Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Magiques forêts…

lundi 25 septembre 2017

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« … La forêt est la forme de végétation présentant la plus grande surface foliaire. Chaque mètre carré de forêt correspond à 27 mètres carrés de feuilles et d’aiguilles de houppier. Une partie des précipitations se dépose sur le feuillage et s’évapore presque aussitôt. S’y ajoutent en été jusqu’à 2500 mètres cubes d’eau par kilomètre carré que les arbres absorbent et rejettent dans l’atmosphère par transpiration. La vapeur d’eau qui en résulte forme de nouveaux nuages qui se déplacent vers le centre des continents et se dissolvent de nouveau en pluie. Le mécanisme se répète à l’infini, de sorte que même les régions les plus éloignées de la mer sont arrosées. Ce système de pompage et de redistribution est d’une efficacité telle qu’en de nombreuses grandes régions du globe, dont le bassin de l’Amazone, le volume des précipitations est quasi identique sur les côtes et à des milliers de kilomètres de la mer. À une condition : qu’il y ait de la forêt, depuis le bord de la mer jusqu’au point le plus reculé du continent. Si jamais le premier maillon fait défaut, s’il n’y a pas de forêt en bord de mer, le système s’effondre. Nous devons la découverte de cette condition décisive à une équipe de scientifiques animée par Anastassia Makarieva, en Russie…

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… L’atmosphère de la forêt est synonyme d’air pur et sain. Quoi de mieux que la forêt pour s’aérer les poumons, courir ou faire du sport après une semaine en ville ? Cette bonne réputation n’est pas usurpée. L’air est effectivement beaucoup plus pur sous les arbres, car ils sont d’excellents filtres. Les feuilles et les aiguilles qui baignent en permanence dans les flux d’air captent nombre de particules qui y sont en suspension. Le volume qu’elles interceptent peut s’élever à 7000 tonnes par an au kilomètre carré. Cela s’explique par l’immense surface foliaire que représentent les houppiers…

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… La futaie jardinée* est à l’exploitation forestière ce que la culture biologique est à la production de denrées alimentaires. Cette méthode de gestion durable de la forêt mêle étroitement des arbres de tailles et d’âges différents, si bien que les enfants-arbres grandissent sous leur mère. Seuls quelques gros troncs sont abattus ici et là, en veillant à ne pas endommager le reste du peuplement, puis débardés en douceur, par des chevaux. Et afin que même les vieux arbres aient toutes leurs chances, 5% à 10% de la forêt sont placés sous protection. Le bois provenant de ces exploitations respectueuses des arbres peut être employé sans hésitations. Malheureusement, 95% des forêts exploitées de l’Europe tempérée sont encore des cultures monospécifiques qui utilisent de lourds engins de chantier. Il n’est pas rare que des non-professionnels perçoivent mieux que les forestiers la nécessité de changer de pratiques culturales. Ils interviennent de plus en plus souvent dans la gestion des forêts publiques et parviennent à imposer aux autorités décisionnaires des critères environnementaux très exigeants au niveau local. Dans le cas de la Suisse, c’est un pays tout entier qui se soucie du bien-être des végétaux. La constitution fédérale édicte des dispositions concernant l’obligation de traiter les animaux, les plantes et tout organisme vivant dans le respect « de la dignité de la créature ». Couper ds fleurs sur le bord ds routes sans nécessité est répréhensible. Hors de Suisse, cette vision éthique a certes suscité quelques hochements de tête dubitatifs mais, pour ma part, j’approuve sans réserve cette brèche ouverte dans la frontière idéologique entre animaux et végétaux. Quand les capacités cognitives des végétaux seront connues, quand leur vie sensorielle et leurs besoins seront reconnus, notre façon de considérer les plantes évoluera… ».

*En sylviculture, les termes « jardinage » et « jardiner » désignent un mode d’exploitation de la forêt. La futaie jardinée est une pratique ancienne fondée sur des coupes légères et fréquentes. Respectueuse des processus naturels, elle assure la stabilité et la permanence de la forêt.

