Médiathèque Chalucet à Toulon.

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Trouver notre propre voie de paix…

BVJ – Plumes d’Anges.

Viens…

dimanche 1 juin 2025

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« À pied et le cœur léger, je pars sur la grand-route,

Bien portant, libre, le monde devant moi,

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Le long chemin brun devant moi conduit

partout où je voudrai (…)

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Allons ! qui que tu sois, viens, voyage avec moi !

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En voyageant avec moi, tu trouveras

ce dont jamais on ne se lasse.

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La terre ne lasse jamais,

La terre est rude, silencieuse, incompréhensible

au premier abord, la Nature est rude

et incompréhensible au premier abord,

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Ne te décourage pas, persévère, il y a là

des choses divines soigneusement enveloppées,

Je te jure qu’il y a des choses divines plus belles

que les mots ne sauraient dire.

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Allons ! Il ne faut pas nous arrêter ici ;

Quelques délicieuses que soient ces provisions

amassées, quelque agréable que soit

cette demeure, nous ne pouvons pas rester ici,

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Quelque abrité que soit ce port et quelque

calmes que soient ces eaux, nous n’avons pas

le droit de jeter l’ancre ici,

Quelque accueillante que soit l’hospitalité qui

nous entoure, il ne nous est permis d’en jouir

que pendant un peu de temps (…)

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Qui que tu sois, avance ! Homme

ou femme, avance !

Il ne faut pas rester là à dormir ou à muser

dans la maison, même si tu l’as bâtie toi-même

ou si on l’a bâtie pour toi.

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 Sors de ce noir emprisonnement !

Sors de derrière ce paravent ! … »

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Ciel chargé, ciel azuré, incroyables paysages encore sauvages, d’une beauté renversante. Des senteurs à foison, tout est apaisé, tout est apaisant.

Et pourtant dans certains lieux la terre a tremblé, des villages entiers sont en reconstruction, des habitants relogés de façon temporaire – depuis de nombreuses années – vivent courageusement, il y a tant à faire.

La Nature est Reine, elle crée et détruit des merveilles sans relâche,

l’Homme doit plier, s’adapter, reconstruire l’abri, le toit, le jardin,

panser ses plaies, retenir ses larmes, larmes de tristesse mais aussi larmes de joie

en admirant simplement les éternels prodiges…

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Extraits du poème « Chant de la grand-route » – 1856 – dans « Feuilles d’herbe »  Walt Whitman 1819-1892.

Illustrations : Photos BVJ – La Nature autour de Sienne, les Monts sibyllins, les Abruzzes…, la vallée d’Aoste – mai 2025.

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Avancer courageusement…

BVJ – Plumes d’Anges.

Rêves éveillés…

dimanche 11 mai 2025

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« Je suis éveillé.

Je m’endors.

Je rêve que je suis éveillé.

Je rêve que je m’endors.

Je rêve que je rêve.

 

Je rêve que je rêve

que je suis éveillé.

Je rêve que je rêve

que je m’endors.

Je rêve que je rêve

que je rêve.

 

 Je suis éveillé. »

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« La pensée ne peut tenir dans l’homme.

C’est pourquoi elle se lance comme un bélier contre le ciel,

fichée comme un coin entre couleur et couleur,

cherchant son lieu

dans le corps du monde.

 

Sa charge de puissance nue

ravage les bords et le fond,

comme un courant barbare qui dévore son lit.

 

La pensée est une liberté plus grande que l’homme. »

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« On me dicte des choses,

non d’un autre monde ou partant d’autres êtres,

mais, plus humblement, du dedans.

 

Qui donc est au dedans,

en plus de moi ?

Ou peut-être n’y suis-je pas,

peut-être ai-je laissé la place

pour qu’un autre me dicte ?

 

S’il en est ainsi,

peu importe que la dictée

personne ne la comprenne.

Peu importe même

que moi je la comprenne.

 

Être n’est pas comprendre. »

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« Il est des vies qui durent un instant :

leur naissance.

 

Il est des vies qui durent deux instants :

leur naissance et leur mort.

 

Il est des vies qui durent trois instants :

leur naissance, leur mort et une fleur. »

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Quand les poèmes s’imposent,

qu’ils égrainent leurs mots comme des cailloux blancs,

quand les images se proposent,

nous retrouvons enfin notre chemin,

le chemin des rêves étoilés…

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Poèmes tirés de Poésie verticale – Roberto Juarroz  1925-1995.

Illustrations : 1/ « Plafond peint – Château d’Amerongen » photo A.J. 

2/ « Angélique sauvage »  Akseli Gallen-Kallela  1865-1931.

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Se laisser habiter…

BVJ – Plumes d’Anges.

Choix du cœur…

dimanche 4 mai 2025

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« … Tu as l’impression que ta vie présente n’est pas celle que tes parents voulaient pour toi ? a-t-elle demandé, comme si elle l’avait compris à demi-mot.

