Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Miraculeuse circulation…

lundi 23 mars 2015

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« … la pivoine : jour après jour, elle nous étonne et nous émerveille par son épanouissement insolent. À un moment donné, nous croyons que le point culminant est atteint. Et bien non. Le lendemain et les jours suivants, encore et encore, quelque chose au cœur du calice continue à jaillir, telle une fontaine inépuisable, faisant frémir les pétales, déborder la coupe déjà trop pleine. Rilke, dans un des sonnets à Orphée, a écrit que lorsque la fleur s’apprête à s’ouvrir, c’est avec une telle volonté que, malgré son apparente fragilité, aucune force extérieure ne pourra l’en détourner. L’éclosion d’une fleur a beau être éphémère, elle est triomphante, comme si de toute éternité son irrépressible attention était enracinée dans la terre, comme si la terre ne pouvait pas ne pas donner une pivoine ou une rose, comme si la beauté d’une rose était suffisante pour justifier l’aventure de la Vie…

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… Entre source et nuage demeure cet espace intermédiaire où vivent les hommes, où se joue leur destin. Conscients de leur condition de mortel, ils sont aux prises avec le drame du temps irréversible.

En Chine certains sages ou poètes tels que Wang Wei tentent d’éclairer ce mystère, en partant du couple source-nuage. Dans presque toutes les cultures, le fleuve qui suit son cours symbolise le temps qui s’écoule sans retour. Les eaux du fleuve paraissent s’en aller en ligne droite, en pure perte.

En réalité, au fur et à mesure de leur écoulement, certaines eaux s’évaporent vers la hauteur, se transformant en nuages, et plus tard retombent en pluie pour réalimenter le fleuve à sa source. Entre ciel et terre s’établit alors cette miraculeuse circulation qui assure la marche réelle de la vie. Il en va de même pour ce qui est du temps. À l’image du fleuve, l’irréversibilité n’est pas la nature profonde du temps, qui lui se régénère. La reprise n’est pas la répétition : elle est voie ouverte à des transformations qualitatives… »

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Extrait de : « Et le souffle devient signe » 2001  François Cheng.

Illustrations livresques : 1/ »Pivoine à odeur de rose » Planche botanique extraite de « Les fleurs du jardin »  Jules Eudes 1856-1938  2/« Etude comparative des principales cascades, iles, rivières, montagnes de l‘hémisphère occidental » Planche extraite de l’« Atlas de Tallis »  John Rapkin 1815-1876.

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Se laisser transformer au fil des pages du livre de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.


Flamme…

vendredi 20 mars 2015

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« Interroge

Pénètre la

Terre


Écorce

Glacis sur l’écran nocturne

Magma percé d’ondes

Battements

Fureur

Métal


Corps en travail

Veines à nu


Interroge

Traduis

Traduis en langage intime

Traduis à mots ouverts

Ce fond des fonds qui secrète la pierre d’angle

Ce noyau où persiste la cible

Ce grain sans résidu


Interroge

Relie

L’homme à ses montagnes

fleurs géantes aux troncs solaires s’étreignant dans la fournaise abrupte

L’homme à ses continents

radeaux doublés d’espace   greffés sur la simple racine


L’homme aux hommes

annexés   tant qu’ils sont à la mort


Interroge la

Terre

Interroge-toi


Les sursauts de la braise


Le mouvement qui nous attelle aux flammes   à l’onde  à nulle part

à partout


Interroge l’image  écho intarissable

L’incision des sols

Les cadences qui mobilisent

Le souffle qui surprend  distance ou bouscule le jour

Ce souffle à gorge d’oiseau

à ventre de lumière

qui transperce nos écrans


Interromps

Fais silence

Apaise en toi ce toi


Avec ses dehors

ses allées  ses venues

Tissant

on ne sait quel sommeil

Égarant

en reflets  en replis

en façades

Ton chiffre

Traduis


Pénètre toujours

Gagne le centre


Affronte ces cratères  ces crevasses

ces morsures de la lave


Sonde  traverse

ces violences démantelées


Vis l’éclat

qui consume  qui renaît


Vis ce qui a nom de feu  de sables et d’étincelle   qui a nom d’insomnie   d’absence et d’avenirs


Écoute

En deçà des mots en chaîne

des paroles empaillées

des brindilles de l’heure

du cirque de nos ombres

des larmes bues à pleine bouche

des refuges qui séparent

Écoute la turbulence de l’arbre bâillonné


En chacun

partout


Reconnais

le grain

la pierre première

le cri de l’être  l’inflexible lueur


Et chante ! »

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Aujourd’hui, cette grande dame aurait fêté son anniversaire…

Aujourd’hui, est le printemps…

Aujourd’hui, est l’équinoxe de printemps…

Aujourd’hui, est un jour d’éclipse de soleil…

Aujourd’hui, est vraiment un grand jour,

bon grand jour à tous et à toutes,

éveillons-nous et chantons ensemble !