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Extraits de : « La vie secrète des arbres »  2017  Peter Wohlleben.

Illustrations : 1/« La solitude des bois »  2/« Ruisseau et forêt »  Eduard Leonhardi  1828-1905.

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Vibrer au son de la nature…

BVJ – Plumes d’Anges.

Je veux croire…

jeudi 21 septembre 2017

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« … Je veux croire qu’il y en a, des vies comme ça, des vies de nuit qui portent leur lumière et leur mémoire et qui s’avancent pourtant comme de pauvres bateaux avec leur maigre lanterne dans la tempête du chaos et des souvenirs, mais qui par leur espérance allument des soleils magnifiques. C’est ce que je veux. En dépit de tout. Allumer des soleils. C’est ce qui m’a toujours portée…

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Dieu se réveillera-t-il un jour de sa sieste ou le rêve du monde se poursuivra-t-il aussi longtemps que son sommeil ? Je suis une pivoine, je suis entrée dans le rêve, il y a des années, dans le rêve de mon nom, une pivoine aux pétales défaits qui a cherché Yasuki toute sa vie, cherché la vérité. Car la poésie est liée à la vérité. Elle est parfaitement réelle. Elle est ce point de pureté du réel qui, lorsqu’on le perçoit, fait de nous des êtres humains incarnés et vivants, manifestation du divin, spiritualisant la matière. Notre tâche d’homme, je ne cesse de le répéter : déplier l’absolu en nous…

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Lorsque nous mourrons, toute notre énergie positive participe de l’avancée du projet cosmique. Et l’énergie négative retourne à la masse de ce qui doit être transformé, à l’inconscient de l’Univers, pour être de nouveau représentée, distillée et modifiée dans le creuset alchimique qu’est l’homme. Jusqu’à ce que, entièrement transformée, l’énergie puisse muter et ouvrir à un autre champ de conscience. Nous sommes l’athanor, le creuset dans lequel se distille la conscience. Notre responsabilité dans l’Univers est une responsabilité d’alchimiste. C’est cela qu’il fut transformer : l’émotion en caractère

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… Yasuki me dit qu’il y a deux hémisphères sur la terre pour que les êtres humains ne dorment pas tous en même temps ; sans quoi il n’y aurait pas assez de rêves pour faire exister le monde. Et aussi qu’il y a deux hémisphères dans le cerveau… »

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Extraits de : « La vie spirituelle » 2017  Laurence Nobécourt.

Illustrations : 1/« Printemps à Atagoyama »  2/« Pluie de printemps »  Hasui Kawase  1883-1957.

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Illuminer les nuits intérieures…

BVJ – Plumes d’Anges.

Mémoire du cœur…

lundi 18 septembre 2017

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« … Les éléphants, sans aucun doute, comprennent la mort. Ils ne s’y préparent peut-être pas comme nous ; ils n’imaginent peut-être pas des vies compliquées dans l’au-delà, à la façon de nos doctrines religieuses. Pour eux, la tristesse est plus simple, plus propre. Elle porte entièrement sur la perte.

Les éléphants n’accordent pas un intérêt particulier aux os des autres animaux morts, seulement à ceux de leurs congénères. Même s’ils tombent sur le corps d’un éléphant mort depuis longtemps, ses restes dévorés par les hyènes, son squelette éparpillé, ils se rassemblent et la tension est perceptible. Ils s’approchent de la carcasse en groupe et caressent les ossements avec ce qu’on ne peut décrire que comme du respect. Ils caressent l’éléphant mort, en le touchant sur tout le corps avec leur trompe et leurs pattes arrière. Puis ils sentent. Il arrive qu’ils prennent une défense ou un os et l’emportent pendant un moment. Ils mettent sous leurs pieds des fragments d’ivoire, même minuscules, et les font doucement rouler. (…)

