L’ARBRE…

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« … les plantes ont leur volonté propre, de l’astuce et un but, tout comme les gens. Il lui parle, lors de leurs virées, de tous les miracles tortueux que la verdure peut concevoir. Les gens n’ont pas le monopole de l’étrangeté. D’autres créatures – plus grosses, plus lentes, plus anciennes, plus durables – mènent le jeu, fixent le climat, nourrissent la création et créent l’air même qu’on respire.

« C’est une idée géniale, les arbres. Si géniale que l’évolution ne cesse de la réinventer, à l’infini. »…

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« Nous savons si peu de choses sur la façon dont les arbres poussent. Presque rien sur la façon dont ils fleurissent, fourchent, se renouvellent et guérissent tout seuls. Nous en avons appris un peu sur quelques-uns, pris isolément. Mais rien n’est moins isolé, plus sociable qu’un arbre. »…

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C’est incroyable comme les choses paraissent folles dès qu’on se met à les regarder. »…

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Les champignons puisent dans la pierre des minéraux pour leurs arbres. Ils chassent les podures, qu’ils servent à leurs hôtes. Les arbres de leur côté, stockent un supplément de sucre dans les synapses de leurs champignons, à administrer aux malades, aux ombragés, aux blessés. Une forêt prend soin d’elle-même, tout en construisant le microclimat dont elle a besoin pour survivre.

Avant de mourir, un sapin de Douglas vieux de cinq cents ans renvoie son stock de composés chimiques dans ses racines et, via ses partenaires fongiques, lègue en testament sa fortune au pot commun. Nous pourrions appeler ces vénérables bienfaiteurs des arbres donateurs

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… Mais l’espoir et la vérité importent peu aux humains sans l’utilité. Dans son barbouillage de mots gauche et godiche, elle cherche l’utilité  du Vieux Tjikko, sur sa crête aride, qui sans fin meurt et ressuscite à chaque changement de climat. Son utilité, c’est de montrer que le monde n’est pas fait pour notre usage. En quoi sommes-nous utiles aux arbres ? Elle se remémore les paroles du Bouddha : Un arbre est une créature miraculeuse qui abrite, nourrit et protège tous les êtres vivants. Il offre même de l’ombre aux bourreaux qui l’abattent…

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Des messages sourds émanent de l’écorce contre laquelle elle s’appuie. (…)

Les signaux disent : Une bonne réponse mérite d’être inventée de zéro, encore et encore.

Ils disent : L’air est un mélange que nous devons continuer à produire.

Ils disent : Il y a autant sous terre qu’au-dessus.

Ils lui enseignent : N’espère ni ne désespère ni ne prédis ni ne te laisse surprendre. Ne capitule jamais, mais divise, multiplie, transforme, unis, agis et endure comme tu l’as fait tout au long du long jour de la vie.

Il est des graines qui ont besoin du feu. Des graines qui ont besoin du gel. Des graines qui doivent être avalées, gravées à l’acide digestif, expulsées comme déchets. Des graines qui doivent être écrasées pour s’ouvrir et germer. Un être peut voyager partout, à force même d’être immobile…« 

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Étonnante lecture, on entre dans ce livre comme on entre dans une forêt, le parfum est puissant, les bois craquent, les feuillages bruissent, les oiseaux chantent…

Au départ, neuf histoires – très différentes – se racontent, elles sont l’origine d’un présent qui se trame, se dessine, chaque histoire rencontre son arbre – le châtaignier, le murier, l’érable, le chêne et le tilleul, le pin douglas, le figuier, le ginkgo, le hêtre – petit à petit, des drames se nouent, quelquefois se dénouent.

Il y a Patty, la botaniste jadis collectionneuse de brindilles ; dans son enfance elle a montré des problèmes de langage,  son père l’a initiée à l’observation de la nature. Son arbre,  le hêtre s’élève dans une verticalité étonnante, il contemple et étudie les transformations du monde. Elle découvre et veut révéler que les arbres communiquent entre eux, leurs racines sont l’origine, elles se nourrissent à des sources multiples, parfois lointaines, elles sont des traces, une musique sans fin. Elles s’adaptent aux rencontres rocheuses, elles les contournent, elles sont la vie qui galope, la vie qui coure inexorablement pour le bien-être de tous. Mais quand on pense différemment, tout devient très difficile. Il y a huit autres destins qui se rencontrent, huit autres façons de vivre les arbres…

Richard Powers signe un roman palpitant, il explore différentes possibilités. Il prête des sentiments aux arbres, ceux-ci collaborent mais jamais ne cherchent à se détruire, la leçon est splendide ! L’homme s’égare dans le monde virtuel et ne sait plus admirer la magnificence de la Nature, il est mené par la cupidité….

C’est une fort belle lecture, parfois on se perd un peu, n’est-ce-pas le propre de la forêt, non ? À nous de noter quelques repaires, quelques indices. Le vocabulaire et le savoir de l’auteur sont époustouflants, la poésie omniprésente…

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Extraits de : « L’ARBRE MONDE »  2018  Richard Powers.