« Le feu du dedans ( Parenté de l’Homme et de la Terre) » Andrée Chédid 20 Mars 1920-06 Février 2011.

Illustrations : 1/ « Pèlerin » (détail) 2/ « Hero » Edward Burne-Jones 1833-1898.

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Retrouver la flamme de notre mer intérieure…

BVJ – Plumes d’Anges.

Baume…

lundi 16 mars 2015

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« … La compassion commence par un seul geste, celui de se pencher, de regarder, d’écouter autrui. Elle est discrète et attentive, elle ne fait pas d’éclat, mais offre toute la chaleur dont un individu est capable. Elle est d’abord un élan qui porte vers l’autre – le fameux prochain -, quel qu’il soit, à la façon dont on pratiquait l’hospitalité dans l’Antiquité grecque : on accueillait l’étranger sans même lui demander son nom ni les raisons de son passage. C’est l’élan premier – la voix du cœur – qui fait spontanément tendre la main à une personne âgée, qui relève quelqu’un qui vient de tomber. Au fond, un seul geste compte et c’est celui qui coûte le plus : prendre l’autre dans ses bras, le serrer sur son cœur. Cela suffit souvent à apaiser de grandes douleurs, cela dépasse toutes les thérapies savantes et bavardes. (…) On n’a pas les bras suffisamment ouverts, on n’a pas le cœur assez vaste pour serrer contre soi tout ce qui vit, souffre ou se plaint. C’est une déchirure de ne pouvoir héberger l’autre en soi, de n’être ni le Samaritain qui le recueille et le panse, ni l’aubergiste qui lui offre un toit et de quoi se sustenter. On ne se prend pas pour un sauveur, pour un baume seulement, on sait que la personne tombée, couverte de plaies, n’est pas guérie, mais qu’au moins elle se repose un peu, qu’elle se refait des forces avant de continuer sa route. Et, surtout, elle aura rencontré sur son chemin un visage de bonté ou, tout simplement, un visage humain. On voudrait être ce visage…

La charité est sans frontières parce que le cœur brisé est sans limites. L’animal, l’arbre, l’océan, tout mérite soins et attentions… »

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Extrait de : « Divine blessure » 2005  Jacqueline Kelen.

Dessins : 1/« Codex Vallardi – Tête de chien »  Pisanello 1395-1455  2/« Ange ailé »  Marie Ellenrieder 1791-1863 .

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Panser le monde avec bienveillance…

BVJ – Plumes d’Anges.


Itinérance…

mercredi 11 mars 2015

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« … La grâce, c’est oser un pas vers l’autre, aller au-delà de sa peur de ne pas être aimé parce qu’on porte en soi la plénitude d’un amour qui n’attend rien en retour…

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… Chacun raconte son histoire, il n’y a pas de faits ; seulement des interprétations ! L’histoire est un choix parmi ces interprétations

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… Quand tu as trouvé ta note juste, me disait-il, tout t’est accordé…

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… Toi, dans ce que tu diras certains trouveront une nourriture et une inspiration, d’autres y trouveront de quoi t’humilier, ça te gardera en équilibre…

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… La deuxième parole qui me revient en mémoire est un proverbe du Zaïre : « L’arbre tombe à grand bruit, mais on n’entend pas la forêt qui pousse. » C’est pour nous une invitation à ne pas avoir peur (…) Puissions-nous entendre, au-delà de nos langueurs et de nos plaintes individuelles, « la forêt qui pousse », le chant de la sève, la brise légère de notre espérance commune…

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… Chaque homme dans sa nuit est accompagné d’une invisible étoile…

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… Ni un itinéraire ni une errance, la vie intérieure est itinérance. Le chemin n’est pas tracé à l’avance, nos points de repères, nos bornes et nos balises souvent s’effacent ou sont emportés par le vent. Pourtant le chemin a un sens, une orientation. Dans le désert, plus important qu’une carte, est une boussole, pour ne pas perdre le nord. Quel que soit le désert à traverser, tu n’es jamais vraiment perdu si dans ce désert tu as un cœur.

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Étrange paradoxe : il y a des moments de vide, de néant qui nous étouffent et des moments de présence qui nous ouvrent, nous espacent… »

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Extraits de : « L’absurde et la grâce » 1991  Jean-Yves Leloup.

Illustrations : 1/« Nuit d’été »  Eilif Peterssen 1852-1928  2/« Lune d’argent »  Eero Järnefelt 1863-1937.

