Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Apaisante verdure…

jeudi 7 juin 2018

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« … Au printemps, selon Goethe, (…)

« L’air est calme et calme la brise,

La jeune verdure se mire dans l’opulente rive

Le printemps est à l’œuvre et il vit. »…

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La contemplation n’est pas tout, loin de là. Il nous faut en venir au parcours des prairies, source de jubilation, à la joie parfois sauvage, éprouvée en ce lieu et dite par ceux qui l’on gardée en mémoire. La prairie, contrairement au pré, autorise des marches longues, des errances, des traversées ; ce qu’à propos du XIXème siècle, Denise Le Dantec qualifie de promenades dans la « plénitude herbeuse ». Celle-ci permet d’éprouver le vent, les brises, les ondulations vertes, les effets de la pluie sur les étendues d’herbe. À l’origine se trouve l’envie de marcher longuement dans l’herbe, de la fouler, de courir à travers, de chercher ce qu’il y a dans son épaisseur ; en un mot, tout ce qui relève de l’herbe ressentie par le corps en mouvement. Distinguons le plaisir de marcher longuement sur l’herbe et le plaisir que procure cet exercice, celui de fouler l’herbe.

« En route ! s’écrie Flaubert, alors dans le voisinage de Crozon, au cours de sa promenade par les champs et les grèves, le ciel est bleu, le soleil brille, et nous sentons dans les pieds des envies de marcher sur l’herbe. »...

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… À la même époque, outre-Atlantique, Henry David Thoreau prononce une conférence intitulée : « Marcher », lui qui assure que « la santé d’un homme exige autant d’arpents de prairies à regarder que sa ferme a besoin de tombereaux de fumier. Ce sont là les nourritures où il puise ses énergies ». Pour sa part, au cours de cette conférence, il confie un souvenir : « Nous marchions dans une lumière si pure et si brillante qui dorait les herbes et les feuilles fanées, si doucement et sereinement brillante, que j’ai pensé n’avoir jamais baigné dans un tel flot d’or »…

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… « Le peuple des prés m’enchante, écrit René Char. Sa beauté frêle et dépourvue de venin, je ne me lasse pas de la réciter. Le campagnol, la taupe, sombres enfants perdus dans la chimère de l’herbe, l’orvet, fils du verre, le grillon, moutonnier comme pas un, la sauterelle qui claque et compte son linge, le papillon qui simule l’ivresse et agace les fleurs de ses hoquets silencieux, les fourmis assagies par la grande étendue verte, et immédiatement au dessus les météores hirondelles… Prairie, vous êtes le boîtier du jour. »…   »

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Extraits du livre : « La fraîcheur de l’herbe »   2018   Alain Corbin.

Illustrations : 1/ « Paysage de prairie »  Kyriak Kostandi  1852-1921  (illustration déjà utilisée –>  là  ) 2/ « Mante religieuse » Edward Julius Detmold  1883-1957  (Wikipedia-« Livre des Insectes » avec Jean-Henri Fabre)

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Gambader joyeusement dans les prairies…

BVJ – Plumes d’Anges.

Retour vers un futur…

lundi 4 juin 2018

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« … Tu pourrais écrire sur maintenant, a dit Eva, sur l’époque actuelle…

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… Nous hochons chacune la tête, nous sourions. Nous essayons chacune de nous attaquer à la difficile tâche de se remémorer le plaisir du passé sans lui accorder d’importance dans le présent…

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… Pendant longtemps rares étaient les jours durant lesquels le courant n’était pas coupé au moins une fois. À la fin, rares étaient les jours où le courant revenait. À un moment nous nous sommes rendu compte que nous avions perdu l’habitude de chercher à tâtons l’interrupteur en entrant dans une pièce…

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… Ta vie t’appartient. Lorsque l’une de nous courait vers elle pour se plaindre de l’autre – Eva refuse d’être le prince, Nell est en train de couper les cheveux de sa poupée, Eva ne veut pas ranger sa chambre – elle répondait mi-fermement, mi-fièrement, Sa vie lui appartient. Et la tienne aussi. Un jour tu comprendras…

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Le soleil était comme une main sur mes épaules, les oiseaux chantaient au bord de la clairière et un papillon s’est posé sur le sol nu à côté de moi. Il est resté immobile un instant, puis a fermé et ouvert ses ailes plates et s’est envolé. J’ai oublié de scruter la forêt pour voir s’il y avait un intrus.