J’ai vu passer une fois un troupeau d’éléphants dans la réserve du Botswana, et Bontle, leur matriarche, tomber. S’apercevant qu’elle allait mal, ils tentèrent d’abord de la relever avec leurs trompes et de l’aider à se tenir debout. Comme ça ne marchait pas, quelques-uns des jeunes mâles montèrent Bontle, cherchant à la ranimer. Kgosi, son petit, alors âgé de quatre ans, lui mit sa trompe dans la bouche, comme le font les éléphanteaux pour saluer leur mère. Le troupeau grondait et le petit émettait des sons qui semblaient être des pleurs. Puis tous firent silence. Je compris à cet instant qu’elle venait de mourir.

Quelques éléphants partirent à la lisière de la forêt où ils ramassèrent des feuilles et des branches qu’ils rapportèrent pour recouvrir Bontle. D’autres jetèrent de la terre sur son corps. Le troupeau se tint solennellement près du corps de Bontle pendant deux jours et demi, les éléphants ne s’éloignant que pour aller chercher de l’eau ou de la nourriture en revenant aussitôt. Même des années plus tard, alors que ses os avaient blanchi et étaient dispersés, et que son crâne massif restait coincé dans une courbe asséchée du fleuve, le troupeau s’arrêtait quand il passait et les éléphants restaient immobiles pendant deux minutes au-dessus des restes… »

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Extrait de : « La tristesse des éléphants »  2017  Jodi Picoult.

(Un roman émouvant, une intrigue au dénouement inattendu et parallèlement,

une belle recherche sur la vie des éléphants…)

Illustrations : 1/« Éléphant d’Afrique »  Aloys Zötl 1803-1887  2/« Le jardin des délices » – détail du panneau central – Jérome Bosch  1450-1516.

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Penser paisiblement à ceux dont nous sommes issu(e)s…

BVJ – Plumes d’Anges.

Reprendre vie…

mardi 12 septembre 2017

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« C’est dans les endroits

les plus nus

que la semence nouvelle,

porteuse de foi,

vient s’enraciner

le plus profondément…

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… L’homme traita mon oncle d' »idiot du village ». Mais ce démarcheur ne connaissait pas mon oncle. Il ne savait pas qu’il avait vu sa vie réduite en cendres et qu’il demeurait pourtant gentil avec les enfants et attentif avec les animaux, tout en continuant à croire que la terre était un être vivant, doté de ses propres espoirs, de ses propres besoins et de ses propres rêves…

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Je sais que dans chaque terrain en friche, une nouvelle vie attend de renaître. Plus encore, que la vie nouvelle viendra, qu’on le veuille ou non. On peut à chaque fois tenter de la déraciner, à chaque fois elle émettra de nouvelles racines et fera de nouveau souche. Le vent apportera de nouvelles semences qui continueront à arriver et avec elles les opportunités de changer, raccommoder, récupérer son cœur et, enfin, enfin, de choisir à nouveau de vivre. Oui, j’en suis certaine.

Qu’est-ce qui ne peut mourir ? C’est cette force de foi que nous portons en nous et qui nous dépasse, qui appelle les nouvelles semences vers les lieux nus, endommagés et arides pour que nous germions à nouveau…

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… Une prière

Refuse de tomber.

Et si tu ne peux refuser de tomber,

Refuse de rester à terre.

Si tu ne peux refuser de rester à terre,

Élève ton cœur vers le ciel

Et tel un mendiant affamé,

Demande à ce qu’il soit rempli

Et rempli il sera.

On peut te faire toucher le sol.

On peut t’empêcher de te relever.

Mais personne ne peut t’empêcher

d’élever ton cœur

vers le ciel, personne sauf toi-même.

C’est au plus noir du malheur

Que tout s’éclaire.

Dire que de là rien de bon

N’est issu

Est faire la sourde oreille. »

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Extraits de : « Le jardinier de l’Éden »  1998  Clarissa Pinkola Estés.