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Suivre sa lumière intérieure…

BVJ – Plumes d’Anges.

Puissance…

jeudi 26 février 2015

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« … On apprend à marcher à petits pas, un pied devant l’autre. On tombe ? Pas grave. Ça arrive à chacun de nous. On se relève et on repart, pour ne jamais plus ramper…

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… La peur est une maladie insidieuse et très grave, qu’on ne peut éradiquer que quand on se rend compte de sa progression et de ses ravages en nous. Malheureusement, certains d’entre nous ne s’en apercevront jamais. D’autres se rassureront en se disant qu’ils sont juste prudents, sur leurs gardes…

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… Existe-t-il en français une… maxime, un proverbe équivalent à

« Great oaks from little accorns grow » ?

(…) – Euh… Les petits ruisseaux font les grandes rivières, traduisis-je en anglais.

(…) – Oh, j’aime beaucoup… Je trouve cela encore plus évocateur que les chênes. Oui, une goutte d’eau, une autre, un ruisseau, une rivière, un fleuve, un immense océan. En japonais, ce serait peut-être « Chiro mo tsumoreba yama ta naru ».

– Qui signifie ?

– À force d’accumuler de la poussière, on obtient une montagne…

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… Grains de sable, nous sommes des montagnes en devenir si nous arrêtons un jour de ne penser qu’à nous, nous-mêmes, petits grains de sable isolés. Nous sommes l’infime particule de la véritable puissance. Une puissance belle, calme, généreuse… »

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Extraits de : « Et il me parla de cerisiers, de poussières et d’une montagne… » 2014  Antoine Paje.

Illustrations : 1/« Lac, près d’Ischl »  2/ »Paysage de montagne »  Gustave Doré 1832-1883.

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Réaliser notre puissance…

BVJ – Plumes d’Anges.

Beau Temps…

lundi 23 février 2015

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« Le temps viendra

où, avec allégresse,

tu t’accueilleras toi-même, arrivant

à ta propre porte

et chacun sourira et souhaitera la bienvenue à l’autre

et dira, assieds-toi là. Mange.

Tu aimeras à nouveau l’étranger que tu étais.

Donne du vin. Donne du pain. Redonne ton cœur

à toi-même, à l’étranger qui t’a aimé

toute ta vie, que tu as ignoré

qui te connaît par cœur…

Assieds-toi. Fais-toi une fête de ta vie. »

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« L’Amour après l’amour » extrait de « Raisins de mer » 1976  Derek Walcott (traduction Jean-Claude Ameisen).

Illustrations : 1/« Fille au bouquet comme une allégorie au printemps »  Christian Landenberger 1862-1927  2/« Les apprêts de la soirée » (détail)  Herman Richir 1866-1942.

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Le temps est proche de re-connaître notre belle lumière…

BVJ – Plumes d’Anges.


Mouvement et repos…

jeudi 19 février 2015

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« Un poème est une peinture invisible.

Une peinture est un poème visible »

Guo Xi

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« À l’homme d’intelligence plaît l’eau ;

À l’homme de bonté, la montagne.

À l’un le mouvement,

Et à l’autre le repos. »

Confucius

Tableaux : 1/« Lever de soleil sur un paysage italien » 2/« Cascade près d’Allevard » 3/« Vue sur les chutes à Tivoli » 4/Torrent à San Cosimato » 5/« Vue sur le ravin de San Cosimato » Jean-Joseph Xavier Bidault 1758-1846.

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Mouvement et repos, l’équilibre coule de source…

BVJ – Plumes d’Anges.


Sursaut…

lundi 16 février 2015

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« … Agnès de Mille « J’étais perdue et inquiète de ne pas pouvoir faire confiance à mon échelle de valeurs… Je confesse que j’avais un désir brûlant d’être parfaite et aucune confiance de pouvoir l’être. »

Martha me dit très calmement : « Il y a une vitalité, une force de vie, une énergie, une accélération qui se traduit en action à travers toi, et parce qu’il existe un seul exemplaire de toi dans toute l’éternité des temps, cette expression est unique. Et si tu la bloques, elle n’existera plus jamais par un autre canal et sera perdue. Le monde ne l’aura pas. Ce n’est pas ton affaire de décider combien elle est bonne, ni combien elle est valable, ni si elle est comparable à d’autres expressions. C’est ton affaire de te l’approprier clairement et sans détours, de garder le canal ouvert. Tu n’as même pas à croire en toi ou en ton travail. Tu as à te garder ouverte et consciente des élans qui te motivent. Garde le canal ouvert… »

Extrait de : « La vie et le travail de  Martha Graham »  Agnès de Mille 1905-1993

(Extrait découvert sur le très beau site Sankalpa )

Photographie : « Danse » Yva 1900-1942.