Je me suis rappelé les graines. (…) L’Encyclopédie rappelle que la seule raison d’être d’une fleur, c’est de produire des graines. Toute cette couleur, ce parfum et ce nectar existent uniquement pour attirer l’attention des insectes ou profiter du vent. La raison d’être d’une fleur, ce sont ces minuscules taches et boutons anodins et inertes, ces paumes ouvertes pleines de chromosomes qui nous nourriront peut-être un jour…

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J’avais presque décidé de n’en garder aucun, quand un livre qui se trouvait toujours sur l’étagère à moitié vide a attiré mon regard. Je ne l’avais pas lu, n’avais fait rien de plus que parcourir ses mille pages, pourtant j’ai brusquement su qu’il serait le troisième livre que je prendrais. Je l’ai descendu, j’ai tracé son titre du bout du doigt : Index : A-Z.

Je ne pouvais sauver toutes les histoires, sauver toutes les informations – c’était trop vaste, trop disparate, peut-être même trop dangereux. Mais je pouvais emporter l’index de l’encyclopédie, je pouvais essayer de préserver cette liste majeure de tout ce qui avait été fait ou dit ou compris. Peut-être pourrions-nous créer de nouvelles histoires ; découvrir de nouveaux savoirs qui nous maintiendraient en vie. En attendant, j’emporterais l’Index pour ne pas oublier , afin de me rappeler – et de montrer à Burl – la carte de tout ce que nous avions dû abandonner derrière nous… »

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Extraits d’un livre très émouvant : « Dans la forêt »  2017 (en France) Jean Hegland.

Illustrations : 1/ « Fougères et roches »  et  3/ « Séquoia »   Albert Bierstadt  1830-1902   2/ « Papillon » détail d’une nature morte de Rachel Ruysch  1664-1750.

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Retrouver nos vraies richesses…

BVJ – Plumes d’Anges.

Chemins de l’être……

jeudi 31 mai 2018

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« … Antoine Vitez dit ceci : « J’étais enfant, je lisais Peer Gynt, je m’interrogeais sans cesse sur ces mots-là : être soi-même. Mon père les répétait souvent. Règle d’or : Être soi-même. Je ne comprenais pas : comment creuser en soi-même pour y trouver soi-même ? Et longtemps après, m’exerçant à l’art du théâtre, jeune acteur, j’essayais de trouver au fond de moi-même l’émotion, la vérité, le sentiment, la sensation et le sens, en vain. Je creusais profond dans moi-même. Un jour, j’ai lu que Stanislavski, le vieux maître, disait au débutant : que cherchez-vous en vous-même ? Cherchez devant vous, dans l’autre qui est en face de vous, car en vous-même il n’y a rien. Alors j’ai compris que ma quête était mauvaise et qu’elle ne menait nulle part, mais je n’avais toujours pas résolu cette énigme : être soi-même. Et j’ai trouvé, à présent, ce que c’est. Échapper aux simulacres, aux représentations, s’arracher au théâtre que l’on se fait de sa propre vie, aux rôles : l’amoureux, ou le père, ou le patron, le roi, le conquérant, le pauvre, la petite fille ou la prostituée, la devineresse et la grande actrice, tout, tout ce qui nous fait tant rêver depuis notre enfance, dépouiller tout cela, déposer à terre les vêtements imaginaires et courir nu. Ôter les pelures de l’oignon. Il n’y aura rien après la dernière pelure, pas de cœur, et pourtant, le sachant, je m’y acharnerai sans cesse. »…

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… Poser les questions qui dérangent. Tout est là. Toujours. C’est l’essence de l’esprit d’enfance…

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… Le merveilleux est partout, par tous les temps, de tous les instants, disait Benjamin Peret, et nous sommes aveugles… »

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Extraits de : « Vie de ma voisine »  2017  Geneviève Brisac.

Illustrations : 1/« Portrait de femme »  Giorgione  1478-1510  2/« À la recherche du temps perdu »  Charles Amable  1860-1926.

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Devenir soi-même…

BVJ – Plumes d’Anges.

Deux mondes…

lundi 21 mai 2018

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« … Croyez-vous aux signes ?

– Aux signes ? Oui, souvent.