Illustrations : 1/« Jour de brouillard » William Trost Richards  1833-1905  2/« Pins dans les marais Pontins » Henryk Cieszkowski  1835-1895.

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Renaître à la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Vraies richesses…

vendredi 8 septembre 2017

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« … Le mariage eut lieu quelques semaines plus tard. Don Salvatore bénit leur union. Puis Elia convia tous les invités au trabucco pour un grand festin. Michele, le fils de Raffaele, avait dressé une longue table au milieu des filets et des poulies. Toute la famille était là. La fête était simple et joyeuse. Les victuailles en abondance. À la fin du repas, Donato se leva, calme et souriant, demanda le silence et se mit à parler :

« Mon frère, dit-il, tu t’es marié aujourd’hui. Je te regarde, là, dans ton costume. Tu te penches sur le cou de ta femme pour lui murmurer quelque chose. Je te regarde lever ton verre à la santé des invités et je te trouve beau. Tu as la beauté simple de la joie. Je voudrais demander à la vie de vous laisser tels que vous êtes là, intacts, jeunes, pleins de désirs et de forces. Que vous traversiez les ans sans bouger. Que la vie n’ait pour vous aucune des grimaces qu’elle connaît. Je vous regarde aujourd’hui. Je vous contemple avec soif. Et lorsque les temps se feront durs, lorsque je pleurerai sur mon sort, lorsque j’insulterai la vie qui est une chienne, je me souviendrai de ces instants, de vos visages illuminés par la joie et je me dirai : N’insulte pas la vie, ne maudis pas le sort, souviens-toi d’Elia et de Maria qui furent heureux, un jour au moins, dans leur vie, et ce jour tu étais à leurs côtés. »…

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… « Les générations se succèdent, don Salvatore. Et quel sens cela a-t-il au bout du compte ? Est-ce qu’à la fin, nous arrivons à quelque chose ? Regardez ma famille. Les Scorta. Chacun s’est battu à sa manière. Et chacun, à sa manière, a réussi à se surpasser. Pour arriver à quoi ? À moi ? Suis-je vraiment meilleur que ne le furent mes oncles ? Non. Alors à quoi ont servi leurs efforts ? À rien. Don Salvatore. À rien. C’est à pleurer de se dire cela.

– Oui, répondit don Salvatore, les générations se succèdent. Il faut juste faire de son mieux, puis passer le relais et laisser sa place. »

 Elia marqua un temps de silence. Il aimait, chez le curé, cette façon de ne pas tenter de simplifier les problèmes ou de leur donner un aspect positif. Beaucoup de gens d’Église ont ce défaut. Ils vendent à leurs ouailles le paradis, ce qui les pousse à des discours niais de réconfort bon marché. Don Salvatore, non. À croire que sa foi ne lui était d’aucun réconfort.

 » Je me demandais justement, reprit le curé, avant que tu n’arrives, Elia, qu’est devenu ce village. C’est le même problème. À une autre échelle. Dis-moi, qu’est devenu Montepuccio ?

– Un sac d’argent sur un tas de cailloux, dit amèrement Elia.

– Oui. L’argent les a rendu fous. Le désir d’en avoir. La peur d’en manquer. L’argent est leur seule obsession.

– Peut-être, ajouta Elia, mais il faut reconnaître que les Montepucciens ne crèvent plus de faim. Les enfants n’ont plus la malaria et toutes les maisons ont l’eau courante.

– Oui, dit don Salvatore. Nous nous sommes enrichis, mais qui mesurera un jour l’appauvrissement qui est allé de pair avec cette évolution ? La vie du village est pauvre. Ces crétins ne s’en sont même pas aperçus… »

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Extraits de : « Le soleil des Scorta »  2004  Laurent Gaudé.

Illustrations : 1/« Paysage italien »  Henryk Siemiradzki  1843-1902  2/« Coquillage »  Odilon Redon 1840-1916.