Illustrations : 1/« Ferme »  2/ « Le Haut Outaouiais »  3/« Automne »  Franklin Carmichael  1890-1945.

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Palpiter avec les mots et la Nature…

BVJ – Plumes d’Anges.

16 commentaires sur “L’ARBRE…”

  1. Fiorenza dit :

    Somptueux réveil au pied d’un arbre, de tous les arbres !

    Ce texte est une symphonie, nos oreilles encore plus que nos yeux
    s’enchantent d’une longue, longue phrase musicale :
    la « Moldau » de Smetana a naturellement jailli autour de moi
    en lisant l’extrait que tu nous offres, chère Brigitte !

    Plus le temps passe, plus j’aime les arbres : ils structurent nos jardins,
    nos campagnes, nos paysages sauvages ou plus citadins et les problèmes
    surgissent presque toujours là où ces « chefs-d’œuvre » disparaissent…

    Symboles de force, de beauté et de douceur réunies, nous devrions en planter
    partout, partout, c’est le projet d’une jeune équipe alsacienne rapporté
    il y a peu à la télévision…l’arbre, notre espérance 🌳

    Les tableaux d’illustration sont également très beaux : Merci, très chère amie !

  2. thé ache dit :

    la forêt mère de notre imaginaire et les arbres qui se devraient être au centre de nos préoccupations, mais le gain et l’intérêt à court terme ont fait oublier nos racines : redécouvrir toutes ces richesses….

  3. Marie Minoza dit :

    Un bel hommage à nos arbres!

    Ce n’est pas seulement un arbre
    devant une fenêtre
    C’est un conseiller que j’interroge
    et qui m’instruit par sa manière d’aller
    tout en hésitations et ruptures vers le pur
    Christian Bobin

  4. Aifelle dit :

    Il est dans ma PAL ! j’attends le bon moment pour le lire, peut-être cet été ; J’aime lire aussi Francis Hallé sur les arbres et son projet de forêt primaire en Europe : https://www.foretprimaire-francishalle.org/
    Les illustrations de Franklin Carmichael sont superbes. Bon week-end Brigitte.

  5. Adrienne dit :

    ah! les arbres! les arbres! Idéfix s’est réincarné en moi, je crois 😉

  6. Anne dit :

    J’adore l’arbre monde, il m’a laissé une forte impression, j’ai regretté d’avoir beaucoup oublié de ces connaissances…………

  7. Tania dit :

    Un livre référence, tu as raison, à offrir autour de soi. Les connaissances sur les arbres ont beaucoup progressé et les documentaires télévisés sur les arbres et les forêts sont de plus en plus fréquents, c’est une bonne chose. De plus en plus de signaux d’alarme aussi – déforestation, incendies, urbanisme du béton… Nombreux sont les citoyens qui prennent la défense des arbres, un beau combat.
    Les peintures que tu as choisies sont belles et étonnantes par des verts puissants.

  8. eki eder dit :

    je suis très tentée d’aller découvrir ce livre, merci du partage.
    Bon wk Brigitte

  9. Dominique dit :

    il est à mon programme et je suis heureuse de commencer la lecture chez toi

  10. daniel dit :

    Les hommes devraient bien s’inspirer des arbres ! Etre solidaires au lieu de s’entretuer !!

  11. Tu en parles très bien. A me faire presque regretter de l’avoir abandonné. J’ai aimé le début, j’ai appris beaucoup sur les arbres et puis je me suis sentie perdue et même lâchée. J’ai réservé Sidérations, malgré tout.
    Bonne journée.

  12. Florinette dit :

    Ça donne vraiment envie de s’y plonger. J’aime tellement les arbres si majestueux, si solitaires et pourtant si solidaires entre eux, c’est un véritable monde à lui tout seul ! Merci pour cette très belle et poétique présentation Plumes d’Anges et belle semaine, je t’embrasse.

  13. Merci pour cette invitation dans l’arbre monde ! On y court le pied léger et la tête curieuse…. c’est l’appel de la forêt ! Belle journée à vous.

  14. Merci Brigitte, ce livre est sur ma table de nuit (à lire), je viens de finir « Sidérations », conquise .
    Tu en parles si bien que j’ai hâte. Les arbres sont de grands sages, nous l’oublions souvent.
    Bravo pour ton choix de tableaux, des verts lumineux malgré des ombres très présentes.
    Je t’embrasse bien amicalement.

  15. carmen dit :

    Un plaisir de revenir sur ton blog.
    Je n’ai pas lu ce livre, mais les citations m’y encouragent.
    Magnifiques tableaux ! Merci, Brigitte.

  16. Colo dit :

    J’adore tes illustrations !
    Grande amoureuse des arbres, j’ai été moi aussi enthousiasmée par le début puis mon attention, mon intérêt se sont évanouis.
    Bon week-end de Pâques Brigitte, un doux beso

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