– C’est ça… Du coup, je me déçois moi-même. Je crois que je suis trop immature pour vivre de façon indépendante.

– Tu voulais ne dépendre de personne ?

– C’était un vague rêve d’enfant. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai jamais voulu avoir un travail précis. Être médecin ou avocat, très peu pour moi. Je n’ai jamais voulu réussir ni être célèbre. Je voulais mener une vie tranquille, c’est tout. Je voulais qu’on reconnaisse ma valeur en tant que telle. D’où mon vague rêve d’exister de façon autonome.

– C’est vraiment beau un rêve pareil.

– Pas du tout, je pense qu’à l’époque je ne savais pas rêver.

Yeong-ju a pianoté sur la bouteille ; il s’est appuyé contre le dossier de sa chaise.

– Moi je rêvais d’ouvrir une librairie.

– Alors tu as réalisé ton rêve.

– Ce n’est pas faux, pourtant ce n’est pas l’impression que j’ai. Et je ne sais pas pourquoi…

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Pour que l’harmonie soit belle en musique, elle doit être précédée d’une dissonance. Ainsi en musique, harmonie et dissonance doivent coexister. Et la vie est comme la musique. La vie est belle parce que la dissonance précède l’harmonie…

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– Il y a une chose que l’on apprend au cours de ses lectures, c’est que tous les auteurs sans exception sont tombés dans un puits, au moins une fois dans leur vie. Certains viennent tout juste d’en sortir, alors que d’autres en ont émergé depuis longtemps. Et tous nous disent : je suis sûr d’y retomber.

– Et pourquoi devrais-je écouter ces histoires de personnes tombées dans un puits ? Ça ne me concerne pas, a dit Min-cheol, le visage indéchiffrable.

– Et bien… c’est très simple. Le seul fait de savoir que je ne suis pas seule à souffrir me rend plus forte. Tiens, lui-aussi, il a des problèmes ? Ma souffrance est toujours là, mais elle s’allège plus ou moins. Je suis convaincue qu’il n’existe personne qui ne soit jamais tombé dans un puits.

Elle eu un petit sourire.

Minc-cheol l’écoutait, l’air assez grave.

– Et là, me vient l’idée de sortir de cet état d’impuissance. Alors je me relève. Et, ça alors, je me rends compte que le puits n’était pas profond du tout. Je sens une brise légère qui souffle vers ma droite, selon un angle de trente-cinq degrés. Je me dis soudain que j’ai de la chance d’être en vie. Parce que le vent me fait vraiment du bien… »

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C’est l’histoire d’un rêve réalisé : devenir libraire…

Yeong-ju quitte son emploi, la pression et le rythme du travail ne lui conviennent plus, elle est épuisée. Elle choisit d’installer sa librairie dans un quartier excentré de Séoul – elle ressent bien le lieu – et propose à ses clients des livres bien-sûr mais aussi du très bon café. De petites tables sont installées, on peut venir feuilleter, acheter ou déguster. Pendant les six premiers mois de sa nouvelle activité, elle est d’humeur taciturne, elle réfléchit silencieusement, lit beaucoup, établit des fiches de lecture qu’elle glisse dans les ouvrages, anime un blog.

Elle se rend compte que le poids qu’elle a sur les épaules est à nouveau trop important. Elle engage Min-jun, un barista, lui donne un bon salaire, pour une période de deux ans : il se prend au jeu et cherche à transformer sa fonction, chaque jour son café sera meilleur et plus subtil grâce à des mélanges improbables. Elle organise des rencontres avec des auteurs, elle suit son cœur, élabore des listes de questions pertinentes, anime des discussions avec des lecteurs sur des sujets à thème…

Des habitués peuplent quotidiennement le lieu et de nouveaux clients accourent. Elle transforme sa librairie en un lieu d’échange plein d’humanité, les questions affluent et des réponses sont proposées avec un infini respect, chacun appréciant l’intensité du moment présent. Des bribes du passé font surface , on en sait un peu plus sur les personnages, l’histoire se peint toujours par petites touches…

C’est un premier roman pour cette jeune auteure, un roman bienveillant et paisible, je l’ai de plus en plus apprécié au fil des pages, si vous avez besoin de douceur, partez à sa rencontre, il vous fera du bien…

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Extraits de : « Bienvenue à la librairie Hyunam »  2022 Hwang Bo-reum.

Illustrations : 1/« Étagères avec livres et objets » attribuée à Giuseppe Castiglione  1688-1766  2/« Nature morte avec oiseau en cage, livres, café… »  Johann Rudolph Feyerabend  1779-1814.

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Avoir confiance en nos capacités…

BVJ – Plumes d’Anges.

Re-naître

lundi 21 avril 2025

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« J’ai aimé plus que tout la tristesse du soir,

la beauté qui passait ses soirées dans le ciel,

la pourpre qui traînait dans le ciel chaque soir,

le jour éliminé par la couleur du soir.