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Choisir avec le coeur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Plonger…

samedi 2 septembre 2017

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« … Un vieil homme sage est interrogé sur la trajectoire de son existence jusqu’à ce jour. Et voilà comment il en résume les trois étapes : « À vingt ans, je n’avais qu’une prière : mon Dieu, aide-moi à changer ce monde si insoutenable, si impitoyable. Et vingt ans durant, je me suis battu comme un fauve pour constater en fin de compte que rien n’était changé. À quarante ans, je n’avais qu’une seule prière : mon Dieu, aide-moi à changer ma femme, mes parents et mes enfants ! Pendant vingt ans, j’ai lutté comme un fauve pour constater en fin de compte que rien n’avait changé. Maintenant je suis un vieil homme et je n’ai qu’une prière : mon Dieu, aide-moi à me changer – et voilà que le monde change autour de moi ! »

Et pas de malentendu ! Ce n’est pas d’un renoncement à l’action qu’il s’agit mais bien au contraire d’une action neuve dans un esprit libre, libéré des scories de la puissance, du vouloir paraître, des vanités individuelles, des rivalités, des règlements de comptes ! Une action libre dans la joie de servir…

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Voilà ce que je tente d’exprimer par ce livre : il faut reprendre confiance, passionnément confiance dans notre destinée ! Nous sommes tous inhibés, frigides, des frigides de l’amour du divin, frigides devant Dieu ! Nous n’osons plus la ferveur, nous n’osons plus croire que la ferveur que nous vivons dans la dimension de notre destin peut avoir une importance démesurée sur l’univers entier. À partir du moment où nous entrons dans une dimension de ferveur, nous pouvons déplacer des montagnes. Et quelque chose au fond de nous le sait. Tout l’édifice de l’appris, toutes les ruines qui se sont écrasées sur notre cœur au cours de l’existence, tous ces débris amoncelés nous empêchent de voir ce qu’au fond de nous, pourtant, quelque chose obstinément continue de savoir

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Il n’y a rien de ce que nous vivons chacun dans notre être, dans nos destins particuliers, qui ne soit l’affaire de tous. Il n’y a aucune expérience que nous fassions, aucune chose que nous vivions, qui ne se répande, que nous le sachions ou non, à travers le monde. Toutes les dégradations que nous vivons nous dégradent tous. Toutes les relations claires et hautes nous éclairent tous et nous élèvent. D’autres sont branchés sur les mêmes longueurs d’ondes et peuvent les amplifier. Si je m’élève, j’élève les autres. Imaginez ce filet de pêcheur sur une plage. Je ne peux soulever une maille sans que le filet entier vienne avec. Il n’y a rien qui soit séparé. Cessez de croire que vos expériences de l’amour ne concernent que vous. Chacun de nous, dans chacune de ses amours, est responsable de l’amour sur terre…

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Failli pas failli, fauté pas fauté, péché pas péché, trahi pas trahi… Qu’est-ce que ça peut lui faire au ciel ? Pendant tout ce temps que tu mets à ruminer, tu pourrais enfiler des perles pour sa plus grande joie !!! L’injustice règne partout ? Eh bien glorifie la justice ! Le mal est partout ? Eh bien, fais le bien ! La parole est dévastée, pourrie ? Eh bien recommençons à zéro et balbutions nos premiers mots !… »

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Extraits de : « Du bon usage des crises »  Christiane Singer  1943-2007.

Illustrations : 1/« Coucher de soleil à marée haute »  2/« La Valse »   3/« Clair de lune »   Félix Valotton  1865-1925.

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Plonger dans notre profondeur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Respirer…

mardi 29 août 2017

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« Destitué à la suite d’une faute, je n’avais pas de pays où rentrer. Je partis vers le sud sur un petit bateau et arrivai à Wu (Suzhou). On était au plus fort des chaleurs de l’été et la maison que je louai était, comme toutes celles de l’endroit, si étriquée qu’on ne pouvait y respirer. Je cherchais sans succès une demeure vaste et aérée où vivre à mon aise.