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Se centrer pour s’ouvrir à la danse de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.


Ligne de vie…

jeudi 12 février 2015

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« … Car toujours revient la question

comment

dans la mouvance des choses

choisir les éléments

fondamentaux vraiment

qui feront du confus

un monde qui dure

et comment ordonner

signes et symboles

pour qu’à tout instant surgissent



des structures nouvelles

ouvrant

sur de nouvelles harmonies

et garder ainsi la vie

vivante

complexe

et complice de ce qui est –

seulement :

la poésie. »

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Trouver l’inspiration entre ciel et mer…

Extrait de : « Le grand rivage » 1980 Kenneth White.

Illustrations : 1/« Mer d’orage sur les falaises » 2/« Au large des Cornouailles » 3/« Vagues et rochers »   William Trost Richards 1833-1905.

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Naviguer poétiquement sur l’océan de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Harmonie partagée…

lundi 9 février 2015

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 » Dans une petite ville entre les collines, un mendiant erre dans les ruelles tortueuses et sordides. Il parvient à la place du marché, quelqu’un le bouscule, il s’assoit sur une pierre levée, on lui sert un bol de soupe de riz. Puis il va vers la rivière, tout le long s’étalent les échoppes. Le mendiant se met à son endroit favori près du pont de l’Harmonie.

Parmi les échoppes se trouve une boutique en bois rouge sans enseigne, la boutique du marchand de thé. Le mendiant observe la foule aller et venir. Un homme riche et bien vêtu entre dans la boutique. C’est la première fois qu’il le voit. On n’entend rien, on ne sait ce qui se dit mais, quand l’homme ressort, le marchand sur le pas de la porte, le salue profondément. L’homme porte une boite en laque que le mendiant reconnaît : c’est un thé de collection, rare, qui vient des montagnes lointaines. Le mendiant interroge, on lui répond que cet homme est un amateur de thé réputé, poète également. Il vit dans le quartier des vastes demeures qui se trouvent derrière le temple de la Paix Sublime. Le mendiant va de ce côté.

À la porte d’entrée de la maison de l’amateur, il répond au portier qu’il est venu goûter le thé : « Votre maître a la réputation d’être un amateur, un grand connaisseur de thé, je désire parfaire ma connaissance et éprouver nos goûts. »

Le serviteur rapporte ses paroles à son maître. Celui-ci a des sentiments mêlés, il est surpris, intrigué, flatté et heureux d’une possible rencontre. Il le fait entrer. Le maître découvre dans ce mendiant un homme agréable et cultivé, il l’invite dans le jardin.

Dans le pavillon de la Lune Pourpre, on prépare le thé. La cascade résonne, son ténu entre les bambous, qui rafraîchit cet après-midi d’été. Le mendiant apprécie : « Ce thé est un thé de printemps de première récolte, mais la théière est trop neuve, cela amoindrit le goût ! »

En effet, le serviteur l’avoue. Le maître est impressionné de sa sûreté de jugement. Le mendiant ajoute qu’il peut améliorer le goût. Comment ? s’exclame le maître. Comme ceci, et le mendiant sort de la manche de sa veste une théière. Une petite théière, ronde, de terre cuite brun foncé. Le couvercle est surmonté d’une tortue tête levée. Théière polie par les années, couverte de la patine des mains… Elle l’accompagne depuis des années, depuis toujours, murmure-t-il, le regard embué…

Le mendiant prépare le thé. Excellent !

Avec respect, le maître prend la théière, regarde dedans. La paroi est tapissée d’une épaisse couche. Il la tourne dans ses mains. Reflets profonds. Traces de chaque thé bu, accumulées…

Autrefois, le mendiant, amateur lui aussi, possédait des théières fabuleuses, pièces uniques dans lesquelles il buvait des thés assez rares. Puis, un jour, le vent a tourné, les affaires moins bonnes, il a tout vendu. Sauf cette théière qu’il porte sur lui. Le maître veut l’acquérir, il propose un bon prix, le mendiant refuse ! Le maître pose le double de la somme, le mendiant accepte de vendre ! Il vend la moitié de sa théière !

Chaque jour, le mendiant vient chez l’amateur. Dans le pavillon de la Lune Pourpre, l’amitié résonne entre cascade et bambou. Le maître offre le thé, il le fait préparer dans la théière qu’offre le mendiant. Tous deux partagent ce moment… Harmonie parfaite… »

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Extrait de : « Contes de la chambre de thé » 2010  Sophie de Meyrac.

Illustrations : 1/ et  2/  « Fleurs de Lotus » Peintre anonyme – Chine XVIIème.

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Clarté lumineuse de l’harmonie partagée…

BVJ – Plumes d’Anges.