– Ma vie a été parsemée de signes. Mais la difficulté, c’est bien-sûr de savoir les interpréter. Ils sont presque toujours à double tranchant. Ils aident ou ils blessent, selon la manière de les prendre…

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… Que pensez-vous de ces menaces ? me dit-il. Qu’est-ce-que cela signifie ? D’où peuvent-elles venir ?

– Du marais je suppose. Probablement des bergers. J’ai mon idée là-dessus. L’autre nuit, mes trois barbouilleurs ont filé à cheval.

– Les bergers ? Mais pourquoi ?

– Sans doute une affaire de pâtures. On dit que ce sont des fanatiques. Rien ne compte pour eux que leurs bêtes.

– J’ai l’impression que c’est plus grave (…) Il me regarda surpris.

– Voulez-vous dire qu’ils pourraient vouloir continuer à vivre dans cette misère ?

– Pauvreté, plutôt.

– Dans cette pauvreté, si vous voulez. Dans cette humiliation. Cela me paraît impensable. Nous leur donnons des salaires inespérés, des garanties sociales, et ce n’est qu’un début. Il y aura une ville, un port, des routes, des emplois nouveaux. Lorsque l’attention du pays sera tournée vers le Sud, nous pourrons assécher, introduire des tracteurs…

– Ils aiment leurs marais, leurs chevaux. 

– Mais qui parle de les en priver ? Vous savez bien Marc tout ce que nous pouvons leur apporter, et que nous respecterons leurs coutumes. Nous ne sommes pas des destructeurs. ..

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… je demande à Sophie ce qu’elle pense du chantier. Les bulldozers, les scrapers, les grues, la drague : tous ces animaux grinçants et soufflants qui mangent le sable, est-ce-qu’ils ne l’amusent plus ?

– Bof, dit-elle, pas vraiment !

Elle hausse les épaules et fait la moue. Elle préfère les grenouilles, les insectes. Qu’est-ce-qu’un camion, un bulldozer, auprès d’un scarabée ? Tiens, hier, elle a regardé l’œil d’une mouche. Fantastique ! Est-ce que les hommes pourraient construire l’œil d’une mouche ? D’ailleurs les mouches pensent, elle en est sûre. Elle prétend même qu’elle les a vu rire. Est-ce que j’ai une opinion là-dessus : le rire des mouches ?

De là, elle saute dans les étoiles. Il n’y a qu’un pas ! Qu’est-ce-qui se trouve derrière les étoiles ? Le ciel. Et derrière le ciel ? Le ciel encore, et puis le ciel. Elle y a souvent pensé, jusqu’au vertige, l’après-midi surtout. Je dis Pascal, les espaces infinis… Elle sait : son père lui en a déjà parlé. Mais ça n’arrange rien. Est-ce-que je crois en Dieu ? Elle, oui, « au fond », mais elle n’arrive pas à l’imaginer. Et la mort ? Elle a regardé les bêtes, les oiseaux, son oiseau mort. On dit que les hommes deviennent des oiseaux, des scarabées, des lézards ; que les oiseaux deviennent des hommes, peut-être des arbres, des fleurs. Et les enfants ? D’où ils viennent, les enfants. « Ah, ça, tu le demanderas à ta mère ! » Ce n’est pas ce qu’elle voulait dire : ça aussi, elle sait. Mais ils viennent de plus loin : comme un petit ruisseau qui coule longtemps sous terre, qui sort de terre, et à la fin y rentre. Qui lui a raconté cela ? Personne. Elle l’a inventé. Elle y pense souvent, et surtout le soir, dans son lit, avant de s’endormir. La nuit aussi, elle rêve des choses.

– Est-ce que tu rêves, toi ?… »

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Extraits de : « L’Homme de sable »  Jean Joubert  1928-2015.

Illustrations : 1/« Enfants dans les dunes »  George Hendrik Breitner  1857-1923  2/« Projet de building »  Antonio Sant’Elia  1888-1916   3/ « Pins et sable »  Yvan Chichkine  1832-1898.

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Veiller sur la belle nature…

BVJ – Plumes d’Anges.