Un jour que je passais près de l’école de la préfecture, je vis à l’est une dense végétation autour d’une haute colline et un large cours d’eau, comme on en voit guère à l’intérieur des remparts d’une ville. Je fis quelques centaines de pas vers l’est le long de l’eau sur un étroit sentier bordé de fleurs variées et de grands bambous, et arrivai sur une terre à l’abandon de quatre ou cinq cents pieds de côté, entourée d’eau sur trois d’entre eux. Elle se déployait au sud d’un petit pont, sans une habitation contiguë ni rien, à gauche et à droite, que des arbres, écrans feuillus percés de lumière.

Je m’informai auprès de vieux habitants du voisinage. C’était, me dit-on, l’ancien jardin de Sun Chengyou, parent du roi Qian. La grâce de ses reliefs était intacte et son dessin originel se devinait encore. Épris, je le parcourus en tous sens et finis par l’acquérir pour la (modeste) somme de quarante mille sapèques.

J’ai construit sur la colline au nord un Kiosque que j’ai nommé Les Vagues Bleues. J’ai mis des bambous devant et de l’eau derrière, puis encore des bambous au nord de l’eau et ainsi à l’infini, courants transparents et troncs verts dont les reflets et les ombres mêlées pénètrent par les portes et les fenêtres, encore plus beaux associés au vent ou à la lune. Je m’y rends souvent en barque, vêtu sans façons, et je m’y sens si dispos que j’oublie de rentrer. Je bois et chante, ou m’assieds dans la posture des taoïstes et pousse leur long sifflement. Mes rustiques voisins ne me rendent pas visite mais les poissons et les oiseaux se réjouissent avec moi. Mon corps se détend, mon esprit s’apaise et comme je ne vois ni n’entends rien d’aberrant, ma raison s’éclaircit. Quand je repense au monde où la gloire alterne avec l’humiliation, où l’on se bat pour un avantage ou une perte infimes, je me dis qu’il faut être tombé bien bas pour se priver du charme véritable de la vie.

Les hommes sont séduits par les choses qui les entourent ; les passions qui les agitent alors refoulent leur vraie nature et ne s’assouvissent que par la possession des choses. À la longue, ils sont esclaves et les croient naturelles, ils ne peuvent plus chasser leur humeur morose s’ils ne trouvent pas des choses encore plus séduisantes. (…)

C’est parce que j’ai été destitué que j’ai acquis ce jardin ; j’ai trouvé la paix dans le détachement et ne veux plus courir avec les autres. Désormais je comprends mieux les causes de succès et d’échec dans nos rapports au monde… »

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Extrait de :« Les paradis naturels – Jardins chinois en prose » :

« Le kiosque des Vagues Bleues » SU Shunqin  1008-1048,

(traduit en 2001 par Martine Valette-Hémery)

 

Illustrations : 1/« Paysage »  2/« Libellule sur un bambou »  Qian Xuan  1235-1305.

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Découvrir notre vraie nature…

BVJ – Plumes d’Anges.

Féérie…

vendredi 25 août 2017

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« … 26° JOUR D’OCTOBRE, fête de sainte Comestible et de saint Haricot, ce que je trouve très drôle.

Aujourd’hui, Meg de la laiterie et moi, nous avons trié les pommes pour le cidre. Ma mère a la réputation de faire le meilleur cidre du comté de Lincoln. Elle prétend que c’est parce qu’elle mélange toujours quelques pommes gâtées avec les bonnes. Je me demande si c’est pareil avec les gens, c’est à dire que le monde a besoin de quelques gens mauvais pour obtenir un mélange meilleur. C’est peut-être la raison pour laquelle Dieu a laissé le Mal sur terre…

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26° JOUR DE FÉVRIER, fête de la saint Ethelbert de Kent, le premier roi anglais à devenir chrétien.