Le couchant donne à tout la couleur de l’esprit,

cet ambre que le soir travaille à nous donner,

cette liqueur dorée versée par la pensée

quand la beauté nous aide à tenir jusqu’au soir.

Ce qu’on voit de divin dans le monde nous sauve,

ce que l’odeur des roses arrive à nous donner

quand le parfum des roses arrive à nous trouver. »

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« La couleur de l’esprit »  Lydie Dattas

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« J’ai appris à penser en regardant l’aurore,

j’ai appris à aimer en admirant les roses.

La beauté de l’aurore a formé ma pensée,

les anges ont préparé mon âme à la beauté,

mon âme inaugurée par le bleu de l’azur.

Le ciel me demandait mon avis sur les roses,

l’azur me consultait au sujet du lilas.

L’amour élucidait le mystère des roses,

la joie me traduisait la pensée de l’azur.

Le malheur m’a aidée à comprendre l’azur,

le malheur a rendu mon cœur intelligent. »

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« Le malheur m’a aidée »  Lydie Dattas

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De la nuit d’hier à la clarté d’aujourd’hui…

s’ouvrir à un monde nouveau,

notre monde intérieur et ses profondeurs.

Patiemment, en exhumer les trésors,

les hisser vers la lumière…

Belle semaine à toutes et à tous !

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Poèmes extraits de : « Le livre des anges »  2003  Lydie Dattas.

Illustrations : 1/ Vitrail « Ange de la paix »  2/ Projet de guirlande – gouache –  William Morris 1834-1896.

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Créer un nouveau monde lumineux…

BVJ – Plumes d’Anges.

Fleurs des cieux…

dimanche 13 avril 2025

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… « Au cœur du bleu un accord de rouge

vibre puis s’estompe ! Langueur

et nostalgie du chromatisme…

Quand le bleu se fait mélodie

les feuilles frissonnent,

jaunes sous les trilles,

et accompagnent le récitatif du soir.

Alors le bleu peint la conscience

avec des brosses qui dégorgent

d’anges, d’arbres et de sonates. »

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« Il faudra prendre les plus belles couleurs,

se saisir des pigments et des pierres broyées,

y ajouter le blanc de l’œuf,

il faudra préparer le mur, consolider le mortier

et déplier encore et le lys et le sourire de l’ange

près des ailes qui palpitent dans la fraîcheur du matin.

Le frère avait donné ses instructions à la cantonade,

la Parole pouvait enfin s’accomplir. »

Fra Angelico I

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« La joie, il la connaissait, la vraie joie quand il déversait aux pieds de l’archange en salutation les petites fleurs rouges qui grésillent sur le vent des prairies et qu’il répandait, plus légères dans les airs, les lettres d’un message auquel il croyait plus que tout. Mais il aimait surtout ses couleurs. Il ignorait que viendrait la Peinture, qu’en d’autres temps les hommes continueraient, après avoir révoqué les dieux, son interminable travail. Mais de son cœur qui battait devant le jaune des chemins et le rose des tuniques montait la joie qui emplit les siècles avec la force indestructible de la douceur. »

Fra Angelico II

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« Après matines, quand le jour peint ses oiseaux sur la surface déjà bleue d’un ciel de fête, ils quittent le monastère et vont observer les bourgeons sur les branches et le vent dans les marguerites. Chaque abeille leur est connue. Chaque coccinelle est leur amie. Quand sonne la cloche des vêpres, ils se dépêchent de regagner la chapelle et lisent sur les fresques l’étonnante histoire de ces messagers célestes semblables à de grands papillons bariolés qui butinent, parmi les fleurs des champs, le suc d’une nouvelle aurore. »…

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Ayant été conviée à une soirée POÉSIE organisée par deux jeunes et lumineuses professeures de Français, chaque invité devait apporter un ou plusieurs poèmes, les lire ou les déclamer. Nous avons écouté Aragon, François Cheng, Alicia Gallienne, Anna Akhmatova

En recherchant des textes nouveaux, j’ai découvert « Vies silencieuses » de Daniel Kay – c’est le titre qui m’a attirée, le poète était pour moi un parfait inconnu – et j’avoue avoir ressenti du plaisir à lire ce recueil dont je partage ici quelques extraits. Au fil des pages, Daniel Kay explore des tableaux ou déambule dans des paysages qui ont inspiré des Peintres, il questionne, il se fait voyageur transportant mots et couleurs.

Il y a toujours à s’émerveiller sur le chemin de la vie pour peu que l’on s’ouvre à d’autres horizons, guidé(e) par un signe…

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Extraits de : « Vies silencieuses »  2019  Daniel Kay.

Illustrations : 1/ « Étude de nuages »  Edgar Degas  1834-1917  2/ « Annonciation » – détail d’une fresque   et  3/ « Jardin de Gethsémani » détailCouvent San Marco  Fra Angelico  1395-1455   .

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Veiller silencieusement, l’œil ouvert…

BVJ – Plumes d’Anges.