Vagues à l’âme…

jeudi 17 mai 2018

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« … L’orage a crevé. Des déferlantes d’eau se sont abattues sur la maison. Le visage collé à la fenêtre, j’ai essayé de voir dehors. Les lampadaires étaient éteints. Il n’y avait plus de lumière. Dans la lueur des éclairs, les rochers qui encerclaient le phare semblaient voler en éclats…

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– Il faudrait pouvoir trier dans les souvenirs, vous ne croyez pas ?Trier et ne garder que le meilleur…

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… Vous savez, les sentiments amoureux… Qu’est-ce qui fait que l’on s’éprend, comme ça, au premier regard, sans jamais s’être vus avant ? Il y a des rencontres qui se font et d’autres, toutes les autres qui nous échappent, nous sommes tellement inattentifs… Parfois nous croisons quelqu’un, il suffit de quelques mots échangés, et nous savons que nous avons à vivre quelque chose d’essentiel ensemble. Mais il suffit d’un rien pour que ces choses ne se passent pas et que chacun poursuive sa route de son côté. Alors si ces deux-là se sont aimés…

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… « Ce monastère qui devait être une étape a été l’arrivée. Je reste ici, envoûté. Bonheur de marcher au milieu de la montagne. Le vent parfois, qui se fracasse. Et les étoiles, la nuit. Le soir, je me raconte sur mon petit carnet tout ce qui m’a rempli. Tout est si présent. Je ne trouve pas de mots pour l’exprimer. Peut-être une profonde intimité… »…

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Dans cette lettre Michel parlait du pardon, longuement. Il disait que le pardon n’était pas l’oubli, qu’il fallait savoir en parcourir le chemin, et il citait une phrase de Jean-Paul II, L’homme qui pardonne comprend qu’il y a une vérité plus grande que lui… »

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Extraits de : « Les déferlantes »  2008  Claudie Gallay.

Illustrations : 1/ « Phare dans les vagues »  Hendrik Willem Mesdag  1831-1915  2/« Neige »  Pekka Halonen  1863-1933.

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Cheminer jusqu’à la paix du cœur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Parfums d’enfance…

dimanche 29 avril 2018

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« … On se réfugiait dans sa penderie, elle était imprégnée de son odeur mêlée à celle de son parfum. S’asseoir par terre, au pied de ses robes, m’apaisait davantage que des caresses.

Ce parfum n’existe plus. Ils l’ont arrêté au début des années quatre-vingt-dix. On devrait trouver des moyens pour empêcher qu’un parfum s’épuise, demander un engagement au vendeur – certifiez-moi d’abord qu’il sera sur les rayons pour cinquante ou soixante ans, sinon retirez-le tout de suite. Faites-le pour moi et pour tous ceux qui, grâce à un flacon acheté dans une parfumerie ou un grand magasin, retrouve l’odeur de leur mère, l’odeur d’une maison, d’une époque bénie de leur vie, d’un premier amour ou, plus précieux encore, quasi inaccessible, l’odeur de leur enfance….

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Dans la voiture, mon père aimait glisser une cassette de Léo Ferré, il se délectait de sa propre mélancolie et des paroles d’Avec le temps, « Avec le temps, va, tout s’en va, même les plus chouettes souvenirs »… Je me sentais au contraire incroyablement soulagée à l’idée que l’on s’allégeait avec le temps, qu’on pouvait faire place nette, recommencer.

Je ne le crois plus, à présent. Qu’on en souffre ou qu’on ait du plaisir à revenir en arrière, je suis sûre qu’avec le temps « tout ne s’en va pas ».

Tout reste, les voix, les lieux, les images.

Tout demeure, à portée de pensée.

Et s’éclaircit… »

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Extraits de : « Les rêveurs »  2018  Très émouvant premier roman d’Isabelle Carré.

Illustrations : 1/« Magnolia blanc »  Pal Szinyei Merse  1845-1920  2/« Le 1° mai 1851 »  – détail –  Franz Xaver Winterhalter  1805-1874   3/« Fraises »  Virginie de Sartorius  XIXème.

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Se décider riches de tout notre passé…

BVJ – Plumes d’Anges.