… Je regardais la lumière du petit matin qui traversait les vitres colorées en faisant des rayons rouges, jaunes et verts. Quand j’étais petite, j’essayais de capturer la lumière colorée. Je croyais que je pouvais la prendre dans ma main et la ramener à la maison. Maintenant, je sais que c’est comme le bonheur. Il est là ou pas, mais on ne peut pas le retenir dans ses mains pour le garder avec soi…

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1° JOUR DE MARS, fête de saint Dewi de Galles, qui ne but jamais de bière ni de vin, seulement de l’eau.

Quand je me marierai, ce ne sera pas une petite affaire minable qu’on devra régler au plus vite. Je sera vêtue de soie, il y aura de la musique, des bougies, et des invités importants venus de pays lointains qui auront des noms chantants. J’aurais les cheveux tressés de fils de soie, et je porterai une robe en soie safran, une cape rouge et des chaussures en cuir violet, brodées de fils d’argent et d’or. Ma ceinture aura des clochettes et sera sertie de fines pièces d’or en forme de fleurs et de feuilles. Mon bien-aimé, dans une cape de soie rouge écarlate, me rejoindra au manoir de mon père. Ses chevaux auront des fleurs et des rubans tissés dans leurs crinières, et leurs selles seront drapées de soie. Les musiciens, sobres et talentueux, nous conduiront à l’église en jouant de la flûte, des tambourins, des cymbales et de la lyre. Ce sera comme entendre le rire des anges et la pluie de printemps…

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… 2° JOUR D’AOÛT, fête de la sainte Sidwell, vierge dont la belle-mère jalouse incita les moissonneurs à la décapiter.

Dans le Grand-Pré, l’autre jour, j’ai remarqué que tous les arbres étaient courbés en avant, comme les vieux voûtés sous le poids de l’inquiétude. Mais de quoi peut s’inquiéter un arbre ? Du jour où les petits oiseaux nés parmi ses branches s’envoleront à la découverte du monde, en risquant de se faire attraper par un chat, lapider par les garçons, ou capturer par les hommes, sans avoir le temps de revenir lui dire au revoir ? S’inquiète-il, lors des étés chauds et secs, pour ses racines assoiffées qui ne peuvent pas crier pour avoir de l’eau et à qui on n’offre jamais de bière ? S’inquiète-t-il, alors, de savoir si ses feuilles feront de superbes dégradés rouges et or admirés de tous, ou si elles se contenteront juste de se rider et de tomber, ou de s’envoler à cause d’un vent ou d’une pluie précoce ? Redoute-t-il d’être abattu pour la construction d’une maison, d’une grange, d’un bélier ou, pire encore, d’armes guerrières. Ou d’être choisi comme potence pour un voleur qui pendrait à ses branches comme un fruit putride et aucune fille ne serait allongée à l’ombre de son feuillage pour regarder en l’air et rêver. J’aimerais tant pouvoir le leur demander… »

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Extraits de : « Le livre de Catherine »  1998  Karen Cushman.

Illustrations : 1/« Allégorie du Triomphe de Vénus (détail) »  Angelo Bronzino  1503-1572  2/« Arbrisseaux »  Léon Spilliaert  1881-1946.

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Saupoudrer notre vie d’un peu de féérie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Jeu de la vie…

lundi 21 août 2017

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… « Lorsque nous réalisons le rêve du monde, nous sommes un peu dans la même

situation que Mollah Nasrudine dans une histoire qui se raconte en Turquie…

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… Son voisin lui avait annoncé que sa femme le trompait avec le boulanger. Fou de jalousie et de douleur, il partit l’attendre caché derrière un arbre avec un sabre. Le Mollah ne plaisantait pas. Il était encore jeune à l’époque et sa fureur augmentait d’instant en instant. Il trépignait d’impatience… Mais brusquement, il réalisa qu’il n’était pas marié et qu’il n’avait pas de femme…

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… Le monde n’est qu’un rêve. Quel soulagement !… Nous pouvons enfin poser la valise de la « réalité », lourde, encombrante, pesante, qui nous empêche de nous mouvoir avec légèreté dans le jeu de la vie. »

 

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FÊTER LA BEAUTÉ DU MONDE,

NE PAS PERDRE NOTRE ÉNERGIE À RELEVER CE QUI NE VA PAS !

