Archive pour janvier 2011

S’habiter…

lundi 10 janvier 2011

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… » Mais dites-moi, peuple d’Orphalese,

qu’abritez-vous dans ces maisons ?

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Qu’est-ce donc que vous gardez derrière ces portes verrouillées ?

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Possédez-vous la paix,

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la quiète ardeur qui traduit la puissance ?

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Avez-vous des souvenirs, ces arches scintillantes qui enjambent les sommets de l’esprit ?

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Recelez-vous la beauté, qui mène le cœur des choses faites de bois et de pierre…

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… vers la montagne magique ?

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Dites-moi, les gardez-vous chez vous ?

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Ou ne connaissez-vous que le confort et le désir du confort,

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cet être furtif qui pénètre en invité dans une maison,

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en devient l’hôte

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puis le maître ? »…

Extrait de « Le prophète »  Khalil Gibran 1883-1931.

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Nous habitons-nous vraiment ? …

BVJ – Plumes d’Anges.

Présence…

samedi 8 janvier 2011

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« S’assoir tous  deux au bord d’un flot qui passe,

Le voir passer ;

Tous deux, s’il glisse un nuage en l’espace,

Le voir glisser ;

À l’horizon, s’il fume un toit de chaume,

Le voir fumer ;

Aux alentours, si quelque fleur embaume,

S’en embaumer ;

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Si quelque fruit, où les abeilles goûtent,

Tente, y goûter ;

Si quelque oiseau, dans les bois qui l’écoutent,

Chante, écouter ;

Entendre au pied du saule où l’eau murmure

L’eau murmurer ;

Ne pas sentir, tant que ce rêve dure,

Le temps durer ;

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Mais n’apportant de passion profonde

Qu’à s’adorer ;

Sans nul souci des querelles du monde,

Les ignorer ;

Et seuls, heureux devant tout ce qui lasse,

Sans se lasser,

Sentir l’amour, devant tout ce qui passe

Ne point passer !

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« Au bord de l’eau »  René François Sully Prudhomme 1839-1907.

Illustrations : 1/« Vue sur le Mississipi »  Ferdinand Richardt 1819-1895  2/« Psyché et l’Amour »  François Pascal Simon Gérard 1770-1837  3/ »Jatte de fraises »  Sébastien Stoskopff 1597-1657  4/« Fleurs roses » Impératrice Cixi 1835-1908.

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Laisser couler la rivière de l’amour…

BVJ – Plumes d’Anges.

Étoile…

jeudi 6 janvier 2011

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Voir son Étoile, et  suivre sa lumière…

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Les Mages venus d’Orient suivirent la lumière de l’Étoile.

Elle les guida jusqu’à Bethléem, pour visiter l’enfant Jésus.

La tradition dit qu’ils étaient trois :

Gaspard apporta l’encens, symbole divin…

Melchior l’or, symbole royal…

Balthazar apporta la myrrhe, symbole spirituel…

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« Ils perdirent l’Étoile, un soir. Pourquoi perd-on

L’Étoile ? pour l’avoir trop regardée…

Les deux Rois blancs, étant des savants de Chaldée

Tracèrent sur le sol des cercles au bâton.

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Ils firent des calculs, grattèrent leur menton…

Mais l’Étoile avait fuit comme une idée

Et ces hommes, dont l’âme eut soif d’être guidée

Pleurèrent en dressant les tentes de coton.

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Mais le pauvre Roi noir, méprisé des deux autres,

Se dit : »Pensons aux soifs qui ne sont pas les nôtres.

Il faut donner quand même à boire aux animaux. »

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Et tandis qu’il tenait un seau d’eau par la anse,

Dans l’humble rond de ciel où buvaient les chameaux,

Il vit l’Étoile d’or qui dansait en silence. »

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« Les Rois Mages » –  Edmond Rostand 1868-1918.

Tableaux : 1/ « Allégorie de l’Astronomie »  Joseph Fratel 1730-1783  2/« Adoration des Mages » Andrea Mantegna 1431-1506  3/ Étoile en céramique – Iran  XIIIème siècle.

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Le ciel est en nous… Simplement suivre l’Étoile de notre cœur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Vie…

mardi 4 janvier 2011

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… » Une petite feuille solitaire, au bout d’une petite branche perdue dans l’immense feuillage roux d’un grand chêne, pleure dans l’automne finissant qui l’a parée de tous les ors du ciel. Elle sait que l’hiver est proche, prêt à étendre sa torpeur mortelle sur le monde végétal. Et elle ne veut pas mourir.

Elle aime passionnément la forêt majestueuse traversée par l’intimité odorante des petits sentiers bordés de fougères, dans le bruissement de ses frondaisons et le bourdonnement étouffé de ses insectes.

Elle craint le vent de novembre qui flagellera durement les feuilles sèches du bel arbre séculaire, figeant la Vie dans le processus lent et inexorable qui la fait remonter à travers l’écorce rigide et la moelle tendre, jusqu’à l’instant initial et obscur des origines.

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La petite feuille est inconsolable. C’est alors qu’une nuit, tandis que la lune émerge de la cime des arbres, un oiseau inconnu se posa sur la branche voisine et lui parla doucement, dans le langage des habitants de la forêt ;

« Pourquoi cette tristesse petite feuille ?

– Parce que j’ai peur de mourir.

– Pourquoi parles-tu de mourir ? Tu ne mourras pas, tu abandonneras seulement ta forme flétrie. N’entends-tu pas le chant de la forêt à travers les branches ?

– Certes, je l’entends, mais je suis seule comme chacune des feuilles mes sœurs, séparées les unes des autres à jamais, et j’ai peur… »

La petite feuille tremblait de toutes ses nervures et l’étrange oiseau reprit :

« Tes sœurs se croient séparées parce qu’elles se prennent pour des feuilles poussées sur les branches du chêne, et seulement pour cela. Cette impression d’isolement leur cause un malaise intolérable. Mais à toi, ce soir, je vais dévoiler la vérité :

Une seule vie anime l’arbre et tous les arbres de la forêt. Elle se multiplie en se divisant en petits tourbillons dont les uns habitent les racines, d’autres le tronc, d’autres les branches et d’autres encore les feuilles, puis les glands…Chacun de ces tourbillons se prenant pour lui-même dans sa forme particulière, sans relation avec son voisin.

Et de cela, naît toute la douleur du monde…

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La vie »coule » dans les moindres nervures des feuilles, comme dans les plus minuscules artérioles des oiseaux. Toi-même, petite sœur, tu es à la fois l’infime « tourbillon-feuille » et l’ensemble de tous les tourbillons tissant l’Univers qui débouche sur l’Infini.

La Vie ne cesse jamais. Ce sont les formes qui la contiennent qui naissent et meurent. »

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Histoire extraite de :  « La conscience d’être : ici et maintenant. » 1999 – Jeanne Guesné.

Illustrations : 1/ et 3/ « Vierge Hesselin »(Vierge au rameau de chêne)  Simon Vouet 1590-1649  2/  Planche « Garrulus Leucotis » 1877 – John Gerrard Keulemans 4/« Paysage avec chênes »  Alexandre Calame 1810-1864.

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Ressentir l’unicité de la Vie…

BVJ – Plumes d’Anges.