Chant de l’oiseau…

jeudi 12 avril 2018

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« … La M’mé s’est mise à raconter, lentement, de cette voix de tombe, une histoire d’oiseau et de chant. Jeanne connaissait l’histoire. La M’mé racontait pour Zoé. Dans chaque vivant, homme ou bête, il y a un oiseau, a dit la M’mé, et cet oiseau a un chant. Il arrive que cet oiseau se taise ou se cache, il arrive aussi qu’il chante. Ce chant se voit dans les yeux, il apparaît sous la forme d’une part douce. Bien sûr, certains chants sont plus beaux que d’autres, mais il y en a un dans toutes les têtes et chacun doit faire en sorte que le chant de sa tête soit le plus beau possible. Il faut parfois une vie entière pour parvenir à faire chanter l’oiseau. Et il arrive qu’une vie n’y suffise pas. Parfois aussi, le chant est tellement pur que le monde entier s’arrête pour l’écouter. Entendre ce chant, a terminé la M’mé, c’est comme décrocher la lune.

Zoé a ri dans l’ombre. Décrocher la lune, ce n’est pas possible. 

– C’est justement parce que certaines choses ne sont pas possibles qu’il faut essayer de les faire , a dit la M’mé.

Il y a eu un silence. Après ce silence, des froissements de robe, des mouvements dans l’obscurité… »

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Extrait de : « La beauté des jours »  2017  Claudie Gallay.

Illustration : Peinture  mogohle anonyme du XVIIème (ici en deux parties) – « Deux Loriots (en haut : Loriot d’Amérique, en bas : Loriot à capuchon) »

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S’arrêter pour mieux entendre…

BVJ – Plumes d’Anges.

Papillonner…

lundi 9 avril 2018

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… « Odeur d’humus tiède, d’herbe foulée. Grésillement d’élytres. Très loin, dans un autre monde, le chant des oiseaux. Un timide effleurement sur la joue : la course hésitante d’une fourmi égarée. Je suis allongée par terre, le menton appuyé sur la main. Immobile, dans ce temps végétal où l’heure passe comme un instant. Mais mon œil voyage. Il grimpe le long des tiges, se pose sur les feuilles, s’égare parmi les nervures. Ces formes comblent mon regard comme aucun objet construit de main humaine n’a jamais su le faire…

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… « Une fleur tombée

Remonte à sa branche !

Non c’était un papillon »

MORITAKE

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Papillons et fleurs, créatures d’apparat qu’unissent de subtiles correspondances. Les botanistes n’ont-ils pas baptisé une famille entière de plantes du nom révélateur de Papilionacées ? Pois, luzerne, trèfle, vesce, figurent parmi ces adeptes du trompe-l’œil. Leurs corolles ambiguës sont flanquées de deux pétales courbes que l’on désigne par le terme d’ailes.

La fleur est un étendard vivant. Un appel coloré à l’adresse des insectes butineurs. Ses pétales s’assemblent comme les panneaux d’un polyptyque.

Le papillon est lui-aussi en constante représentation. Ses ailes, il les a sacrifiées à cette impérieuse exigence. Trop larges, trop plates, elles ne permettent qu’un vol hésitant, chaotique, qui est le jouet du moindre vent. Ce n’est plus une voilure, c’est une enseigne offerte au regard. Une miniature faite de milliers d’écailles colorées, imbriquées comme les tuiles d’un toit. Paul Signac ou Georges Seurat ne procédaient pas autrement lorsqu’ils disposaient sur leurs toiles toutes ces nuées de points colorés d’où naissaient des paysages.

Quel bénéfice le papillon tire-t-il de ces figures obstinément retranscrites, génération après génération ? Livrées de camouflage, couleurs d’ « avertissement » des papillons vénéneux signalant aux prédateurs leur caractère incomestible, couleurs mimétiques d’espèces comestibles « imitant » les insectes vénéneux pour bénéficier d’une protection usurpée, ces interprétations ingénieuses n’épuisent pas toute la richesse de ces débordements picturaux. La vie est un sphinx qui aime jouer aux énigmes… »

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Extraits de : « Éloge de l’herbe »  1988   Claude Nuridsany et Marie Pérennou.

Illustrations : 1/« Lupins bleus près de San Antonio »  Julian Onderdonk  1882-1922  2/Page d’un carnet d’aquarelles  d’ Anne Wagner 1795-1834.

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Visiter minutieusement les délices du printemps…

BVJ – Plumes d’Anges.