J’ESPÈRE QUE LA LUMIÈRE A JOYEUSEMENT ACCOMPAGNÉ VOS VACANCES

ET SUIS HEUREUSE DE REVENIR PARTAGER CES MOTS AVEC VOUS…

Extraits de : « L’univers est un rêve » – Bonheur  – 2005 – Erik Sablé.

Illustrations : « Tarot dit de Charles VI – La lune, le soleil, le monde » – Anonyme du XVème siècle.

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Prendre du recul pour dévoiler la vraie vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Noblesse…

lundi 10 juillet 2017

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« … « Il m’a fait traverser les montagnes dans le noir, avec une boussole dans la tête et pas dans la main. Il nous a traités en êtres humains et pas en troupeau à tondre. . Il nous a rendu notre argent, il s’est retourné et il est parti très vite en se bouchant les oreilles pour nous faire comprendre qu’il n’avait pas besoin de remerciements. Nous sommes restés bouche et mains ouvertes, certains étaient touchés aux larmes. J’écris ces pages par gratitude. »…

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… Quelqu’un me dit à voix basse qu’il a aidé lui aussi un réfugié. Il prend un air de conspirateur, conscient de commettre une transgression. C’est peut-être comme ça dans la plaine, ici on fait autrement. Il les appelle des réfugiés. Pour moi, ce sont des voyageurs d’infortune qui en ont trop eu à la fois. Ils tentent de s’en débarasser avec le voyage. L’infortune est une gale à gratter. Nombre d’entre eux ne parviennent pas à s’en défaire, elle pèse lourd sur leur dos, elle les écrase…

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… «  C’est la première fois que tu éprouves cette miséricorde ? »

Je la découvre devant ce crucifié nu.

« Jamais avant pour un vrai corps ? »

Pas de façon aussi forte : il existe des livres qui font ressentir un amour plus intense que celui qu’on a connu, un courage plus grand que celui dont on a fait preuve. C’est l’effet que doit produire l’art : il dépasse l’expérience personnelle, il fait atteindre des limites inconnues au corps, aux nerfs, au sang. Devant ce moribond nu, mes entrailles se sont émues. Je sens un vide dans ma poitrine, une tendresse confuse, un spasme de compassion. J’ai mis la main sur ses pieds pour les réchauffer…

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… Il sort un petit bloc d’albâtre d’un bout de tissu, prélevé dans une carrière utilisée uniquement pour les sculptures. Il a des veines de moutarde, c’est du travertin d’Acquasanta, pour être précis. Il ne veut pas être payé. L’usage est sacré et sa religion prescrit les offrandes.

Il existe une économie de la gratuité, quelque chose en échange de rien, mais comme symbole de beaucoup. J’accepte, c’est un bloc rare. (…)

Il me dit que je suis tenu de faire un chef d’œuvre. Comment le puis-je, je ne suis ni brillant ni génial.

« Qui crois-tu être si tu n’es ni brillant ni génial ? Nous sommes tous les enfants de la divinité. Jouer le rôle des incapables ne rend pas justice à notre créateur. Ce n’est pas bien de nous rabaisser, pour ne pas déranger ceux qui nous entourent. Nous sommes conçus pour briller comme le font les enfants. Nous devons afficher avec gratitude les dons reçus. Quand tu es brillant et génial, tu encourages les autres à l’être eux aussi. »… »

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Extraits de : « La nature exposée »  2017  Erri De Luca.

Illustrations : 1/« Marmolata dans les Dolomites »  Edward Théodore Compton  1849-1921   2/« Christ crucifié » (détail)  Diego Velasquez  1599-1660.

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Sculpter notre âme…

BVJ – Plumes d’Anges.