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« Mousses d’un vert profond
la poussière du monde est loin »
Sen no Rikyû
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» … Il faut avoir parcouru les allées de ces jardins, dans un monde où l’omniprésence du vert vous plonge dans un état de rêve et de silence, pour sentir à quel point la mousse y semble un souffle exhalé du sol, posé telle une brume, et dont on sent bien, sans rien connaître de son écologie, qu’aucun lien ne l’attache à la terre dans la profondeur d’un enracinement…
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… Comme si l’omniprésence du vert qui nimbe le sol et emporte le regard, dans le fondu miraculeux d’une somptuosité et d’un dépouillement, transformait l’espace tout entier par l’effet de quelque rémanence ; les sons eux-mêmes, comme atténués ou disparus, font apparaître plus dessinés et transparents qu’à l’habitude, les chants d’oiseaux, les filets d’eau glissant vers l’étang et « l’île au brouillard » qui en forme le centre…
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« Pluie d’averse
sans un bruit sur la mousse
me reviennent les choses du passé »
Yosa Buson
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… Ce n’est pas tant que le tapis de mousse assourdisse effectivement les sons environnants ou que, faute de fleurs, les insectes soient moins présents. On dirait que dans ce caractère étale de la mousse recouvrant tout le sol et montant le long des troncs des cèdres, des camphriers, quelque chose d’une marée se suspend, arrêtant le mouvement du monde, refluant vers les racines sculptées des arbres comme un drapé de pierre vers les mains jointes d’un gisant. Ombreuse et douce, la mousse épouse la terre, la couvre d’un manteau comme on le dit de la neige, et pas davantage on n’en peut isoler les brins que les flocons. Elle est le printemps perpétuel comme la neige est l’hiver, et comme elle, restitue le monde à son silence…
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… Accepter ce que la nature nous donne dans l’ombre, jardiner « avec » et non « contre »…
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… En toute saison, et l’été plus encore, on répand de l’eau sur le chemin afin de donner aux mousses, aux pierres, l’éclat fugace d’une ondée, en un geste d’hospitalité nommé uchimizu ; et en toute saison vient la lumière qui tombe des arbres, dont la taille tout exprès irrégulière n’a d’autre but que de laisser filtrer un miroitement d’ocelles qui vibrent sur le chemin comme depuis les fenêtres hautes d’une cathédrale de feuilles…
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… Les mousses naissent du temps, du temps et de l’ombre – par quoi elles se lient au sommeil et au songe. Quand on les croit dépéries, elles ne sont qu’endormies… »
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Extraits de : « Louanges des mousses » 2012 Véronique Brindeau.
Photos BVJ
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Emprunter les chemins de la délicatesse…
BVJ – Plumes d’Anges.