Ici ou là-bas…

vendredi 23 mars 2018

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« La nuit n’est jamais complète,

Il y a toujours,

Puisque je le dis,

Puisque je l’affirme,

Au bout du chagrin une fenêtre ouverte,

une fenêtre éclairée,

Il y a toujours un rêve qui veille

Désir à combler, faim à satisfaire,

Un cœur généreux,

Une main tendue, une main ouverte,

Des yeux attentifs,

Une vie, la vie à se partager. »

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BON PRINTEMPS À TOUTES ET À TOUS, VIVE LA POÉSIE !

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Poème de Paul Eluard  (1895-1952)  –  extrait du recueil  « Le Phénix ».

Illustration : détail de « Saint Jérôme à l’étude »   Antonello da Messina   1430-1479.

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Ici ou là-bas, aujourd’hui ou demain, une lumière brille pour nous…

BVJ – Plumes d’Anges.

Lumineux vertige…

lundi 19 mars 2018

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Les galaxies, ensembles de centaines de milliards d’étoiles liées par la gravité, ne sont pas distribuées au hasard dans l’espace. Elles aiment à s’assembler. Cet instinct grégaire est dû à la force de gravité qui attire les galaxies les unes vers les autres.Une fantastique hiérarchie de structures se révèle dans l’architecture cosmique. Si les galaxies sont comme des maisons d’une centaine de milliers d’années-lumière qui abritent les étoiles, les groupes de galaxies, rassemblements de quelques dizaines de galaxies, sont les villages de l’univers. Ainsi notre Voie lactée fait-elle partie du Groupe local qui comprend, outre notre galaxie, celle d’Andromède et une trentaine d’autres galaxies naines, plus petites et moins massives. Le Groupe local s’étend sur une dizaine de millions d’années-lumière. Mais il existe de plus grandes agglomérations. Les amas de galaxies qui rassemblent quelques milliers de galaxies s’étendent sur 60 millions d’années-lumière. Ce sont les villes de province de l’univers. Et l’architecture cosmique se poursuit. Les amas de galaxies s’assemblent eux-mêmes à cinq ou six pour former des superamas de galaxies contenant près d’une dizaine de milliers de galaxies et s’étendant sur 200 millions d’années-lumière. Notre Groupe local fait aussi partie du Superamas local qui rassemble en son sein une dizaine d’autres groupes et amas. Les superamas de galaxies s’agglomèrent à leur tour en d’immenses structures en forme de crêpes, de filaments et de murs de galaxies qui s’étendent à perte de vue sur des centaines de millions d’années-lumière, délimitant d’énormes vides dans le cosmos où l’on pourrait parcourir des centaines de millions d’années-lumière sans rencontrer galaxie qui vive. Les galaxies tracent dans le noir de la nuit une immense toile cosmique lumineuse devant nos yeux étonnés. Les superamas en structure de crêpes, de filaments et de murs, en constituerait la texture, les amas les plus denses, les « nœuds », et les grands vides, les « mailles ».

Face à cette immense toile cosmique, les vicissitudes du quotidien qui prennent parfois une importance démesurée dans nos vies apparaissent bien petites et mesquines. Cette architecture subtile du ciel invite à prendre de la hauteur…

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… Alors que le télescope continue de collecter la lumière de la galaxie bleue compacte, je réfléchis sur l’extraordinaire concours de circonstances qui a permis que je sois ici, au sommet d’un volcan en sommeil, à contempler l’univers. C’est un miracle que l’homme soit apparu dans cet univers si vaste et que, malgré l’insignifiance de sa place dans le cosmos, il soit assez intelligent pour comprendre l’univers, apprécier sa beauté et son harmonie, et assez doué pour reconstituer la merveilleuse fresque cosmique de quelques14 milliards d’années qui a mené du vide primordial jusqu’à lui. C’est un miracle que l’homme habite la planète Terre, la troisième à partir du soleil. Ce n’est pas le fait du hasard : notre planète est la seule dans le système solaire qui soit habitable car, au contraire des autres planètes, elle n’est ni trop brûlante ni trop glacée. La vie est fragile et délicate, elle requiert à la fois douceur et tiédeur… »

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Extraits de : « Une nuit »  2017  Trinh Xuan Thuan.

Illustrations : 1/« Plusieurs figures circulaires »   Vassily Kandinsky  1866-1944   2/« Fleurs »  Mihaly Munkacsy 1844-1900.

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Chercher la lumière dans la nuit…

BVJ – Plumes d’Anges.